Sciences – Alma & Georges /alma-georges Le magazine web de l'Université de Fribourg Thu, 03 Apr 2025 15:09:36 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.3.5 Une station de ski trop belle pour être vraie /alma-georges/articles/2025/une-station-de-ski-trop-belle-pour-etre-vraie /alma-georges/articles/2025/une-station-de-ski-trop-belle-pour-etre-vraie#respond Thu, 27 Mar 2025 08:51:15 +0000 /alma-georges?p=22098 Wonderberg 4000 pourrait bien faire de l’ombre aux destinations les plus huppées des Alpes… Du moins, si elle existait. Cette station de ski est née de l’imagination de Benoît Dietrich et Stefano Christen. Les deux cinéastes fribourgeois, soutenus par un programme de Résidences d’artistes de recherche et développement de la Ville de Fribourg en partenariat avec l’Université de Fribourg, souhaitent en faire un court-métrage afin d’interroger notre rapport à la montagne et à la vérité.

 

Pourquoi avoir choisi de réaliser un film sur une station de ski?
Benoît Dietrich: Il y a en Suisse un vrai besoin de repenser notre relation à la montagne. Comment la percevait-on il y a 200 ans? Comment ces hameaux, autrefois modestes et soumis à des conditions climatiques difficiles, sont-ils devenus des villes sur la neige, dépendant exclusivement d’une activité économique?

Stefano Christen: Il y a deux siècles, la montagne inspirait la crainte. Aujourd’hui, nous n’en tirons que des bénéfices. Dans le contexte du réchauffement climatique, il est essentiel de se poser cette question: quelle place voulons-nous donner à la montagne dans nos vies, notamment d’un point de vue culturel?

Mais pourquoi avoir opté pour le docu-fiction?
Benoît Dietrich: A l’ère des fake news, il devient très difficile de distinguer le vrai du faux. On se questionne rarement sur l’origine des images que l’on regarde. Qui me parle? Pourquoi me suggère-t-on de visionner ce film? Quelles idées véhicule-t-il? Qu’est-ce qui est réel, qu’est-ce qui ne l’est pas? Avec notre collectif, nous trouvons intéressant de jouer avec cette frontière entre réalité et fiction.

Stefano Christen: Se poser ce genre de questions est essentiel, pas seulement pour notre film, mais de manière générale. C’est un aspect qui nous tient particulièrement à cœur.

Vous êtes les lauréats d’une bourse de soutien financier de la Ville de Fribourg et vous êtes en résidence à l’Université de Fribourg. Qu’est-ce que cela vous apporte?
Benoît Dietrich: Dans les milieux artistiques, les phases de recherche sont rarement financées. C’est donc une opportunité incroyable. Nous avons la possibilité de prendre du temps pour développer notre projet en profondeur, ce qui le rendra beaucoup plus solide par la suite.

Et concrètement, comment cela se traduit-il?
Benoît Dietrich: Nous réalisons des essais avec des acteurs et actrices, nous testons le montage pour voir ce que nous pouvons créer de nouveau. Notre objectif est de capter l’attention du public, pour qu’il s’interroge en permanence sur ce qui est vrai ou non, sur ce qui existe ou n’existe pas.

Pour approfondir votre thématique, vous avez rencontré des glaciologues de l’Université de Fribourg. Quelle a été leur réaction?
Stefano Christen: Les scientifiques ont été très intéressés par notre démarche, car elle leur offrait un regard extérieur et différent sur leur travail, qui est souvent très rigoureux et méthodique. Nous, en tant qu’artistes, apportons une approche plus sensible, qui parlera autrement au public.

Vous souhaitez réaliser un court-métrage d’une dizaine de minutes. Quand pourra-t-on le voir?
Benoît Dietrich: Si tout se passe bien, dans un peu plus d’un an. Mais avant cela, nous devons obtenir un financement, ce qui est loin d’être simple. Nous devons rédiger un dossier d’environ 70 pages, incluant le scénario, des notes d’intention, de production, ainsi qu’un budget détaillé. Tout cela prend du temps, et il est difficile à trouver, car nous devons accepter d’autres projets alimentaires qui viennent interférer avec cette étape cruciale.

Stefano Christen: Les glaciologues avec qui nous travaillons connaissent la même réalité : parfois, ils cherchent sans succès. Cette résidence nous permet donc de dépasser nos limitations habituelles. C’est une formidable opportunité pour repousser les frontières de notre créativité!

_________

  • de la ville de Fribourg
]]>
/alma-georges/articles/2025/une-station-de-ski-trop-belle-pour-etre-vraie/feed 0
Réquisitoire contre la science sans conscience. /alma-georges/articles/2025/requisitoire-contre-la-sciences-sans-conscience /alma-georges/articles/2025/requisitoire-contre-la-sciences-sans-conscience#respond Thu, 06 Feb 2025 09:16:15 +0000 /alma-georges?p=21957 Etudes trafiquées, résultats impossibles à reproduire, travaux plagiés. Csaba Szabo, l’un des scientifiques les plus cités au monde, dresse un tableau apocalyptique du monde de la recherche biomédicale. Fin connaisseur du milieu, le professeur de l’Université de Fribourg a profité de son année sabbatique pour rédiger Unreliable, un «J’accuse» sans fard, violent comme un pavé dans la mare.

Personne ne saurait décemment soupçonner Csaba Szabo de ne pas aimer la science, lui qui est littéralement tombé dedans quand il était petit. Dans sa Hongrie natale, derrière le Rideau de fer, son héros ne se nommait pas Ferenc Puskás, mais Albert Szent-Györgyi, un compatriote, inventeur de la vitamine C et lauréat du Prix Nobel. Avant même de devenir adolescent, il rêvait de comprendre le vivant, dans son fonctionnement le plus intime, que ce soit en médecine ou en biologie, et de venir en aide aux personnes malades. Un idéaliste, un vrai mais pas un utopiste car ses nombreuses lectures l’ont très vite purgé de toute naïveté. «J’ai eu entre les mains un ouvrage du chimiste Mihály Beck sur la fraude scientifique, se remémore-t-il dans son livre, celui-ci relatait l’histoire de l’homme de Piltdown (une célèbre mystification paléoanthropologique, ndlr.) ou les mystérieux tests de Piccardi (du nom d’un chimiste italien dont les hypothèses sur l’effet des cycles solaires sur certaines réactions chimiques sont controversées).»
Mais Csaba Szabo était certainement loin de s’imaginer qu’il allait un jour à son tour prendre la plume pour dénoncer les gravissimes dysfonctionnements du monde de la recherche: Trop de plagiat! Trop de fraudes! Il n’y tenait plus: il devait le dire, le dénoncer. Cela a donné Unreliable, un pamphlet au vitriol rédigé en quelques mois. Quand un chercheur, qui figure régulièrement dans le haut des classements des scientifiques les plus cités par ses pairs, donne un pareil coup de pied dans la fourmilière, il y a de quoi se faire du souci.

Je dois dire que l’on sort un peu groggy de votre livre. Le monde de la recherche semble être un marigot infect!
Ce que vous dites est vrai, mais cela ne signifie pas qu’il faut se taire en espérant que les problèmes vont se résoudre comme par magie. Si la situation était stabilisée, on pourrait se résigner en se disant que, ma foi, la science est faite par des humains et que ceux-ci ne sont pas parfaits. Hélas, la situation s’aggrave et je crains que cela ne devienne pire encore avec l’avènement de l’intelligence artificielle et du big data. Or, il n’est dans l’intérêt de personnes que le public se défie de la science. Surtout, ne venez pas dire que je suis antiscience, je suis profondément pro-science! Ce sont celles et ceux qui se taisent qui la desservent!

Cela fait 30 ans que vous êtes dans la recherche. Pourquoi dénoncer les dysfonctionnements maintenant?
Il n’y a pas eu un événement déclencheur précis, mais la magnitude du problème devient évidente. De nouveaux logiciels permettent de repérer les images frauduleusement manipulées dans les publications et de détecter le plagiat, dont on commence à se rendre compte de l’ampleur. Il y a aussi ce que l’on nomme les usines à publications, un business florissant de plusieurs milliards de dollars. Moyennant paiement, ces usines fournissent des articles créés de toutes pièces avec des données inventées ou manipulées. Cela devrait être l’un des plus grands scandales des sciences biomédicales.

Mais le fait que vous ayez vous-même été victime de plagiat ne vous a-t-il pas convaincu de prendre la plume?
Quand j’ai vu qu’un de mes articles avait été littéralement copié-collé de A à Z, j’ai pensé: «Mon Dieu! Ils ont vraiment aimé mon article!» Pire encore, ce premier plagiat a lui-même été plagié par d’autres personnes! A vrai dire, cet épisode aurait presque été comique si ce n’était pas si lamentable! J’ai encore une autre anecdote, mais plus grave cette fois-ci: une image de l’un de mes articles publiés il y a 25 ans, à Cincinnati, a été reprise mais en sens inverse. Il s’est avéré que c’était l’un de mes étudiants qui était à l’origine du plagiat et de l’erreur. Nous avons ensuite découvert que, au fil de sa carrière dans différents laboratoires, il s’est livré aux mêmes irrégularités. Il ne s’agissait donc pas simplement d’une erreur! J’ai ainsi compris que, même dans un laboratoire bien géré, ce type de méfait pouvait arriver. Cela dit, ce n’est pas le motif qui m’a poussé à écrire le livre, puisque cette affaire a éclaté alors que j’avais déjà entamé la rédaction. Non, la vraie raison, c’est que j’ai pu bénéficier d’une année sabbatique et que j’avais déjà beaucoup d’informations sous le coude. Et, je tiens à le souligner, le sujet ne concerne pas que la fraude, mais aussi la crise de la réplicabilité en sciences.

Précisément, selon une étude de Nature que vous citez, plus des deux tiers des scientifiques s’estimeraient incapables de reproduire les données publiées par des confrères et consœurs. C’est atterrant! Pourquoi personne n’en parle?
C’est difficile à croire, mais il n’y a pas beaucoup de bailleurs de fonds qui financent des études de réplication directe, pourtant si indispensables! Cette étape permet de reproduire une expérience scientifique en suivant les mêmes procédures et conditions que l’étude originale. C’est uniquement ainsi que l’on peut vérifier la fiabilité des résultats. Plus grave encore, il n’est parfois tout simplement pas possible d’entamer une étude de réplication directe faute de détails dans les publications. Les auteurs n’en fournissent pas suffisamment! Souvent, ils rechignent même à collaborer!

Pour quelle raison? De peur de trahir leurs secrets de fabrication?
Si l’étape de la vérification révèle des erreurs, il y a des conséquences: l’étude doit soit être corrigée, soit rétractée. En revanche, si l’étude ne peut pas être soumise à un examen de réplicabilité, faute d’informations, l’affaire est close. La diligence ne paie pas!

Ne pourrait-il pas y avoir une sorte d’institution faîtière, à l’image de l’agence mondiale antidopage, pour éviter ces abus?
Aux Etats-Unis, la recherche biomédicale est principalement financée par le National Institutes of Health (NIH). Une personne appartenant à cet institut avait proposé de répliquer certaines études indépendamment, mais son idée est restée lettre morte. Par ailleurs, si vous demandez un financement pour tenter de répliquer une recherche déjà existante, il y a fort à parier que vous ne recevrez pas un kopeck! Tout le monde est d’avis qu’il faut financer de nouvelles recherches, mais pas celles de réplication. Il n’y a donc ni argent, ni prestige en la matière. C’est très utile, mais sans glamour. Cela ne vous donnera jamais un Nobel.

Quelle solution préconisez-vous alors?
Une fois que les chercheuses et chercheurs terminent leur étude, ils pourraient mandater un laboratoire indépendant, neutre, avec lequel ils n’ont aucune connexion, afin que celui-ci réplique les résultats clés. Cette étude supplémentaire pourrait figurer en appendice de l’article. Les bailleurs de fonds pourraient financer cette étape.

Mais le nerf de la guerre, c’est l’argent!
Bien sûr, cette précaution éviterait de se fourvoyer dans des études irréplicables et donc de gaspiller de l’argent public! Sans compter que des résultats biaisés peuvent donner lieu à des essais cliniques ou à des médicaments administrés à des humains!

Est-ce déjà arrivé?
Absolument! Récemment, une société de biotechnologie californienne a produit un médicament à partir de données manipulées. Celui-ci a été administré à des patient·e·s victimes d’un accident vasculaire cérébral, avec des conséquences dramatiques: plusieurs sont décédé·e·s! On a vu les mêmes dégâts dans le domaine de la recherche sur la maladie d’Alzheimer.

Ne faudrait-il donc pas criminaliser la fraude?
Bien sûr! Cela devrait être sanctionné au pénal, parce que les fraudeurs et fraudeuses gaspillent de l’argent public. Il y a aussi toutes les chercheuses et chercheurs qui, se basant sur des données erronées, perdent du temps et de l’argent en s’engageant dans une fausse direction.

Vous dénoncez donc une certaine impunité?
Les tricheurs et tricheuses risquent de voir leur étude rétractée, mais rarement un licenciement. Cela n’a rien d’une punition. Dans certains cas, pourquoi ne pas tout simplement leur retirer leurs diplômes et leur demander le remboursement des fonds qu’ils ont touchés?

Au-delà des failles de la nature humaine, vous incriminez le système: l’hyper-compétition pour les financements et la culture du publish or perish.
Mon livre traite surtout du cas des Etats-Unis, où j’ai fait l’essentiel de ma carrière. Je ne dépends pas non plus de financements américains et il est donc également plus facile pour moi de prendre la parole. En Suisse, il me semble, le système reste plus humain, moins rude. L’Université y fournit un financement de base et des infrastructures, même si on doit bien sûr aussi chercher des financements externes. Aux Etats-Unis, c’est tout le contraire. Il y a des frais indirects immenses pour les scientifiques qui doivent donc impérativement trouver des sources de financement. C’est une pression colossale!

Et certaines personnes doivent de surcroît composer avec un statut précaire.
Effectivement, certains chercheur·euse·s ont un visa, le J-1 notamment, dont le maintien dépend des financements obtenus. Cela peut inciter à embellir des résultats.

Pour voir son étude publiée dans une revue, il faut soumettre ces résultats à un comité de pairs. Pour quelle raison, est-ce que cette instance ne suffit pas?
Les gens s’imaginent que d’être évalué par les pairs équivaut à une validation indépendante des résultats. Ce n’est pas cela du tout. Cela signifie uniquement que trois personnes jettent un œil aux données, en partant du principe qu’elles n’ont fait l’objet d’aucune manipulation et ont été obtenues dans les règles de l’art.

J’imagine que vous avez déjà été évaluateur?
Bien sûr. Et j’ai réalisé que, lorsque l’on refuse un article dans une revue, il y a de fortes chances qu’il se retrouve publié dans une revue moins regardante. L’ironie, c’est que l’évaluateur peut même devenir le complice involontaire d’une faute scientifique! Je m’explique: Si un membre d’un comité d’évaluation détecte un problème, voire des signes de fraude à l’image, et qu’il le signale aux auteurs, ces derniers peuvent effectuer les corrections et retenter une soumission ailleurs. Contre son gré, l’évaluateur aura contribué à maquiller un méfait!

Ne peignez-vous pas le diable sur les murailles? Les publications de Didier Raoult, pour prendre l’exemple le plus connu dans le monde francophone, ont été rétractées. N’est-ce pas la preuve que les garde-fous fonctionnent?
Le nombre de rétractions est d’ailleurs à un haut historique, en partie grâce à l’intelligence artificielle qui permet de repérer les fraudes et en partie grâce aux data detectives. Ces derniers utilisent des plateformes, notamment PubPeer, pour dénoncer les fraudes en sciences. Parfois, il faut attendre plusieurs années avant que les articles soient rétractés. Hélas, cela reste la pointe de l’iceberg. Ce que je trouve vraiment tragique, c’est que l’évaluation critique et le nettoyage de la littérature scientifique sont actuellement effectués par des détectives scientifiques, essentiellement des amateurs privés dévoués ! Elles ne sont pas effectuées par les organismes subventionnaires, les ministères de la santé ou les éditeurs qui publient les revues scientifiques.

Avec ce livre, ne craignez-vous pas d’amener de l’eau au moulin des complotistes?
On ne convaincra de toute manière jamais un platiste du bien-fondé de la science. Mon livre est destiné aux personnes qui s’intéressent et aiment la science. Gardons aussi à l’esprit que, sur les millions d’articles publiés chaque année, même si certains résultats ne sont pas réplicables, certains vont déboucher sur des avancées médicales qui sauveront des vies.

Allez-vous changer de carrière pour favoriser l’intégrité scientifique ou pour catalyser une réforme?
Non, je ne dispose d’aucune influence politique pour le faire. J’ai tout de même proposé la candidature d’Elizabeth Bik, l’une des plus importantes détectives scientifiques, et celle du site web Pubpeer pour les prix Einstein de l’année dernière. A ma plus grande joie, ils les ont d’ailleurs reçus. Je participerai également à une réunion à Oxford, axée sur l’intégrité scientifique et la réforme, organisée par Dorothy Bishop, une figure importante des efforts de reproductibilité. Je continuerai à faire de petites choses comme cela, mais mon objectif principal reste la recherche biomédicale.

_________

]]>
/alma-georges/articles/2025/requisitoire-contre-la-sciences-sans-conscience/feed 0
Un jardin de lumières /alma-georges/articles/2024/un-jardin-de-lumieres /alma-georges/articles/2024/un-jardin-de-lumieres#respond Thu, 30 May 2024 11:42:15 +0000 /alma-georges?p=20297 Pour la traditionnelle Nuit des Musées, les plantes du Jardin botanique de l’Université de Fribourg se sont parées de leurs plus beaux atours. En partenariat avec le Festival des Lumières de Morat, Bota Bota a brillé de mille feux pour le plaisir des visiteuses et visiteurs qui ont pu profiter des nombreuses activités proposées.

__________

]]>
/alma-georges/articles/2024/un-jardin-de-lumieres/feed 0
Mieux comprendre le cerveau pour mieux soigner ses maux /alma-georges/articles/2024/mieux-comprendre-le-cerveau-pour-mieux-soigner-ses-maux /alma-georges/articles/2024/mieux-comprendre-le-cerveau-pour-mieux-soigner-ses-maux#respond Fri, 08 Mar 2024 13:23:16 +0000 /alma-georges?p=19933 Si son expertise médicale enrichit sa recherche, ses connaissances scientifiques l’aident à mieux comprendre les maux de ses patient∙e∙s. La docteure Joëlle Chabwine tire le meilleur parti de ses deux casquettes: celle de neurologue à l’Hôpital de Moutier et celle de chercheuse dans le groupe du Professeur Spierer à l’Université de Fribourg. Dans le cadre de la Semaine du cerveau, elle donnera une conférence mercredi 13 mars prochain.
En clinique comme au laboratoire, Joëlle Chabwine a un seul objectif en tête: «mieux comprendre pour mieux traiter ». A la fois docteure en neurosciences fondamentales et médecin neurologue, elle s’intéresse aux mécanismes qui sous-tendent la résilience du cerveau face à différentes pathologies. En mettant en lumière les processus neurologiques qui se cachent derrière des symptomatologies bien précises, la chercheuse espère progresser vers des traitements toujours plus ciblés et personnalisés. Ainsi, son expertise médicale est indissociable de ses travaux académiques. «Quand je fais de la recherche, c’est toujours inspiré par mon expérience clinique», raconte-t-elle.

Joëlle Chabwine

Plus qu’un travail, une passion
Pourtant, combiner pleinement travail clinique et projets de recherche est aussi complexe que peu usuel. «Avoir un pied dans chaque monde, rêve de bon nombre de médecins, s’avère difficile à concrétiser dans la réalité et requiert son lot de sacrifices», explique la docteure. En effet, les critères d’excellence sont si élevés, d’un côté comme de l’autre, que l’on ne peut les atteindre qu’en se consacrant entièrement à un seul des deux domaines. De plus, pratiquer les deux activités en parallèle relève de la vocation: «Ce sont deux jobs à plein temps même si on les fait chacun à temps partiel.» Pour Joëlle Chabwine, c’est toutefois la passion qui l’emporte. «Je fais de la recherche sérieusement, affirme-t-elle, mais le plaisir et la satisfaction que j’en tire en font un hobby!»

Décoder le langage des neurones
Dans ses recherches sur les douleurs chroniques comme dans celles portant sur l’adaptabilité, ou «plasticité», du cerveau à la suite d’une lésion telle qu’un accident vasculaire cérébral (AVC), la scientifique s’appuie sur un outil dont elle a acquis la maîtrise durant sa formation de neurologue: l’électroencéphalogramme (EEG). Cette technique consiste à capter l’activité électrique des neurones dans le cerveau grâce à des électrodes placées sur la tête du sujet. «Cette activité électrique, on peut essayer de la décoder, explique la chercheuse. Avec la technologie actuelle, il est possible d’enregistrer et d’individualiser plusieurs types d’activité selon leur gamme de fréquences. L’enjeu est ensuite d’essayer de comprendre ce que nous disent ces activités.» En dépit des caractéristiques bien spécifiques à chacune des pathologies qu’elle étudie dans ses deux axes de recherche, Joëlle Chabwine confie être «convaincue que la plasticité cérébrale a probablement certaines modalités et mécanismes communs aux différentes situations qui ‹attaquent› le cerveau».

Les séquelles cognitives: un handicap invisible mais bien réel
Il y a quelques années, la neurologue a été amenée à constater que, à leur sortie d’hospitalisation, les personnes victimes des séquelles cognitives d’un AVC ou d’une autre lésion cérébrale manquent cruellement d’un suivi adapté. «Une fois qu’on passe en phase chronique, c’est fini. On les oublie, en fait», déplore-t-elle. Non seulement mal compris, les problèmes cognitifs sont aussi stigmatisants du fait de leur invisibilité. En effet, il n’est pas rare pour les patient∙e∙s concerné∙e∙s de s’entendre dire: «Tu as de la chance, tu n’es pas en fauteuil roulant, pourquoi tu ne travailles pas?». Pourtant, la docteure connaît «un bon nombre de patient∙e∙s qui n’ont pas de paralysie, mais qui n’ont jamais pu retravailler.» Pour elle, les problèmes cognitifs méritent autant d’attention que les problèmes physiques, «parce que ça handicape tout autant, sinon même plus. »

Valoriser les aptitudes qui restent
Pour pallier ce manque, Joëlle Chabwine a développé une prise en charge spécialisée dans ce genre de troubles, faisant appel à divers thérapeutes tels que des neuropsychologues et des ergothérapeutes. L’ouverture prochaine de son cabinet indépendant en terres fribourgeoises lui permettra en outre, elle l’espère, d’élargir son réseau à des institutions non-médicales, afin d’offrir aux victimes de séquelles cognitives de meilleures opportunités de réinsertion dans la société. «La plupart des gens dépriment parce qu’ils se sentent inutiles, même s’ils ont retrouvé une certaine autonomie dans la vie quotidienne», souligne la médecin. A terme, elle imagine la mise en place de programmes permettant de valoriser les compétences résiduelles de ces patient∙e∙s en leur proposant des activités adaptées, sans exigence de rendement professionnel. «Même en pensant économie» raisonne-t-elle, «ce sont l’Etat et nos impôts qui paient les rentes d’invalides.» Donc habiliter ces personnes à mettre à profit ce qui leur reste de capacités «est bénéfique à la fois pour elles, car elles se sentent utiles, mais aussi pour la société qui bénéficie de bras volontaires en plus».

Envie d’en savoir plus?
Au vu de la méconnaissance générale de leurs difficultés, le premier pas vers une meilleure inclusion des victimes de troubles cognitifs est de sensibiliser le grand public. C’est la raison pour laquelle, à l’occasion de la Semaine du Cerveau 2024, Joëlle Chabwine a décidé d’aborder cette thématique dans une conférence intitulée: «Ouf ! Je ne suis pas paralysé·e à la suite de mon AVC! Mais j’ai des difficultés à fonctionner dans ma tête» .N’hésitez pas à venir l’écouter le mercredi 13 mars prochain à 19h00, dans la salle A140 du bâtiment PER21 !

__________

 

]]>
/alma-georges/articles/2024/mieux-comprendre-le-cerveau-pour-mieux-soigner-ses-maux/feed 0
Explora vous est servi sur un plateau /alma-georges/articles/2023/explora-vous-est-servi-sur-un-plateau /alma-georges/articles/2023/explora-vous-est-servi-sur-un-plateau#respond Tue, 03 Oct 2023 09:49:34 +0000 /alma-georges?p=18952 C’est ce qu’on appelle un carton plein: 3000 visiteuses et visiteurs, 110 activités, soleil au rendez-vous ! La quatrième édition d’explora, le Festival Culture & Science de l’Université de Fribourg, restera gravée dans les mémoires. Retour en images sur un samedi de joies et de découvertes!

__________

  • Photos: Jessica Genoud
  • Vidéo: Henrik Olofsson, Christian Doninelli
]]>
/alma-georges/articles/2023/explora-vous-est-servi-sur-un-plateau/feed 0
Die Naturforschende Gesellschaft Freiburg /alma-georges/articles/2023/die-naturforschende-gesellschaft-freiburg /alma-georges/articles/2023/die-naturforschende-gesellschaft-freiburg#respond Tue, 27 Jun 2023 13:02:20 +0000 /alma-georges?p=18525 Seit 1832 verfolgt die Naturforschende Gesellschaft Freiburg (FNG) das Ziel, sowohl Fachleute wie auch die Öffentlichkeit über aktuelle naturwissenschaftliche Themen zu informieren. Sie ist damit älter als die Universität Freiburg, aber seit der Gründung der Uni eng mit ihr verbunden. Co-Präsident Hansruedi Völkle, Titularprofessor im Ruhestand, stellt die Gesellschaft ausführlich vor und erklärt, welche Themen besonders aktuell sind und auch, was der Gesellschaft Sorgen bereitet.

Welchen Zweck verfolgt die FNG?
Die Naturforschende Gesellschaft Freiburg FNG (Société Fribourgeoise des Sciences naturelles SFSN), will in verständlicher Form über naturwissenschaftliche Themen informieren und das Interesse daran wecken. In unserem Fokus stehen dabei nicht nur die Universitätsgemeinschaft, sondern auch die Freiburger Bevölkerung und ganz besonders junge Menschen in Ausbildung. Jedes Jahr organisiert sie eine Reihe von öffentlichen Vorträgen zu aktuellen Fragen, sowie eine Exkursion, in diesem Jahr zum Thema «Spinnen». Leider mussten wir coronabedingt ab 2020 bis zum laufenden Jahr die Aktivitäten unserer Gesellschaft reduzieren oder ganz einstellen.

Unser Angebot ist interdisziplinär: Wir möchten Naturwissenschaftler_innen anregen, sich auch für Bereiche ausserhalb ihres eigenen Forschungsgebietes zu interessieren und Maturand_innen motivieren, Naturwissenschaften an unserer Universität zu studieren. Seit 1879 veröffentlicht die FNG ein Bulletin, das ausser den Vereinsnachrichten auch Artikel zu naturwissenschaftlichen Themen in einer für Laien verständlichen Sprache enthält.

Jedes Jahr prämiert die FNG ausserdem die besten Maturaarbeiten an den Freiburger Gymnasien St-Michel, Ste-Croix, Gambach, Collège du Sud und des Gymnase intercantonal de la Broye in Payerne.

Mit welchen Themen setzt sich die FNG aktuell auseinander?
In der diesjährigen Vortragsreihe geht es um sehr aktuelle Themen: Wie entwickelt sich die Biodiversität im urbanen Umfeld? Welchen Einfluss hat der Klimawandel auf die Freiburger Wälder und wie geht der Kanton damit um? Wie engagieren sich die Freiburger «Grand-Parents pour le Climat»? Thema unseres letzten Vortrages war gerade für Stadtbewohner_innen von Interesse: Was können Behörden und Bauplaner tun, um Hitze-Spots in unseren Städten in den Sommermonaten zu vermeiden?

Wie hat sich die FNG historisch entwickelt?
Die FNG wurde lange vor unserer Universität gegründet, und zwar in einer Zeit, als der Kanton Freiburg – nach der kurzen Phase der Helvetischen Republik – mit der so genannten Restauration zum Ancien Régime durch das Patriziat zurückkehrte. Eine Zeit also, in der eher sozio-politische als naturwissenschaftlichen Themen im Vordergrund standen. Es mag erstaunen, dass sich damals geistliche Herren, wie der Pädagoge Pater Grégoire Girard und der Chorherr Charles-Aloyse Fontaine für Naturwissenschaften interessierten. Fontaine hatte eine beachtliche Sammlung von Mineralien und Pflanzen zusammengetragen, die später die Basis für das Freiburger Naturhistorische Museum bildete. Beide der Genannten spielten sowohl im Jahr 1815 bei der Gründung der Schweizerischen Akademie der Naturwissenschaften (ScNat) als auch 1832 bei jener der FNG eine wichtige Rolle. Allerdings gab es dann in der Geschichte unserer Gesellschaft ein «schwarzes Loch», eine Zeit, über die uns keine Dokumente vorliegen: Bereits nach dem zweiten Präsidenten, Antoine-Casimir Déglise, fiel die FNG in einen «Winterschlaf», aus dem sie erst mit der zweiten Gründung von 1871 wieder erweckt wurde. Zusammen mit gegen 30 weiteren regionalen und kantonalen naturforschenden Gesellschaften ist die FNG in die Plattform Naturwissenschaften und Region der ScNat integriert und erhält von dieser auch einen finanziellen Zustupf. Heute hat die FNG rund 300 Mitglieder, hauptsächlich aus dem Kanton Freiburg.

Wie ist die FNG mit der Universität Freiburg verbunden?
Die NFG ist eng mit der Naturwissenschaftlichen und medizinischen Fakultät der Universität Freiburg verbunden. Viele der Mitglieder sind aktuelle oder pensionierte der Fakultät. Auch die meisten Präsident_innen kamen und kommen aus der Fakultät. Schliesslich finden auch die Vorträge an der Fakultät statt, nämlich im Hörsaal der Pflanzenbiologie an der Albert-Gockel-Strasse im Pérolles-Quartier.

Die FNG veröffentlicht regelmässig ein Bulletin. Was hat es damit auf sich?
Das Bulletin unserer Gesellschaft erscheint einmal pro Jahr, enthält verbandsrelevante Dokumente, vor allem aber wissenschaftliche Artikel vorzugsweise zu naturwissenschaftlichen Themen, vor allem mit Bezug zum Kanton Freiburg. Diese werden meist von Mitgliedern der FNG oderÌý der Mathematisch-Naturwissenschaftlichen und Medizinischen Fakultät der Universität verfasst. Aber auch Forschungsarbeiten, Master- und Matura-Arbeiten sind sehr willkommen. Alle bisherigen Bulletins ab Nummer 1 von 1879/80 sind in elektronischer Form auf der Plattform zugänglich, zusammen mit einer grossen Anzahl weiterer Schweizer Veröffentlichungen. Diese Plattform verfügt über eine effiziente Suchmaschine, was Nachforschungen nach bestimmten Themen und Personen ermöglicht.

Wer darf bei der FNG Mitglied werden?
Als Mitglieder der FNG sind sowohl Fachleute auf dem Gebiet der Naturwissenschaften und der Mathematik als auch alle interessierten Laien willkommen. Der Mitgliederbeitrag liegt bei CHF 45.- pro Jahr, für junge Menschen in Ausbildung bei CHF 20.- pro Jahr.
Die Mitglieder erhalten das Bulletin und werden zu den Vorträgen, Exkursionen und weiteren Aktivitäten eingeladen. Der doch recht bescheidene Mitgliederbeitrag ermöglicht es der FNG, weiterhin Vorträge und Exkursionen anzubieten, Maturaarbeiten zu prämieren und die Bevölkerung über aktuelle naturwissenschaftliche Themen zu informieren.

Welche Themen beschäftigen die FNG aktuell am stärksten?
Unsere Hauptaufgabe sehen wird darin, das Interesse an naturwissenschaftlichen Fragen zu wecken, um den inter- und transdisziplinären Dialog über die Herausforderungen unserer Zeit zu stimulieren. Im Fokus stehen Schulen und Gymnasien und ganz besonders die Studierenden der Hochschulen und der Universität als Entscheidungsträger von morgen. Denn viele der grossen Probleme, mit denen wir uns heute auseinandersetzen müssen, können nur in inter- und transdisziplinärer Zusammenarbeit gemeistert werden. Dazu gehört der Klimawandel, wie wir uns an eine veränderte Umwelt anpassen, die Energiekrise, die Verknappung der Rohstoffressourcen, der Schwund der Biodiversität, die Sorge um unsere mit Schadstoffen belastete Umwelt, aber auch aktuelle Themen der naturwissenschaftlichen Forschung. Die FNG sieht ihre Rolle als Mittlerin zwischen der Forschungsgemeinschaft unserer Universität und der Freiburger Bevölkerung.

Sorge bereitet uns die ܲú±ð°ùalterung der FNG, eine Erscheinung, die leider viele naturforschende Gesellschaften der Schweiz betrifft. Wir suchen immer noch nach dem besten Rezept, um junge Mensch für die FNG zu interessieren und auch um junge Forschende der Universität für die aktive Mitarbeit zu gewinnen, etwa für Vorträge, für Exkursionen, für interessante Artikel in unserem Bulletin und weitere Aktivitäten im Spannungsfeld zwischen Naturwissenschaften und Gesellschaft.

__________

]]>
/alma-georges/articles/2023/die-naturforschende-gesellschaft-freiburg/feed 0
Bulles de sciences #5 – La science pour toutes et tous /alma-georges/articles/2023/bulles-de-sciences-5-la-science-pour-toutes-et-tous /alma-georges/articles/2023/bulles-de-sciences-5-la-science-pour-toutes-et-tous#respond Mon, 26 Jun 2023 08:12:19 +0000 /alma-georges?p=18504 «Bulles de sciences» nous emmène à la rencontre des gens qui font notre Université… en format BD! Dans ce cinquième épisode, Marie-Pierre Chevron et Chantal Wicky racontent leurs projets aussi passionnants que pragmatiques pour rapprocher science et citoyen·ne·s.

__________

  • Page de Marie-Pierre Chevron
  • Page de Chantal Wicky
  • Plus de détails sur Lab2Rue sur la page du projet et surÌýAlma&Georges
  • d’AutreSens
]]>
/alma-georges/articles/2023/bulles-de-sciences-5-la-science-pour-toutes-et-tous/feed 0
Regards croisés sur l’intelligence artificielle /alma-georges/articles/2023/regards-croises-sur-lintelligence-artificielle /alma-georges/articles/2023/regards-croises-sur-lintelligence-artificielle#respond Mon, 19 Jun 2023 11:30:02 +0000 /alma-georges?p=18352 L’intelligence artificielle va-t-elle rendre l’humain superflu? Est-elle une opportunité ou une malédiction? Dans le cadre du workshop interdisciplinaire Quali+, Franck Missonnier-Piera (sciences économiques), Michel Heinzmann (droit), Ivo Wallimann-Helmer (humanités environnementales) et Gianfranco Soldati (philosophie) ont soumis cette révolution technologique, et peut-être sociétale, au crible de leurs algorithmes respectifs.
Parce que trop disruptive, l’intelligence artificielle (IA) requiert-elle l’adoption d’un moratoire sur son développement? Si rien n’est fait, risque-t-on de se retrouver toutes et tous au chômage, de surcroît dans un monde submergé de fausses informations? Les promesses et les menaces de l’intelligence artificielles sont telles qu’il est difficile de préjuger de l’avenir qu’elle nous réserve. Afin d’y voir plus clair, le traditionnel workshop de la filière Quali+, cuvée 2023, propose de scruter l’IA selon quatre perspectives et d’en dresser un premier bilan. Morceaux choisis par une intelligence limitée, mais 100% naturelle.

Frank Missonnier-Piera

Point de vue de l’économiste
Pour Frank Missonnier-Piera, il est incontestable que l’IA affecte déjà la vie des entreprises: «Elle permet d’agréger très rapidement une masse considérable de données comptables pour savoir, par exemple, quels biens ou quels services il faudrait fournir en priorité aux client·e·s. Du côté des fournisseurs·euses, l’IA peut aider à mieux gérer le stockage des marchandises de sorte à éviter des ruptures de flux.» Selon le titulaire de la Chaire Comptabilité et Analyse financière, l’IA va en particulier impacter les métiers comptables, en facilitant notamment la préparation des états financiers de l’entreprise. «Un logiciel peut non seulement aider à repérer des erreurs ou des anomalies, par exemple une facture erronée, mais aussi aider à se conformer à des normes complexes, environnementales ou juridiques, qui varient d’un pays à l’autre.»
Au niveau micro-économiques, l’IA permet donc de dégager du temps et des ressources pour des activités à forte valeur ajoutée. En revanche, elle représente un risque majeur au niveau financier car, en anticipant les tendances de marché, les algorithmes peuvent générer des effets boule de neige catastrophiques. «Si tous les agent·e·s économiques vendent en même temps, alertés par l’IA d’une tendance baissière imminente, les cours peuvent chuter de manière précipitée et provoquer un crash éclair. Il faut donc maîtriser ces outils!»

Michel Heinzmann

Michel Heinzmann

Point de vue du juriste
Rebondissant autant sur les propos de Frank Missonnier-Piera que sur l’actualité, Michel Heinzmann, titulaire de la Chaire de procédure civile, entame sa présentation en se demandant si, dans le fond, le crash du Crédit suisse ne serait pas lui-même dû à un algorithme. «L’impact juridique a été immédiat, poursuit-il, puisque le week-end même le Conseil fédéral produisait une ordonnance forçant UBS à racheter le Crédit suisse». Pour Michel Heinzmann, les spécialistes du droit disposent déjà d’une certaine forme d’IA, bien qu’encore rudimentaire. «Des moteurs de recherche nous permettent, par exemple, d’avoir accès aux arrêts du Tribunal fédéral, la plus haute instance juridique du pays. Cela facilite l’accès aux données avec, revers de la médaille, le risque de se voir noyé·e sous un flot d’informations.» A cela s’ajoute, selon lui, le risque d’atteintes à la personnalité. «En croisant les données, l’IA pourrait permettre de lever le secret et désanonymiser les données. Cela requiert une règlementation !» D’aucun·e·s craignent également un ralentissement de l’évolution du droit et sa déconnexion de l’évolution sociétale, puisque l’IA se nourrit d’un corpus de données existantes. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il est à craindre que l’IA n’affecte la justice prédictive. «On peut imaginer que les personnes appartenant à des minorités ethniques, les plus représentées dans le monde carcéral, soient victimes de biais reproduits par l’AI». Et Michel Heinzmann de conclure, avec des accents missonniens, que «l’IA va nous aider à libérer des ressources en automatisant les tâches simples, mais elle ne remplacera jamais l’humain dans l’exercice de la justice».

Ivo Wallimann-Helmer

Point de vue de l’éthicien
Avec plusieurs collègues, Ivo Wallimann-Helmer, professeur au Département des géosciences, a développé un modèle servant à évaluer la durabilité des algorithmes. «Nous en sommes encore aux balbutiements, admet-il, mais notre but serait, par exemple, de pouvoir évaluer la durabilité économique et sociale des algorithmes utilisés par une banque.» Selon lui, il convient en effet de définir un cadre permettant une numérisation de la société qui soit à la fois durable et éthique. Pour y parvenir, il faudrait s’accorder sur des normes légales, éthiques et environnementales afin de savoir ce qui «est ok ou ce qui pose problème». En somme, il convient d’adopter «une approche intégrée de l’éthique numérique». Parfois considérée comme le pétrole du XXIe siècle, la digitalisation en a aussi les inconvénients: «Les serveurs consomment une énergie folle!»

 

Gianfranco Soldati

Point de vue du philosophe
La question fondamentale que Gianfranco Soldati se pose est la suivante: «Est-ce que l’IA constitue un danger pour nous, les humain·e·s? Va-t-elle prendre des décisions à notre place, notamment sur des aspects fondamentaux de notre vie?» Ces questions, selon le philosophe, laissent entendre qu’il y aurait une substitution progressive de l’humain par l’IA. Gianfranco Soldati, dans un exercice d’origine cartésienne, essaie de faire réfléchir l’auditoire à l’origine de cette crainte. Pour lancer la discussion, il avance l’hypothèse selon laquelle cette peur provient d’une conception fausse que nous nous sommes faites de nous-mêmes en tant qu’humain·e. «Sous l’influence des sciences humaines, qui nous réduisent à une sorte de mécanisme, nous avons développé une image de nous-mêmes qui ressemble beaucoup à l’IA…. D’où notre crainte que l’IA puisse nous dépasser.»

 


L’Unifr, au cÅ“ur de l’IA
Si l’IA a au moins un mérite, c’est celui d’échauffer les circonvolutions de nos petits cerveaux, car cette technologie soulève d’innombrables questions et éveille des craintes légitimes. Il n’empêche, l’Université de Fribourg, avec ses cinq facultés, est l’endroit idéal pour appréhender la problématique de manière aussi holistique que possible. Il ne reste plus qu’à espérer une saine émulation entre chercheuses et chercheurs de tous horizons. Et même s’il n’en a pas été question durant le workshop, il est bon de rappeler que l’Université de Fribourg est l’une des chevilles-ouvrières du (SCAI), le centre de compétence national pour le développement et l’implémentation de l’intelligence augmentée.

 

 

__________

]]>
/alma-georges/articles/2023/regards-croises-sur-lintelligence-artificielle/feed 0
Citius un peu, mais surtout altius et fortius! /alma-georges/articles/2023/citius-un-peu-mais-surtout-altius-et-fortius /alma-georges/articles/2023/citius-un-peu-mais-surtout-altius-et-fortius#respond Fri, 31 Mar 2023 08:26:58 +0000 /alma-georges?p=17907 Avaler le plus de dénivelé possible durant 24 heures, tant que tiennent les genoux, le cœur et le corps, tel est l’objectif de Riwal Leemann. Ce samedi, l’étudiant en Géosciences de l’Université de Fribourg participera au 24H Vertical Challenge de Crozet, dans l’Ain. Contrarié par des pépins de santé à répétition, cet amoureux de la montagne cherchera à repousser ses limites à défaut de viser un record.

Riwal, d’où est venue cette idée de projet un peu fou?
Cela remonte à 2021. Dans le monde de l’endurance, il y a un concept né récemment qui consiste à faire le plus de dénivelé en 24 heures, aussi bien à la montée qu’à la descente. Cela représente un immense défi physique et mental. Mon but, c’est d’établir une marque pour les moins de 20 ans, puisqu’à ma connaissance, personne de mon âge ne s’y est essayé. Cela dit, je ne me considère pas comme un énorme sportif et je n’ai donc pas d’ambitions excessives.

Riwal dans son élément: la montagne!

Mais pourquoi avoir attendu deux ans avant de participer à ta première épreuve?
L’année passée, je me suis cassé le pied deux semaines avant la course. A la fin d’une semaine d’entraînement intense, j’ai soudainement senti une douleur que j’ai pris pour une petite entorse. J’ai donc continué à courir et même fait une course à pied la semaine suivante. J’avais tellement mal que je me suis résigné à voir mon docteur. Diagnostic: cheville cassée!

Pas de quoi te dégoûter de ces courses extrêmes?
Je pense que c’était plutôt une erreur d’entraînement de ma part. C’est le métier qui rentre et je fais plus attention depuis. Malheureusement, ma préparation pour la course n’a pas été optimale car, en plus de ma blessure, j’ai été malade du mois de janvier à la mi-mars. Je ne suis pas au top de ma forme, mais je vais participer pour le challenge et l’expérience.

Et en temps normal, comment se prépare-t-on à ces épreuves «anormales»?
Il faut avaler le maximum de dénivelé, à pied ou à vélo. J’ai parcouru les escaliers du lac de Pérolles, derrière le Jardin botanique, une bonne centaine de fois! J’essaie de courir une quinzaine d’heures par semaine.

Ça n’empiète pas sur tes études?
Au contraire, ça me permet de décompresser!

Qui te soutient dans cette aventure?
Ma famille, bien sûr, et en particulier mon frère et un ami qui viendront m’encourager et m’aider lors des ravitaillements.

Mais 24 heures d’effort, c’est violent!
En fait, on est libre de faire une sieste de deux heures si on le souhaite ou de manger une fondue si l’envie nous prend. Le format de la course est très libre et c’est ce qui me plaît.

Il n’y a pas que l’aspect sportif: en participant à la Vertical challenge de Crozet, tu souhaites également soutenir une cause…
J’ai des convictions écologiques assez fortes et je souhaite lever des fonds pour l’association à laquelle je remettrai 100% de l’argent récolté.

_________

  • de Riwal
  • du 24h Vertical Challenge
]]>
/alma-georges/articles/2023/citius-un-peu-mais-surtout-altius-et-fortius/feed 0
Free-speech – La parole à Arnaud Chiolero /alma-georges/articles/2023/free-speech-la-parole-a-arnaud-chiolero /alma-georges/articles/2023/free-speech-la-parole-a-arnaud-chiolero#respond Thu, 30 Mar 2023 08:28:34 +0000 /alma-georges?p=17898 Entre science et engagement, du labo à la rue, du terrain de recherche au monde, qui peut dire quoi? Arnaud Chiolero, professeur de Santé publique au Département de médecine, partage son point de vue sur la liberté de parole des scientifiques.

De manière générale, toute vérité est-elle bonne à dire?
En tant que scientifique, je dirais que notre souci est la connaissance, et non pas la vérité. Les connaissances sont certainement «à dire», mais elles ne se disent pas toutes seules; il faut un cadre qui permet l’échange des savoirs et qui respecte les doutes et les questionnements. C’est ce qu’offre idéalement l’université.

Quel est votre métier? Sur quoi portent vos recherches?
Je suis épidémiologiste et professeur de santé publique; j’étudie la santé des populations et ses multiples déterminants.

Certain·e·s scientifiques, notamment celles et ceux qui étudient le climat, ne se contentent pas de publier leurs résultats, mais tentent aussi d’alerter l’opinion publique ou d’inciter les autorités à l’action. Jugez-vous que c’est le rôle de la communauté scientifique ou que celle-ci doit se cantonner à ses recherches sans prendre position?
Il est difficile pour certain·e·s expert·e·s d’étudier des sujets de santé publique tout en gardant une neutralité axiologique; la tentation est énorme de s’impliquer pour améliorer la situation, et on comprend bien cette envie. Les scientifiques peuvent s’impliquer politiquement, mais il faut séparer les activités de production et de diffusion du savoir (activité scientifique à proprement parler) de celles de l’activisme politique (activité citoyenne). Le problème est que le militantisme académique crée une confusion entre le débat politique (où la conviction et l’opinion dominent le savoir) et le débat scientifique (où le savoir et le questionnement sont centraux). Les scientifiques, même s’ils ont de bons arguments, doivent accepter qu’ils sont des citoyen·ne·s comme les autres et n’ont pas de légitimité politique à diriger. Dans un système démocratique, c’est le politique – fait de citoyen·ne·s et d’élu·e·s œuvrant dans le respect d’institutions – qui dirige. La science peut trouver des solutions aux problèmes de santé publique, mais c’est le politique qui décide comment transformer ces solutions en réalité.

Certaines de vos recherches peuvent-elles susciter un débat scientifique, voire alimenter des discussions politiques? Si oui lesquelles? Est-ce déjà arrivé?
Lorsqu’on étudie la santé des populations, il y a automatiquement des discussions politiques, car les mesures pour améliorer la santé nécessitent de faire des choix personnels, socio-économiques, voire éthiques. On l’a vécu, par exemple, sur la question d’obliger ou non la vaccination contre le virus de la covid-19. Alors que les scientifiques sont les mieux placé·e·s pour démontrer les bénéfices ou les dangers de la vaccination, elles et ils ne peuvent pas répondre à la question de savoir s’il faut rendre celle-ci obligatoire, car cela relève de choix sociaux, éthiques et politiques.

Iriez-vous jusqu’à la désobéissance civile: faut-il sortir du labo pour descendre dans la rue?
On peut le faire, comme tout citoyen·ne, mais pas au nom de l’institution qui nous emploie. Je suis payé pour donner des enseignements et pour conduire mes travaux de recherche, non pas pour mes convictions ou mes choix politiques.

Pensez-vous que vous avez une légitimité, voire le devoir, en tant que scientifique, de participer au débat public?
Participer au débat public, bien entendu, et j’ai une responsabilité d’informer au mieux sur la base de mes connaissances. Mais quand il s’agit de choisir, de décider, je suis un citoyen comme un autre.

__________

  • Page d’Arnaud Chiolero
  • Le magazine scientifiqueÌýuniversitasÌýconsacrera également, dans son numéro d’avril 2023, une triple interview à la question.
]]>
/alma-georges/articles/2023/free-speech-la-parole-a-arnaud-chiolero/feed 0