Christian Doninelli – Alma & Georges /alma-georges Le magazine web de l'Université de Fribourg Tue, 17 Jun 2025 11:20:41 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.3.5 Des milliers de monnaies romaines sortent de l’ombre /alma-georges/articles/2025/des-milliers-de-monnaies-romaines-sortent-de-lombre /alma-georges/articles/2025/des-milliers-de-monnaies-romaines-sortent-de-lombre#respond Tue, 17 Jun 2025 11:19:19 +0000 /alma-georges?p=22416 La chaire francophone d’histoire de l’Antiquité de l’Université de Fribourg a réuni près de 2000 pièces de monnaies datant de l’époque romaine dans une base de données numérique. Longtemps invisibles, elles deviennent aujourd’hui accessibles aux numismates du monde entier. Cédric Brélaz, professeur d’histoire de l’Antiquité et directeur scientifique du projet, nous en explique tout l’intérêt.

Comment vous est venue l’idée de créer cette base de données numismatique?
Les humanités numériques sont aujourd’hui très en vogue dans les sciences humaines, à tel point que le Fonds national suisse exige désormais la création de bases de données pour tout projet qu’il finance. Dans certains cas, cela a du sens, dans d’autres beaucoup moins. Mais pour la numismatique, c’est réellement pertinent. Dans le cadre de ce projet, nous avons affaire à des milliers de pièces, souvent très similaires, disséminées entre plusieurs institutions: le Musée d’art et d’histoire de Fribourg, le Musée de Morat, le Musée Bible+Orient de notre Université. Jusqu’à présent, elles étaient peu ou pas étudiées, et rarement publiées dans leur intégralité.

L’objectif est-il de réaliser des analyses statistiques?
Avant tout, cette base permet une diffusion des données bien plus ergonomique que les publications traditionnelles. Pendant longtemps — et encore aujourd’hui — les pièces étaient publiées dans des catalogues imprimés, avec des planches de photographies souvent de qualité médiocre. Grâce aux outils numériques, on accède plus facilement à l’information, et l’on peut effectivement produire des analyses, croiser les données, interroger un corpus de pièces sur divers critères. Il faut garder à l’esprit que ces objets sont rarement uniques: les monnaies étaient frappées à des centaines de milliers d’exemplaires. L’un des grands bénéfices, c’est qu’un chercheur ou une chercheuse, en Amérique du Nord par exemple, peut désormais consulter ces pièces sans avoir à se déplacer.

A qui s’adresse cette base de données?
Il y a deux publics cibles. D’une part, un public érudit, passionné par le patrimoine. C’est d’ailleurs une mission fondamentale de l’Université: jouer un rôle de passeur entre les collections publiques et la société. D’autre part, cette base vise évidemment la communauté scientifique. De nombreuses pièces conservées ici échappaient jusqu’alors aux radars de la recherche internationale, faute de publication. Or, les chercheurs et chercheuses en numismatique ont besoin d’accéder à un maximum de spécimens. Cette base fribourgeoise leur offre une nouvelle source de données précieuse.

Ces pièces avaient-elles déjà été étudiées?
Non, il a fallu tout reprendre depuis le début. Pour la collection du Musée d’art et d’histoire, cela représente environ 1500 pièces, majoritairement romaines. Un inventaire sommaire existait, réalisé par des collaborateur·trice·s du musée et du Service archéologique de l’Etat de Fribourg. Nous avons mené ce travail dans le cadre de mes cours de numismatique, avec les étudiantes et étudiants. L’une d’elles, Julie Python, y a même consacré son mémoire de master et une autre, Alicia Lehmann, travaille actuellement sur ce matériel.

Cela a dû être un vrai travail de bénédictin!
Effectivement! Il a fallu identifier chaque pièce — c’est ce qu’on appelle la détermination —, les décrire précisément, évaluer leur état de conservation et les rattacher à des types déjà connus dans la littérature spécialisée. Ce travail a été complété par des photographies de très haute qualité, réalisées par un photographe professionnel ici à Fribourg.

Y a-t-il des pièces particulièrement remarquables dans cette collection?
Ma réponse peut paraître paradoxale: non, il n’y a pas de pièce véritablement exceptionnelle, et c’est justement ce qui fait l’intérêt de la collection. La numismatique ne s’intéresse pas seulement aux objets rares ou esthétiques. Elle repose aussi — et peut-être surtout — sur l’étude des pièces ordinaires, très largement diffusées dans l’ensemble de l’Empire romain. Les petites pièces en bronze, de faible valeur, servaient aux achats quotidiens. Elles sont souvent corrodées, en mauvais état, mais leur intérêt scientifique est majeur. Elles permettent d’étudier les réseaux de diffusion monétaire et les usages économiques. Cela dit, il y a aussi quelques pièces remarquables, comme cette monnaie en or issue d’un trésor découvert à Portalban au début du XXᵉ siècle. Elle constitue le fleuron de la collection du Musée d’art et d’histoire. Mais, d’un point de vue scientifique, les plus belles pièces ne sont pas nécessairement les plus importantes.

Qu’en est-il du contexte archéologique de ces monnaies?
C’est un vrai problème. La plupart des collections ont été constituées à partir de donations privées dès la fin du XVIIIᵉ siècle. A Fribourg, certaines pièces proviennent même de dons faits par des officiers fribourgeois au service du roi de France qui avaient reçu des monnaies du Cabinet des médailles à Paris. A l’exception des pièces du trésor de Portalban, nous ne connaissons pas le contexte archéologique précis des objets. Or, cela constitue une perte d’informations historiques considérable. On ignore le lieu exact de découverte, les objets associés et on ne peut donc pas dater l’enfouissement avec précision. Il y a un enjeu éthique majeur: le marché de l’art numismatique est légal, mais les pièces qui y circulent proviennent parfois de fouilles illégales.

Est-ce que cette base pourrait intéresser des collectionneurs privés ?
Ce n’est pas l’objectif premier, mais ce serait un développement idéal. Un collectionneur privé, resté anonyme, nous a déjà confié une très belle collection de 323 pièces qu’il a acquises légalement. Il en reste propriétaire, bien sûr, mais il nous a permis de les étudier avec les étudiant-e-s, ce qui est une opportunité précieuse. J’ai d’ailleurs organisé un colloque début avril sur cette question. Des collectionneuses et collectionneurs étaient présent·e·s et je leur ai lancé un appel: si certains souhaitent nous confier leurs pièces à des fins scientifiques ou didactiques, ce serait formidable. L’idéal serait bien sûr qu’ils en fassent don à l’Université.

Comment cette base a-t-elle été créée techniquement?
Elle a vu le jour grâce à un soutien du Fonds d’innovation pédagogique de la Faculté des lettres et des sciences humaines. La réalisation technique a été assurée par la Direction informatique de l’Université, et plus précisément par son service dédié aux bases de données éducatives en la personne de M. Alrick Deillon. Elle fonctionne très bien, mais l’étape suivante, que j’ai évoquée lors du colloque, serait de l’intégrer aux grandes plateformes internationales déjà existantes. Il existe des bases majeures comme celle de l’American Numismatic Society à New York, du Cabinet des médailles à Paris, des Musées de Berlin ou du British Museum. L’objectif serait que notre base fribourgeoise, modeste mais solide, puisse rejoindre ce réseau. Ce serait à la fois un aboutissement et un point de départ vers un projet de plus grande ampleur.

La communauté scientifique pourrait-elle remettre en question certaines de vos déterminations?
Absolument, et c’est même souhaitable. L’un des avantages du numérique, par rapport à l’imprimé, est que les données peuvent être mises à jour en continu. C’est une force, mais aussi un piège: tout semble toujours provisoire, et cela peut nuire à la rigueur. Cela dit, nous restons ouverts à la discussion. Si des collègues repèrent des erreurs ou souhaitent corriger certains points, ce serait extrêmement précieux. La base a vocation à évoluer, à s’enrichir et à devenir un véritable outil collaboratif au service de la recherche.

Photo d’illustration: Aureus de Vespasien représentant le portrait de Titus, atelier de Rome, 75 ap. J.-C. Trésor de Portalban, Musée d’art et d’histoire de Fribourg, n° inv. 16336.

_________

 

 

]]>
/alma-georges/articles/2025/des-milliers-de-monnaies-romaines-sortent-de-lombre/feed 0
Les plantes seront son métier, mais les fourmis sont sa passion. /alma-georges/articles/2025/les-plantes-seront-son-metier-mais-les-fourmis-sont-sa-passion /alma-georges/articles/2025/les-plantes-seront-son-metier-mais-les-fourmis-sont-sa-passion#respond Mon, 02 Jun 2025 07:41:29 +0000 /alma-georges?p=22388 À 17 ans, Gaël Rey, apprenti jardinier, est incollable sur les hyménoptères qui peuplent le Jardin botanique de Fribourg. Ce mercredi 4 juin, notre Ant-Man préféré vous embarque pour un voyage fascinant au cœur du monde des fourmis.
Un avant-goût en vidéo. 

__________

]]>
/alma-georges/articles/2025/les-plantes-seront-son-metier-mais-les-fourmis-sont-sa-passion/feed 0
«La liberté et la démocratie ne sont jamais acquise pour toujours» /alma-georges/articles/2025/la-liberte-et-la-democratie-ne-sont-jamais-acquise-pour-toujours /alma-georges/articles/2025/la-liberte-et-la-democratie-ne-sont-jamais-acquise-pour-toujours#respond Fri, 30 May 2025 07:30:45 +0000 /alma-georges?p=22368 Invité de la 49ᵉ Journée de l’Europe à l’Université de Fribourg, l’ambassadeur de l’Union européenne en Suisse, Petros Mavromichalis, a livré un discours engagé sur les valeurs fondamentales de l’UE face aux menaces de la désinformation et dans un contexte géopolitique tendu. Son intervention est à (re)voir en vidéo.

__________

]]>
/alma-georges/articles/2025/la-liberte-et-la-democratie-ne-sont-jamais-acquise-pour-toujours/feed 0
Gastromancie ou l’art de la divination culinaire /alma-georges/articles/2025/gastromancie-ou-lart-de-la-divination-culinaire /alma-georges/articles/2025/gastromancie-ou-lart-de-la-divination-culinaire#respond Mon, 26 May 2025 08:31:31 +0000 /alma-georges?p=22279 Vous les avez peut-être aperçus sur le campus de Pérolles. Dans leur carriole, deux comédiens de la compagnie Cécile D. ont questionné les étudiant·e·s de passage sur leurs habitudes alimentaires. Forts du soutien de deux sociologues de l’Université, Camille Piller et Daniel Jeanloz ont mis au point une nouvelle technique d’entretien, tout en douceur, la gastromancie.

Comme pour échapper aux premiers rayons qui frappent le campus de Pérolles, une étudiante, intriguée, pénètre dans une remorque ressemblant à s’y méprendre à un food truck miniature. Coincé derrière une petite table, Daniel Jeanloz, comédien de la Compagnie Cécile D, l’y accueille chaleureusement avant de lui tirer des cartes. Avec sa collègue Camille Piller, il a concocté un nouvel art divinatoire: la gastromancie. «C’est une mise en scène qui nous permet de cuisiner à feu doux les participant·e·s afin de découvrir leurs habitudes alimentaires», explique avec malice Daniel Jeanloz.

Slow soul food
L’entretien débute à l’extérieur de la carriole par une conversation conviviale arrosée de sirop. Les participant·e·s sont ensuite convié·e·s à remplir un «gastrogramme» où figurent plusieurs questions, dont «quel plat vous met en joie? quel met vous révolte?». Les réponses servent de base à la séance de gastromancie qui, elle, se déroule à l’intérieur de la carriole. Daniel Jeanloz, qui incarne un voyant, révèle à la personne qui le consulte ce que son destin lui mijote. Ce protocole particulier permet de facilement faire ressortir des histoires, des anecdotes autour de l’alimentation. Les deux comédiens, véritables maïeuticiens de l’âme, comptent en extraire la substantifique moëlle qui servira de base à leur prochain spectacle.

Théâtre et sociologie
Au bénéfice d’une bourse du Service de la Culture de Fribourg, Camille Piller et Daniel Jeanloz ne se trouvent pas à Pérolles par hasard. Ils ont choisi l’Université de Fribourg comme lieu de résidence artistique. Souhaitant explorer la problématique de l’alimentation, ils ont contacté Murielle Surdez et Lucien Delley du Département de sociologie. «C’est allé au-delà de nos espérances, rigole Camille Piller, nous avons été littéralement submergés d’informations. Tout le monde doit s’alimenter, c’est donc un sujet tentaculaire, économique, ethnologique, etc. Il existe même des «food studies»!

Daniel Jeanloz accueille votre serviteur dans sa carriole.

Cette rencontre entre théâtre et sociologie avait aussi pour but de mettre au point des méthodes d’entretien novatrices, d’affiner leur « extralucidité », en somme. Et c’est ainsi qu’ils ont eu l’idée de mettre sur pied des séances de gastromancie, durant lesquelles ils apprêtent les participant·e·s avec mille précautions, la cuisson lente étant  la signature culinaire de la Compagnie Cécile D. «Un questionnaire à la mode des sociologues manque de convivialité et une interview d’humanité, relève Camille Piller, notre protocole, grâce à sa théâtralité, permet de se mettre à table en douceur.» Cette approche originale a particulièrement séduit Lucien Delley, sociologue à l’Université de Fribourg. Loin de trouver incongrue la rencontre entre son monde et celui du théâtre, il y voit la possibilité de «reconfigurer les modalités d’enquête ethnographique et considère le théâtre comme une médiation entre la science et les publics qu’elles cherchent à interroger.»

Plus méticuleux qu’un chef étoilé, les deux comédiens ont encore fait appel aux conseils de Charlotte Curchod, recueilleuse de récits de vie. «Je leur ai expliqué comment faire pour que la rencontre se passe au mieux, mais je dois dire que l’espace d’accueil qu’ils ont créé, la carriole en particulier, créer une intimité et permet, très vite, à la parole de se développer.»

On ne joue pas avec la nourriture
Derrière l’aspect théâtral et comique de la mise en scène, les deux comédiens ont très vite remarqué que la nourriture, et plus particulièrement notre rapport à la nourriture, provoque des émotions qui sont loin d’être anodines. «Lors de mon premier entretien, une personne s’est confiée sur ses problèmes d’anorexie, se remémore Daniel Jeanloz. J’ai tout de suite pris conscience de ma responsabilité et décidé qu’il ne fallait pas pousser le jeu trop loin.»

Mais le contexte s’est véritablement avéré propice à la confidence. Testé sur une trentaine de personnes, les séances de gastromancie se sont avérées extrêmement prolifiques! «Souvent, on nous raconte des histoires autour d’un plat ou un repas de famille qui évoque avec nostalgie le passé, le temps où tout le monde était réuni, raconte Daniel Jeanloz, mais on aborde aussi très vite des thématiques touchantes, sans rapport direct avec la nourriture.» Le comédien se souvient de cet étudiant qui se demandait quand enfin il serait heureux, de cette autre étudiante qui lui demandait, à lui le mage, comment elle doit se comporter avec une personne qui ne l’aime pas. «Les gens se mettent très vite à table, constate Daniel Jeanloz, ce qui me rappelle d’ailleurs que je dois vraiment mettre au point un costume pour rappeler aux participant·e·s que ce n’est que du théâtre!»

De la nourriture pour un prochain spectacle
La Compagnie Cécile D compte bien utiliser tout le matériel récolté au cours de cette résidence artistique à l’Université de Fribourg pour créer un spectacle itinérant, sa spécialité. «Cela pourrait prendre la forme d’un spectacle de rue agrémenté d’un repas canadien, imagine Camille Piller, et, grâce aux anecdotes glanées durant cette phase préliminaire, les spectateurs et spectatrices pourront s’y reconnaître.» La succession des services n’est pas encore connue, mais une chose semble certaine: cela sera de la cuisine concoctée avec amour par deux toques du cru avec des anecdotes savoureuses issues du terroir fribourgeois.

_________
]]>
/alma-georges/articles/2025/gastromancie-ou-lart-de-la-divination-culinaire/feed 0
Nuit des Musées : découvrez les origines de la neutralité helvétique! /alma-georges/articles/2025/nuit-des-musees-decouvrez-les-origines-de-la-neutralite-helvetique /alma-georges/articles/2025/nuit-des-musees-decouvrez-les-origines-de-la-neutralite-helvetique#respond Thu, 22 May 2025 10:50:02 +0000 /alma-georges?p=22350 Ce samedi 24 mai, à l’occasion de la Nuit des Musées, les Archives de l’État de Fribourg ouvriront leurs portes pour exposer un document historique d’exception: le traité de paix perpétuelle. Signé en 1516, ce traité unique tant par sa forme que par sa portée symbolique est considéré par les historien·²Ô±ð·s comme une étape fondatrice vers la neutralité suisse.

________

]]>
/alma-georges/articles/2025/nuit-des-musees-decouvrez-les-origines-de-la-neutralite-helvetique/feed 0
Dans l’ère du temps /alma-georges/articles/2025/dans-lere-du-temps /alma-georges/articles/2025/dans-lere-du-temps#respond Wed, 21 May 2025 13:21:49 +0000 /alma-georges?p=22343 Dans nos sociétés du «tout numérique», notre rapport au temps évolue au gré des avancées technologiques. Pour échanger sur le rapport entre temps et numérisation et ses impacts sur notre qualité de vie, un symposium interdisciplinaire s’est tenu à l’Université de Fribourg.

«Le temps, c’est de l’argent», écrivait Benjamin Franklin en 1748. Mais le temps est bien plus que cela. S’il a toujours été une valeur limitée car non extensible, aujourd’hui il est devenu une denrée rare. Gagner du temps est une gageure, ne pas en perdre une obligation. De la rationalisation du travail survenue durant la Révolution industrielle à la possibilité d’être connecté·e·s 24h/24, notre rapport au temps a considérablement changé aussi bien dans nos vies professionnelles que privées. Avec pour conséquence un sentiment d’accélération continue, comme si les jours, les mois et les années passaient de plus en plus vite. L’utilisation de technologies numériques a encore accentué le phénomène, car en nous permettant d’être stimulé·e·s facilement, à tout moment et n’importe où, nous sommes constamment sollicité·e·s. Mais quels sont les impacts de ces changements sur notre qualité de vie? Pour y répondre, des expert·e·s de six pays européens, dont la Suisse, analysent en quoi la perception, l’utilisation et l’allocation du temps sont influencées par le niveau de numérisation et les normes culturelles.

Expériences temporelles étudiées
Réuni·e·s au sein d’un vaste projet baptisé TIMED, ces chercheur·euse·s décortiquent le rapport entre temps et numérisation. «Le projet européen consacré à l’expérience du temps à travers l’Europe à l’ère digitale réunit des sociologues, des philosophes, des ingénieurs, des psychologues et des spécialistes des médias. L’intérêt de ce symposium organisé à l’Université de Fribourg est de les réunir, ainsi que des personnes externes avec lesquelles nous pouvons échanger, réfléchir aussi à l’impact de nos résultats de recherches.», explique Chantal Martin Sölch, Vice-rectrice et professeure de psychologie clinique et de la santé à l’Université de Fribourg. Cette journée d’échanges interdisciplinaires favorise aussi le réseautage, le dialogue et les collaborations. De quoi mettre en valeur l’état des recherches sur des thématiques aussi variées que de comprendre comment les jeunes négocient le temps d’accès aux médias sociaux et à la socialisation ou le harcèlement numérique et les activités des jeunes en ligne, sans oublier aussi d’échanger sur les perceptions que nous pouvons avoir du temps qui passe. «Nous avons mené des études qualitatives par le biais d’entretiens avec différentes personnes dans tous les pays d’Europe associés au projet. Il en ressort que l’utilisation des technologies digitales nous vole du temps, les gens ont l’impression de perdre leur temps, de ne plus avoir la mesure du temps lorsqu’ils et elles sont sur les médias sociaux. Mais d’un autre côté, on constate que les personnes plus jeunes ont développé leurs propres stratégies pour diminuer le temps qui leur est volé sur les réseaux sociaux. Il y a donc une sorte d’apprentissage, d’adaptation qui se met en place.», précise Chantal Martin Sölch. La réflexion porte aussi sur la pression du temps qu’opère la digitalisation. «Nous recevons plus de messages, nous sommes constamment sollicité·e·s par tous les canaux et cela crée une plus grande charge mentale. Mais de l’autre côté, il y a le lien à la productivité. Lorsqu’on a le sentiment d’avoir été productif·ve, d’avoir gardé le contrôle, cela engendre un sentiment de satisfaction et de bien-être».

Se réapproprier le temps
L’étude menée par TIMED démontre que les personnes sondées ont le sentiment que les médias sociaux tuent leur temps. Or, Chantal Martin Sölch est convaincue «qu’il faut apprendre ou réapprendre à gérer son temps entre productivité au travail, temps de loisirs et pourquoi pas, perdre son temps. Il ressort aussi de nos recherches qu’il est difficile pour les gens d’avoir l’impression de ne rien faire de son temps. Cela engendre beaucoup de culpabilité. Ce qui est aussi le cas lorsque des personnes ont l’impression de perdre du temps parce qu’elles ont passé un moment plus ou moins long à regarder des vidéos sur les réseaux sociaux.» Se réapproprier son temps est donc nécessaire, quitte à se priver momentanément du numérique.

L’affect positif du Sudoku
Les chercheur·euse·s de TIMED ont analysé l’impact que peut avoir une privation numérique de sept minutes et demie sur l’état psychophysiologique et la perception du temps. Pour ce faire, 90 participant·e·s, réparti·e·s en trois groupes, devaient soit utiliser librement leur smartphone, soit effectuer un sudoku, soit attendre (privation numérique passive). Activité électrodermale, rythme cardiaque, état affectif des sujets ont été recueillis. Il ressort de cette expérience que les participant·e·s n’exerçant aucune activité s’ennuyaient plus que les sujets «actifs» et avaient le sentiment que le temps passait plus lentement. «Le Sudoku a induit plus d’affect positif et était plus engageant sur le plan cognitif que l’utilisation gratuite d’un smartphone en ce qui concerne les mesures de la variabilité de la fréquence cardiaque. Les résultats suggèrent que l’exécution d’une tâche numérique (utilisation gratuite d’un smartphone) est moins exigeante sur le plan cognitif qu’une tâche non numérique (sudoku) et qu’elle modifie la perception du temps de la même manière.», révèle, entre autres, l’étude qui devrait être répliquée sur le terrain avec des périodes de privation numérique plus longues afin de confirmer ces résultats.

__________

 

]]>
/alma-georges/articles/2025/dans-lere-du-temps/feed 0
Nuit des Musées: histoire en marche au Musée Bible+Orient /alma-georges/articles/2025/nuit-des-musees-histoire-en-marche-au-musee-bibleorient /alma-georges/articles/2025/nuit-des-musees-histoire-en-marche-au-musee-bibleorient#respond Fri, 16 May 2025 15:05:00 +0000 /alma-georges?p=22326 En hommage à Jean Tinguely, qui aurait fêté ses 100 ans le 22 mai, la prochaine édition de la Nuit des Musées est placée sous le signe du mouvement. Elodie Bauer, responsable de la communication et de la médiation culturelle du Musée Bible+Orient, donne un avant-goût prometteur de la soirée qui vous y attend le 24 mai prochain.

Une collection d’objets est, par essence, statique. Comment vous y êtes-vous prise pour la «mettre en mouvement» dans le cadre de la Nuit des Musées?
En fait, c’est une perspective intéressante. Prenons par exemple cette magnifique momie de faucon, complètement statique, figée depuis des millénaires et pour l’éternité. Pour la réaliser, il a fallu qu’un artisan exécute des gestes techniques très spécifiques. La matière qui permet sa mise en forme, notamment celle requise pour l’embaumement, a dû être acheminée, parfois échangée, sur de grandes distances. Puis l’objet lui-même a été mis au jour en Egypte, avant d’être envoyé par-delà la mer Méditerranée jusqu’en Suisse. Cet objet, bien qu’immobile, n’est en réalité que mouvement.

Vous décrirez donc aux visiteuses et visiteurs les processus de fabrication des différents objets exposés?
Nous irons bien plus loin que cela. Si je continue avec l’exemple de la momie de faucon, on peut y déceler un mouvement symbolique très puissant: celui du passage de la vie à la mort, non pas considéré comme une fin, mais comme une continuité. La religion égyptienne est en effet la première à avoir évoqué une existence dans l’au-delà. C’est comme s’il y avait réellement un envol, un passage physique entre la vie et la mort. L’âme se meut, voyage du monde des vivants à celui des morts.

Et voici une vitrine qui évoque le thème de la sédentarisation. La sédentarisation est pourtant le contraire du nomadisme, et donc du mouvement.
Oui, on y découvre notamment un char en terre cuite datant du IIIᵉ millénaire avant Jésus-Christ. Il ne trouve son utilité que dans le mouvement: il ne fonctionne que s’il est tiré par des bœufs. Là, on se situe au niveau littéral du mouvement. Mais si l’on se place au niveau culturel, l’invention de l’agriculture et la sédentarisation vont entraîner des changements fondamentaux dans l’histoire de l’humanité. D’abord, cette innovation naît en Mésopotamie, puis sera adoptée par la plupart des cultures à travers le monde au cours des millénaires suivants. Ce changement de mode de subsistance mettra également en mouvement la vie culturelle et religieuse, la bouleversera même, puisqu’il s’accompagnera parfois d’un passage du polythéisme au monothéisme.

La visite se terminera avec la présentation de deux immenses rouleaux de parchemin. En quoi évoquent-ils le mouvement?
Sur le premier rouleau, qui est une Torah, on voit clairement le mouvement – extrêmement précis et standardisé – de l’écriture, de la main qui parcourt ce rouleau long de plusieurs mètres. Au niveau du contenu, ce sont des idées qui voyagent, qui sont partagées. Quant au support, qui est en peau, il a subi tout un processus: abattage de l’animal, préparation de la peau… autant de mouvements nécessaires. Sans compter que la personne qui souhaite lire le texte doit, au préalable, dérouler le parchemin. Donc oui, le moindre objet figé dans une vitrine, immobile depuis des millénaires, a non seulement requis des gestes et des mouvements pour être créé, mais il a parfois aussi enclenché des mouvements importants – des bouleversements même –, que ce soit au niveau des idées ou de la spiritualité.

Gardons le meilleur pour la visite. Comment se déroulera cette dernière?
Les visites peuvent durer une vingtaine de minutes, avec des guides germanophones ou francophones. Nous aussi, nous aimons voyager d’une culture à l’autre!

________

]]>
/alma-georges/articles/2025/nuit-des-musees-histoire-en-marche-au-musee-bibleorient/feed 0
Dix ans de recherches et de dialogue entre l’islam et la société en Suisse /alma-georges/articles/2025/dix-ans-de-recherches-et-de-dialogue-entre-lislam-et-la-societe-en-suisse /alma-georges/articles/2025/dix-ans-de-recherches-et-de-dialogue-entre-lislam-et-la-societe-en-suisse#respond Tue, 13 May 2025 13:40:39 +0000 /alma-georges?p=22272 Dix ans après sa création, le Centre Suisse Islam et Société a fêté son anniversaire dans une salle comble, entre discours officiels et échanges passionnants. Chercheuses et chercheurs y ont présenté leurs travaux de terrain, offrant un aperçu précieux de leurs recherches. Une occasion de mesurer le chemin parcouru — et celui qu’il reste à tracer — pour mieux comprendre et penser la place de l’islam dans la société suisse.

 

_________

]]>
/alma-georges/articles/2025/dix-ans-de-recherches-et-de-dialogue-entre-lislam-et-la-societe-en-suisse/feed 0
Vivre le sport autrement /alma-georges/articles/2025/vivre-le-sport-autrement /alma-georges/articles/2025/vivre-le-sport-autrement#respond Wed, 30 Apr 2025 06:14:47 +0000 /alma-georges?p=22240 Impossible d’exceller dans le sport handicap sans développer une sorte de sixième sens. Une quinzaine d’étudiant·e·s en ont fait l’expérience le 3 avril dernier, lors du Paralympic School Day, une journée de sensibilisation aux handicaps récemment introduite par l’Université de Fribourg.

Cette étudiante qui abaisse furtivement le bandeau couvrant ses yeux mériterait sans doute un carton rouge. Mais comment ne pas être désorientée lorsqu’on joue au football à l’aveugle? Où sont les buts? Où se trouvent les coéquipier·ère·s? Douze étudiant·e·s du Bachelorpédagogie spécialisée et un courageux étudiant en sport ont participé à une expérience d’inclusion inversée.


«Le concept est simple: il consiste à inviter des personnes sans handicap à participer à des activités inspirées des sports paralympiques», explique Valérie Caron, lectrice au Département de pédagogie spécialisée et instigatrice du projet. «Elles ont ainsi l’occasion de vivre les défis rencontrés par les personnes avec handicap.» L’objectif est clair: favoriser l’empathie, la compréhension et un changement de regard en inversant les rôles habituels.

Du football qui se joue à l’ouïe
Et de l’empathie, il en faut – une bonne dose même! C’est ce qu’a constaté Matthias Scanio, étudiant en Bachelor de sport. Pour cette première édition fribourgeoise du Paralympic School Day, il avait pour mission d’organiser une activité de goalball, un sport d’équipe destiné aux personnes aveugles ou malvoyantes. Il se joue à trois contre trois sur un terrain de la taille d’un terrain de volley.

«Bien que j’aie soigneusement préparé l’activité, j’ai dû me rendre à l’évidence: il n’est pas facile de donner des explications claires et univoques à des personnes malvoyantes, reconnaît-il. Il ne suffit pas de dire « Avance » ou « Viens ici », il faut préciser le nombre de pas et la direction.»
Comme pour illustrer ses propos, un étudiant au poste de gardien, les yeux bandés, plonge à l’instinct pour intercepter le ballon. Muni de grelots, ce dernier tintinnabule à chaque rebond : c’est à l’ouïe que le portier doit en deviner la trajectoire. Calcul presque parfait… mais le ballon glisse entre ses mains et atterrit sur son nez — plus de peur que de mal.
«C’est en se mettant dans la peau d’une personne en situation de handicap qu’on comprend que la notion de capacité est relative», relève Valérie Caron. En se remémorant les matchs auxquels elle a assisté lors des derniers Jeux paralympiques, elle s’émerveille: «C’était magnifique! Les joueurs avaient véritablement développé un sixième sens.»

Emma Chetelat

De la théorie à la pratique
Dans l’autre moitié de la salle de sport de Miséricorde, les étudiant·e·s ont testé une seconde activité, conçue cette fois pour les personnes paralysées des jambes.
«Il s’agit du hockey luge, un sport d’équipe normalement pratiqué sur glace, avec des luges munies de lames», précise Valérie Caron. «Comme nous jouons en salle, nous avons utilisé des planches à roulettes achetées en grande surface.»
Étudiante en pédagogie spécialisée, Emma Chetelat a coordonné l’activité pour ses camarades. Ayant déjà travaillé avec des personnes atteintes de troubles cognitifs et moteurs, elle sait que cette expérience immersive est extrêmement enrichissante.  «Par-dessus tout, j’apprécie de passer de la théorie à la pratique!», s’exclame-t-elle. Pour Mathias Sciano, cette journée inclusive tombe à pic : son cursus en sport ne propose aucune formation sur le handicap. Inversement, le Département de pédagogie spécialisée ne prévoyait jusqu’ici aucune activité physique pour ses étudiant·e·s. Et Emma d’ajouter: « J’espère vivement que la prochaine édition de ce cours rassemblera encore plus de participant·e·s, et pas seulement de la pédagogie spécialisée!»

Le sport, ce grand oublié
Quel que soit le sport pratiqué lors de cette matinée — goalball, hockey luge ou football pour amputé·e·s — le Paralympic School Day dépasse largement le simple exercice physique. Il transmet aussi un message. «Il faut savoir que le sport est hélas très souvent le parent pauvre de l’enseignement spécialisé», déplore Valérie Caron. «L’éducation physique adaptée est peu développée en Suisse, alors que dans certains pays, comme aux Etats-Unis, il y a des programmes de Bachelor et Master qui y sont entièrement consacrés.»
On conçoit aisément qu’un·e enseignant·e d’éducation physique, face à une classe de vingt élèves, peine à intégrer une ou deux personnes avec un handicap. «Hélas, sans entraînement et adaptations, ces jeunes sont plus à risque de développer des retards moteurs, par exemple, avoir des difficultés à manipuler un ballon, des retards dans les habiletés de locomotion ou être plus à risque de sédentarité», regrette-t-elle.

_________

 

]]>
/alma-georges/articles/2025/vivre-le-sport-autrement/feed 0
Les villes européennes, actrices de l’histoire /alma-georges/articles/2025/les-villes-europeennes-actrices-de-lhistoire /alma-georges/articles/2025/les-villes-europeennes-actrices-de-lhistoire#respond Wed, 02 Apr 2025 08:34:26 +0000 /alma-georges?p=22138 De l’Empire romain à l’époque contemporaine, les villes ont toujours joué un rôle clé dans l’organisation du pouvoir en Europe. A travers une approche comparative et transversale, l’ouvrage Patterns in the History of Polycentric Governance in European Cities explore comment les villes ont su préserver leur autonomie et interagir avec les grandes structures politiques. Cédric Brélaz, professeur ordinaire d’histoire de l’Antiquité et président du Département d’histoire, nous parle de ce passionnant projet collaboratif.

Comment vous est venue l’idée d’étudier le rôle des villes au travers de quatre périodes historiques, depuis la période impériale romaine jusqu’à l’époque contemporaine?
Il se trouve que la façon dont les villes se sont constituées et que la marge de manœuvre dont celles-ci ont pu disposer dans leurs relations avec des entités de plus grande envergure (confédérations, royaumes, empires) occupent une place importante dans la recherche historique, toutes périodes confondues. L’autonomie dont jouissaient les communautés locales au sein de l’Empire romain, l’émergence des communes au cours du Moyen-Age, la montée en puissance des villes à l’époque moderne et l’expansion urbaine depuis le XIXe siècle sont autant de phénomènes qui sont ordinairement considérés comme des jalons de l’histoire de l’Europe. L’idée s’est donc imposée d’étudier l’autonomie des villes de manière transversale et comparée, en y voyant un élément central de l’histoire européenne.

Quel est le but d’un tel projet, si vaste dans le temps et dans l’espace?
Si l’histoire, au contraire de la sociologie, ne se propose pas de mettre en évidence des règles qui détermineraient l’organisation des sociétés humaines et se borne à l’observation des faits passés, elle ne néglige cependant pas l’apport théorique des sciences sociales. Dans le cadre de ce projet, nous avons ainsi décidé, à l’instigation du professeur Thomas Lau, co-éditeur du volume, de nous appuyer sur le concept de «polycentric governance», développé à partir des années 1960 par des spécialistes d’économie et de sciences politiques. Désignant à l’origine l’interdépendance d’une multiplicité d’acteurs impliqués dans un processus économique, il nous a semblé pertinent d’y recourir pour explorer la place des villes dans le paysage politique européen à travers les siècles ainsi que la façon dont celles-ci ont interagi avec les royaumes, les empires, les Etats-nations.

Quel est le dénominateur commun entre des historien·²Ô±ð·s spécialistes de périodes si différentes?
Même si –en raison des particularités dues aux sources disponibles, aux langues employées dans les documents et aux traditions académiques– la recherche historique a tendance à se spécialiser et à être envisagée séparément par période, la discipline, de par ses méthodes et ses objectifs, reste profondément unie. C’est pourquoi les quatre périodes conventionnellement délimitées que sont l’histoire de l’Antiquité, l’histoire médiévale, l’histoire moderne et l’histoire contemporaine sont rassemblées dans le Département d’histoire pour les besoins de l’enseignement et de la recherche (même si l’histoire contemporaine forme, à l’Université de Fribourg, un département distinct, lequel collabore toutefois étroitement avec le Département d’histoire). Raisonner thématiquement sur un sujet commun qui serait abordé par des spécialistes des différentes périodes permet d’obtenir une vision à la fois plus complète et plus nuancée des problèmes historiques.

Quelles sont les évolutions majeures ou, au contraire, qu’y a-t-il d’immuable dans cette gouvernance polycentrique?
Un des enseignements majeurs de cette enquête menée sur la très longue durée et de façon comparative est que les villes, indépendamment de leur statut précis et des prérogatives qui leur étaient reconnues (deux choses qui ont pu varier considérablement en fonction du contexte et de l’époque), ont été des protagonistes incontournables de l’histoire européenne. Cela vaut également pour les périodes lors desquelles des entités politiques plus puissantes, telles que les monarchies du XVIIe s. ou les Etats-nations à partir du XIXe s., se sont imposées à elles. En ce qu’elles ont représenté, et continuent à représenter aujourd’hui, le premier horizon pour l’organisation de la vie en collectivité, les villes, en parvenant à se réserver une capacité d’initiative substantielle, ont joué un rôle structurant dans l’histoire européenne.

Chez certains historien·²Ô±ð·s, il y a une approche quasi militante de leur discipline: «L’histoire sert à comprendre le présent, voire à le corriger». Ici en l’occurrence, qu’est-ce que le passé peut nous apprendre sur notre présent et y a-t-il une moralité à en tirer?
En tant que discipline académique, l’histoire, comme toute science, obéit à une méthode et suppose de se conformer à une déontologie. Par conséquent, en s’efforçant d’éclairer le passé, l’historien·ne doit, dans la mesure du possible, faire abstraction de ses convictions personnelles. Contrairement à l’instrumentalisation dont elle fait couramment l’objet à des fins partisanes et idéologiques, l’histoire ne saurait justifier le présent ni servir à prédire l’avenir. En revanche, il est certain que l’étude de l’histoire permet d’être mieux armé pour comprendre les enjeux du temps présent et pour faire face à ses défis. C’est pourquoi l’apprentissage de l’histoire et la possession d’une culture historique peuvent, à l’heure de la désinformation, nous aider à contrer l’étiolement de nos consciences démocratiques. Pour ce qui est du sujet abordé dans ce volume, l’étude du rôle des villes dans l’histoire européenne montre que l’octroi de compétences accrues à celles-ci et que la décentralisation se sont révélés profitables aux populations locales, un constat qui pourrait venir nourrir une position politique à l’heure où l’uniformisation et la concentration des pouvoirs sont érigées en modèles.

_________

  • Cédric Brélaz
  • Cédric Brélaz,Thomas Lau, Hans-Joachim Schmidt, Siegfried Weichlein (éd.), , Berlin – Boston: De Gruyter Oldenbourg, 2024, 311 p.

 

 

 

]]>
/alma-georges/articles/2025/les-villes-europeennes-actrices-de-lhistoire/feed 0