{"id":18283,"date":"2023-06-01T08:25:52","date_gmt":"2023-06-01T07:25:52","guid":{"rendered":"https:\/\/www.unifr.ch\/alma-georges?p=18283"},"modified":"2023-06-29T14:53:14","modified_gmt":"2023-06-29T13:53:14","slug":"tout-schuss-dans-le-cerveau","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/www.unifr.ch\/alma-georges\/articles\/2023\/tout-schuss-dans-le-cerveau","title":{"rendered":"Tout schuss dans le cerveau"},"content":{"rendered":"

Et si ton cerveau ressemblait \u00e0 une station de ski? Dans le cadre du CAS en neurosciences de l\u2019\u00e9ducation de l\u2019Unifr, Amandine Vuille a imagin\u00e9 un jeu \u00e9ducatif visant \u00e0 faire conna\u00eetre leur cerveau aux \u00e9l\u00e8ves de 7 \u00e0 10 ans. Allergiques \u00e0 la glisse s\u2019abstenir.<\/strong>
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Les conditions sont optimales: la neige est abondante sans \u00eatre lourde, la m\u00e9t\u00e9o ensoleill\u00e9e sans \u00eatre caniculaire. Cerise sur le g\u00e2teau, la fr\u00e9quentation de la station est relativement basse pour la saison, ce qui limite l\u2019attente au d\u00e9part des remonte-pentes. Depuis la t\u00e9l\u00e9cabine, la jeune sportive de 9 ans a une vue d\u2019ensemble sur le domaine skiable, de la zone freeride au snowpark, en passant par le jardin des neiges, le point de vue et le centre d\u2019entra\u00eenement. En clignant des yeux, elle croit m\u00eame apercevoir quelques animaux sauvages: aigle royal, bouquetin, chamois, lapin, marmotte, perdrix des neiges\u2026 A force de se concentrer, la fillette a l\u2019impression que sa vision lui joue des tours: le plan des pistes de Zinal-Grimentz (VS) n’est-il pas en train de prendre la forme d\u2019un cerveau? Non, la jeune skieuse ne se trouve pas dans les montagnes du val d\u2019Anniviers mais dans une salle de son \u00e9cole. En compagnie de ses camarades de classe, elle participe \u00e0 un atelier ludique imagin\u00e9 par l\u2019\u00e9ducatrice sociale Amandine Vuille. S\u2019il faut aux enfants une bonne dose d\u2019imagination pour ressentir l\u2019oscillation des remont\u00e9es m\u00e9caniques berc\u00e9es par le vent, le plan des pistes, lui, s\u2019\u00e9tale bel et bien devant leurs yeux. \u00abLorsque j\u2019\u00e9tais jeune adulte, j\u2019ai fait plusieurs saisons en tant que monitrice de ski \u00e0 Zinal, donc je connais tr\u00e8s bien l\u2019endroit.\u00bb C\u2019est d\u2019ailleurs sur place que lui est venue l\u2019id\u00e9e – alors qu\u2019elle se trouvait sur un t\u00e9l\u00e9si\u00e8ge et qu\u2019elle observait les autres amateurs de glisse qui d\u00e9valaient les pentes \u2013 d\u2019utiliser la m\u00e9taphore de la station de ski afin de faire d\u00e9couvrir le fonctionnement du cerveau aux \u00e9colier\u00b7\u00e8res de 7 \u00e0 10 ans.<\/p>\n

Que se passe-t-il donc \u00abl\u00e0-haut\u00bb?
\n<\/strong>La cr\u00e9ation de ce support p\u00e9dagogique neuro\u00e9ducatif \u2013 ainsi que l\u2019\u00e9valuation de sa pertinence \u2013 figurent au c\u0153ur du travail final d\u2019Amandine Vuille en vue de l\u2019obtention d\u2019un CAS en neuroscience de l\u2019\u00e9ducation \u00e0 l\u2019Unifr. La trentenaire travaille comme \u00e9ducatrice en milieu scolaire pour la commune de Val-de-Travers, dans le canton de Neuch\u00e2tel. Apr\u00e8s avoir \u00e9t\u00e9 en charge du soutien \u00e9ducatif pour des \u00e9l\u00e8ves \u00e0 besoins sp\u00e9cifiques, elle a int\u00e9gr\u00e9 il y a quelques mois une structure de scolarit\u00e9 altern\u00e9e. Cette derni\u00e8re accueille des \u00e9l\u00e8ves avec ou sans trouble neurod\u00e9veloppemental, qui pr\u00e9sentent de multiples difficult\u00e9s socio-\u00e9motionnelles et\/ou comportementales. \u00abAuparavant, alors que je travaillais en milieu institutionnel, j\u2019ai notamment accompagn\u00e9 un jeune autiste qui piquait de terribles col\u00e8res, se mettait \u00e0 tout casser; je me suis dit qu\u2019il serait utile pour moi de savoir ce qui se d\u00e9roulait \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur de son cerveau dans ces moments de crise.\u00bb C\u2019est alors qu\u2019elle d\u00e9couvre l\u2019existence du CAS pilot\u00e9 par la docteure en neurosciences Cherine Fahim. Au moment de choisir le sujet de son travail final, Amandine Vuille a pouss\u00e9 la d\u00e9marche encore plus loin. \u00abCertes, il est important que le personnel socio-\u00e9ducatif connaisse le fonctionnement c\u00e9r\u00e9bral; mais \u00e0 mon avis, il est tout aussi important que les enfants eux-m\u00eames comprennent ce qui se passe \u00ab\u00a0l\u00e0-haut\u00a0\u00bb.\u00bb Elle poursuit: \u00abDurant toute leur scolarit\u00e9, les \u00e9l\u00e8ves utilisent leur cerveau, qui constitue en quelque sorte leur Formule 1; or, aurait-on l\u2019id\u00e9e de lancer un pilote de course sur le circuit s\u2019il n\u2019y conna\u00eet rien en m\u00e9canique automobile?\u00bb Habitu\u00e9e \u00e0 utiliser les jeux \u00e9ducatifs dans sa pratique professionnelle, c\u2019est tout naturellement vers ce support p\u00e9dagogique que s\u2019est tourn\u00e9e la sp\u00e9cialiste.<\/p>\n

Des associations ludiques
\n<\/strong>Concr\u00e8tement, ce jeu de coop\u00e9ration repose sur un support physique cartonn\u00e9 au format A3, inspir\u00e9 du plan des pistes de Zinal-Grimentz. Le domaine skiable a la forme d\u2019un cerveau; les diff\u00e9rentes parties de la station correspondent aux divers lobes (frontal, pari\u00e9tal, temporal, occipital) et respectent les fonctions relatives telles qu\u2019attention, langage, analyse visuelle ou encore traitement de l\u2019information. \u00abChaque lobe peut \u00eatre ouvert et contient un bref r\u00e9sum\u00e9 de sa fonction; son association avec une partie distinctive de la station le rend plus facilement identifiable pour les enfants.\u00bb Amandine Vuille a par exemple associ\u00e9 le lobe occipital, impliqu\u00e9 dans la vision, au point de vue panoramique du domaine skiable. Des vid\u00e9os compl\u00e8tent le tout. Pour expliquer les trois r\u00e9seaux neuronaux (r\u00e9seau de saillance SN, r\u00e9seau de mode par d\u00e9faut DMN, r\u00e9seau ex\u00e9cutif CEN), elle a choisi de les mettre en lien avec des \u00e9l\u00e9ments indispensables \u00e0 la pratique du ski: accessoires (lunettes, casque, gants, etc.) pour le SN, \u00e9quipement (skis, chaussures, b\u00e2tons) pour le CEN et pr\u00e9paration mentale pour le DMN. A chaque cat\u00e9gorie correspond un abonnement de ski sous forme de carte. Quant aux diverses r\u00e9gions c\u00e9r\u00e9brales contenues dans les trois r\u00e9seaux, elles sont associ\u00e9es \u00e0 des animaux de la montagne: chamois pour l\u2019amygdale, marmotte pour le thalamus, perdrix des neiges pour l\u2019insula, aigle royal pour le cortex cingulaire ant\u00e9rieur, bouquetin pour le cortex orbitofrontal, etc. \u00abChamy est par exemple un chamois craintif qui s\u2019alarme lorsqu\u2019il a peur; face au danger, il r\u00e9agit de trois mani\u00e8res diff\u00e9rentes, fuir, combattre ou se figer sur place.\u00bb<\/p>\n

Vers une diffusion \u00e0 plus large \u00e9chelle
\n<\/strong>R\u00e9partis en trois groupes, les \u00e9l\u00e8ves prennent connaissance \u2013 au travers de la personne charg\u00e9e de l\u2019animation – de toutes les informations th\u00e9oriques et pratiques \u00e0 disposition. Chaque \u00e9quipe est garante d\u2019un des types d\u2019abonnement, c\u2019est-\u00e0-dire qu\u2019elle joue l\u2019un des trois r\u00e9seaux neuronaux. Les trois \u00e9quipes doivent travailler ensemble afin que le skieur (leur enseignant) puisse se d\u00e9placer dans les diff\u00e9rentes zones du domaine skiable, donc du cerveau. Tout au long de la partie, les participant\u00b7e\u00b7s sont test\u00e9\u00b7e\u00b7s gr\u00e2ce \u00e0 des cartes-questions ou des questions-vid\u00e9o. Des jetons en bois figurant une dameuse \u2013 qui repr\u00e9sente les exp\u00e9riences et les apprentissages – servent \u00e0 r\u00e9compenser les bonnes r\u00e9ponses. Des boules de neige en ouate symbolisant les erreurs p\u00e9nalisent quant \u00e0 elles les mauvaises r\u00e9ponses. A la fin du jeu, des m\u00e9dailles inspir\u00e9es de celles de l\u2019Ecole Suisse de Ski sont distribu\u00e9es aux petits champions. Tout comme les erreurs sont n\u00e9cessaires pour apprendre, il faut autant de jetons dameuse que de boules de neige aux participant\u00b7e\u00b7s pour gagner la meilleure des m\u00e9dailles. Une fois son support mis au point, Amandine Vuille l\u2019a test\u00e9 dans trois classes (de 4e<\/sup>, 5e<\/sup> et 6e<\/sup> Harmos) du cercle scolaire dans lequel elle travaille. \u00abAfin de pouvoir \u00e9valuer l\u2019impact du jeu, j\u2019ai demand\u00e9 aux \u00e9l\u00e8ves de dessiner leur cerveau avant et apr\u00e8s l\u2019atelier.\u00bb Dans la plupart des cas, la chercheuse a observ\u00e9 un net changement entre la premi\u00e8re et la deuxi\u00e8me production, m\u00eame chez les plus jeunes enfants. \u00abSuite \u00e0 cela, d\u2019autres enseignant\u00b7e\u00b7s m\u2019ont activement demand\u00e9 s\u2019il serait possible de venir \u00ab jouer \u00bb dans leur classe\u00bb, se r\u00e9jouit-elle. Un signal positif qui l\u2019a encourag\u00e9e \u00e0 se lancer dans une am\u00e9lioration du jeu – en collaboration avec Cherine Fahim – afin de pouvoir, dans un avenir proche, \u00abenvisager une diffusion \u00e0 plus large \u00e9chelle\u00bb. Un pas dans cette direction a d\u00e9j\u00e0 \u00e9t\u00e9 franchi, puisque l\u2019\u00e9ducatrice sociale a \u00e9t\u00e9 invit\u00e9e \u00e0 pr\u00e9senter son jeu lors d\u2019un colloque cantonal de la petite enfance.
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