Neurologie – Alma & Georges /alma-georges Le magazine web de l'Université de Fribourg Mon, 26 Aug 2024 12:27:25 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.3.5 La réalité virtuelle, futur cauchemar des gardiens de hockey? /alma-georges/articles/2024/la-realite-virtuelle-futur-cauchemar-des-gardiens-de-hockey /alma-georges/articles/2024/la-realite-virtuelle-futur-cauchemar-des-gardiens-de-hockey#respond Mon, 26 Aug 2024 12:25:57 +0000 /alma-georges?p=20737 En marge de la première édition du Fribourg Track Lab, un meeting sportif unique en son genre qui aura lieu le 1er septembre au Stade St-Léonard, l’Université de Fribourg tiendra un stand où les visiteuses et visiteurs pourront tester un logiciel de réalité virtuelle susceptible de les convertir en topscorers lors de la prochaine saison de hockey. De quoi donner des sueurs froides aux derniers remparts.

Jour J-6 avant le Fribourg Track Lab, un meeting d’athlétisme un peu particulier qui ambitionne de bousculer les codes de la discipline, notamment par l’apport de nouvelles règles et de technologies de pointe. La compétition se déroulant dans le tout nouveau stade universitaire St-Léonard, le nôtre donc, l’Université y sera représentée par Jean-Pierre Bresciani, responsable du laboratoire de contrôle et de perception (CopeLab) et par Jean-Luc Bloechle, docteur ès sciences en informatique. Ils y présenteront un logiciel de réalité virtuelle dont le but est de permettre aux joueurs et joueuses de hockey d’améliorer leur efficacité devant la cage adverse.

Ajuster les instruments de visée
A la sortie de l’Euro de football en Allemagne, le groupe CopeLab de l’Unifr a fait la une des médias avec la présentation de son simulateur de tirs au but. Ce dernier permet d’améliorer l’efficacité des tireurs de penalty de plus de 30%, de quoi alimenter les regrets du quotidien La Liberté qui titrait «le simulateur révolutionnaire qui aurait aidé la Suisse à battre l’Angleterre». Ah si seulement le pauvre Manuel Akanji avait pu s’y essayer! Que de regrets! Bref, passons! En collaboration avec David Aebischer et le HC Fribourg-Gottéron, le groupe CopeLab, spécialisé dans la perception et le contrôle des mouvements, a mis au point un dispositif de réalité virtuelle basé sur les mêmes principes, mais à l’intention des joueurs de hockey. «Munis d’un casque de réalité virtuelle, les participants doivent choisir la zone du but qui est la moins protégée par le gardien», explique Jean-Pierre Bresciani. Simple en théorie, difficile en pratique. «Nous leur donnons ensuite un feedback, mais du point de vue du puck! Car les yeux et le puck ne se trouvant pas au même endroit, l’angle que l’on perçoit comme le meilleur du point de vue des yeux ne sera pas forcément le meilleur du point de vue du puck!»

Vue depuis le puck

Un progrès sensible
Evidemment, ce paramètre cognitif, les joueurs d’élite l’ont déjà intégré. Il n’empêche, cette technologie peut leur permettre de grignoter encore quelques pourcentages d’efficacité et les transformer en plus fines gâchettes. «Nous avons testé notre dispositif sur une trentaine de hockeyeurs professionnels, s’enthousiasme Jean-Pierre Bresciani, c’est d’ailleurs Loïc Galley, jeune gardien fribourgeois, qui nous a servi de modèle pour créer un avatar.»

Vue depuis les yeux

A l’instar des joueurs professionnels, les curieux et curieuses qui se rendront au Fribourg Track Lab, coiffé·e·s de leur casque, se retrouveront sur la glace (virtuelle) et devront choisir, en activant les touches d’un boîtier, le meilleur angle de tir pour que leur puck échappe à la mitaine de l’avatar de Loïc Galley. «Une fois les participant·e·s auront effectué leur série, nous leur dévoilerons quelles étaient les cibles les moins protégées du point de vue du puck.» De quoi alimenter les pires cauchemars des gardiens. La saison prochaine, promis, ils seront de vraies passoires!

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Neuria, la science au pays des start-up /alma-georges/articles/2023/neuria-la-science-au-pays-des-start-up /alma-georges/articles/2023/neuria-la-science-au-pays-des-start-up#respond Thu, 12 Jan 2023 15:32:51 +0000 /alma-georges?p=17318 Améliorer sa santé par les jeux vidéos, c’est le pari de Neuria. Née du travail de chercheuses et chercheurs de l’Université de Fribourg, la start-up connaît un succès qui surprend ses créateurs. Elle a su actionner les bons leviers, comme le Service de transfert de connaissances et de technologies.

Imaginez une équipe d’universitaires en neurosciences, leurs journées rythmées par la recherche expérimentale, les publications dans des revues scientifiques, les cours donnés aux étudiant·e·s, les quêtes de fonds. Imaginez soudain que tout s’accélère. Les chercheur·euse·s se mettent à devoir parler «start-up», «incubator», «business plan».

L’histoire est celle de l’entreprise , qui propose des jeux vidéo visant à changer les comportements, notamment alimentaires, pour une meilleure santé. Portée par une équipe interdisciplinaire entre neurosciences, psychologie et informatique, elle émane du Laboratoire des sciences de la neuroréhabilitation de l’Université de Fribourg et de l’HFR Fribourg – Hôpital cantonal.

Pour le responsable du groupe de recherche du laboratoire, Lucas Spierer, ce projet est tombé au bon moment. Car ce scientifique passionné l’avoue: après plus de quinze ans de recherche, il ressentait le besoin d’une nouvelle dynamique dans son parcours. «C’était ma crise de la quarantaine», sourit-il, sans imaginer au départ que Neuria le comblerait autant.

Trouvaille inattendue
Car cette jeune société, créée en 2021, a vite séduit dans le domaine de l’innovation, remportant ces derniers mois trois concours: le prix à l’Innovation du Canton de Fribourg (prix start-up), le Future of Health Grant, collaboration entre l’Innovation Park de l’EPFL et la CSS Assurance ainsi que le Swiss accelerator showcase, autre fruit de l’Innovation Park.

«Ces prix sont importants pour le développement de Neuria. Ils nous amènent de l’argent, mais aussi de la visibilité et de la crédibilité», souligne Lucas Spierer. Des considérations toutes actuelles car, au départ, il s’agissait uniquement de recherches. Lucas Spierer et son équipe étudiaient les stratégies pour la réhabilitation des patient·e·s cérébro-lésé·e·s.

«Nous avons constaté que le fait d’exercer le contrôle moteur, par exemple en répondant à des images de nourriture selon certaines règles, ne conduisait pas à un meilleur self-control, mais à une dévaluation de ces stimuli utilisés dans les tâches.» Cette trouvaille inattendue inspire les chercheur·euse·s. Ils y voient un moyen pour aider à changer les comportements en réduisant l’attrait des produits indésirables chez le sujet.

Lucas Spierer et son équipe se lancent donc dans cette direction, développent des logiciels pour réaliser leurs recherches. «Afin de rendre l’exercice moins fastidieux pour les participant·e·s, nous avons caché nos entraînements dans des jeux vidéo avec l’aide de spécialistes», explique le scientifique.

Transition délicate à négocier
C’est à ce moment que l’idée d’une entreprise sort de l’éprouvette des chercheur·euse·s, qui ont atteint ce qu’on appelle dans le jargon de l’innovation un minimum viable product, soit un produit remplissant les conditions minimales pour une commercialisation. La sémantique change, le résultat d’une recherche devient ici un «produit».

Une foule de questions émerge alors, dont celle de la propriété intellectuelle. «Les brevets transforment une chose intangible en un bien que l’on peut vendre. Ils ont une fonction commerciale en même temps qu’ils protègent la recherche», relève la Docteure Valeria Mozzetti Rohrseitz, responsable du Service de transfert de connaissances et de technologies (KTT) de l’Université de Fribourg.

Agir rapidement est primordial selon elle: «Les chercheur·euse·s tardent souvent à faire la démarche, mais il faut contacter un service tel que le nôtre avant de publier le résultat, car dès la publication de l’idée dans un article, celle-ci n’est déjà plus nouvelle.» Lucas Spierer et son équipe ont été d’ailleurs à deux doigts de commettre la bourde.

«On a retenu une publication au dernier moment», confie-t-il, ajoutant que monter une start-up a nécessité beaucoup de travail en peu de temps. Il a fallu se plonger dans le monde du commerce et des start-ups, monter un plan financier. «L’accompagnement juridique et administratif est essentiel», reconnaît Lucas Spierer.

Précieux soutiens
Le chercheur est heureux d’avoir pu compter sur l’aide précieuse du KTT et d’autres services, comme la plateforme cantonale Fri-Up. L’Université de Fribourg compte aujourd’hui une quinzaine de brevets actifs. «Ces brevets aident les start-ups à lever des fonds et garantissent qu’une évaluation préalable du produit a été réalisée», relève Valeria Mozzetti Rohrseitz.

La responsable du KTT rappelle l’importance de solliciter des soutiens, comme le Proof of concept Grant, fonds interne à l’Université de Fribourg destiné au projet de recherches dont les résultats sont prometteurs, mais pas suffisamment solides pour une application et une commercialisation.

Elle mentionne aussi le BRIDGE, programme développé par le FNS et Innosuisse, ou encore les collaborations entre le KTT et la Haute école d’ingénierie et d’architecture de Fribourg. Valeria Mozzetti Rohrseitz rappelle que l’une des missions de l’Université est aussi de favoriser la concrétisation des idées, leur matérialisation.

«Neuria, c’est notre bébé»
Quant à Neuria, l’entreprise s’apprête à entrer dans une nouvelle phase. Lucas Spierer songe à engager un directeur ou une directrice dédié·e à la start-up et financé·e par cette dernière pour la partie commerciale. Bien sûr, elle reste liée à l’Université. «C’est notre bébé et nous continuerons de nous investir dans la partie recherche et le développement.»

Le scientifique fait remarquer que le premier but de Neuria reste de dégager des fonds pour des projets de recherche. «Ce contact avec l’économie peut toutefois être une expérience intéressante pour les jeunes chercheur·euse·s», dit-il. Lui avoue que l’expérience l’a bousculé et qu’elle a réveillé sa fibre compétitive, même s’il se réjouit de retrouver un rythme de travail plus «normal».

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Juste quelqu’un de bien /alma-georges/articles/2022/juste-quelquun-de-bien /alma-georges/articles/2022/juste-quelquun-de-bien#respond Wed, 14 Sep 2022 12:46:25 +0000 /alma-georges?p=16419 Jean-Marie Annoni vient de tirer sa révérence. Agé de 66 ans, l’attachant professeur de neurologie a décidé de prendre sa retraite. Aussi réputé pour son humanité que pour sa… maladresse, il va laisser un vide auprès de ses patient·e·s, de ses collègues et ses étudiant·e·s. Pour marquer le coup, il nous a accordé une interview dont il a le secret, conviviale et en coup de vent, juste avant de mettre le cap sur les Etats-Unis, première étape de sa retraite. Bon vent, professeur! 

 

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  • Page du Prof. Jean-Marie Annoni
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Maladie d’Alzheimer: la Suisse frappée de plein fouet /alma-georges/articles/2020/maladie-alzheimer-la-suisse-frappee-de-plein-fouet /alma-georges/articles/2020/maladie-alzheimer-la-suisse-frappee-de-plein-fouet#respond Mon, 21 Sep 2020 08:17:38 +0000 https://www3.unifr.ch/alma-georges?p=11462 En Suisse, près de 154’000 personnes souffrent d’une forme de démence, un chiffre astronomique qui pourrait doubler d’ici à 2040. A l’occasion de la journée mondiale de la maladie d’Alzheimer, la Dre Lavinia Alberi Auber de l’Unifr et du Swiss Integrative Center for Human Health tire la sonnette d’alarme et en appelle à des investissements massifs dans la recherche pour contrecarrer cette épidémie!

La Suisse enregistre chaque année plus de 30’400 nouveaux cas de démence. Pourquoi?
C’est, bien sûr, dû au vieillissement général de la population, ce qui est en soi une bonne nouvelle. En ce qui concerne les causes mêmes de la maladie d’Alzheimer, les chercheuses et les chercheurs ont mis en évidence des facteurs héréditaires, mais aussi l’influence de l’hygiène de vie: pratiquer du sport régulièrement ou manger de manière saine diminuent les facteurs de risque. On a aussi remarqué que les infections herpétiques ou des traumatismes cérébraux peuvent jouer un rôle dans l’apparition de la maladie. Les causes sont donc multiples, ce qui explique qu’il n’existe, à ce jour, aucun traitement pour cette maladie.

Mais le temps presse!
En Suisse, la maladie d’Alzheimer provoque des coûts astronomiques, plus de 6,3 milliards de francs pour le système de santé et plus de 5,5 milliards de francs pour les familles! Je ne peux donc que m’étonner du faible soutien financier dont bénéficie la recherche. A cela s’ajoutent les conséquences sur les patient·e·s et leurs proches: les personnes atteintes d’Alzheimer souffrent de troubles du langage, éprouvent des difficultés à s’exprimer, à comprendre ce qu’on leur dit. Certaines familles feignent d’ignorer ces symptômes, ce qui, bien sûr, n’arrange rien à la situation et stigmatisent les malades. C’est pourquoi, nous voulons profiter de ce mois de septembre, décrété mois mondial de la maladie d’Alzheimer, pour lancer une campagne internationale visant à sensibiliser la population mondiale à la démence et à cette affection.

D’où votre idée de générer des synergies en créant Brainfit4Life, un groupe de travail basé à Fribourg?
Avec Brainfit4Life, nous nous sommes donné la mission d’explorer de nouvelles pistes thérapeutiques au profit des patient·e·s et de leur famille. Il s’agit d’une organisation à but non lucratif qui réunit des scientifiques, des clinicien·ne·s et des expert·e·s de Suisse et d’ailleurs. Nous mettons également l’accent sur la prévention et la sensibilisation. La population et les autorités doivent mieux connaître cette problématique.

Votre association souhaite aussi faire le pont entre la recherche fondamentale et l’industrie.
Absolument! Notre installation au facilite cet échange indispensable entre le monde académique et l’industrie. Il y a d’ailleurs parmi nous des représentant·e·s de l’industrie, ce qui favorise la collaboration entre les institutions publiques et privées. Nous nous sommes fixé quatre objectifs dans notre programme de recherche stratégique: établir un registre national de la santé cérébrale, mettre sur pied des programmes pour le diagnostic précoce, élaborer des thérapies personnalisées et, finalement, mettre sur pied cette fameuse campagne de sensibilisation pour éviter l’incompréhension, le malaise et la stigmatisation qu’engendre le vieillissement cérébral.

Photo: Lavinia Alberi Auber

Raison pour laquelle vous organisez, le 13 octobre prochain, un sur ce thème.
C’est un événement très important, soutenu d’ailleurs par le Fonds national suisse et Innosuisse, qui réunira des scientifiques et des clinicien·ne·s bien connus, suisses et étrangers. Nous pourrons notamment compter sur la présence de Matthew Baumgart, directeur général des affaires gouvernementales pour l’Association d’Alzheimer aux Etats-Unis et, accessoirement, ancien collaborateur de Joseph R. Biden, ainsi que sur celle de Manoj Pradhan, un spécialiste des questions macro-économiques et des marchés financiers. Leurs interventions nous permettront de trouver des solutions au fardeau socio-économique de la démence et des autres maladies neurologiques.

On sent que votre intérêt pour cette maladie va bien au-delà de la pure curiosité scientifique. Etes-vous personnellement concernée? D’où vous vient cet engagement?
Je ne suis pas inquiète pour moi mais, en tant que spécialistes du domaine, je ressens une sorte d’obligation morale envers les familles et les patient·e·s. Nous devons mieux faire et je suis convaincue que nous n’y parviendrons qu’en harmonisant les ressources et en créant un réseau solide, afin d’inspirer ainsi la nouvelle génération de neuroscientifiques et d’activistes. La Suisse est le pays de l’innovation, nous jouissons d’infrastructures et d’institutions formidables, mais nous ne pourrons faire la différence qu’en augmentant les investissements. Je tiens à relever qu’un traitement par anticorps développé en Suisse, l’Aducanumab, s’avère prometteur et qu’il est en cours d’évaluation par la Food and Drug Administration. Ce serait le premier médicament après 20 ans d’échecs d’essais cliniques.

Tout espoir n’est donc pas perdu?
Nous devons comprendre que le vieillissement pathologique du cerveau se développe lentement et insidieusement au cours d’une longue étape asymptomatique. Le diagnostic précoce, à un stade où les processus peuvent en effet encore être réversibles, faciliterait la mise en œuvre d’un programme thérapeutique ou de prévention et retarder l’apparition du déclin cognitif. Pour conclure, j’ajouterais que connaître les facteurs de risque peut contribuer à améliorer la vie de nombreuses personnes.

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Contacts:

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Le poids du hasard, le choc des complots /alma-georges/articles/2015/complotistes /alma-georges/articles/2015/complotistes#respond Fri, 23 Oct 2015 15:12:38 +0000 http://www3.unifr.ch/alma-georges/?p=763 Pile: vous ne jouez jamais à la loterie; et il ne fait aucun doute que les attentats du 11 septembre 2001 ont été planifiés et exécutés exclusivement par Al Qaida. Face: vous gagnez à tous les coups au feuille-caillou-ciseau; et bien sûr les 3 GIs qui ont maîtrisé le terroriste du Thalys ne se trouvaient pas dans le même compartiment pour rien…

Finalement, quel que soit votre choix, c’est la réalité qui gagne… ou pas? Vous voilà au cœur de l’étude récemment publiée dans la revue Psychological Science par deux chercheurs de l’Université de Fribourg: Sebastian Dieguez, collaborateur scientifique au Laboratoire pour les Sciences Cognitives et Neurologiques, et Pascal Wagner-Egger, lecteur au Département de Psychologie. En collaboration avec Nicolas Gauvrit de l’Université de Paris-Saint-Denis, ils ont mené une enquête auprès d’un panel de 400 participants afin d’étudier le lien entre la perception du hasard et l’adhésion aux théories du complot chez un individu. Car, si les discours officiels imputent souvent aux conspirationnistes le postulat d’une vision binaire simpliste selon laquelle «le hasard n’existe pas», l’hypothèse restait à tester.

L’air du temps a donné son fondement à cette étude. Les sympathisants des théories du complot semblent de plus en plus nombreux, dans un contexte de suspicion grandissante face aux discours officiels, nourrie par la formidable chambre d’écho qu’offrent l’Internet et les médias sociaux. Un phénomène somme toute récent à l’échelle des complots qui, de tout temps, ont rythmé l’Histoire.

Cette vidéo, postée quelques heures après l’attentat contre Charlie Hebdo, illustre bien le propos:

Sur une musique inspirant le pathos, dès le titre, l’auteur prétend amener des preuves irréfutables en un montage de 2’28’’ (!), quand bien même ces preuves sont relativisées plus tard comme n’étant plus que des «indices». Les expressions comme «troublant» ou «A qui profite le crime?» s’inscrivent comme de grands classiques de la rhétorique conspirationniste. Enfin, les marqueurs graphiques – flèches ou cercles – cherchent à attirer l’attention sur un détail et à lui faire endosser une pertinence particulière qu’ils ont peut-être, ou non.

Alors, rien n’est dû au hasard?

Avec une méthodologie implacable, les chercheurs ont rassemblé un panel afin d’évaluer à quel point des séquences binaires du type «XXXXXXXXXOOX» ou «XXXOXOOXOOXX» leur semblaient être le fruit du hasard ou d’un processus intentionnel. Puis chaque participant a rempli un questionnaire mesurant son adhésion à plusieurs niveaux de complotisme: méfiance à l’égard des autorités, croyance à des théories du complot classiques ou susceptibilité aux complots interpersonnels. Les résultats de l’étude se sont avérés étonnamment négatifs. Les mécanismes psychologiques des adhérents aux théories du complot s’inscrivent donc dans une plus grande complexité que le supposé credo monologique et simpliste.

Quelle que soit notre lecture d’événements modernes marquants comme le 11 septembre, les morts de Lady Di et JFK, la mission Apollo et le SIDA ou, plus proches de nous en temps et en lieu, les attentats de Charlie Hebdo ou du Thalys, c’est la perception même que nous avons du hasard qui est manipulée: ici disqualifiante comme n’étant que crédulité, là utilisée dans une rhétorique systématiquement portée vers l’ironie.

Alors, y a-t-il pour les uns dissimulation de l’orchestration machiavélique d’événements souvent funestes, et pour les autres tendance sous-clinique à la paranoïa et rejet systématique du discours officiel? A la lumière des résultats de l’étude, la question reste ouverte: «Les ressorts de la mentalité conspirationniste se situent à un niveau cognitif bien plus complexe que ce qu’on lui suppose parfois. Ils s’inscrivent dans un contexte politico-médiatique marqué par une rupture de confiance, nourri par des flux d’information dits alternatifs, faits d’interprétations plus ou moins crédibles ou de documentation plus ou moins fiable, commentent les deux chercheurs. Les zones d’ombre persistent autant dans les discours officiels que dans ces ‘errant data’, détails bizarres érigés en preuves mais pourtant jamais vraiment décisifs».

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Et maintenant, à vous de jouer! Evaluez la part du hasard et votre adhésion conspirationniste, et dénichez la rhétorique classique de chaque camp en visionnant ces 2 vidéos antagonistes du 11 septembre 2001:

Ressources:

  • Image de une: NASA

 

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