Homme – Alma & Georges /alma-georges Le magazine web de l'Université de Fribourg Tue, 25 May 2021 09:05:09 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.3.5 La masculinité dans les pubs suisses: ça change ou bien? /alma-georges/articles/2021/la-masculinite-dans-les-pubs-suisses-ca-change-ou-bien /alma-georges/articles/2021/la-masculinite-dans-les-pubs-suisses-ca-change-ou-bien#respond Fri, 21 May 2021 07:35:50 +0000 /alma-georges?p=13826 L’image de l’homme que projette la publicité suisse demeure une caricature. Pourtant, les mouvements critiques qui agitent la société depuis quelques mois semblent porter leurs fruits. Alors, le changement, c’est maintenant? Analyse critique de Francesco Screti, chercheur postdoctoral à l’Université de Fribourg et professeur au Glion Institute of Higher Education.

 

Il y a quelques mois, j’ai présenté les résultats d’un travail scientifique qui portait sur la construction de la masculinité dans la publicité suisse. Dans cet article, dont une version est parue dans le numéro LGBT+ du magazine scientifique universitas, je réfléchissais sur le fait que la représentation de la masculinité offerte par une série de publicités de la marque Bell, était plutôt traditionnaliste et exclusive: Le protagoniste masculin de la pub, pour ne pas être ridicule et ridiculisé, devait être et paraître comme un homme. Traduisez: il ne devait pas regarder de films romantiques et pleurer, , , ni . En tant que véritable chasseur, capable de tuer sa viande et de la cuire sur le feu, ses créneaux étaient plutôt le retour à la «nature» et les grillades.

Les hommes sur le grill
Dans mon article, je réfléchissais aussi au lien qui existe entre la pratique de la grillade et les suisse·esse·s, ainsi qu’ entre la viande et la masculinité. Si, sur le premier point, il n’y a pas trop de discussions, on ne peut pas en dire de même pour le deuxième.

C’est ainsi que la pub Migros «», en 2018, avait fait quelques mécontents, au sujet, entre autres, de l’affirmation que la seule couleur rose que les hommes peuvent porter,  c’est celle de la viande.

On  retrouve un discours identique dans une pub  COOP de 2019 «Pour moi, pour toi, et pour Darko» dans laquelle, les amis (hommes) du protagoniste masculin sont carnivores, tandis que ses amies (femmes) sont végétariennes.

Tout n’est pas rose
Donc, bien que les deux géants suisses de la distribution se présentent comme acceptant toutes les habitudes alimentaires, évidemment aussi pour des questions commerciales, et soulignent le lien des suiss.esse.s avec les grillades, ils continuent tout de même à proposer une vision très stéréotypée selon laquelle l’homme est carnivore (et ne porte pas de rose!) et la femme végétarienne.

Or, si nous savons toutes et tous que la Suisse a longtemps été conservatrice en matière d’égalité femmes-hommes et que son regarde sur la masculinité reste très conservateur, la question est de savoir si, malgré les énormes progrès des dernières années, c’est encore vraiment le cas aujourd’hui.

La publicité comme miroir de la société
S’il est vrai que les publicités parlent de et à la société dans laquelle elles sont diffusées, et qu’elles en reflètent non seulement les valeurs dominantes, mais aussi les valeurs émergentes, nous pourrions penser que, depuis 2013, année de diffusion de la campagne Bell, aucun progrès n’a eu lieu. Pour preuve, cette cette pub de la marque de caleçon John Kiss, fièrement affichée dans les rues des villes suisses en décembre 2019 et déclinée dans différents slogans comme «not for pussies» ou «got balls?», tous en anglais, bien sûr – peut-être pour réduire l’impact potentiellement violent ou offensif de ces messages.


© Francesco Screti

Et pourtant, les choses changent, comme le montrent deux exemples récents: la pub Rivella 2021, «» et celle de Zalando pour sa collection printemps/été 2021 «your values. Here to stay». A vrai dire, Zalando avait déjà diffusé, au printemps 2020, une pub assez ouverte et inclusive, intitulée «».


Or, bien sûr, l’univers de la mode a été très rapide dans l’acceptation de la différence pour diverses raisons, liées, au moins en partie, à la nécessité de vendre le plus de produits au plus grand nombre de personnes. Les vêtements sont des produits avec une charge identitaire et une fonction expressive élevée. Mais la vente est un objectif commercial commun à beaucoup d’entreprises, qui prennent – enfin – peu à peu conscience de la situation.

Qui de l’œuf ou de la poule…?
Néanmoins l’acceptation et la représentation de la différence résultent aussi d’un changement de mentalité plus large. Il est certain que ces changements dans la politique commerciale des entreprises et au sein de la société au sens large se rétroalimentent. Il n’est donc pas toujours facile de définir qui est arrivé le premier. Le fait est qu’un changement a lieu en Suisse. La pub Rivella en est un exemple extraordinaire – surtout si l’on considère que Zalando est une marque internationale et multinationale, alors que Rivella est une marque purement suisse.

Rivella est la boisson la plus suisse qui soit: elle a réussi, avec le temps, à construire une relation très étroite avec sa patrie, les suisse·esse·s et la «suissitude» (swissness). Qu’elle ait décidé de représenter et d’inclure dans sa pub des masculinités non hégémoniques et de mettre en relation des masculinités émergentes avec les traditionnelles, par exemple avec la phrase «chez les amateurs de costumes / de tous les costumes» dans une scène où des hommes vêtus d’habits dansent de manière très expressive, constitue un pas important dans la direction d’une inclusion sociale et d’une ouverture mentale à la différence.

Le fait qu’une entreprise si suisse ait communiqué un tel message dans un cadre publicitaire, transmis sur la Radio Télévision Suisse (RTS) à toutes heures représente un signe très positif. On attend donc l’été 2021 pour découvrir si, enfin, nous verrons un homme mordre une glace… ou la lécher!


Ndlr: La marque Magnum a répondu aux voeux de notre auteur dans sa campagne d’été 2021.
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  • vers l’étude originale en espagnole
  • de Francesco Screti
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L’égalité: mission possible /alma-georges/articles/2017/legalite-mission-possible /alma-georges/articles/2017/legalite-mission-possible#comments Tue, 07 Mar 2017 16:14:51 +0000 http://www3.unifr.ch/alma-georges/?p=3789 Les clichés ont la vie dure: même en 2017, pas si facile pour une femme de choisir une carrière perçue comme masculine ou de concilier parcours académique et vie de famille. A l’occasion de la Journée de la femme, petit portrait du Service de l’égalité entre femmes et hommes, où l’on est prêt à donner de la voix pour que, Mesdames, vous trouviez votre voie.

Un service trop peu connu et qu’on aurait tendance à trouver silencieux, si l’on ne connaissait pas la puissante voix qui l’anime. Limer les inégalités liées au genre, non seulement au sein de l’Université mais à travers la société en général, c’est la mission d’un trio féminin énergique qui n’a pas encore dit son dernier mot. A tous ceux qui utilisent encore l’appellation sexe faible pour parler des femmes, merci de passer votre chemin…

Historiquement, c’est en 1991 qu’est née la Commission Femmes et Université. En 1996, entre en vigueur la loi sur l’égalité; elle concerne désormais aussi les universités. Helene Füger devient la première préposée aux questions féminines, jusqu’à ce que le Service se constitue entre 2001 et 2004.

Pas d’acquis
Le Service a fait son bonhomme de chemin et, à plus de 20 ans maintenant, force est de constater une réelle évolution… Notamment en ce qui concerne la charge de travail! «Non, l’égalité femmes-hommes n’est pas encore acquise. Nous croyons, à tort, que nous sommes une société où il n’existe plus de différences, mais c’est faux», martelle Muriel Besson, à la tête du service depuis deux ans. Si on ne parle peut-être plus de réelles injustices, restent encore de nombreuses attitudes et clichés ancrés dans l’inconscient collectif et la culture en général.

Un engagement mené par trois mousquetaires, avec notamment Claudia Möri qui s’occupe de coordonner les programmes pour les jeunes chercheuses et Sandra Gellura qui chapeaute le programme «Internet&Code pour les filles». Des actions dont le but est de faire prendre conscience aux filles qu’il n’y pas que certaines filières qui leur sont réservées. «Nous tentons de les sensibiliser dès le plus jeune âge», explique Sandra Gellura. En effet, le cours «Internet&Code pour les filles», en partenariat avec l’EPFL et la HES-SO Fribourg s’adresse aux demoiselles de 6H à 8H – 10-12 ans – déjà. «Nous leur faisons découvrir la programmation et l’informatique, domaine encore trop perçu comme masculin», renchérit-elle.

C’est une œuvre de coulisse pour un travail qui peut s’avérer frustrant, tant il est difficile d’en déceler les résultats directs. Cela est en revanche «vraiment réjouissant lorsque, par exemple, une fille nous écrit pour nous dire qu’elle a choisi de suivre une filière informatique», sourit Claudia Möri.

Dans les deux sens
Plus loin dans la formation, leur mission vise aussi à encourager les femmes à poursuivre leur carrière académique vers le professorat, une fois leur doctorat en poche. «Plus le niveau augmente, plus la représentation féminine diminue», constate Muriel Besson à qui le thème de la conciliation entre vie professionnelle et vie privée tient à cœur. Il est malheureusement vrai que, au moment de fonder une famille, c’est trop souvent par défaut la femme qui réduit son temps de travail. Et la responsable du service d’ajouter que «la question ne se pose encore que trop rarement au sein d’un couple qui souhaite fonder une famille.»

Plus largement, le trio est là pour cerner les besoins au sein des facultés et s’interroger sur l’amélioration des conditions d’égalité.

Si dans la lutte pour l’égalité on imagine, de facto, des messages adressés aux femmes, il existe aussi, bien entendu, certaines préoccupations du côté masculin. Prenons l’exemple du service militaire. «Il est juste qu’un homme qui a l’obligation de servir puisse bénéficier des conditions adéquates pour ses études», estime Claudia Möri. Toutes les brochures et autres conseils sont également adressés aux deux sexes. Le but est vraiment de réduire au maximum la ségrégation transversale dans les 2 sens.

Tant que la question se pose…
Les idées, les envies et les projets ne manquent pas au Service de l’égalité de l’Unifr! Ce sont plutôt les ressources qui font défaut. «Notre rôle est de donner une impulsion. La suite dépend surtout du suivi et du soutien nécessaire pour assurer notre mission», relève Muriel Besson.

Plus idéal, leur but ultime est, bien sûr, que la question du genre ne se pose plus. «Nous aurons ainsi atteint notre mission, rient les trois femmes. Tant qu’on se pose la question, c’est que l’inégalité persiste!»

Le 8 mars, à l’occasion de la Journée de la femme, le trio ne manquera pas de revêtir son superbe t-shirt rose, créé l’année passée. Loin du kitsch, la couleur se veut encourageante, positive et porteuse d’avenir.

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  • Photo: Flore Martinson – Unicom
  • du Service de l’égalité
  • du Service de l’égalité

 

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