Saviez-vous que la conversation est un art? La Bibliothèque cantonale et universitaire (BCU) vous invite Ă le pratiquer lors d’une nouvelle sĂ©rie d’Ă©vĂ©nements. A l’occasion de trois soirĂ©es, le public, guidĂ© par un premier intervenant, pourra s’interroger et Ă©changer ses impressions sur la relation que nous entretenons avec l’art contemporain. Quelques questions Ă la Professeur Ă©mĂ©rite Simone de Reyff, organisatrice de ce nouveau cycle, pour vous mettre les mots sur le bout de la langue.
«Ni conférence, ni débat, mais conversation!». Comment se déroulera une soirée?
La sĂ©rie imaginĂ©e par les Amis de la BCU se veut une expĂ©rience. Offrir aux personnes qui le souhaitent un lieu oĂą Ă©changer librement des idĂ©es sur un sujet qui les intĂ©resse. Cette tentative est en relation directe avec le projet de rĂ©novation et d’agrandissement de la BCU. La multiplication des espaces d’accueil coĂŻncidera avec une vocation renouvelĂ©e de la Bibliothèque, qui sera beaucoup plus largement ouverte au public. Il faut donc dès maintenant esquisser les modalitĂ©s de ces contacts avec la citĂ©. C’est une des tâches majeures de l’Association des Amis de la BCU.
Vous remarquerez que nous n’avons pas intitulĂ© la sĂ©rie «Les plaisirs», mais bien «L’art de l’art de la conversation». La conversation suppose en effet une discipline de la part de ceux qui s’y adonnent. Chacun doit s’ingĂ©nier Ă rĂ©aliser l’Ă©quilibre qui fait que l’on prend la parole sans l’accaparer. Ce n’est pas par hasard que les cercles oĂą l’on aimait jadis Ă converser ont vu Ă©clore de nombreux ouvrages de rĂ©flexion sur cet Ă©change dĂ©sintĂ©ressĂ© et courtois.
Si la conversation repose sur des lois non Ă©crites, elle n’en est pas moins un exercice spontanĂ©. C’est pourquoi il m’est difficile de vous dire comment se dĂ©rouleront ces trois soirĂ©es. Elles seront ce que voudront en faire ceux qui y participeront. Chacune d’entre elles sera introduite par un spĂ©cialiste du domaine abordĂ©, les Professeurs Luca Zoppelli pour la musique, Victor StoĂŻchita pour les arts plastiques et Thomas Hunkeler pour la littĂ©rature. Leur bref exposĂ© aura pour objectif de cerner le sujet, et d’inviter les participants Ă rebondir, en exprimant leurs interrogations ou en Ă©voquant leurs expĂ©riences.
Cette première série s’intéresse à la relation entre public et art contemporain. Vous relevez un certain malaise face aux créations actuelles. Qu’est-ce qui vous amène à ce constat ?
En Ă©tudiant la littĂ©rature française, j’ai Ă©tĂ© de plus en plus intĂ©ressĂ©e par ce que l’on appelle le «canon», autrement dit la liste des auteurs (ils sont peu nombreux !) qui ont survĂ©cu à leur Ă©poque pour devenir des «classiques». Ce qui m’a amenĂ©e Ă m’interroger sur le basculement entre deux formes de rapport Ă la littĂ©rature. Pendant longtemps, les ąó°ů˛ą˛Ô粹ľ±˛ő se sont intĂ©ressĂ©s exclusivement la production de leurs contemporains, si l’on met Ă part la lecture des Anciens, qui relève de l’Ă©cole. L’histoire littĂ©raire est une pratique relativement rĂ©cente.
La question se pose assez diffĂ©remment suivant les domaines artistiques. Aujourd’hui, on continue de lire par prioritĂ©, mais moins exclusivement, les Ĺ“uvres contemporaines. En revanche, dans le domaine de la musique «classique», on n’Ă©coute guère que des Ĺ“uvres du passĂ©. Le rapport entre le public et les crĂ©ateurs de notre temps se manifeste de manière plus complexe encore pour ce qui est des arts plastiques.
Sans doute ne suis-je pas la seule à  faire de telles observations, dont je ne sais trop que conclure. C’est pourquoi j’ai pensé que ce serait un bon sujet d’Ă©change pour ceux qu’intĂ©resse non seulement l’Ă©volution des arts et des lettres, mais notre rapport immĂ©diat Ă cette Ă©volution.
Cette expĂ©rience est-elle appelĂ©e Ă se prolonger dans d’autres Ă©ditions ?
Tout dĂ©pendra de l’accueil qui sera fait Ă notre initiative. Si nous constatons que la proposition rĂ©pond Ă une attente, nous sommes naturellement prĂŞts Ă envisager d’autres sĂ©ries, sur des sujets susceptibles d’intĂ©resser le public. Quelques idĂ©es ont dĂ©jĂ Ă©tĂ© avancĂ©es: la prĂ©sence des langues anciennes Ă l’Ă©cole, le rapport Ă la lecture. Mais on peut Ă©galement imaginer des ouvertures diffĂ©rentes, non exclusivement centrĂ©es sur des thèmes culturels, au sens Ă©troit de ce terme.
- Simone de Reyff est professeure Ă©mĂ©rite de littĂ©rature française Ă l’UniversitĂ© de Fribourg.
- Plus de renseignement dans l’ de l’UniversitĂ© de l’Unifr.
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