santé – Alma & Georges /alma-georges Le magazine web de l'Université de Fribourg Wed, 11 Dec 2024 08:22:38 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.3.5 Semaine happy: y’a d’la joie (malgré tout) /alma-georges/articles/2024/semaine-happy-ya-dla-joie-malgre-tout /alma-georges/articles/2024/semaine-happy-ya-dla-joie-malgre-tout#respond Wed, 11 Dec 2024 07:43:56 +0000 /alma-georges?p=21700 La première édition de la semaine du bien-être et de la santé mentale à l’Unifr a été un franc succès. Vous avez été plus de 2000 à visiter les stands, ateliers et conférences. Le webzine Alma&Georges en a profité pour prendre votre pouls. 

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Vous sentez-vous happy? /alma-georges/articles/2024/vous-sentez-vous-happy /alma-georges/articles/2024/vous-sentez-vous-happy#respond Wed, 13 Nov 2024 08:22:48 +0000 /alma-georges?p=21275 Comment allez-vous? C’est la question qu’Uni-Social vous pose et vous invite à vous poser lors de la semaine «Happy?» du 19 au 21 novembre sur les campus de Miséricorde et Pérolles. Ateliers, conférences et stands vous offriront une vue d’ensemble des offres universitaires concernant le bien-être et la santé mentale – une occasion aussi d’échanger sur les différentes manières de préserver notre bien le plus précieux. Rachel Gerber, responsable des projets de prévention à Uni-Social nous raconte.

Rachel Gerber, sur quelle impulsion est née cette idée d’organiser une semaine sur le bien-être étudiant?
Les sondages «How are you?» et «Feeling good?» réalisés depuis 2020 à l’Université de Fribourg ont permis à Uni-Social d’identifier certaines difficultés auxquelles sont régulièrement confronté·e·s les étudiant·e·s de l’Unifr. Parmi les difficultés et obstacles au bon déroulement des études fréquemment relevés par les étudiant·e·s figurent des sujets souvent tabous: santé mentale, isolement, intégration, stress.
Un autre constat souligné par l’AGEF concerne la visibilité des offres de soutien internes en matière de santé mentale. L’Université de Fribourg dispose d’un large éventail d’offres, celles-ci restent cependant souvent méconnues de la population estudiantine.

Est-ce que ce type d’initiative est devenu particulièrement nécessaire post-covid?
La période covid a pour bénéfice d’avoir mis en lumière la nécessité pour chacun·e de se sentir appartenir à un groupe, de se sentir intégré·e et d’avoir des contacts sociaux. La majorité des étudiant·e·s de l’Unifr vient d’un autre canton, voire d’un autre pays. Ce besoin d’intégration et de rapport aux autres est donc particulièrement important dans ce contexte. Le sentiment d’isolement était probablement déjà une réalité avant, le contexte covid a néanmoins largement contribué à accentuer des difficultés déjà présentes en augmentant l’isolement social des étudiant·e·s.
La période covid a peut-être laissé des séquelles dans notre rapport aux autres ou la façon d’entrer en contact avec les autres. Aller vers l’autre semble aujourd’hui plus difficile pour les étudiant·e·s que cela ne l’était avant la période covid. L’initiative «Happy?» vise à mettre en lumière les offres fribourgeoises favorisant les échanges et permettant aux étudiant·e·s d’entrer en contact et de s’investir dans des actions comme Bénévolat Fribourg par exemple.

A qui s’adresse ce programme? Est-ce que je dois forcément avoir le moral dans les chaussettes pour y participer?
Cet événement s’adresse principalement aux étudiant·e·s de l’Unifr, mais se veut également ouvert aux membres du personnel ainsi qu’à la communauté locale (événement du ).
Pas besoin d’avoir le moral dans les chaussettes pour s’intéresser à son bien-être. Cet événement s’adresse à toutes et tous les étudiant·e·s sans «prédispositions» spécifiques. L’idée est justement de prévenir et d’anticiper les baisses de moral qui font partie de la vie et d’ «outiller» les étudiant·e·s pour qu’elles et ils sachent comment réagir et vers qui se tourner.
Les sondages «How are you?» et «Feeling good?» font état d’environ un·e étudiant·e sur trois qui évaluerait son moral comme plutôt bas. Il s’agit de prendre cette donnée en considération et d’ouvrir le dialogue sur cette réalité, de proposer des pistes de réflexions et de visibiliser le réseau d’acteurs et d’actrices internes (services universitaires, associations estudiantines) mais également externes (fribourgeois et romand) qui représentent un soutien aux étudiant·e·s.
«Happy?» vise à sensibiliser les étudiant·e·s sur l’importance du bien-être et de son impact sur la réussite étudiante ainsi qu’à briser les tabous autour de la santé mentale.

A quoi devons-nous nous attendre? Qu’y aura-t-il au programme?
Cette première édition «Happy?» c’est une multitude d’activités, bilingues et variées, réparties sur trois jours et sur plusieurs sites du campus, et même en ville puisque le Café scientifique aura lieu à Ancienne Gare.
La programmation, constituée de stands, ateliers, conférences, film, témoignages, activités récréatives et concert, mettra en lumière les multiples facettes du bien-être physique et mental.
Des expert·e·s en santé mentale, des partenaires institutionnels et associatifs ainsi que des initiatives étudiantes se réuniront pour visibiliser les offres et prestations disponibles, tant internes qu’externes. Les participant·e·s auront l’opportunité de se familiariser avec des outils pratiques pour mieux gérer le stress, l’anxiété, le réseau social et d’autres défis psychologiques. L’objectif? Créer un environnement académique propice à la réussite personnelle et universitaire.

Un high-light? Un moment à ne pas manquer?
Difficile de définir un moment phare avec une programmation aussi riche! On vous invite particulièrement à rencontrer les «happy people»: des étudiant·e·s spécialement formé·e·s à la prévention et à la réduction des risques, notamment en santé mentale. Ces «happy guides» seront présent·e·s tout au long de l’événement sur le stand «Happy Info» ou circuleront sur le campus pour aller à la rencontre des étudiant·e·s. Leur mission? Renseigner sur la programmation du jour, écouter et orienter vers les services internes ou externe, selon les besoins, et guider vers les stands ou activités qui, pour une raison ou une autre, deviendront peut-être le high-light de chacun·e.

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Einweihung des Fair-Play Platzes: Entdecken Sie das Balance Lab! /alma-georges/articles/2024/einweihung-des-fair-play-platzes-entdecken-sie-das-balance-lab /alma-georges/articles/2024/einweihung-des-fair-play-platzes-entdecken-sie-das-balance-lab#respond Wed, 29 May 2024 08:08:37 +0000 /alma-georges?p=20283

Im Rahmen der Einweihung des Fair-Play-Platzes und des Universitätsstadions St. Leonhard am 8. Juni 2024 stellt Prof. Dr. Wolfgang Taube das innovative Balance Lab vor. In unserem Interview erklärt er, warum das Training des Gleichgewichts in jedem Alter essenziell ist und wie es nicht nur die Sturzprophylaxe verbessert, sondern auch zu mehr Wohlbefinden und besserem Schlaf beiträgt.

Können Sie uns mehr über das Balance Lab erzählen, das Sie zur Einweihung des Fair-Play-Platzes und des Universitätsstadions St. Leonhard anbieten werden?
Im Balance Lab stellen wir unterschiedliche Gleichgewichtsstationen vor, mit denen zum einen das Gleichgewicht trainiert aber auch getestet werden kann. Wir zeigen auf, dass es «unterschiedliche Arten von Gleichgewicht» gibt und dass es auch Strategien gibt, besser «im Gleichgewicht zu bleiben».

Welche Ziele verfolgen Sie mit dem Balance Lab und warum ist es wichtig, das Gleichgewicht in jedem Alter zu trainieren? Welche Vorteile hat ein gutes Gleichgewicht für die allgemeine Gesundheit und das tägliche Leben?
Mit dem Balance Lab wollen wir die Besucher_innen dafür sensibilisieren, dass zum einen das Gleichgewicht ein essentieller Teil unseres Lebens darstellt und zum anderen, dass es gar nicht so schwierig ist, das Gleichgewicht zu trainieren. Essentieller Bestandteil, da wir es benötigen, Alltagsaktivitäten durchzuführen aber auch um sportliche Aktivitäten wie Inline-Skaten, Skifahren oder Hockeyspielen bewerkstelligen zu können. Kinder und Senior_innen stürzen am häufigsten und sind am gefährdetsten, Verletzungen zu erleiden. Daher ist es in jedem Alter wichtig, das Gleichgewicht zu trainieren. Aber wie kann man es eigentlich trainieren? Dies zeigen wir im Balance Lab auf. Eine Vielfalt von unterschiedlichen Gleichgewichtsübungen bereitet uns am besten auf die vielfältigen «(Sturz-)Gefahren im Alltag» vor. Die Vorteile eines «guten Gleichgewichts» sind, dass Stürzen vorgebeugt werden kann, die Leistungsfähigkeit in vielen Sportarten verbessert werden kann und dass auch Neurotransmitter im Gehirn ausgeschüttet werden, welche gut für das Wohlbefinden und den Schlaf sind.

Wie wird der Test des Gleichgewichts im Balance Lab ablaufen und was können die Teilnehmenden daraus lernen
An den meisten Stationen messen wir nicht (quantitativ) das Gleichgewicht. Jede und jeder kann selbst erfahren, wie lange sie_er im Gleichgewicht bleibt und welche Schwierigkeitslevel bewältigt werden können. Aber wir haben auch eine Messstation, wo wir die Schwankungen aufzeichnen und dann rückmelden. Wir wollen also die Teilnehmenden spielerisch an das Gleichgewicht und v. a. das Gleichgewichtstraining heranführen. Gleichzeitig bieten wir in Form von Postern Informationen über dieses Thema an. Wir wollen dafür sensibilisieren, dass Gleichgewichtstraining nicht nur für die Sturzprophylaxe wichtig ist, sondern auch für die allgemeine Gesundheit; Stichwort: Gleichgewichtstraining als Medizin. Mehr über dieses spannende Thema können Sie auf unserer Homepage erfahren.

Was erwarten Sie von der Teilnahme am Balance Lab? Welche Resonanz erhoffen Sie sich?
Wir hoffen in erster Linie, dass die Teilnehmenden Spass haben, wenn sie bei uns mitmachen. Darüber hinaus wollen wir für das Thema Gleichgewicht und Gleichgewichtstraining sensibilisieren und die Schwelle, ein Gleichgewichtstraining selbst durchzuführen, erniedrigen.

Neben dem Gleichgewichtstraining werden auch Aspekte wie Fair-Play und Gesundheit betont. Wie verbinden Sie diese Themen in Ihrer Präsentation im Balance Lab?
Das Thema Fairplay haben wir jetzt nicht gesondert auf unserer Agenda; ausser dass wir auf Französisch und Deutsch unserer Informationen vermitteln.

Gleichgewicht und Gleichgewichtstraining sind zwar auch im (Hoch-)Leistungssport verortet, aber eben ganz stark auch auf der Ebene der Gesundheit. Wobei die meisten Personen Gleichgewicht und Stürze miteinander verbinden, wollen wir aber noch einen Schritt weitergehen und aufzeigen, dass Gleichgewichtstraining viel mehr kann, als «nur» das Gleichgewicht zu verbessern. Wie gesagt, können Sie darüber mehr auf unserer Homepage unter der Rubrik «Sport as Medicine» erfahren. 

Abschliessend, welche Tipps würden Sie den Besucher_innen mit auf den Weg geben, um das Gleichgewicht im Alltag zu verbessern?
Um das Gleichgewicht zu verbessern, muss man das «Ungleichgewicht» suchen. Nur Übungen, die Schwierigkeiten bei der Durchführung verursachen, trainieren auch wirklich unser Gleichgewicht. Wenn die Übungen zu einfach sind, muss sich unser Gehirn nicht anpassen – es nimmt sofort wahr: «Das kann ich ja schon». Insofern sollte jede_r für sich herausfinden, wie das Gleichgewicht herausgefordert werden kann und dies möglichst oft üben und sukzessive die Schwierigkeiten weiter erhöhen.

Sa, 8. Juni 2024, 10:00 – 17:00 Uhr, Site sportif de St-Léonard, Chemin St-Léonard, 1700 Fribourg

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«Je me rendais compte que mon récit gênait mes proches» /alma-georges/articles/2024/je-me-rendais-compte-que-mon-recit-genait-mes-proches /alma-georges/articles/2024/je-me-rendais-compte-que-mon-recit-genait-mes-proches#respond Tue, 09 Jan 2024 09:24:39 +0000 /alma-georges?p=19525 Difficiles à chiffrer précisément en raison du tabou qui les entoure, les violences sexuelles sont une réalité tristement répandue en Suisse. Une étudiante en psychologie de l’Unifr, elle-même abusée par un proche durant l’enfance, propose des groupes de parole destinés aux victimes.

Heidi Duperrex, fondatrice de l’association Amor Fati

Ce n’est que la pointe de l’iceberg. En Suisse, environ 350 enfants sont victimes d’inceste chaque année, selon les résultats d’une enquête de la RTS publiés en 2019. Mais vu les tabous liés au harcèlement sexuel – et le peu de cas dénoncés à la police – les spécialistes partent du principe que le nombre de personnes concernées est bien plus important. Le Conseil de l’Europe estime ainsi qu’un mineur sur dix serait touché par l’inceste. Quant aux violences sexuelles dans leur ensemble, elles frapperaient pas moins d’un enfant sur cinq. Chaque classe d’école comporterait donc en moyenne deux élèves abusés, dont un par un membre de sa famille.

Durant des années, Heidi Duperrex (aujourd’hui âgée de 23 ans) a été cette élève. Victime d’attouchements de la part de son beau-père dès l’âge de 7ans, puis de viols dès l’âge de 10 ans, elle n’est sortie (physiquement) de la spirale des violences sexuelles qu’à l’âge de 15 ans, lorsque sa mère et son époux ont divorcé. Verbalement, il a fallu attendre encore quatre ans avant que l’adolescente ne parvienne «à libérer sa parole». Dans la foulée, des personnes proches lui conseillent de porter plainte, ce qu’elle fait en mai 2020. La machine judiciaire se met en branle. Démarre pour Heidi Duperrex une attente presque intenable, qui dure encore. Condamné en avril 2023 en première instance à 12 ans de prison et au versement de 70’000 francs, son agresseur a fait appel. Au moment de la rédaction de cet article, la date du second procès n’avait pas encore été fixée.

Comme une cocotte-minute
En automne 2020, la jeune femme débute des études de psychologie à l’Unifr. «Après quelques mois, j’ai dû jeter l’éponge; une confrontation avait eu lieu avec mon ex-beau-père et j’étais très ébranlée, je n’arrivais plus à aller en cours.» La crise Covid-19 en rajoute une couche. «Certes, j’étais suivie par une psychologue et entourée d’amis à qui je pouvais parler», se souvient-elle. «Mais j’avais l’impression de devoir constamment mettre des filtres lorsque je racontais mon histoire.» Elle précise: «Avec mes proches, je m’auto-censurais car je me rendais bien compte que mon récit les gênait; quant à la psy, elle me manifestait plutôt de la pitié que de la compréhension.»
L’année suivante, Heidi Duperrex se réinscrit en cursus de psychologie. «Heureusement, cette fois, j’arrivais à travailler; par contre, côté privé, l’attente devenait difficile à gérer, je me sentais comme une cocotte-minute sur le point d’exploser.» L’étudiante en est convaincue: échanger avec des personnes qui ont un vécu similaire au sien lui ferait du bien. Mais elle a beau prendre contact avec plusieurs organismes spécialisés dans l’aide aux victimes de violences ou dans la mise sur pied de groupes de parole, elle fait chou blanc: aucun n’est en mesure de lui proposer une offre correspondant à ses besoins. «Début 2022, j’ai eu un déclic: je vais créer mon propre groupe de parole!»

Faisant fi de l’avis de sa psychologue, qui lui déconseille un tel projet – «elle craignait que le fait d’être publiquement associée à la thématique de l’inceste ne soit trop lourd à porter pour moi» – Heidi Duperrex imagine Amor Fati, une association dont le but est de venir en aide aux victimes d’abus sexuels et à leurs proches. «Il me fallait un espace pour accueillir l’association, ainsi que le groupe de parole; je me suis adressée à Fri Up (ndlr: organe fribourgeois de soutien à la création d’entreprises), qui m’a redirigée vers l’Innovation Lab Fribourg.» Conçue pour les jeunes innovateurs, notamment les personnes en cours de formation (universitaire ou HES), cette structure vise à les soutenir dans la concrétisation de leur projet entrepreneurial. Outre de l’aide de l’Innovation Lab (mise à disposition de locaux), la fondatrice d’Amor Fati a bénéficié de celle du réseau Bénévolat Fribourg (élaboration des statuts de l’association) et de la LAVI (animation du groupe de parole). Côté publicité, après de modestes débuts sur Instagram, la jeune femme a profité du buzz généré en terre fribourgeoise par une interview accordée à une radio parisienne. «Dès l’ouverture des inscriptions au premier groupe de parole, en juin 2022, il y avait assez de participant·e·s, voire trop.»

La boxe comme défouloir
Une fois par mois, les personnes qui se sentent concernées par la thématique des abus sexuels – «quel que soit leur sexe, leur âge ou leur façon de définir les abus sexuels» – se réunissent en petit groupe afin d’échanger de façon confidentielle, dans un cadre bienveillant et sécurisant. «Nous commençons par un tour de table sur les émotions actuelles des participant·e·s puis travaillons des thèmes spécifiques – par exemple la peur des hommes, les cauchemars ou les ressources – à travers les expériences et conseils de chacun·e.» Le groupe est co-animé par une infirmière disposant d’une expérience en psychiatrie. «Lorsqu’elle travaillait en milieu hospitalier, Charlotte a constaté qu’on intervient souvent trop tard, lorsque les victimes d’abus sexuels sont déjà au bout du rouleau, médicalisées, etc.» C’est dans la salle de boxe qu’elles fréquentent toutes les deux que les jeunes femmes ont fait connaissance. «Pour moi, la boxe, c’est l’activité qui me permet de sortir tout ce qui doit sortir», rapporte Heidi Duperrex. D’ailleurs, l’association Amor Fati propose, en partenariat avec un club de boxe anglaise, des cours à tarif préférentiel aux personnes désireuses de «se défouler et laisser libre cours à leurs émotions dans un cadre soutenant». Lorsque les finances le permettront, «nous souhaiterions élargir la palette des activités offertes, par exemple au yoga, à la fréquentation de «rage rooms», etc.» Selon l’étudiante de l’Unifr, trouver une activité qui aide à gérer les émotions fait partie des réflexes de base que devrait adopter une victime de violences sexuelles. «Les possibilités sont infinies: ça peut être la danse, aller crier dans la forêt…» Outre l’échange avec des personnes ayant vécu la même expérience – par exemple via un groupe de parole -, Heidi Duperrex recommande vivement de consulter un psychologue, «qui apporte des définitions éclairantes sur ce qui est en train de se passer à l’intérieur». Surtout, elle encourage à «remplir sa boîte à outils, tester ce qui fait du bien et ne pas rester figé dans sa tête, car on pourrait être tenté de se faire du mal».

Aussi des abuseuses
Un an et demi après le lancement de l’association, sa fondatrice tire un bilan réjouissant. «Nous avons de plus en plus d’inscriptions, au point qu’il va falloir envisager une nouvelle formule afin que le groupe de parole ne devienne pas trop grand.» Autre source de satisfaction: l’âge des participants, qui tend à se diversifier. «Il oscille désormais entre 20 et 55 ans, ce qui permet de s’inspirer mutuellement; alors que les plus âgés ont davantage d’expérience de vie, les plus jeunes ont tendance à avoir une parole plus libre.» Côté genre aussi, la diversité est au rendez-vous. «J’avoue qu’au début, le groupe ciblait les femmes.» Rapidement, Heidi Duperrex a réalisé «qu’il y a aussi des abuseuses» et a ouvert son groupe de parole aux hommes. Avec un bonus inattendu: «La plupart des femmes qui ont été ou sont victimes d’abus ont peur des hommes; le fait d’être en contact régulier avec des hommes qui sont eux-mêmes victimes les aide à surmonter cette crainte.»

En collaboration avec l’association Amor Fati, l’Unifr propose un groupe de parole destiné aux victimes de violences sexuelles. Il est animé par des psychologues du Centre de Psychologie de la Santé. Inscriptions: association.amorfati@gmail.com

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Gare à l’épuisement scolaire! /alma-georges/articles/2023/gare-a-lepuisement-scolaire /alma-georges/articles/2023/gare-a-lepuisement-scolaire#respond Wed, 01 Mar 2023 08:39:02 +0000 /alma-georges?p=17679 Fatigue, lassitude, faible estime de soi? Autant de signes qui pourraient trahir une forme d’épuisement scolaire. Le Centre de psychologie de la santé de l’Unifr propose des groupes de parole pour aider les étudiant·e·s à se confronter à ces symptômes. Les explications de Saba Chopard, assistante diplômée.

Saba Chopard

Cette année, le Centre de psychologie de la santé de l’Unifr a mis sur pied des groupes de parole sur la thématique de l’épuisement scolaire et du burn-out, pour quelle raison?
Nous sommes en contact étroit avec le Conseil psychologique aux étudiant·e·s de l’Université de Fribourg. Ce dernier a constaté une augmentation significative des difficultés inhérentes à l’épuisement scolaire ainsi qu’au burn-out parmi les étudiant·e·s qui ont consulté l’année dernière. Nous avons aussi pu remarquer, en tant qu’enseignant·e·s, une augmentation du niveau du stress parmi les étudiant·e·s universitaires. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de créer ce concept, afin que les personnes qui se trouvent confrontées à des situations pareilles puissent profiter d’un espace d’échange et de partage bienveillant et sécurisé.

Les étudiant·e·s sont-ils plus sous pression aujourd’hui ou plus fragiles?
C’est important de prendre en considération les deux éléments. D’un côté, la société demande de plus en plus en ce qui concerne la productivité de chacun·e. Cela nous amène à nous sentir souvent sous pression et le risque est de tomber dans une sorte de compétition avec les autres, car «je vais réussir seulement si j’ai tout donné et si j’arrive à être la ou le meilleur·e», ce qui par conséquent crée du stress. De l’autre côté, il y a sûrement une fragilisation au niveau de la population générale et de la population estudiantine. Cette vulnérabilité, qui était peut-être déjà latente, a été exacerbée surtout suite à la période de la pandémie de la covid-19, qui nous a obligé·e·s à changer radicalement nos styles de vie.

Quels sont les signes qui peuvent révéler un début d’épuisement scolaire?
Un des symptômes principaux en lien avec l’épuisement scolaire, c’est de se sentir constamment fatigué. Bien sûr, ce n’est pas le seul signe. Cette problématique inclut généralement trois principales dimensions: l’épuisement émotionnel, le cynisme (sentiment de détachement par rapport aux études ou aux autres) et le faible sentiment d’accomplissement personnel. L’épuisement scolaire partage beaucoup de similitude avec la dépression. La plus grande différence avec cette dernière est que l’épuisement scolaire est intimement lié aux études. Ce sont ces dernières qui causent les symptômes associés énumérés ci-dessus.

Quels peuvent être les conséquences si on ignore le problème?
Plus nous avançons dans le processus d’épuisement, plus les conséquences peuvent devenir lourdes et se chroniciser. Des symptômes cognitifs, telle que la difficulté à se concentrer, émotionnels, comme la difficulté à gérer ses émotions négatives, ainsi que physiques, comme une fatigue persistante et un sommeil perturbé, peuvent perdurer dans le temps et se généraliser aussi à d’autres domaines de la vie.

Que peuvent faire les étudiant·e·s pour éviter de souffrir d’épuisement scolaire?
En ce qui concerne les facteurs de protection, le soutien social représente un des facteurs les plus significatifs. Continuer à cultiver ses relations et être soutenu·e par notre environnement réduiraient le stress face aux études et, par conséquent, rendraient les étudiant·e·s moins vulnérables à l’épuisement scolaire. A côté de cela, une bonne hygiène de vie (rythme de vie équilibré, alimentation, exercice physique etc.), la capacité de prendre soin de soi et de poser ses propres limites ainsi que celle à s’auto-observer et à s’auto-réguler sont des outils qui aident à prévenir l’épuisement scolaire.

Vous proposez des groupes de parole sur la thématique. Comment se passent ces séances?
Nous proposons quatre séances pendant le semestre de printemps 2023. Chaque séance propose de traiter une thématique précise, tout en laissant aux participant·e·s la possibilité de s’exprimer et d’amener les sujets qui leurs paraissent importants. L’idée, c’est de proposer des stratégies qui peuvent être mises en place afin de gérer les difficultés rencontrées. Nous proposons notamment les thématiques suivantes: la gestion du temps, la capacité à poser ses propres limites, apprendre à activer son propre courage et des techniques de relaxation.

Et pour celles et ceux qui auraient peur de parler en public ou souhaiteraient garder l’anonymat, y a-t-il d’autres options?
Il y a toujours l’option de consulter un·e psychologue de manière individuelle. Celui ou celle-ci est tenue au secret professionnel. Ce qui est discuté en séance reste donc d’ordre privé. C’est d’ailleurs important de faire appel à un·e professionnel·le de la santé si on remarque que la situation devient difficile à gérer ou si elle commence nous dépasser.

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  • Page de Saba Chopard
  • Groupes de parole autour du burnout:
    . «J’apprends à me relaxer», 25.05.2023, 18h30-20h00
    . «J’active mon courage», 27.04.2023, 18h30-20h00
    . «Je pose mes limites», 30.03.2023, 18h30-20h00
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VIH et migration, au-delà des stéréotypes /alma-georges/articles/2022/vih-et-migration-au-dela-des-stereotypes /alma-georges/articles/2022/vih-et-migration-au-dela-des-stereotypes#respond Mon, 21 Feb 2022 14:24:52 +0000 /alma-georges?p=15365 La Professeure en sociologie Francesca Poglia Mileti et la chercheuse Laura Mellini ont étudié les représentations et dynamiques autour de la santé sexuelle et du VIH/sida dans le contexte migratoire. Elles en appellent à une approche inclusive, tenant compte des identités multiples de la personne.

Fléau de la fin du XXe siècle, le VIH (virus de l’immunodéficience humaine) continue de sévir, même si les chiffres d’ONUSida montrent que, dans le monde, les nouvelles infections ont diminué de 52% par rapport au pic de 1997. Une baisse en partie due à la prévention et au progrès dans le traitement de la maladie, qui permet aux personnes séropositives de mener aujourd’hui une existence presque «normale». Sur le plan médical du moins, car cette maladie sexuellement transmissible nourrit encore des stéréotypes tenaces.

Les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH) restent les plus exposés face à la maladie. Alors que la Suisse recense 290 nouvelles infections en 2020, l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) indique que les relations HSH demeurent la voie d’infection la plus souvent indiquée à 50,8%, contre 26,5% par voie hétérosexuelle. Dans ce second cas, les femmes sont les plus touchées. Parmi elles, une majorité est issue de régions considérées à «haute prévalence du VIH» par ONUSida et l’Organisation mondiale de la santé, notamment l’Afrique subsaharienne.

Visions différentes de la sexualité
Comment les femmes migrantes d’origine subsaharienne atteintes du VIH gèrent-elles socialement l’information autour de leur maladie? Quelles sont les pratiques et les représentations des jeunes migrant·e·s provenant de ces mêmes régions en matière de sexualité et de VIH?

Sociologues à l’Université de Fribourg, la Professeure Francesca Poglia Mileti et la chercheuse Laura Mellini se sont penchées sur ces questions via trois enquêtes qualitatives depuis 2016: les femmes migrantes d’origine subsaharienne et le VIH (FEMIS), les jeunes migrant·e·s d’Afrique subsaharienne et la santé sexuelle (JASS) ainsi que la migration et les vulnérabilités au VIH et autres infections sexuellement transmissibles en Suisse (Mi.STI).

Des terrains sensibles. L’écueil du stéréotype n’est jamais loin et Laura Mellini prévient d’emblée du risque de réduire les personnes à l’étiquette de «migrant∙e∙s». «Dans ce contexte aussi, les identités sont multiples, liées au genre, à l’orientation sexuelle, à l’origine, au statut social, économique ou juridique, aux expériences vécues, etc.» A priori, difficile en effet de comparer une personne précaire sans permis à une jeune fille de deuxième génération inscrite à l’université. Pour autant, le contexte migratoire joue bel et bien un rôle.

«Les jeunes personnes migrantes constatent des différences, lorsqu’elles se comparent à leurs camarades de classe non-migrant∙e∙s», rapporte Francesca Poglia Mileti. Ces jeunes, surtout les femmes, vivent souvent dans une tension entre des visions différentes de la sexualité, avec des distinctions de genre plus marquées et des attentes de la part des parents. Ici, le souci de l’image dépasse souvent les impératifs médicaux.

«La plupart des jeunes connaissent les risques, continue Francesca Poglia Mileti. Mais leurs comportements sont liés à la manière dont ils et elles se représentent la maladie et à leur position dans le couple. Le regard des filles par rapport aux garçons ne sera pas le même que dans les couples non-migrants. Pour elles, faire valoir sa position et ses droits, y compris ses droits sexuels, est souvent plus difficile».

«Certaines jeunes filles affichent une volonté de vivre une sexualité épanouie et assumée, d’autres ne se permettent pas de sortir avec un préservatif, craignant d’être considérées comme des ‹filles faciles›», souligne la professeure. L’exemple montre à quel point les comportements dits «à risque» ne découlent pas seulement de l’accès à l’information médicale, mais relèvent de dynamiques et de représentations sociales complexes.

Interprétariat et précarité
Les communautés auxquelles appartiennent les enquêté·e·s entretiennent parfois des tabous sur la sexualité et ont des représentations morales et religieuses différentes de celles du pays d’accueil. Se pose ici la question sensible de l’interprétariat communautaire. D’un côté, on trouve l’avantage de la langue et de représentations communes, mais d’un autre, l’interprète ne va parfois pas oser traduire certaines choses afin de ménager la personne.

Le problème est crucial pour les requérant·e·s d’asile déposant une demande en raison d’orientation sexuelle ou d’identité de genre. «Ces personnes doivent exprimer quelque chose qu’elles ont appris à cacher dans leur pays pour fuir les persécutions, et doivent le faire devant un·e interprète qui peut avoir une vision normative de la sexualité et être amené·e à traduire ce qu’il/elle ne veut ou ne peut pas entendre», précise Laura Mellini.

L’enquête Mi.STI montre l’influence de la précarité dans laquelle peuvent se trouver certain·e·s migrant·e·s. En situation de précarité socio-économique et juridique, la priorité est d’obtenir un permis de séjour, un logement, de la nourriture. Difficile, dans ce contexte, de penser à la prévention ou au préservatif. Des situations de dépendance et de jeu de pouvoir peuvent aussi s’instaurer au sein des couples et rendre difficile, voire impossible, la négociation du préservatif.

Connaître le vécu et les stratégies des personnes est d’autant plus important en matière de prévention pour les deux sociologues. Elles en appellent à une démarche inclusive. «Il s’agit de partager les informations à toutes et tous et de ne pas simplement aborder la prévention en termes de catégories comme personnes ‹migrantes› ou ‹homosexuelles›, sans pour autant oublier que des spécificités existent», résume Francesca Poglia Mileti.

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«Tendre vers une société inclusive peut réduire les problèmes de santé» /alma-georges/articles/2021/tendre-vers-une-societe-inclusive-peut-reduire-les-problemes-de-sante /alma-georges/articles/2021/tendre-vers-une-societe-inclusive-peut-reduire-les-problemes-de-sante#respond Tue, 30 Nov 2021 12:56:08 +0000 /alma-georges?p=14895 La pandémie de covid-19 en est une triste illustration: même dans un pays comme la Suisse, le niveau socio-économique a un impact sur la santé des individus. Le sociologue de la médecine et épidémiologiste Stéphane Cullati invite à accélérer la lutte contre les inéquités.

La Loi fédérale sur l’assurance maladie (LAMal) est entrée en vigueur il y a un quart de siècle, rendant obligatoire l’assurance de base en cas de maladie ou d’accident; depuis, la Suisse est-elle devenue un eldorado de l’équité en matière de santé?
On pourrait le penser, d’autant qu’il s’agit d’un pays à hauts revenus, où le système de santé est considéré comme performant. Et pourtant, la LAMal n’empêche pas de nombreuses inéquités en matière de santé. Certes, le côté «même panier de soins pour toute la population» est une bonne chose. Mais dès que vous quittez ce panier commun, les inégalités apparaissent.

De quels types d’inéquités parle-t-on?
Un de mes collègues a, par exemple, constaté au cours de ses recherches qu’il n’est pas rare que des habitant·e·s de notre pays renoncent à certains types de soins en raison de leur coût. Ce phénomène concerne principalement les soins dentaires, les lunettes et les check-up de santé. Une autre inégalités est à chercher du côté des primes, qui sont les mêmes quel que soit le revenu. Certes, il existe des subventions; mais, là non plus, on ne peut pas parler d’équité, car elles varient d’un canton à l’autre. Il faut bien être conscient·e·s que les inéquités inhérentes à la LAMal sont d’ordre politique, puisque nous avons fait le choix de ne pas nous doter d’une caisse publique.

Lorsque l’on parle d’équité en matière de santé (health equity en anglais), cette question du revenu – et, plus largement, du niveau socio-économique – est de plus en plus prise en compte. Au point de reléguer au second plan la question de l’accès aux soins?
Comme le montre l’exemple des Etats-Unis, investir massivement dans le système de santé ne conduit pas à une meilleure santé pour tous. Ce sont avant tout les inégalités en amont de la maladie qui comptent.

On en vient donc à ces fameux «déterminants sociaux de la santé» (DSS), qui prennent une place grandissante dans la recherche depuis une petite vingtaine d’années, y compris en Suisse.

En effet. Pour ne citer qu’elles, les études menées depuis dix ans par le Pôle de recherche national LIVES mettent en évidence le poids des DSS. Elles soulignent à quel point les moyens investis dans l’organisation de la santé, ainsi que dans la redistribution des ressources sociales et économiques, peuvent promouvoir la santé des membres d’une société. Plus globalement, ce que constatent les chercheuses et les chercheurs, c’est qu’il existe toute une série de facteurs qui ne relèvent pas de la biologie – mais des conditions de vie sociale – qui viennent influencer notre santé.

De ces facteurs, quels sont les mieux étudiés?
Sans surprise, le niveau socio-économique est l’un d’entre eux, notamment parce qu’il existe des études historiques à ce sujet. Des recherches conduites au début du XXe siècle aux Etats-Unis montraient déjà la différence de mortalité entre les cols blancs et les professions manuelles. Après la deuxième Guerre Mondiale, le Royaume-Uni a fait office de pionnier en monitorant de façon systématique – et sur la durée – des cohortes d’enfants. En a découlé, en 1980, le «Black Report», un rapport très sombre montrant notamment des différences marquées d’espérance de vie en fonction du revenu, de l’éducation, des conditions de travail ou encore de l’alimentation. Ce phénomène semble intemporel et universel: les gens issus de classes moins favorisées sont en moins bonne santé, et ceci dans la plupart des pays du monde. Ils sont notamment davantage touchés par les maladies chroniques et mentales, ainsi qu’au niveau de leur santé fonctionnelle.

Malheureusement, la Suisse n’échappe pas à cette règle…
Non. J’ai, par exemple, mené une étude portant sur les années 1990 à 2015. En terre helvétique, comme dans la plupart des pays à hauts revenus, l’espérance de vie a globalement augmenté durant cette période. Mais cette hausse est moins importante parmi la population qui a un niveau d’éducation plus bas. Dans certains cas, il y a même une stagnation.

En tenant davantage compte des DSS, notamment du niveau socio-économique, pourrait-on réellement améliorer l’état de santé de la population?
Je connais l’exemple d’un patient qui vivait dans un quartier plutôt défavorisé de Genève. Son médecin l’a convaincu de déménager et sa santé s’est nettement améliorée. Notamment parce qu’il s’est retrouvé dans un environnement plus propice au bien-être et à une meilleure hygiène de vie. Reste que de nombreuses études ont montré qu’une partie de notre état de santé est influencé par notre enfance. Concrètement, on constate que les personnes nées dans une famille «pauvre» sont en moins bonne santé que les autres selon divers types d’indicateurs (masse musculaire, fonction pulmonaire, maladies chroniques, facultés cognitives, symptômes dépressifs, autonomie fonctionnelle). Et ce même si elles ont réussi à augmenter leur niveau social à l’âge adulte. Cette question des parcours de vie m’intéresse beaucoup.

Il y aurait donc une espèce de fatalité sanitaire liée au début du parcours de vie?
Disons qu’il semble que quelque chose s’imprime très tôt et perdure. Un concept intéressant est celui des réserves, à savoir une forme spécifique de ressources (physiques, psychologiques, sociales, économiques) qu’un individu peut mobiliser pour faire face à un événement stressant, notamment une maladie. Ces réserves l’aident à mieux encaisser les chocs. Or, il est avéré qu’elles se constituent principalement durant l’enfance, la jeunesse et le début de la vie adulte. Un mauvais départ peut donc avoir des conséquences à très long terme. D’où l’importance de protéger le développement des enfants et de leur donner les ressources qui leur seront nécessaires pour se maintenir en bonne santé tout au long de la vie.

Ensuite, est-il trop tard pour agir?
Heureusement, il n’est jamais trop tard pour s’en sortir! Mais pour cela, il faut être en mesure d’avoir de bonnes conditions de vie, d’exercer un travail épanouissant, etc. Et c’est là que vient s’ajouter une deuxième inégalité, de genre cette fois-ci. Des recherches ont été menées sur des personnes ayant grandi et mené une vie active au XXe siècle. Elles ont mis le doigt sur le fait que les femmes ont systématiquement plus de peine que les hommes à rattraper ce «retard» pris au début d’une vie difficile, notamment parce qu’elles ont un accès moins aisé aux études supérieures et au marché de l’emploi. Certes, les femmes vivent en moyenne plus longtemps que les hommes. Par contre, elles sont en moins bonne santé au cours de leur vie. D’où l’importance de lutter contre les inégalités. Cette remarque vaut d’ailleurs aussi bien pour les inégalités de genre que toutes les autres formes d’inégalités présentes dans la société.

Vous rejoignez donc les voix qui appellent à investir dans une société plus inclusive plutôt que dans le système de santé?
Dans un pays aussi solide économiquement que la Suisse, l’un n’empêche pas l’autre! Mais, en effet, tendre vers une société globalement plus inclusive et égalitaire peut fortement contribuer à réduire – à long terme – les problèmes de santé, en particulier de santé mentale.

Davantage de victimes de la covid-19 parmi les «pauvres»
La pandémie de covid-19 illustre tristement les inéquités en matière de santé en fonction du niveau socio-économique. «Certes, nous sommes toutes et tous impacté·e·s, mais il y a une double, voire une triple peine pour les personnes à faible revenu», constate Stéphane Cullati. Comme l’a révélé une étude pilotée par l’ancien directeur de la task force scientifique Matthias Egger et publiée en avril 2021, les habitant·e·s pauvres du notre pays ont davantage de risques de contracter le coronavirus et d’en mourir. «Divers facteurs expliquent cette mortalité accrue», poursuit le sociologue de la médecine. D’une part, le fait que plus leur niveau socio-économique est bas, moins bien les gens se protègent. «Notamment parce que certains d’entre eux ont moins accès à une information de qualité et une moins grande capacité à comprendre et à appliquer cette information.» D’autre part, parce que ces personnes exercent souvent des professions davantage exposées, n’offrant pas la possibilité du télétravail. «Et que, parfois, elles ne peuvent pas se permettre de ne pas aller travailler, ce qui les poussera potentiellement à ne pas se faire tester, afin d’éviter une éventuelle quarantaine.» Sans oublier que les personnes d’un bas niveau socio-économique «souffrent davantage de maladies chroniques, ce qui augmente chez elles le risque de complications – et par ricochet de décès – en cas d’infection au coronavirus».

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  • Stéphane Cullati est maître d’enseignement et de recherche en santé publique et épidémiologie au (#PopHealthLab) de l’Unifr. Parallèlement, ce sociologue de la médecine est employé par les Hôpitaux Universitaires de Genève.
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L’Université de Fribourg championne de l’activité cérébrale… et physique /alma-georges/articles/2021/luniversite-de-fribourg-championne-de-lactivite-cerebrale-et-physique /alma-georges/articles/2021/luniversite-de-fribourg-championne-de-lactivite-cerebrale-et-physique#respond Wed, 17 Nov 2021 14:29:24 +0000 /alma-georges?p=14819 Les étudiant·e·s de l’Université de Fribourg sont parmi les plus actives et actifs du pays, selon une étude. Il faut dire que le Service du sport de l’alma mater jouit de plus de 100 ans d’expérience. Reste qu’avec la pandémie, continuer à faire bouger les jeunes est un vrai défi.

Ce n’est un secret pour personne, le cerveau des étudiant·e·s de l’Université de Fribourg est musclé. Ce que l’on sait moins, c’est que leur corps l’est aussi. D’après une , dont les résultats ont été publiés l’été dernier, la moitié des étudiant·e·s de l’alma mater fribourgeoise profitent au moins une fois par semaine de l’offre mise à leur disposition par Unisport. Un succès qui fait de l’Unifr la championne suisse en la matière, ex-aequo avec l’EPFZ.

Il faut dire que les jeunes femmes et hommes qui fréquentent la haute école ont l’embarras du choix en termes d’activité physique. Le Service du sport universitaire leur propose près de 140 cours par semaine, portant sur près de 70 activités différentes par semestre, relevant aussi bien de l’endurance que de la force, de la souplesse ou encore du bien-être. Et ce malgré un budget bien inférieur à celui des plus grandes universités du pays. «Nous avons la chance de pouvoir nous appuyer sur une longue tradition, puisque le sport est entré à l’Unifr en 1899 déjà», commente Marcel Lanzilao, co-directeur (avec Fabian Binggeli) d’Unisport. Sans oublier de mentionner que l’actuelle Rectrice Astrid Epiney «est une grande adepte d’activité physique».

© Volker Graf

Pour mémoire, l’offre d’Unisport est destinée aussi bien au corps estudiantin qu’aux collaboratrices et collaborateurs de l’Unifr, ainsi qu’aux ancien·ne·s étudiant·e·s des universités suisses et aux étudiant·e·s du réseau HES. «Au total, environ 15’000 personnes sont abonnées», précise Marcel Lanzilao. Ce sont justement les abonnements «externes» qui garantissent une partie du financement de la structure. Le reste est assuré «par une part de la taxe d’inscription des étudiant·e·s, qui nous revient».

Papillonnage encouragé
Mais pourquoi donc une université, établissement de formation intellectuelle par excellence, se préoccupe-t-elle tellement de la santé physique de ses membres? «Cela n’est plus à prouver: pour assurer un maximum de performance cérébrale, il faut veiller à un bon équilibre entre activité physique et mentale», note le chef d’Unisport. Sans oublier la possibilité de déconnecter qu’offre la pratique sportive, ni les bénéfices sociaux. «Transpirer durant une heure avec d’autres gens, c’est une occasion en or de se constituer un réseau.»

Soucieuse de faire bénéficier un maximum d’étudiant·e·s de ces bienfaits, l’Université de Fribourg profile son offre de façon diamétralement différente par rapport aux autres structures existantes sur le marché, qu’il s’agisse de salles de fitness, de clubs sportifs ou d’associations. «Il y a d’abord nos prix, imbattables en comparaison de ceux de la ‹concurrence› privée.» Mais plus encore, c’est la philosophie d’Unisport qui constitue sa marque de fabrique. «Notre but – et notre rôle – est d’allumer une étincelle auprès des étudiant·e·s, de leur donner envie de bouger, quelle que soit la discipline choisie», affirme Marcel Lanzilao. Pour ce faire, «nous les encourageons à papillonner, à essayer toutes sortes d’activités, sans devoir s’engager pour un semestre entier». Les chiffres sont parlants: «Nous constatons, dans la plupart de nos cours, que seuls environ un tiers des visages sont chaque fois les mêmes.»

Trop-plein d’écrans
Mais que se passe-t-il donc lorsque tout s’arrête brusquement, comme cela a été le cas lors des semi-confinements de 2020 et 2021? «Notre préoccupation principale était de faire en sorte que les étudiant·e·s continuent à bouger; ce d’autant plus que nombre d’entre elles et eux ont vu leur activité physique de base, assurée par exemple par les trajets quotidiens à pied ou à vélo, chuter drastiquement.» Dès le mois de mars 2020, Unisport a mis en ligne des playlists et vidéos sur YouTube, permettant notamment de pratiquer (chez soi ou à l’extérieur) le yoga, la danse, le fitness, le VTT ou encore la boxe. «Actuellement, plus de 200 vidéos sont disponibles en ligne», se réjouit le co-directeur.


La pandémie a donné lieu à plusieurs observations intéressantes, relève Marcel Lanzilao. «Le comportement des étudiant·e·s de l’Unifr en matière d’activité physique a été très variable: certain·e·s ont presque totalement arrêté de bouger; d’autres, au contraire, sont devenu·e·s beaucoup plus fit qu’avant.» Autre constat étonnant, «alors que le format virtuel de certains cours, tels que ceux de yoga, aurait potentiellement pu attirer davantage de participant·e·s que le format traditionnel, cela n’a pas été le cas». Le spécialiste suppose que le trop-plein d’écrans pourrait expliquer cette réticence. «A l’inverse, dès que nous avons pu recommencer à offrir des cours en présentiel, nos abonné·e·s se sont rué·e·s.»

Forte des expériences réalisées durant la crise sanitaire, l’Unifr (en partenariat avec le Groupe E) a inauguré, à l’occasion de la journée portes ouvertes Explora, un parcours sportif et touristique au cœur de la ville de Fribourg, baptisé . L’itinéraire, qui relie le campus Miséricorde au campus de Pérolles et comporte 15 étapes, peut être effectué en courant ou en marchant. A chaque poste, les visiteuses et visiteurs se voient proposer un exercice à réaliser sur place, en s’aidant parfois du mobilier urbain. Une manière de plus de s’assurer que le corps des étudiant·e·s est suffisamment robuste pour soutenir leur tête bien pleine.

Vous avez dit service minimum?
L’Office fédéral de la santé publique (OFSP) en est convaincu: toute augmentation de l’activité physique entraîne un bénéfice supplémentaire pour la santé. Dans l’idéal, les adultes devraient faire de l’exercice d’intensité moyenne durant deux heures et demie minimum par semaine. Cette recommandation de base peut être remplacée par la pratique d’un sport ou d’une activité physique intense d’une heure et quart par semaine au moins, précise l’OFSP sur son site internet. L’idéal est de répartir ces efforts sur plusieurs jours.

«Le service minimum, c’est d’introduire un peu de mouvement au quotidien, par exemple en gravissant systématiquement les escaliers et en effectuant le maximum de trajets à pied ou à vélo», complète Marcel Lanzilao. Le responsable d’Unisport conseille aussi «d’augmenter l’intensité de l’effort de temps en temps, ce qui stimule la production d’hormones ‹du bonheur› et entraîne une plus grande sensation de fierté». Encore plus important: «A chaque séance d’entraînement, il faut sourire au moins une fois!»

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  • Image de une: © Ibrahim Nimaga
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L’antibiorésistance sous la loupe de la sociologie /alma-georges/articles/2021/lantibioresistance-sous-la-loupe-de-la-sociologie /alma-georges/articles/2021/lantibioresistance-sous-la-loupe-de-la-sociologie#respond Wed, 03 Nov 2021 13:33:02 +0000 /alma-georges?p=14709 Les 4 et 5 novembre, la 8e édition du Festival suisse des méthodes qualitatives, organisé par les sociologues du Département de sciences sociales, aborde le thème de la santé. Domaine fortement investi par la recherche, dans lequel les sciences sociales et l’approche qualitative se sont taillé une place. En témoignent les travaux de la Professeure Muriel Surdez, qui étudie l’antibiorésistance par le prisme des politiques publiques.

La pandémie actuelle nous le rappelle. Nous vivons dans un monde interconnecté, où le vivant s’adapte en permanence. Humains, animaux, environnement, les bactéries circulent et se transforment. Elles résistent aussi parfois. Effet de l’usage abusif d’antibiotiques, le phénomène de l’antibiorésistance, à savoir l’émergence de bactéries devenues résistantes aux antibiotiques, préoccupe de plus en plus la recherche et la politique.

Pneumonies, septicémies, infections intestinales. Les remèdes perdent de leurs effets contre les maladies d’origine bactérienne. Pour tenter d’endiguer le problème, les gouvernements ont mis sur pied des programmes, telle la Stratégie Antibiorésistance Suisse (StAR) lancée par la Confédération en 2015. Stratégie qui s’inscrit dans la perspective «One Health» pour une approche intégrée systémique de la santé humaine et animale, ainsi que de l’environnement.

Comme l’ensemble du domaine de la santé, l’antibiorésistance est courtisée par la recherche. Professeure de sociologie à l’Université de Fribourg, Muriel Surdez s’y est intéressée. Elle a mené des entretiens qualitatifs au sein des administrations fédérales et cantonales chargées de mettre en œuvre la StAR dans le cadre d’un projet financé par le FNS.

«Là où les sciences médicales étudient surtout le phénomène sous l’angle bactériologique, les sciences sociales s’intéressent au processus de mise en place de ces programmes par les politiques de santé publique. Et se penchent aussi sur les défis organisationnels que représente par exemple la réduction des antibiotiques pour les élevages», explique la chercheuse.

Les 4 et 5 novembre à Fribourg, le sujet sera abordé lors du Festival suisse des méthodes qualitatives. Une 8e édition consacrée à la santé, qu’elle coorganise avec ses collègues de l’Unité sociologie du Département de sciences sociales, Esther González Martínez, Fabrice Plomb et Francesca Poglia Mileti.

Sur le terrain
«Les méthodes qualitatives se sont fait une place dans les recherches sur la santé et elles offrent un regard différent par rapport aux études quantitatives», relève Muriel Surdez. Pour la chercheuse, le quantitatif permet de dégager des lignes directrices pour les politiques publiques. En revanche, l’approche qualitative pointe les possibles écueils. Elle met en lumière la complexité de la problématique du point de vue des actrices et acteurs.

C’est qu’un phénomène biologique, même préoccupant comme l’antibiorésistance, ne devient pas un problème de santé publique du jour au lendemain. Sur le plan sociétal, le tempo est différent, explique Muriel Surdez: «L’introduction des antibiotiques s’est généralisée après la Seconde Guerre mondiale et dans les années 1950, l’antibiorésistance était connue, mais on pensait alors que l’élaboration de produits plus performants permettrait d’endiguer le problème.»

Le phénomène s’est, au contraire, accru. Des programmes nationaux et internationaux ont été lancés ces dernières années. Chaque pays a ses particularités. En Suisse, les autorités doivent tenir compte de la structure politique. «Les cantons possèdent une autonomie qui complique la coordination à l’échelon national», observe Muriel Surdez, même si elle relève que les choses ont avancé à ce niveau.

La sociologue a concentré ses recherches sur la santé animale, moins étudiée que la santé humaine. Elle relève une autre particularité du contexte helvétique: le rôle important des vétérinaires dans ces politiques. «Ce sont les expert·e·s de la santé animale. Ce domaine a longtemps été leur pré carré et l’intervention d’autres actrices et acteurs est complexe.»

Donnant-donnant
Les changements sont importants pour les vétérinaires, qui délivrent les antibiotiques. Les tâches administratives augmentent et certain·e·s voient dans ces contrôles une ingérence pas forcément bienvenue. «Ils s’interrogent sur leur autonomie et l’utilisation des données qu’ils transmettent», relève la chercheuse. En s’intéressant aux négociations entre la profession et les organes de santé publique, elle a constaté que les vétérinaires ont accepté de se plier aux contrôles, dès lors qu’ils pouvaient continuer à vendre les antibiotiques, comme c’est le cas en Suisse.

La mise en évidence de tels mécanismes permet de faire avancer les connaissances sur le travail des politiques de santé publique et c’est tout l’intérêt de l’approche qualitative. Muriel Surdez ajoute que ses recherches ont donné lieu à des rencontres intéressantes: «Les vétérinaires se posent beaucoup de questions sur l’antibiorésistance et sur la santé animale. Ils font face à des contraintes, mais cherchent à améliorer les choses.»

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  • Page de Muriel Surdez
  • se tiendra les 4 et 5 novembre à l’Université de Fribourg. Les inscriptions sont closes, mais les personnes désireuses de participer peuvent adresser un courriel à: socio@unifr.ch.
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Série Upside Down – Mattia /alma-georges/articles/2021/serie-upside-down-mattia /alma-georges/articles/2021/serie-upside-down-mattia#respond Wed, 12 May 2021 11:46:46 +0000 /alma-georges?p=13693 Nos vies sont sens dessus dessous depuis un an. Comment avez-vous vécu ces derniers mois? Mattia Cuccu, 21 ans, vient du Valais, étudie en première année de Bachelor en sciences du management. Parallèlement à ses études, il travaille dans un club de natation (Club de natation de Sierre) en tant qu’entraîneur et responsable de la communication. Il habite en Valais, mais pendant la semaine, il partage une colocation avec deux de ses meilleurs amis au centre de Fribourg.

Image: Thomas Delley

Ton moral, il est plutôt au 18e sous-sol ou proche du 7e ciel?
J’espère que vous aimez les sous-sols, parce qu’il va falloir descendre! En toute honnêteté, beaucoup de choses ne vont pas très bien à cause de la crise. Dire le contraire serait se mentir. D’un autre côté, je sais que tout pourrait être bien pire. Donc, pour reprendre la métaphore du sous-sol, je dirais que je me situe vers le dixième… Le manque de contact social se fait vraiment sentir, surtout celui spontané empli de liberté. J’ai l’impression d’être en train de perdre un précieux temps que je ne pourrais jamais vraiment récupérer. Mais la plus grande difficulté pour moi, c’est le manque de perspectives. Impossible de savoir quand les cours vont reprendre, quand je pourrais m’engager dans tel ou tel projet, car tous les engagements sont en attente avec un épée de Damoclès juste au-dessus. L’incohérence des mesures prises n’aide pas non plus. Je suis persuadé que le sport et les cours académiques en particulier sont des milieux faciles à protéger avec les bonnes mesures. Je pense que, de ce point de vue, les autorités n’en ont pas fait assez.

En tant qu’étudiant·e, la covid, c’est nul parce que…
Parce que c’est impossible de se créer un réseau, surtout en première année. Si j’ai de la chance, car je connaissais déjà du monde avant d’arriver sur Fribourg, à moyen terme, ça ne suffit pas. Et, ne nous mentons pas, les événements en ligne, ça n’intéresse personne. Ce n’est qu’une façade: on a l‘impression de prendre du bon temps derrière son écran avant de réaliser que, en réalité, on est aussi seul qu’avant. Pas de fêtes, pas de sorties, pas d’événements, même pas de conférences ou de workshops. Rien de cela, alors que ça fait partie intégrante de la vie d’étudiant·e. Dans cette perspective, je dirais que j’étudie, mais pas que je suis étudiant. Ce n’est pas ça, être étudiant·e. C’est aussi «nul», parce qu’étudier depuis chez soi, cela demande trop de concentration. Il y a trop de distractions et pas assez de suivi. On n’a pas vraiment la possibilité de demander de l’aide spontanée à notre voisin de chaise ou au prof, à la fin du cours. Bien sûr, des solutions virtuelles sont mises en place, mais ce n’est pas pareil.

Ne dit-on pas qu’à quelque chose malheur est bon? Mais à quoi alors?
Les cours en ligne apportent une plus grande flexibilité, surtout pour ceux qui sont enregistrés. Bien sûr, je souhaiterais revenir en présentiel pour la grande majorité des cours, mais pouvoir revoir les enregistrements est un plus en cas de difficultés ou en cas de chevauchement de certains cours et d’obligations professionnelles. J’espère que cette option virtuelle restera même après la covid. Ce qui en découle, c’est le développement accéléré de moyens informatiques pour l’enseignement et les entreprises. Beaucoup de milieux ont pu constater que leurs équipements n’étaient pas suffisants et je pense que la crise a contribué au développement de moyens plus efficaces. Un autre point positif – que je nuancerais toutefois – est l’abondance de temps libre: moins de sport, moins de sorties… Tout ceci dégage beaucoup de temps, trop même car il devient difficile de l’occuper. Personnellement, j’ai pu me pencher sur d’autres projets, notamment l’écriture d’un roman, mais ça ne remplace en aucun cas la vie d’avant.

Dans 20 ans, tu te diras que 2020, c’était…
La pire année de ma vie! A ce stade, c’est le cas, et même si je sais que tout pourrait être pire, je ne souhaite pas revivre une chose pareille dans les vingt prochaines années. J’espère que je regarderai en arrière en me disant que ça n’était qu’une mauvaise passe et, surtout, qu’on en soit toutes et tous sorti·e·s grandi·e·s.

Une anecdote positive liée à la covid?
Il n’y en a pas beaucoup, mais je pense quand même à une situation de timing lié à ma vie sportive. J’ai pratiqué beaucoup de natation étant plus jeune, toutefois sans jamais avoir eu un tempérament compétiteur. J’ai fini par arrêter de nager en club il y a plusieurs années, en partie à cause d’une mauvaise relation avec mon entraîneur, alors que, quand on est petit, on regarde normalement les coachs avec des étoiles dans les yeux. Jamais je n’aurais pensé y revenir un jour, ni même devenir entraîneur. Mais un concours de circonstances lié à la crise m’a permis de succéder à l’ancien entraîneur principal cette saison. Sans la covid, jamais tout cela ne serait arrivé et contribuer au développement d’un club dynamique tout en amenant de très bon nageurs aux championnats romands et suisses, c’est une fantastique expérience. Dans un sens, j’ai eu l’impression que ça devait se passer comme ça et pas autrement.

Image: Thomas Delley

Une anecdote négative liée à la covid?
Difficile de sortir seulement une anecdote. Je dirais que de manière générale, j’ai perdu contact avec beaucoup de personnes. D’aucuns disent que la pandémie permet de faire le tri dans son cercle d’amis, mais j’ai plutôt l’impression qu’elle fragilise des relations qui semblaient pourtant inébranlables face au temps et au destin. Je sais que beaucoup d’occasions de renforcer des liens ou d’en créer de nouveaux ont été manquées. D’une certaine manière, on peut dire que j’ai perdu des proches.

Quand la covid sera terminée, de quelle manière marqueras-tu le coup?
Par un truc énorme, bien sûr! Je m’empresserai de revoir toutes les personnes qui m’ont manqué, des amis proches, des connaissances, tous ces gens avec qui les liens ont été cassés afin de prouver que le contact humain triomphe toujours, et cela sans se soucier de mesures à appliquer, d’un lieu adéquat ou d’horaires à respecter. En totale liberté, comme c’était le cas avant. Je fixerai aussi beaucoup de projets qui sont restés entre parenthèses: des sorties bien sûr, mais aussi dans le sport, la culture, le voyage, etc. Bref, d’une certaine manière, j’essayerai de rattraper le temps perdu.

PS: Vaccin ou pas vaccin?
J’ai été plutôt sceptique quant à la rapidité de la commercialisation du vaccin avec si peu de recul. Cela dit, avec le temps, je commence à faire confiance aux chercheurs et à croire que ça sera peut-être bien la solution pour nous sortir de cette impasse. Toutefois, je suis totalement défavorable à l’obligation, même déguisée, et donc je conserve mon scepticisme concernant le passeport vaccinal. Je pense que si obligation il y a, c’est que les autorités n’ont pas su communiquer suffisamment pour faire en sorte que la population veuille se faire vacciner. Après tout, le virus est dangereux ou il ne l’est pas, il n’y a pas d’entre-deux. Les avantages pour les personnes à risque semblent se confirmer; pour les autres cela reste encore à prouver. Je pense aussi que, si passeport vaccinal il y a, il doit prendre en compte les personnes qui ont une immunité, car elles ont contracté le virus sans avoir besoin de se faire injecter une dose de vaccin. C’est une question éthique délicate et, à partir du moment où les hôpitaux supportent la charge, chacun doit être libre de faire comme il le souhaite. Pour le reste, je pense que c’est à l’Etat de faire en sorte qu’il y ait assez de lits et que des variants plus coriaces n’arrivent pas jusque chez nous.

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  • Nos vies sont sens dessus dessous depuis un an. Comment avez-vous vécu ces derniers mois avec l’enseignement à distance? Sentez-vous les plafonds vous tomber sur la tête ou, en tant qu’introverti, êtes-vous de celles et ceux qui savourent la situation? Comment gardez-vous le contact avec vos ami·e·s? Quels sont les défis auxquels vous êtes confronté·e·s? Que pensez-vous du vaccin? L’Unifr vous donne la parole et vous écoute. Faites-vous tirer le portrait pour notre webzine «Alma&Georges». Les photos, prises par un photographe professionnel, vous seront offertes. Nous nous réjouissons de mettre ainsi en valeur la diversité de notre communauté universitaire. Ecrivez-nous à socialmedia@unifr.ch, objet: Portrait AG.
  • de Thomas Delley, photographe
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