Poésie – Alma & Georges /alma-georges Le magazine web de l'Université de Fribourg Mon, 27 Nov 2023 08:07:01 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.3.5 «Tant qu’à faire du lèche-vitrine avant Noël, autant miser sur La Cabinerie» /alma-georges/articles/2023/tant-qua-faire-du-leche-vitrine-avant-noel-autant-miser-sur-la-cabinerie /alma-georges/articles/2023/tant-qua-faire-du-leche-vitrine-avant-noel-autant-miser-sur-la-cabinerie#respond Mon, 27 Nov 2023 07:48:36 +0000 /alma-georges?p=19354 La grisaille ambiante vous souffle des envies de couleurs et de poésie? La Professeure en langue et littérature françaises du Moyen Âge Marion Uhlig sera votre bonne fée d’hiver. Au bout de sa baguette, Le don des lettres, un ouvrage à glisser sous le sapin ou à déguster au coin du feu. Plus encore, cette découverte poétique s’effeuille aussi sous forme de calendrier de l’Avent dans la plus petite galerie d’art de Fribourg. Rendez-vous dès le 1er décembre à la Cabinerie.

© Jessica Genoud

Marion Uhlig, vous venez de publier Le don des lettres. Quel est ce cadeau auquel fait allusion votre titre?
Ce titre, accompagné de son sous-titre Alphabet et poésie au Moyen Âge, se comprend dans un double sens: tout d’abord, le «don des lettres» désigne le cadeau des lettres de l’alphabet qui, dans les mythes gréco-romains et chrétiens, a été fait aux hommes pour leur permettre de s’adresser à Dieu. Pour parler à Dieu, qui est l’alpha et l’dzé et qui est au-delà du langage, les hommes disposent des lettres, de A à Z, qu’ils peuvent combiner de toutes les manières possibles pour former le langage. Ensuite, le «don des lettres» signifie le talent des poètes lettristes du Moyen Âge pour combiner les lettres entre elles et créer de la poésie. C’est cette poésie lettriste virtuose qui est à l’honneur dans notre livre et qui fait des écrivains médiévaux des «plagiaires par anticipation» (la formule est de Georges Perec) du surréalisme, du mouvement dada et de l’Oulipo. Il existe encore une troisième manière de comprendre le «don des lettres»: nous avons conçu notre livre comme un beau livre, volumineux et richement illustré, une sorte de cadeau de Noël idéal destiné aux amatrices et amateurs de poésie. (S’)offrir le Don des lettres, c’est comme recevoir un coffret dont les lettres sont les trésors.

Vous explorez le lien entre lettres, poésie et images. Comment la littérature médiévale manuscrite jouait-elle de ces relations?
Entre 1200 et 1500 environ, les poètes se donnent pour mission de faire du français une langue noble, digne d’exprimer la poésie au même titre que le latin. Ils s’adonnent pour ce faire à des rêveries sur les lettres de l’alphabet, auxquelles ils prêtent des significations symboliques en vertu de leur forme (par exemple, B, qui a deux ventres, est une lettre gloutonne), de leur nom (L désigne les ailes), du bruit qu’elles font (R imite les grognements du chien) ou des mots dont elles sont l’initiale (silence commence par S, la lettre qui susurre et chuchote). Dans les manuscrits médiévaux, les poèmes abécédaires consacrent une strophe à chaque lettre, laquelle, souvent, est magnifiquement illustrée de motifs figuratifs qui entrent en lien ou en tension avec ses valeurs symboliques. Pour mettre en valeur ce dialogue entre le texte poétique et les lettrines ornées sur l’espace de la page manuscrite, notre livre propose près de 200 illustrations en couleur, commentées par Brigitte Roux, co-autrice et historienne de l’art, qui tantôt illustrent le propos, tantôt contrastent avec lui de manière suggestive.

Vous avez choisi le format de l’abécédaire, pourquoi?
Le Don des lettres est à la fois un abécédaire poétique et un livre sur la poésie abécédaire au Moyen Âge. A force de travailler sur la poésie, on est contaminé par sa beauté et sa éé, elle devient notre ordre du monde: les chapitres du livre, comme les strophes des poèmes abécédaires, correspondent aux lettres de l’alphabet, de A à Z, ou plutôt de la Croix de Dieu au titulus, puisque l’alphabet médiéval comprend des signes et abréviations supplémentaires. Cette disposition donne aux lectrices et aux lecteurs la liberté de lire le livre d’un bout à l’autre ou de le feuilleter au petit bonheur en piquant ici ou là une fleur au bouquet des lettres, ou encore de simplement en regarder les images. Le livre, co-écrit avec Thibaut Radomme et Brigitte Roux, est l’un des aboutissements de mon projet de recherche FNS sur les «Jeux de lettres et d’esprit dans la poésie manuscrite en français» (2019-2023). Dans ce cadre, mon équipe et moi nous sommes intéressées à la poésie lettriste médiévale et, en particulier, à un corpus méconnu de poèmes abécédaires en français (nous avons édité et traduit ce corpus dans un autre ouvrage, paru lui aussi ce mois, Poèmes abécédaires français du Moyen Âge, Paris, Champion, 2023). ’idée qui est à la base de cette recherche est qu’au Moyen Âge, la éé des êtres et des choses est à chercher dans les mots qui les désignent, et plus encore dans les lettres qui composent ces mots. Ce que nous avons essayé de faire, au fond, c’est de mieux comprendre la poésie médiévale, en l’abordant par la lettre et à la lettre.


Giovannino de Grassi, Alphabet, fin du xive si.cle (Bergame, Biblioteca civica, Cassaf. 1.21, fol. 30)

De jolies surprises se cachent au fil des pages, pourriez-vous nous en révéler une?
Si je dois n’en choisir qu’une, ce sera la transition de M à N: en ancien français, M se prononce â. Lettre solaire et spéculaire, parfaitement symétrique, elle rayonne au cœur numérique de l’alphabet médiéval, dont elle est la douzième des vingt-trois lettres. Rimant avec gemme et dame, M est la lettre de Marie, la lettre qui forme un cœur si on réunit ses deux jambages extérieurs. Par opposition, N est la lettre imparfaite, défigurée, qui sert de repoussoir à M la Magnifique. Lettre infortunée, N signale le manque, l’absence, par l’adverbe ne qui porte la négation. D’ailleurs, N porte un nom d’oiseau, ane, la «cane» en ancien français, ou parfois asne, l’«âne», donc vous imaginez bien…(voir image) Or dans l’ABC a femmes, un abécédaire poétique très féministe de la fin du XIIIe siècle, tout change: N chante le triomphe de la femme rossignole, la Nightingale qui surpasse les oiseaux et les poètes. N y est réhabilité!

Au cours du mois de décembre, vous allez incarner votre travail sous une autre forme en proposant une exposition dans un lieu très particulier de Fribourg. Pourquoi ce choix?Tout a commencé par une très belle rencontre avec Alan Humerose et Susanne Obermayer. Ce sont nos passions communes pour les enluminures, pour le décalage entre distance et proximité qui caractérise notre rapport aux images médiévales, qui est à l’origine de cette exposition dans leur galerie d’art et de curiosités, La Cabinerie, située à l’angle des rues Grimoux et Marcello. Le Calendrier de l’Avent de La Cabinerie, cette année, sera consacré aux enluminures lettristes médiévales, à raison d’une image par jour, du 1er au 24 décembre. ’exposition est indépendante de la parution du livre, elle offre une expérience à part entière, celle d’un face-à-face direct et intime, dans une cabine tééphonique devenue musée, avec l’art de l’enluminure médiévale.

Que pourrons découvrir les visiteuses et visiteurs?
Jour après jour, à toute heure, elles et ils pourront découvrir une à une les lettres de l’alphabet à travers de splendides enluminures, tantôt amoureuses, tantôt comiques, tantôt spirituelles, tantôt grivoises… Vingt-trois lettres de l’alphabet, vingt-quatre jours de l’Avent, voilà qui laisse juste la place qu’il faut pour la surprise du vingt-quatre. Tant qu’à faire du lèche-vitrine avant Noël, autant miser sur La Cabinerie et nous mettre de la beauté plein la vue.

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  • Marion Uhlig est professeure en langue et littérature françaises du Moyen Âge au Departement de français
  • Marion Uhlig et Thibaut Radomme, avec Brigitte Roux, , Paris, Les Belles Lettres, 2023.
  • L’exposition à la proposera une nouvelle oeuvre chaque jour du 1er au 24 décembre. Le vernissage aura lieu jeudi 7 décembre à 18h00 à la librairie (rue de Rome 1), en présence des galeristes et commissaires de l’exposition ainsi que des auteur·e·s du livre.
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Jeux de lettres #3 – La rime équivoque /alma-georges/articles/2021/jeux-de-lettres-3-la-rime-equivoque /alma-georges/articles/2021/jeux-de-lettres-3-la-rime-equivoque#respond Thu, 03 Jun 2021 08:53:25 +0000 /alma-georges?p=13860 «’écriture est une aventure. Au début c’est un jeu, puis c’est une amante, ensuite c’est un maître et ça devient un tyran», affirmait Winston Churchill. Dans la série Jeux de lettres, Thibaut Radomme et David Moos nous montrent qu’il ne suffit pas de jouer avec les mots, encore faut-il suivre les règles.

De prime abord, la rime est une contrainte. En effet, le poète doit réfléchir non seulement au choix des mots, mais aussi à leur organisation afin de conduire le vers jusqu’à la rime. Qu’il est difficile de bien rimer! Pourtant, au fil de nos investigations, un constat nous a sauté aux yeux: s’il est un lieu des textes que les poètes de notre corpus affectionnent particulièrement, c’est bien la rime, et spécifiquement ce qu’on appelle rime équivoque ou équivoquée. Elle est pourtant particulièrement difficile, puisqu’elle consiste à faire rimer le même groupe de sons avec un sens différent. Le Dictionnaire de l’Académie, dont j’emprunte la , donne l’exemple fameux du premier quatrain de «Comme on voit sur la branche» de Pierre de Ronsard:

Comme on voit sur la branche au mois de mai la rose,
En sa belle jeunesse, en sa première fleur,
Rendre le ciel jaloux de sa vive couleur,
Quand l’Aube de ses pleurs au point du jour l’arrose;

Ce qui frappe d’emblée, c’est l’aspect ludique de ce tour de passe-passe technique. La rime équivoque réjouit l’œil autant qu’elle amuse l’oreille. Chez Ronsard, la rime équivoque consiste en un jeu, un divertissement agréable, mais pas en une prouesse formelle constitutive de son art poétique. À cet égard, on remarquera que les rimes centrales du quatrain, elles, ne sont pas équivoquées. Dans nos textes médiévaux, au contraire, la rime équivoque est souvent fondamentale. ’un des exemples les plus frappants demeure sans doute l’ABC par ekivoche de Huon de Cambrai, au titre … sans équivoque, dont je vous parlais dans une précédente chronique.

ABC des doubles n’est pas en reste. Son auteur, Guillaume Alexis est moine bénédictin de la deuxième moitié du XVe siècle, prieur de Bucy et auteur prolifique, contemporain des «Grands rhétoriqueurs», ces poètes de cour qui, dans le sillage de Guillaume de Machaut, vouent un culte aux jeux de lettres et à la poésie formelle. On citera, par exemple, Jean Molinet et Jean Meschinot. ’ABC des doubles, composé en 1451 et conservé par un seul manuscrit (Paris, BnF, français, 1642), connaît un succès non négligeable au XVIe siècle, avec pas moins de sept éditions imprimées.

Ce succès ne surprend pas au regard de la prouesse poétique que Guillaume donne à lire au long de ses 1283 vers, dont chaque paire – ici au sens d’ensemble de deux vers – est équivoquée. Le poème est organisé selon l’ordre alphabétique, c’est-à-dire que la première strophe propose des équivoques commençant par A, puis la deuxième par B, puis par C, etc. :

A peine trouveras ja dix | Tu trouveras difficilement dix
Vaillans gens comme ou temps jadis: | personnes vaillantes comme au temps jadis:
N’y avoit jaloux ny jalouse, | il n’y avait ni jaloux, ni jalouses,
Et pource leur vie j’alouse. | et pour cette raison, je loue leur vie.
Purs estoient et innocens | Elles étaient pures et innocentes
En chantant a Dieu hympne o sens; | parce qu’elles chantaient des hymnes à Dieu avec sagesse;
Mais ore en pleur se tourne joye. | Mais aujourd’hui, la joie s’est transformée en pleurs.
Dolent suis quant il faut que j’oye | Je suis accablé quand que je dois entendre
Parler d’envieux et jaloux. | parler des envieux et des jaloux.
Hommes sont devenuz ja loups | Les hommes sont devenus des loups
Ravissans et lyons irez. | voraces et des lions en colère.
Gardez, quant avec eulx yrez, | Veillez, lorsque vous irez avec eux,
Que vous saichez bien vostre yssue; | à bien connaître bien l’issue :
Car tel y entre qui y sue. | car tel y entre qui y endure de grandes peines.

(v. 680-693) – Guillaume Alexis, Œuvres poétiques de Guillaume Alexis, prieur de Bucy, éd. Arthur Piaget et Émile Picot, Paris, Didot pour la Société des anciens textes français, 1896-1908, 3 t., ici t. 1, p. 1-54.

Cette strophe illustre à merveille les qualités de la rime équivoque, complexe, ludique, mais surtout signifiante. La structure rimique sous-tend le message moral de ’ABC, car les groupes de sons à la rime font ressortir l’essence du texte. Ainsi, la jalousie évoquée aux vers 682 et 687 est rendue très frappante par l’écho de l’homophonie aux 683 et 688. Dès lors, le son des rimes ancre le motif dans la mémoire du lecteur. Un autre effet de la rime équivoque se retrouve dans le couplet innocens / hympne o sens. En effet, la paronomase, c’est-à-dire le rapprochement de mots différents à la sonorité similaire, permet de lier deux idées distinctes, confirmant que seuls les innocents seront capables de créer des hymnes avec sens. De cette façon, le prieur de Bucy oppose brutalement les innocents et les jaloux. Il chante les uns et fustige les autres au moyen d’un travail subtil sur la rime équivoque.

Ce court extrait dit tout de l’art de Guillaume Alexis, puisque ce dernier y utilise l’équivoque non seulement comme un jeu ou une astuce mnémotechnique, mais aussi comme un outil poétique efficace, apte à délivrer un message moral fort. La contrainte rimique devient dès lors la force du texte et la prouesse du prieur de Bucy sert une argumentatio didactique, inscrite dans un projet littéraire ambitieux. ’ABC des doubles se révèle en effet un modèle de maîtrise technique, où se donne à lire, de la façon la plus éclatante qui soit, la virtuosité remarquable de son artisan.

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Image de une: Bûcher de sorcières dans le comté de Reinstein (Regenstein, Saxe-Anhalt, Allemagne) en 1555. Gravure sur bois d’après l’original d’un dépliant des collections du Germanisches Nationalmusem de Nuremberg, publié en 1881.

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A plein volume #4 – Crânes d’écumes /alma-georges/articles/2021/a-plein-volume-4-cranes-ecumes /alma-georges/articles/2021/a-plein-volume-4-cranes-ecumes#respond Fri, 26 Mar 2021 16:13:58 +0000 /alma-georges?p=13456

Amoureux de la langue française, Matthieu Corpataux et Valentin Kolly ne se contentent pas d’analyse au sein du Département de français. Ils veulent faire vivre les textes et les partager… à plein volume. Chaque vendredi, retrouvez une pièce sonore publiée par leur revue’Epîtreet découvrez un·e nouvel·le auteur·e de leur catalogue.

VOLUME, lancé par la revueen 2019, est un projet de créations de pièces sonores avec comme matériau original, des textes d’auteur·e·s sur des compositions inédites réunissant 15 jeunes artistes. Le projet est présenté à l’occasion du Salon du livre romand dans une installation sonore (par casques notamment), puis diffusé dès 2020 sur différentes plateformes culturelles. Un VOLUME II est en préparation.

Crânes d’écumes

Auteure: Ikran Isse Raghe
Ikran Isse Raghe fait ses études à l’Université de Neuchâtel en littérature anglaise et en anthropologie. Dans ses temps de bulles, elle s’adonne aux arts de l’écriture, de la peinture, de la photographie et autres actes de création.

Réalisation et création sonore:
Lecture: Ikran Isse Raghe

’Epitre
La revue littéraire’Epîtreest fondée en 2013 à Fribourg par Matthieu Corpataux. Pensée comme un laboratoire pour permettre aux auteur·e·s de demain d’affuter leur plume,’Epîtres’est affirmée ces dernières années comme un révélateur de talents et comme une plateforme d’expérimentation pour les écrivains aguerris. De 13 à 89 ans, de première écriture à Prix suisse de littérature, de toute la francophonie et dans tous les genres, styles ou sujets,’Epîtrea la particularité d’offrir un commentaire critique et constructif sur 100% des textes qu’elle reçoit dans le but de faire progresser les auteur·e·s par rapport à leur niveau et leurs envies. Forte d’un comité de dix professionnel·le·s en littérature et de plusieurs centaines d’auteur·e·s, la revue publie en ligne et sur papier. Elle organise également une quinzaine d’événements par année: ateliers d’écriture, lectures et productions scéniques, expositions visuelles et sonores; et peut se targuer d’être l’une des seules revues littéraires suisses à payer ses auteur·e·s.

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  • Matthieu Corpatauxest assistant diplômé en littérature française à l’université de Fribourg ; également éditeur et poète, il a créé la revue littéraire’Epîtreen 2013.
  • Valentin Kollyest assistant-diplômé à l’Université de Fribourg. Critique et éditeur à’Epître, il est également lecteur et éditeur aux PLF et co-créateur de la plateforme de critique littéraire suisse ’Année du Livre.
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A plein volume #2 – Arabica /alma-georges/articles/2021/a-plein-volume-2-arabica /alma-georges/articles/2021/a-plein-volume-2-arabica#respond Fri, 12 Mar 2021 14:29:13 +0000 /alma-georges?p=13282 Amoureux de la langue française, Matthieu Corpataux et Valentin Kolly ne se contentent pas d’analyse au sein du Département de français. Ils veulent faire vivre les textes et les partager… à plein volume. Chaque vendredi, retrouvez une pièce sonore publiée par leur revue’Epîtreet découvrez un·e nouvel·le auteur·e de leur catalogue.
VOLUME, lancé par la revueen 2019, est un projet de créations de pièces sonores avec comme matériau original, des textes d’auteur·e·s sur des compositions inédites réunissant 15 jeunes artistes. Le projet est présenté à l’occasion du Salon du livre romand dans une installation sonore (par casques notamment), puis diffusé dès 2020 sur différentes plateformes culturelles. Un VOLUME II est en préparation.

Arabica

Auteur: Pierre Muresan
a fait des études de Français à l’Université de Berne en bachelor puis à Fribourg en master. Également poète, il navigue entre de plusieurs langues notamment le russe qu’il traduit.

Réalisation et création sonore:Valentin Kolly
Lecture: Alizée Lombard

’Epitre
La revue littéraire’Epîtreest fondée en 2013 à Fribourg par Matthieu Corpataux. Pensée comme un laboratoire pour permettre aux auteur·e·s de demain d’affuter leur plume,’Epîtres’est affirmée ces dernières années comme un révélateur de talents et comme une plateforme d’expérimentation pour les écrivains aguerris. De 13 à 89 ans, de première écriture à Prix suisse de littérature, de toute la francophonie et dans tous les genres, styles ou sujets,’Epîtrea la particularité d’offrir un commentaire critique et constructif sur 100% des textes qu’elle reçoit dans le but de faire progresser les auteur·e·s par rapport à leur niveau et leurs envies. Forte d’un comité de dix professionnel·le·s en littérature et de plusieurs centaines d’auteur·e·s, la revue publie en ligne et sur papier. Elle organise également une quinzaine d’événements par année: ateliers d’écriture, lectures et productions scéniques, expositions visuelles et sonores; et peut se targuer d’être l’une des seules revues littéraires suisses à payer ses auteur·e·s.

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  • Matthieu Corpatauxest assistant diplômé en littérature française à l’université de Fribourg ; également éditeur et poète, il a créé la revue littéraire’Epîtreen 2013.
  • Valentin Kollyest assistant-diplômé à l’Université de Fribourg. Critique et éditeur à’Epître, il est également lecteur et éditeur aux PLF et co-créateur de la plateforme de critique littéraire suisse ’Année du Livre.
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Jeux de lettres #2 – Le pangramme /alma-georges/articles/2021/jeux-de-lettres-2-le-pangramme /alma-georges/articles/2021/jeux-de-lettres-2-le-pangramme#respond Wed, 03 Mar 2021 07:00:39 +0000 /alma-georges?p=13155 «’écriture est une aventure. Au début c’est un jeu, puis c’est une amante, ensuite c’est un maître et ça devient un tyran», affirmait Winston Churchill. Dans la série Jeux de lettres, Thibaut Radomme et David Moos nous montrent qu’il ne suffit pas de jouer avec les mots, encore faut-il suivre les règles.

Le manuscrit conservé à Paris, Bibliothèque nationale de France, fonds français 12475, – que mon collègue David Moos vous présentait dans un précédent billet– est décidément étonnant. Il regorge, en effet, de poèmes en l’honneur de la Vierge Marie, élaborés sur divers principes de jeux de lettres ou de mots. Dans ce très mince volume du XVesiècle (il ne compte que quatre feuillets!), on trouve non seulement le tautogramme Paradis plaisant, pacifique (soit, pour rappel, un poème dont tous les mots commencent par la même lettre), mais aussi un pangramme, c’est-à-dire un poème dont les initiales des mots comprennent toutes les lettres de l’alphabet, ici disposées dans l’ordre de l’abécédaire:

Louenge a Nostre Dame contenant XXIIII mots commenchant chascun mot par les XXIIII de l’a.b.c.
Louange à Notre-Dame contenant 24 mots commençant chacun par les 24 [lettres] de l’alphabet

Arbre Benoist, Celestïal, | Arbre BéԾ, Céٱ,
Delitable Et Fructiferant, |Déܳ Et Fertile (littér.: portant des fruits),
Gǰïܳ, Hault, Imperïal, |Glorieux, Haut, Ié,
Katholique, Luciferant, |Catholique, Lumineux (littér.: portant la lumière),
Mierre Net, Odoriferant |Myrrhe Nette, OǰéԳٱ
Plus Que RDzï Superable, |Plus Que Rosier Sܱéܰ,
Tendre Vierge Xpristiferant, |Tendre Vierge Christique (littér.: portant le Christ),
Yris Zelee 7 9fortable. | Iris Zéé et confortable (littér.: réconfortant).

(Paris, BnF, fr. 12475, f.3v)

Simple en apparence, l’exercice mérite un mot d’explication. ’alphabet médiéval ne compte que 23 lettres –soit nos 26 lettres modernes moins le J, le V et le W. En effet, le I de ire et le J de éܲ se confondent: on écrit indifféremment ire et Iesus, et ce n’est qu’au xvie siècle que des imprimeurs-typographes inventent le caractère J afin de distinguer commodément la consonne de la voyelle. Il en va de même pour le U de utile et le V de éé: si l’on observe dans l’usage médiéval une tendance à écrire u en minuscule et V en majuscule, il s’agit d’une distinction purement graphique, et non phonologique (c’est-à-dire sans lien avec la distinction entre la voyelle et la consonne). Il faut attendre le XVIesiècle pour que l’on décide de clarifier les choses en attribuant au u la valeur de voyelle et au v celle de consonne.

Lettre bannie
Enfin, le W fait figure de paria: caractère résultant de la ligature (c’est-à-dire de la combinaison) de deux U/V, il est, d’après la légende, forgé par le roi Chilpéric Ier(525/534-584), roi des Francs, pour noter le son [w] d’origine germanique (comme dans le mot werra, ancêtre de notre mot guerre, ou dans le mot whisky). Il restera longtemps au ban de la langue française. Il faut attendre la septième édition du Dictionnaire de l’Académie française (1878) pour que la lettre W ait les honneurs d’une notice dédiée: «Lettre consonne qui appartient à l’alphabet de plusieurs peuples du Nord, et qu’on emploie en français pour écrire un certain nombre de mots empruntés aux langues de ces peuples, mais sans en faire une lettre de plus dans notre alphabet». Ce n’est que cinquante-sept ans plus tard, dans la huitième et dernière édition achevée du Dictionnaire (1935), que la «quarantaine» est levée: la restriction «mais sans en faire une lettre de plus dans notre alphabet» disparaît de la notice rédigée par les Immortels.


©

Langage chiffré
Si l’alphabet médiéval compte moins de lettres que notre alphabet moderne, il est suivi en revanche d’un nombre variable d’abréviations (ici, le 7 et le 9), héritées des notes tironiennes. Marcus Tullius Tiro, dit Tiron en français, esclave affranchi et secrétaire de l’orateur romain Cicéron au Iersiècle av. J.-C, passe pour l’inventeur de cette méthode tachygraphique, constituée d’un système de signes destinés à permettre l’écriture rapide. Fort d’un grand succès dans l’Antiquité, le système des notes tironiennes va s’enrichir d’une génération à l’autre de scribes et de copistes, jusqu’à compter 12’000 signes à l’époque carolingienne (IXesiècle). Le système va alors tomber en désuétude, et seules quelques notes parmi les plus communes vont subsister dans les pratiques graphiques du Moyen Age central: ainsi du 7, «sept tironien», et du 9, «neuf tironien», qui transcrivent respectivement la syllabe et et la syllabe cum (ainsi que toutes ses déclinaisons romanes: com, con, etc.). Dans l’exemple de notre pangramme, le 7 vaut pour la conjonction de coordination et, et le 9 représente la première syllabe de l’adjectif confortable, «qui apporte du réconfort».

La valeur sacrée des mots
Un mot encore sur l’amphigourique adjectif Xpristiferant, littéralement ferant (du latin ferre), «qui porte» et Xpristi, «le Christ»: «Tendre Vierge portant le Christ», en somme, une variante latine du prénom d’origine grecque Christophe. Xprist est une variante graphique du mot Christ inspirée du monogramme grec du Christ: le signe ☧correspond en effet à la combinaison des lettres grecques X [chi] et P [ô], les deux premières lettres du mot Χριστός, «Christ». Les lettres majuscules grecques ont donc été transposées dans l’alphabet latin et dans la langue vernaculaire pour écrire Xprist ou Xprestien, «chrétien». Inscrire le monogramme du Christ dans le nom qui sert à le désigner, c’est non seulement résoudre pour le poète lettriste l’épineuse question du X, mais c’est surtout reconnaître aux mots une valeur sacrée et un pouvoir miraculeux, directement inspirés de la tradition hébraïque d’interprétation onomastique et de vénération pour les noms de Dieu.

Le poète qui, quelque part dans le courant du XVe siècle, a composé cette Louenge a Nostre Dame pangrammatique n’est pas un «doux dingue» isolé, tant s’en faut. Il s’inscrit, au contraire, dans une période de l’histoire littéraire française marquée par l’essor remarquable des jeux de lettres et de mots sous la plume d’un groupe de poètes connus sous le nom de Grands Réthoriqueurs, qui ont travaillé, de 1450 à 1530 environ, dans les cours de Bourgogne, de France et de Bretagne. Le grand médiéviste suisse Paul Zumthor leur a d’ailleurs consacré une Anthologie des grands rhétoriqueurs en 1978. Mais, si l’on pouvait penser jusqu’à présent que la virtuosité des Grands Rhétoriqueurs avait surgi de nulle part au milieu du XVe siècle, comme une transposition spontanée de la poésie lettriste latine, les travaux du projet «Jeux de lettres et d’esprit dans la poésie manuscrite en français (XIIe-XVIe s.)», financé par le FNS et dirigé par Marion Uhlig, démontrent qu’il n’en est rien et que, dès le début du XIIIesiècle, une série de poètes s’attellent à élaborer en langue vernaculaire des poèmes abécédaires ou à composer des tours de force lettristes en l’honneur de la Vierge Marie. Ils entendent ainsi la couvrir de bouquets et de couronnes de mots, sûrs que l’hommage des lettres saura exprimer, mieux que leur langue mal dégrossie, le vibrant amour dont ils brûlent pour Notre-Dame.

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  • Image de une: Pieta sculptée au-dessus de la porte du monastère franciscain, Dubrovnik, Croatie, ©Getty

 

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Jeux de lettres #1 – Le tautogramme /alma-georges/articles/2021/jeux-de-lettres-1-le-tautogramme /alma-georges/articles/2021/jeux-de-lettres-1-le-tautogramme#respond Mon, 04 Jan 2021 13:12:46 +0000 https://www3.unifr.ch/alma-georges?p=12803 «’écriture est une aventure. Au début c’est un jeu, puis c’est une amante, ensuite c’est un maître et ça devient un tyran», affirmait Winston Churchill. Dans la série Jeux de lettres, Thibaut Radomme et David Moos nous montrent qu’il ne suffit pas de jouer avec les mots, encore faut-il suivre les règles.

Dans le cadre de nos recherches sur les lettres, nous rencontrons pléthore de jeux poétiques plus ou moins réussis et dont je n’avais, personnellement, jamais entendu parler. C’est, notamment, le cas du tautogramme, frappant par la simplicité de sa forme et la complexité de son exécution. La maîtrise dont font preuve les auteurs médiévaux dans cet art m’a à la fois impressionné et subjugué. Ces esprits ingénieux composent des vers rythmés et cohérents tout en s’imposant un cadre contraignant que seules la mouvance et la liberté – relative – de la grammaire en ancien français permettent de contourner. ’exercice témoigne aussi de la richesse du vocabulaire de la langue médiévale et de son inventivité sans fin. Ainsi, l’art du tautogramme consiste à faire de la belle littérature avec des ressources limitées.

A ce stade vous vous demandez sûrement: «Qu’est-ce donc qu’un tautogramme?». C’est un texte dont chacun des mots commence par la même lettre, une allitération ou une anaphore, mais en plus complexe. Un exemple? Le fameux Veni vidi vici de Jules César! «Facile!» me direz-vous. Certes, mais les médiévaux ne sont pas des dictateurs, ce sont des poètes! Dès lors, ils manient les tautogrammes dans des compositions autrement plus grandioses – que ce soit par leur taille comme par leur ambition! Trêve de palabres, il est temps de nous plonger dans un de ces poèmes:

Oroison a Nostre Dame dont chascun Mot se commenche par .p.
Oraison à Notre Dame dont chaque mot commence par pParadis plaisant, pacifique | Paradis plaisant, pacifique
Prisie pax, preciosité | Paix estimée, préciosité
Precieuse, perle pudique, | Précieuse, perle pudique,
Porte prestant preclarité, | Porte laissant filtrer la lumière,
Piscine probatique pure, | Piscine probatique pure,
Palme preferant probité, | Palme préférant la probité,
Pour povres pecheurs paix procure. | Procure la paix aux pauvres pécheurs.

Cette prière à la Vierge se situe dans un manuscrit pour le moins intrigant: le BNF fr. 12475, avec une pleine page entièrement composée de jeux de lettres. On la retrouve aussi à la fin des premières éditions imprimées des Matines de la Vierge de Martial d’Auvergne, écrivain du XVe siècle. Est-il, dès lors, l’auteur de ces vers ou est-ce un certain Charles Morel qu’un manuscrit, actuellement perdu, relierait au tautogramme? Notre manuscrit français 12475 n’aide pas à la résolution de ce mystère, le texte ne mentionnant aucun auteur. Or, si ces variations d’attribution suscitent auprès du lecteur un certain plaisir à jouer les détectives à la recherche du poète disparu, elles témoignent surtout de sa qualité: cette exquise pirouette littéraire marque les esprits au point d’être revendiquée de toutes parts.

Le fond détermine la forme
Et à raison! La prière consiste en une accumulation d’apostrophes à la Vierge – toutes plus flatteuses les unes que les autres – suivie d’une demande: le salut de tous les pécheurs. Outre la recherche lexicale et métrique – il s’agit d’un septain d’octosyllabes à rimes croisées –, la richesse et l’originalité des apostrophes sont saisissantes. En effet, l’oraison jongle entre images topiques de la Vierge («porte»; «piscine probatique» – grand bassin qui servait à purifier les animaux destinés à être sacrifiés.) et des associations moins convenues («perle pudique»; «palme preferant probité»). Ainsi, l’auteur du tautogramme met en avant sa culture théologique et littéraire et démontre sa créativité. Rien d’étonnant alors à ce qu’on retrouve le tautogramme dans un manuscrit qui ne contient que des jeux poétiques, tant la composition divertit et impressionne le lecteur. Toutefois, l’aspect ludique d’une telle production ne doit rien enlever au sérieux de l’entreprise. En effet, le caractère spirituel de la pièce prime sur la forme – que dis-je – il la détermine. Ainsi, seul un poème exemplaire, qui passe par une maîtrise totale de la langue, peut prétendre à la louange mariale; seuls des vers parfaits permettent de formuler une telle demande. On s’adresse à la Vierge et on demande le salut des pécheurs, pardi! Le tautogramme permet de communiquer avec Marie, devient un lieu privilégié de la prière et acquiert par là ses lettres de noblesse.

Le jeu de lettres au Moyen-Age est à la fois sérieux et complexe, comme le montre notre tautogramme. Il n’en demeure pas moins ludique et innovant, bien loin des stéréotypes relatifs à l’austérité des clercs de l’époque. ’art du tautogramme, de prime abord simple, met en lumière le talent des poètes médiévaux lorsqu’il s’agit de prier Notre Dame: ils s’amusent avec la langue, jouent à qui fera la plus belle louange. Cette tradition fait d’ailleurs des émules dans la poésie de notre temps. Aussi, je ne résiste pas, en conclusion, à partager avec vous la prouesse poétique de Georges Perec, figure de proue de l’Oulipo:

Chapitre cent-cinquante-cinq
(copie certifiée conforme)

Le 27 novembre 1978: Georges Perec (à gauche) reçoit le Prix Médicis pour son roman «La vie mode d’emploi». (Photo Keystone/Getty Images)

Ca commença comme ça: certaines calomnies circulaient concernant cinq conseillers civils coloniaux: contrats commerciaux complaisamment conclus, collaborateurs congédiés, comptabilités complexes camouflant certaines corruptions crapuleuses, chantages comminatoires, concussions classiques… Croyant combattre ces charges confuses, cinquante commissaires-chefs comiquement conformes (cheveux châtain clair coupés court, costume croisé, chemise couleur chair, cravate café crème, chaussures cloutées convenablement cirées) contactèrent certain colonel congolais causant couramment cubain. «Cherchez chez Célestin, Cinq Cours Clémenceau», chuchota ce centenaire cacochyme constamment convalescent, «car ce célèbre café-concert contrôle clandestinement ces combines criminelles.» Cinq commissaires chevronnés coururent courageusement Cours Clémenceau. Cependant, coïncidence curieuse, cinq catcheurs corpulents, cachés chez Célestin, complotaient contre cette civilisation capitaliste complètement corrompue. Ces citoyens comptaient canarder certain chef couronné considéré comme coupable. Commissaires certifiés contre champions casse-cou: choc colossal! Ça castagna copieusement. Conclusion: cinquante clients contusionnés, cinq cardiaques commotionnés, cinq cadavres! Ce chassé-croisé cauchemardesque chagrina chacun.

Georges Perec, «Chapitre cent-cinquante-cinq», dans Lectures, n° 9, Bari, éd. Dedalo, 1981

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Calendrier de l’avent 2020 #20 – ’étincelle de Nicole Papaux /alma-georges/articles/2020/calendrier-de-lavent-2020-20-letincelle-de-nicole-papaux /alma-georges/articles/2020/calendrier-de-lavent-2020-20-letincelle-de-nicole-papaux#respond Sun, 20 Dec 2020 05:00:54 +0000 https://www3.unifr.ch/alma-georges?p=12701 Du 1er au 24 décembre un membre de la communauté universitaire vous offre ses mots, un texte, un conte, un poème, une pensée qui l’a touché, ému, fait rire ou réfléchir. Ouvrez la porte, aujourd’hui c’est Nicole Papaux qui frappe.

Ce texte d’Anne-Marie Yerly illustre bien la période que nous vivons. Cependant après Minuit, l’espoir renaît…
Le choix d’un poème sur la nativité associe la période de Noël avec ma passion pour le chant choral.

Joyeux Noël et belle année 2021.


ܳè, poème d’Anne-Marie Yerly tiré de la suite chorale «Avec mes yeux» écrite pour le Quadratuor.
Texte: Jean-François Haas et Anne-Marie Yerly.
Musique: Jean-François Michel, 2008.
Source: CD, ܳè de Noël, Le Quadratuor, 2008

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Calendrier de l’avent 2020 #10 – ’étincelle de Valentin Kolly /alma-georges/articles/2020/calendrier-de-lavent-2020-10-letincelle-de-valentin-kolly /alma-georges/articles/2020/calendrier-de-lavent-2020-10-letincelle-de-valentin-kolly#respond Thu, 10 Dec 2020 05:00:50 +0000 https://www3.unifr.ch/alma-georges?p=12455 Du 1er au 24 décembre un membre de la communauté universitaire vous offre ses mots, un texte, un conte, un poème, une pensée qui l’a touché, ému, fait rire ou réfléchir. Ouvrez la porte, aujourd’hui c’est Valentin Kolly qui frappe.

Je vous propose un poème de Georges Brassens intitulé «Illusions» et paru en 1942 dans son recueil À la venvole. C’est un poème que j’aime beaucoup, qui n’a pas vieilli et ne vieillira probablement jamais. Il est porteur d’un double espoir qui me semble essentiel, aujourd’hui plus que jamais: un espoir vis-à-vis de la jeunesse et vis-à-vis des livres, de la fiction littéraire.

 

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Jeux de lettres: Parlons Q /alma-georges/articles/2019/jeux-de-lettres-parlons-q /alma-georges/articles/2019/jeux-de-lettres-parlons-q#respond Fri, 11 Oct 2019 08:50:13 +0000 https://www3.unifr.ch/alma-georges?p=9414 Morale et grivoiserie peuvent-elles aller de pair? David Moos, chercheur dans le cadre du projet Jeux de lettres mené au Département de français, nous montre comment, même dans le cadre d’un poème de prime abord austère, les poètes du XIIIe siècle aimaient se jouer de leurs lecteurs en les entraînant sur des chemins scabreux.

Connaissez-vous les poèmes abécédaires? Il s’agit de textes organisés selon l’ordre alphabétique. Nous n’en comptons que trois en français au XIIIe siècle. Soyons francs, je ne me suis pas lancé dans la lecture et l’analyse d’un tel poème la fleur au fusil. En effet, vu le registre démesurément austère du texte, je craignais déjà de sombrer dans l’ennui. C’est donc à reculons que je me suis plongé dans La Senefiance de l’ABC d’Huon le Roi de Cambrai. A ma grande surprise, la finesse des métaphores, la virulence de la critique cléricale et le style dense, mais fluide, du poète m’ont conquis. Le propos reste néanmoins sérieux: Huon attribue une valeur morale à chaque lettre par des jeux d’analogie; par exemple: M est une bonne lettre, car c’est l’initiale de Marie, tandis que K est mauvaise, car elle possède deux ventres, comme les prélats qui se goinfrent sur le dos des gens. Le poète souhaite ainsi éduquer son lecteur, afin de l’emmener sur la voie du salut. Cependant, le ton solennel de cet abécédaire est mis de côté dans la description d’une lettre bien particulière. Force est de le constater: Huon devient grivois quand il parle de Q.

Al noumer est vilain li Q
La strophe commence plutôt bien. Huon remarque que, sur le plan formel, le Q est un P à l’envers, et le définit donc comme moralement impur: puisque le P signifie Dieu le Père, son inverse évoque nécessairement le diable. Cependant, le septième vers du douzain marque une rupture dans la métaphore et nous dévoile un autre aspect de la lettre qui renforce sa connotation négative: Al noumer est vilain li Q. C’est-à-dire que le Q est une lettre qu’il ne faut pas prononcer, au risque de basculer dans la grossièreté. Le poète est joueur: à la seule lecture du vers, j’ai enfreint son conseil en énonçant la lettre interdite, d’autant plus qu’à l’époque médiévale la dimension orale des textes était bien plus importante qu’aujourd’hui. Cette poésie est d’ailleurs explicitement faite pour être écoutée, comme en témoigne le début de la strophe consacrée au A: «Oiés ce que tesmoignies li A» (Ecoutez ce dont témoigne le A). Voici donc le premier jeu grivois de ce filou d’Huon: faire dire à haute et intelligible voix un mot grossier tout en le présentant comme tel et en en condamnant la prononciation. Mais se jouer du lecteur par un procédé trivial est-il digne d’un texte qui disserte sur des épisodes bibliques, tels que la Genèse ou la mise en croix du Christ? A vous seuls d’en juger…

En VO
La suite – et la fin – du passage ne fait qu’amplifier cette dissonance. Je ne résiste pas à vous proposer l’extrait en langue originale, bien entendu suivi d’une traduction:

Al noumer est vilains li ·Q·,
Et [cist] siecles a tant vesqu
Par vilonnie, a fait son ni
De coi li pluiseur sont houni.
[Poi est qui cortoisie i face]:
Houneurs et largeche i esface.
Mauvaistiés et Soudiumens,
Trecerie et Cuncïemens
Portent as hautes cors baniere.
Tel est del siecle la manière:
Pour çou s’en cuvrent d’un escu,
Cils malvais siecles est u ·Q·.

[Le Q est grossier au nommer et ce monde a tant vécu par sa bassesse morale qu’il y a fait son nid, ce qui a couvert de honte plusieurs personnes. Peu sont ceux qui agissent avec courtoisie: l’honneur et la largesse s’effacent. Méchanceté et Tromperie, Tricherie et Imposture hissent leur bannière dans les plus nobles cours. Voici comme agit le monde: pour ceux qui se couvrent de leur bouclier, ce monde à vau-l’eau est au Q.]


De la morale au rire

Q est, comme vous le voyez, surtout un support au blâ moral. Le recours à l’allégorie en témoigne, Méchanceté, Tromperie, Tricherie et Imposture s’imposant à la cour. La critique du siècle est virulente. Ce topos est d’ailleurs caractéristique du poème. ’Eglise et la basse noblesse sont régulièrement tancées sous la plume du Roi de Cambrai. A cet égard, le texte se distingue des deux autres abécédaires poétiques du XIIIe siècle, ceux de Plantefolie et de Ferrant, qui sont des prières à la Vierge. Il n’y a du reste, et malheureusement, pas d’humour scabreux dans ces odes à Marie. Trêve de digression: ici, c’est le registre grivois qui conclut la strophe, accentuant l’impression qu’Huon s’amuse en rédigeant son abécédaire. La morale qui conclut le passage prête à sourire: ceux qui se couvrent d’un écu sont bien évidemment les chevaliers courtois qui, selon le poète, sont remplacés à la cour par des menteurs et des profiteurs. Le facétieux poète résume alors la situation de ces pauvres chevaliers par une expression qui pourrait bien être l’ancêtre médiévale de la nôtre: «ils l’ont dans le…». En basculant dans le scabreux, le poète ne laisse plus de place au doute: il veut nous faire rire. Ainsi, la morale médiévale passe aussi par un humour volontiers grinçant, parfois même gras, auquel des considérations sur le Q se prêtent naturellement à merveille.

Le texte étant complexe, j’ai mis un certain temps à réaliser ce que j’avais sous les yeux. Je confesse avoir pouffé à la lecture de ce cocasse extrait. Il ne faut cependant pas oublier que cette strophe un peu vulgaire participe à l’argumentaire didactique de l’alphabet. Le rire caustique et paillard est donc le véhicule de valeurs morales dans la poésie du Roi de Cambrai. La compréhension de cette lettre devient alors essentielle au lecteur s’il veut accéder au salut. De là à dire que, pour gagner le paradis, tout un chacun a besoin de Q…

Jeux de lettres et d’esprits – le projet
Le projet de recherche «Jeux de lettres et d’esprit dans la poésie manuscrite en français (XIIe–XVIe siècle)», financé par le FNS est dirigé par la Prof. au sein du . ’équipe de recherche est composée d’un partenaire national, (Unige), de deux partenaires internationaux,(ATILF-Université de Nancy, Unine) et (Université de Poitiers), d’un post-doctorant, (Unifr) et d’un doctorant, (Unifr).

Le magazine scientifique de l’Unifr lui consacre undans son numéro d’octobre 2019.

Chaque mois, les membres du projet présenteront un nouveau poème de leur catalogue dans nos colonnes.

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Au secours! Mon médecin est poète! /alma-georges/articles/2017/au-secours-mon-medecin-est-poete /alma-georges/articles/2017/au-secours-mon-medecin-est-poete#respond Fri, 07 Apr 2017 09:00:45 +0000 http://www3.unifr.ch/alma-georges/?p=3916 On peut très bien concilier médecine et poésie. Loin de s’exclure, ces deux arts se nourrissent l’un de l’autre. Julie Delaloye, Yves Namur et Emmanuel Venet pratiquent ces deux arts et ne s’en portent que mieux… Ils se sont réunis à l’Unifr, le 30 mars dernier, dans le cadre d’un colloque international intitulé «La figure du poète-médecin XXe-XXIe siècles».

Captation de la table ronde.

«Troubadour», «ménestrel», voici les synonymes mentionnés par Le Larousse sous le terme de «poète». Des mots à connotation allègre, divertissante, voire farfelue, qui n’évoquent pas forcément la rigueur, surtout quand on les appose à la profession de médecin: médecin-poète, chirurgien-ménestrel, psychiatre-troubadour! «Il se peut qu’un patient craigne de se faire opérer par un chirurgien-poète, de peurque celui-ci ne s’extasie devant ses intestins. Le poète passe pour quelqu’un de pas très sérieux», reconnaît Yves Namur, médecin et écrivain belge.

Une appréhension partagée par son confrère . Au moment de publier son premier livre, ce psychiatre lyonnais qui donne également des cours à l’Université de Fribourg dans le cadre du cursus Médecine et société, a songé à le faire sous pseudonyme: «La question s’est posée fortement car j’exposais mon intimité dans cet ouvrage. Gallimard m’a toutefois convaincu de renoncer à cette idée afin que je puisse revendiquer mon œuvre.»

Même si les médecins taisent le plus souvent cette double identité de médecin et de poète, il arrive que leurs patients l’apprennent incidemment. Et à mille lieues des craintes évoquées, certains en conçoivent même une certaine curiosité: «Il y a de nombreux malades qui m’ont amené un de mes livres pour le dédicacer, raconte Emmanuel Venet, ils sont d’une indulgence infinie!»

Soigner par le verbe
La poésie ne peut évidemment pas guérir un patient d’un cancer. En revanche, de maîtriser ses ressorts peut, selon Yves Namur, faciliter la communication entre le praticien et son malade: «Si tous les étudiants en médecine étaient confrontés, non seulement à la poésie, mais aussi à la musique et à la peinture, ils porteraient un regard différent sur la réalité.»

De son côté, Emmanuel Venet ne s’interdit pas de prescrire certains ouvrages à ses patients. «Cela peut leur donner un regard plus affuté sur leur situation», estime-t-il.

La poésie permet également, selon ces médecins-poètes, d’admettre et d’accepter le doute, dans une discipline qui cherche à tout prix à le bannir.

Et Julie Delaloye, médecin, chercheuse et poète à Lausanne, de conclure: « Quand nous restons sans réponse face à la maladie et la souffrance, il reste toujours un poème.»

Vers le site Médecine et société:http://www.unifr.ch/mh/fr

Vers le programme du colloque:goo.gl/qqYMsY

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