handicap – Alma & Georges /alma-georges Le magazine web de l'Université de Fribourg Tue, 06 May 2025 13:01:22 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.3.5 Vivre le sport autrement /alma-georges/articles/2025/vivre-le-sport-autrement /alma-georges/articles/2025/vivre-le-sport-autrement#respond Wed, 30 Apr 2025 06:14:47 +0000 /alma-georges?p=22240 Impossible d’exceller dans le sport handicap sans développer une sorte de sixième sens. Une quinzaine d’étudiant·e·s en ont fait l’expérience le 3 avril dernier, lors du Paralympic School Day, une journée de sensibilisation aux handicaps récemment introduite par l’Université de Fribourg.

Cette étudiante qui abaisse furtivement le bandeau couvrant ses yeux mériterait sans doute un carton rouge. Mais comment ne pas être désorientée lorsqu’on joue au football à l’aveugle? Où sont les buts? Où se trouvent les coéquipier·ère·s? Douze étudiant·e·s du Bachelorpédagogie spécialisée et un courageux étudiant en sport ont participé à une expérience d’inclusion inversée.


«Le concept est simple: il consiste à inviter des personnes sans handicap à participer à des activités inspirées des sports paralympiques», explique Valérie Caron, lectrice au Département de pédagogie spécialisée et instigatrice du projet. «Elles ont ainsi l’occasion de vivre les défis rencontrés par les personnes avec handicap.» L’objectif est clair: favoriser l’empathie, la compréhension et un changement de regard en inversant les rôles habituels.

Du football qui se joue à l’ouïe
Et de l’empathie, il en faut – une bonne dose même! C’est ce qu’a constaté Matthias Scanio, étudiant en Bachelor de sport. Pour cette première édition fribourgeoise du Paralympic School Day, il avait pour mission d’organiser une activité de goalball, un sport d’équipe destiné aux personnes aveugles ou malvoyantes. Il se joue à trois contre trois sur un terrain de la taille d’un terrain de volley.

«Bien que j’aie soigneusement préparé l’activité, j’ai dû me rendre à l’évidence: il n’est pas facile de donner des explications claires et univoques à des personnes malvoyantes, reconnaît-il. Il ne suffit pas de dire «ÌýAvanceÌý» ou «ÌýViens iciÌý», il faut préciser le nombre de pas et la direction.»
Comme pour illustrer ses propos, un étudiant au poste de gardien, les yeux bandés, plonge à l’instinct pour intercepter le ballon. Muni de grelots, ce dernier tintinnabule à chaque rebond : c’est à l’ouïe que le portier doit en deviner la trajectoire. Calcul presque parfait… mais le ballon glisse entre ses mains et atterrit sur son nez — plus de peur que de mal.
«C’est en se mettant dans la peau d’une personne en situation de handicap qu’on comprend que la notion de capacité est relative», relève Valérie Caron. En se remémorant les matchs auxquels elle a assisté lors des derniers Jeux paralympiques, elle s’émerveille: «C’était magnifique! Les joueurs avaient véritablement développé un sixième sens.»

Emma Chetelat

De la théorie à la pratique
Dans l’autre moitié de la salle de sport de Miséricorde, les étudiant·e·s ont testé une seconde activité, conçue cette fois pour les personnes paralysées des jambes.
«Il s’agit du hockey luge, un sport d’équipe normalement pratiqué sur glace, avec des luges munies de lames», précise Valérie Caron. «Comme nous jouons en salle, nous avons utilisé des planches à roulettes achetées en grande surface.»
Étudiante en pédagogie spécialisée, Emma Chetelat a coordonné l’activité pour ses camarades. Ayant déjà travaillé avec des personnes atteintes de troubles cognitifs et moteurs, elle sait que cette expérience immersive est extrêmement enrichissante.Ìý «Par-dessus tout, j’apprécie de passer de la théorie à la pratique!», s’exclame-t-elle. Pour Mathias Sciano, cette journée inclusive tombe à pic : son cursus en sport ne propose aucune formation sur le handicap. Inversement, le Département de pédagogie spécialisée ne prévoyait jusqu’ici aucune activité physique pour ses étudiant·e·s. Et Emma d’ajouter: « J’espère vivement que la prochaine édition de ce cours rassemblera encore plus de participant·e·s, et pas seulement de la pédagogie spécialisée!»

Le sport, ce grand oublié
Quel que soit le sport pratiqué lors de cette matinée — goalball, hockey luge ou football pour amputé·e·s — le Paralympic School Day dépasse largement le simple exercice physique. Il transmet aussi un message. «Il faut savoir que le sport est hélas très souvent le parent pauvre de l’enseignement spécialisé», déplore Valérie Caron. «L’éducation physique adaptée est peu développée en Suisse, alors que dans certains pays, comme aux Etats-Unis, il y a des programmes de Bachelor et Master qui y sont entièrement consacrés.»
On conçoit aisément qu’un·e enseignant·e d’éducation physique, face à une classe de vingt élèves, peine à intégrer une ou deux personnes avec un handicap. «Hélas, sans entraînement et adaptations, ces jeunes sont plus à risque de développer des retards moteurs, par exemple, avoir des difficultés à manipuler un ballon, des retards dans les habiletés de locomotion ou être plus à risque de sédentarité», regrette-t-elle.

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«Nos émotions nous aident à faire des choix dans tous les domaines de notre vie» /alma-georges/articles/2025/nos-emotions-nous-aident-a-faire-des-choix-dans-tous-les-domaines-de-notre-vie /alma-georges/articles/2025/nos-emotions-nous-aident-a-faire-des-choix-dans-tous-les-domaines-de-notre-vie#respond Mon, 03 Feb 2025 15:19:55 +0000 /alma-georges?p=21938 Les émotions jouent un rôle clé dans nos processus décisionnels. Pourtant, jusqu’à récemment, les scientifiques ne leur ont pas accordé l’attention qu’elles méritaient. Grand spécialiste en la matière, David Sander, professeur de psychologie à l’Université de Genève, viendra en souligner l’importance le 7 février prochain à l’Université de Fribourg.

Parmi les innombrables disciplines scientifiques, les sciences affectives dont vous êtes le «chantre» ne sont pas les plus connues. De quoi s’agit-il?
La discipline des sciences affectives est en effet bien moins connue que sa grande sœur «les sciences cognitives». Une des raisons de cette méconnaissance est certainement tout simplement sa récence: les sciences affectives sont devenues un champ académique en tant que tel il y a seulement une trentaine d’années! La Suisse a été pionnière dans son développement avec la création par le Fonds national suisse de la recherche scientifique, en 2005, du Pôle de Recherche National en Sciences Affectives. Même si la création des sciences affectives, comme discipline, est relativement récente, son objet d’étude fascine les plus grands penseurs depuis plus de 2000 ans!

Comment se fait-il que cette dimension émotionnelle, que je dirais presque évidente, n’ait pas été prise en compte auparavant?
En effet, l’étude des émotions et des autres phénomènes affectifs a passionné des auteurs tels qu’Aristote, Descartes ou Darwin bien avant que de nombreuses disciplines s’associent pour créer les sciences affectives. Ces dernières regroupent notamment la psychologie, la philosophie, les neurosciences, la psychiatrie, la neurologie, l’économie, l’anthropologie, la sociologie, les sciences politiques, l’histoire, la littérature, la linguistique ou encore l’informatique. Depuis plus de 2000 ans, les émotions ont été étudiées dans des cadres incluant d’autres phénomènes affectifs tels les sentiments, les préférences, les motivations, les humeurs, les passions, les styles affectifs, les désirs ou encore les pulsions. L’analyse des émotions en tant que phénomènes psychologiques, corporels et sociaux date au moins de l’Antiquité. Je dirais que le changement récent provient d’au moins trois sources:

  • Tout d’abord, au niveau théorique, on a longtemps opposé cognition et émotion, probablement à cause du débat classique entre raison et passion. Mais les recherches actuelles montrent que cette opposition n’est pas justifiée.
  • Ensuite, il y a eu des développements méthodologiques dans de nombreuses disciplines qui permettent de mieux étudier expérimentalement les émotions. Par exemple, les développements spectaculaires de la neuroimagerie dans les années 1990 permettent d’étudier les bases cérébrales des émotions tel que cela était impensable il y a encore 50 ans.
  • Finalement, je dirais qu’il y a un courant de pensée actuelle, que nous avons appelé l’affectivisme, qui démontre que les émotions sont utiles pour mieux comprendre, non seulement les processus affectifs, mais également le comportement et la cognition.

Dans quelle mesure nos émotions influencent-elles notre attention, notre mémoire et nos décisions?
Les émotions influencent ces mécanismes «pour le meilleur et pour le pire». Elles constituent en fait des réponses à des situations internes, comme des souvenirs, ou externes, comme par exemple une odeur, une musique ou une scène visuelle. Les informations les plus émotionnelles sont triées de manière prioritaire et sont aussi mieux encodés, mieux mémorisés que celles dont la charge émotionnelle est moindre. Nous pensons que la modulation de l’hippocampe (qui est une région très importante pour la mémoire épisodique) par l’amygdale (qui est une région très importante pour les émotions) favorisent ce mécanisme. Puisque nos émotions ont le potentiel d’attribuer une valeur affective à chacune des options d’une prise de décision, nous utilisons nos émotions pour faire des choix dans tous les domaines de notre vie, aussi bien lorsqu’il s’agit de décider de ce que l’on va manger que de décider pour qui l’on va voter.

A un niveau personnel, est-ce que votre propre perception des émotions a évolué grâce à vos recherches?
Oui! Je considère les émotions, celles des autres et les miennes, de manière beaucoup plus sérieuse qu’avant en tant que sources d’informations utiles. Les émotions authentiques étant des réponses fonctionnelles à l’environnement, elles nous informent sur ce qui est important pour nous et sur ce qui est important pour les personnes autour de nous. Sachant à quel point elles guident notre comportement et notre cognition, je me demande souvent quelle émotion je ressens ou quelle émotion quelqu’un d’autre ressent et si cette émotion est justifiée.

Au terme de votre conférence, si les participant·e·s ne devaient retenir qu’un seul message, quel serait-il?
Ce message serait le suivant: les émotions sont souvent rationnelles et elles ne s’opposent pas à la cognition. Ce message peut surprendre, mais je pense qu’il est important de se rendre compte que ni notre esprit ni notre cerveau ne sont «coupés en deux» avec, d’un côté, des processus émotionnels qui seraient irrationnels et, de l’autre, des processus cognitifs qui seraient rationnels. Prenez un exemple très simple: face à un danger imminent, il est rationnel d’avoir peur: l’organisme va rapidement se préparer à réagir, par exemple en fuyant. Notre expression faciale et vocale permet même d’alerter d’autres membres de notre groupe à propos du danger. Une réaction irrationnelle face à un danger serait justement de ne pas avoir peur! Mais la peur peut également être irrationnelle, par exemple quand il n’y a pas de raison d’évaluer la situation comme dangereuse. Une émotion justifiée nous aide à adopter un comportement adapté en mobilisant de nombreux processus cognitifs.

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  • , Journée d’études, Ouvert au grand public, 07.02.2025 09:30Ìý–Ìý16:30
  • Délai officiel d’inscription au 3 février (possibilité de s’inscrire sur place)

 

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Déficience intellectuelle: vers plus d’inclusion? /alma-georges/articles/2023/deficience-intellectuelle-vers-plus-dinclusion /alma-georges/articles/2023/deficience-intellectuelle-vers-plus-dinclusion#respond Fri, 02 Jun 2023 11:57:58 +0000 /alma-georges?p=18297 Elargir l’accès aux droits politiques pour les personnes présentant une déficience intellectuelle et leur donner les moyens de se forger une opinion. C’était l’un des points abordés lors du congrès DUO à Fribourg, organisé pour et par les personnes concernées.

Imaginez que l’on vous retire vos droits politiques en raison d’une mauvaise compréhension d’un objet de vote. Exagéré? C’est pourtant la crainte que peuvent ressentir les citoyen·ne·s présentant une déficience cognitive. «Certaines de ces personnes ressentent la peur de se tromper, de ne pas comprendre et de devoir se justifier. Leur auto-estime est souvent déficitaire», relève la Dre Barbara Fontana-Lana. Maîtresse d’enseignement et de recherche au Département de pédagogie spécialisée de l’Université de Fribourg, elle a mené avec ses collègues une recherche sur la participation politique des personnes ayant une déficience intellectuelle (DI). Cette recherche (Vote4All), menée par étapes, analyse la législation fédérale et celle des cantons, leur application ainsi que les différents facilitateurs et obstacles.

Dans l’arène politique
En Suisse, la loi fédérale sur les droits politiques, s’appuyant sur l’article 136 de la Constitution, exclut du droit de vote «les personnes qui, en raison d’une incapacité durable de discernement, sont protégées par une curatelle de portée générale ou par un mandat pour cause d’inaptitude». Une disposition en contradiction avec la convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées, texte pourtant ratifié par la Suisse en 2014. Reste que les lignes bougent. A Genève, l’incapacité de discernement n’est plus un critère de retrait des droits politiques. Et à l’échelon national, le Conseil fédéral doit répondre, d’ici juin 2023, au postulat de la conseillère aux Etats Marina Carobbio Guscetti. Son texte demande la pleine participation politique des personnes présentant une DI, à l’image des engagements pris par des pays comme la France, l’Italie, l’Autriche ou encore l’Espagne.
Avoir le droit de vote est une chose, mais pouvoir pleinement voter en connaissance de cause en est une autre. Aujourd’hui, les personnes présentant une DI et qui peuvent voter butent souvent sur des obstacles, comme l’absence d’informations adaptées et compréhensibles. «On rencontre encore beaucoup de méconnaissance sur la déficience intellectuelle. Il en existe de différentes sortes et l’on oublie que ce n’est pas le type de déficience qui fait la différence, mais le type de soutien», souligne Barbara Fontana-Lana.

Causes multiples
La chercheuse pointe plusieurs stéréotypes. D’abord, la croyance encore tenace que la DI est majoritairement héréditaire. «Il s’agit d’un héritage des théories eugénistes des siècles précédents. C’est vrai pour seulement 5 à 10% des cas. En fait, les causes de l’origine d’une DI peuvent être variées: anténatales (par ex. alcoolisme maternel ou utilisation de drogues, problème génétique), périnatales (manque d’oxygène au moment de la naissance) et post natales (maladie, manque de soins adaptés et de stimulations, etc.).» Barbara Fontana-Lana déplore également une vision par trop «statique» de l’intelligence. «La société tend à considérer la DI comme peu évolutive. Or aujourd’hui plus personne ne nie la plasticité cérébrale. On apprend tout au long de la vie et ce qui est valable pour tout un chacun l’est aussi pour ces personnes», fait-elle remarquer. Apprendre revient à s’impliquer, à participer. Cela passe par des espaces de paroles. A l’image de DUO, un congrès qui s’est tenu pour la première fois début 2023 à Fribourg. Une démarche originale portée par le Centre de formation continue (CFC), le Département de pédagogie spécialisée de l’Université de Fribourg, la Haute école de travail social de Fribourg et l’association Vivre son deuil Suisse. Cette journée était organisée pour et par les personnes présentant une déficience cognitive.

Les outils existent
«Aujourd’hui, on fait beaucoup pour les professionnel·le·s, mais trop peu pour les personnes directement concernées», relève Jean-François Massy, directeur du CFC. Cette rencontre, une première à Fribourg, a été un succès. «L’espace de parole qui s’est ouvert a été investi très rapidement», observe Barbara Fontana-Lana. «Cela répondait à un besoin de partager avec d’autres personnes présentant une DI», ajoute Jean-François Massy. De par leurs caractères sensibles, les sujets abordés ont parfois fait émerger les manques affectifs que peuvent ressentir ces personnes ainsi que «le sentiment que la société pourrait faire un peu plus pour elles». Jean-François Massy nuance pourtant : «C’est une réalité, mais il ne faudrait pas avoir l’image d’une population enfermée dans la souffrance. Dans nos cours, on croise plein de gens heureux!» Entre le congrès DUO et les différents ateliers que propose le CFC, Barbara Fontana-Lana décèle un fil rouge: l’accessibilité des informations. «On se dit que ces personnes devraient avoir accès à n’importe quel congrès, mais elles butent souvent sur le langage utilisé et le manque de didactique, frein à la compréhension. Pourtant, les outils et les connaissances scientifiques nous permettant de proposer des didactiques adaptées existent.»

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Festive, silencieuse, inclusive /alma-georges/articles/2023/festive-silencieuse-inclusive /alma-georges/articles/2023/festive-silencieuse-inclusive#respond Tue, 21 Feb 2023 12:56:47 +0000 /alma-georges?p=17664 La Silent Party est l’un des évènements phares de la programmation du Nouveau Monde, lieu de sortie bien connu des Fribourgeois·es. Cette année, l’évènement est estampillé «inclusif». A l’origine de cette idée: Chloé Jaccard, une étudiante en travail social de l’Unifr.

Au premier abord, c’est une disco comme une autre: lumières ultra-travaillées, air rendu épais par le trémoussement des corps, alcool qui coule à flots. Pourtant, un élément ne colle pas: dans la salle, on n’entend que les bruits des chaussures heurtant rythmiquement le sol et des verres reposés sur le bar. Et la musique, alors?
La Silent Party – ou plutôt les Silent Parties, puisque la manifestation se déroule sur deux jours – est l’un des évènements phares de la programmation annuelle du Nouveau Monde, lieu de sortie bien connu des Fribourgeois·es. Son concept, ramené de l’étranger: plutôt que d’imposer aux fêtards une playlist unique, on leur propose trois options. Après avoir fait leur choix, les participants se déhanchent librement, casque sur les oreilles. «Chaque canal musical est symbolisé par une couleur qui s’affiche sur le casque; cela permet, d’un coup d’œil, de savoir qui écoute le même morceau», précise Flavien Droux, programmateur du Nouveau Monde. Cet espace culturel niché dans le complexe de l’Ancienne Gare, au cÅ“ur de la capitale cantonale, a été l’un des premiers du pays à proposer des Silent Parties.

Liberté de mouvements
Les 25 et 26 février prochains, le Nouveau Monde remet joyeusement le couvert. Or, cette édition 2023 de l’évènement sera un peu particulière. Sur le programme de l’espace culturel, on peut lire «Silent Party inclusive». L’ajout de cet adjectif, c’est une étudiante en travail social de l’Unifr qui en est à l’origine. «Je suis employée à temps partiel par FARA, une entreprise solidaire qui accompagne des personnes avec une déficience intellectuelle; j’ai constaté qu’il était souvent compliqué de répondre aux envies de certain·e·s de nos résident·e·s d’aller faire la fête ou écouter de la musique», rapporte Chloé Jaccard. En effet, en plus des questions d’accessibilité, de place et de bruit sur place, se pose celle du budget à disposition pour organiser et encadrer de telles sorties.
Alors que la jeune femme participait à titre privé à une Silent Party, une ampoule s’est allumée dans sa tête. «Je me suis dit que ce type d’évènement conviendrait bien à des personnes en situation de handicap, et cela pour plusieurs raisons». D’une part, «parce que les participant·e·s ont la maîtrise de ce qu’ils écoutent, ainsi que du volume». D’autre part, «parce qu’en raison des divers canaux musicaux, tout le monde donne l’impression de danser de façon un peu extravagante, donc on se sent plus à l’aise de s’exprimer avec son corps, quelle que soit la manière de le faire».
Dans la foulée, «il m’a semblé que le plus simple – et le plus inclusif – serait de se greffer sur un évènement existant, moyennant quelques adaptations». L’idée de la Silent Party inclusive était née. Du côté du Nouveau Monde, la réaction fut enthousiaste. «Cela colle totalement avec nos valeurs; depuis sa création, notre espace culturel lutte pour l’ouverture à un public le plus large possible, pour que la culture casse toutes les barrières dans tous les sens», souligne Flavien Droux. Le programmateur rappelle que plusieurs manifestations à caractère spécifiquement inclusif ont déjà été à l’affiche, dont le vernissage de «Paula et ses drôles d’oiseaux» – un projet musical porté par des résident·e·s de la fondation Les Buissonnets et par leurs éducateurs – ou encore le spectacle théâtral de L’Au-de l’Astre, une compagnie intégrant des comédien·ne·s en situation de handicap.

Devant et derrière les platines
Afin d’inciter le maximum possible de personnes en situation de handicap – qu’il soit mental ou physique – à faire le déplacement à l’Ancienne Gare les 25 et 26 février, ainsi que de simplifier les questions logistiques, quelques aménagements ont été prévus. «Des bénévoles viendront prêter main forte au staff du Nouveau Monde et à celui des institutions spécialisées», relève Chloé Jaccard. «Il s’agit de personnes-ressources, chargées par exemple de pousser un fauteuil roulant ou d’accompagner un·e participant·e aux toilettes.» Il est également prévu d’aménager un espace de type lounge, où les fêtard·e·s pourront faire une pause au calme. «Nous proposons par ailleurs des options de transports aux personnes ne résidant pas en institution.» Ces bénévoles sont pour la plupart des étudiant·e·s de l’Institut de pédagogie curative et de la Chaire de travail social et politiques sociales de l’Unifr, ainsi que de la Haute école de travail social de Fribourg.
L’inclusivité de cette disco va néanmoins plus loin. «En collaboration avec FARA, l’institution L’Arche Fribourg, Pro Infirmis et le bar Lapart, nous avons mis sur pied un groupe d’une trentaine de résident·e·s chargé d’épauler les trois DJ de l’évènement dans leur travail de création des playlists», explique l’étudiante de l’Unifr. Lors des Silent Parties – qui se dérouleront respectivement le samedi soir dès 20h et le dimanche après-midi dès 14h30 – «ils auront la possibilité, s’ils le souhaitent, de faire un tour derrière les platines».

Un lieu naturellement inclusif
Mais ne prend-on pas le risque, en labellisant clairement cet évènement «inclusif», de refroidir certain·e·s habitué·e·s? Flavien Droux admet que la question a été abordée à l’interne, étant donné que la Silent Party est importante pour le Nouveau Monde. «Intégrer à un tel évènement des valeurs qui nous sont chères a été un argument décisif pour nous.» Chloé Jaccard relève elle aussi que «le risque zéro n’existe pas». C’est d’ailleurs pourquoi «nous avons décidé de ne pas en faire des tonnes en terme de communication; car après tout, l’évènement sera très semblable à celui des années précédentes».
Dans tous les cas, cette édition 2023 fera office de test, que ce soit pour les parties prenantes ou pour d’autres acteurs intéressés. Insieme Fribourg a ainsi demandé à Chloé Jaccard de lui fournir une évaluation à l’issue de l’évènement. «Mais ce que nous souhaitons avant tout», précise l’organisatrice, «c’est montrer que rendre des manifestations culturelles et festives plus inclusives n’est pas sorcier, qu’il suffit de faire quelques aménagements spécifiques». Rien qu’au Nouveau Monde, «il y a plusieurs évènements réguliers qui s’y prêteraient, notamment les soirées jeux». Même son de cloche du côté de Flavien Droux: «Par sa philosophie, qui va clairement dans le sens de l’ouverture et de la rencontre entre différents types de personnes, mais aussi par sa configuration spatiale, il s’agit d’un endroit naturellement inclusif.» Au point de pouvoir se passer, dans un avenir proche, du terme «inclusif» sur l’affiche de la Silent Party?

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  • du Nouveau Monde
  • Hibou, Bernard Grandgirard © CREAHM

 

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Une question de représentations /alma-georges/articles/2022/une-question-de-representations /alma-georges/articles/2022/une-question-de-representations#respond Mon, 30 May 2022 08:13:41 +0000 /alma-georges?p=15894 La façon dont on perçoit certaines questions dépend du regard que la société ou les médias nous proposent. Analyser le rôle que jouent les médias dans la représentation sociale du handicap chez les enfants ou observer quelles sont les représentations sur la sexualité des femmes avec déficience intellectuelle: deux mémoires de bachelor en pédagogie spécialisée à l’Unifr ont fait l’objet de publications dans la revue d’information sociale REISO.

Will est un garçon de 9 ans en fauteuil roulant. Chaque semaine, une chaîne TV grand public française diffuse les aventures de cet enfant sous forme de capsules animées. Deux éléments distinguent le jeune héros des autres personnages en situation de handicap qui apparaissent généralement sur le petit ou le grand écran: Will n’est ni un «super-handicapé» aux pouvoirs quasi magiques, ni, à l’inverse, une caricature ambulante. Il s’agit d’un enfant bien dans son corps et dans sa tête, qui fait les 400 coups avec ses copains.

«Globalement, il y a peu de séries et de films montrant des personnages en situation de handicap; lorsque c’est le cas, la présence du handicap est souvent mise en avant et surfaite», constate Chloé Jaccard. Cette étudiante – qui a réalisé son travail de bachelor en pédagogie spécialisée à l’Unifr sous la direction de Sophie Torrent – cite l’exemple des séries dans lesquelles un autiste brillantissime aide la police à résoudre des énigmes ultra-compliquées.

«J’ai eu l’occasion de travailler avec des jeunes en situation de handicap et j’ai constaté qu’ils ont tendance à s’identifier aux héros ‹beaux et valides›, qu’ils se reconnaissaient très peu dans les personnages en situation de handicap.» Parallèlement, l’étudiante a observé qu’à une époque où l’accent est mis sur l’inclusion scolaire, «il manque encore cruellement de travaux sur les représentations sociales des personnes en situation de handicap». D’où l’idée de consacrer son mémoire de bachelor à cette thématique.

Petits moyens, grands effets
«Plus il est rare d’expérimenter le sujet social dans son quotidien, plus l’influence des médias est grande», rappelle Chloé Jaccard, citant la littérature spécialisée. C’est d’autant plus le cas chez les enfants, dont ils constituent la principale source de connaissances. L’objectif de la jeune chercheuse était d’analyser l’effet de la projection de Will sur les représentations sociales des enfants. Menée sur septante élèves vaudois âgés de 8 à 10 ans, l’étude a eu recours à la technique de l’association libre et de l’évocation hiérarchisée. Les écolières et écoliers ont ainsi dû associer cinq mots au terme «personne handicapée en chaise roulante», puis les classer par ordre d’importance. Ils ont ensuite visionné le dessin animé durant dix semaines en classe, période au terme de laquelle une nouvelle récolte de données a eu lieu.

Après avoir analysé l’ensemble des réponses, Chloé Jaccard s’est rendu compte que certains éléments avaient résisté au changement. «Il s’agit des termes ‹triste›, ‹gentil› et ‹pas de chance›, qui constituent alors le noyau dur de la représentation sociale du handicap», écrit-elle dans un article publié par la revue d’information sociale REISO. A l’inverse, le terme «aide» a été très peu comptabilisé durant la deuxième récolte de données. On peut donc imaginer que «la manière spécifique dont Will est mis en scène propose une image différente du handicap, une image en dehors des concepts de dépendance et d’assistance qui lui sont généralement associés».

Il semblerait donc que le dessin animé ait lancé un processus de réflexion chez les enfants concernés. «Ce constat est réjouissant, car il montre que non seulement il est possible de faire évoluer les représentations sociales, mais surtout qu’on n’a pas forcément besoin de grands moyens pour le faire!» Reste que si l’on souhaite avoir recours à cette méthode pour améliorer l’intégration d’un élève en situation de handicap dans une classe, «il faut travailler en amont, bien avant l’arrivée de l’élève». En effet, les stéréotypes ont la vie dure, «même chez les enfants», fait remarquer Chloé Jaccard.

Discours axé sur les conséquences négatives
Tout comme Chloé Jaccard, Lisa Genoud a écrit son mémoire de Bachelor en pédagogie spécialisée sous la direction de Sophie Torrent. Son travail a lui aussi fait l’objet d’une publication dans la revue REISO. Mais les similitudes entre les deux recherches s’arrêtent là: côté thématique, Lisa Genoud s’est penchée sur les représentations sur la sexualité des femmes avec déficience intellectuelle. «Une revue de la littérature existante sur le sujet m’a confirmé qu’il s’agit d’un sujet d’actualité, qui fait néanmoins l’objet de nombreux tabous», précise l’étudiante de l’Unifr.

Le travail de la jeune chercheuse, qui a été récompensé par le prix SEHP de l’association SExualité et Handicaps Pluriels, met le doigt sur le fait que les femmes avec déficience intellectuelle sont confrontées à une double discrimination. D’une part, «elles souffrent de stéréotypes réduisant encore trop souvent la sexualité féminine à la pureté, la protection et la prévention». Par ailleurs, «elles doivent faire face aux représentations culturelles associant négativement les femmes en situation de handicap à des limitations importantes altérant leur fonctionnement».

Pour dresser un portrait actuel de la réalité vécue par ces femmes, et rendre compte des représentations qu’elles se font de leur sexualité, Lisa Genoud a eu recours à 17 études menées récemment. «L’analyse de ces recherches montre que les femmes avec déficience intellectuelle possèdent généralement peu de connaissances sur la sexualité; leurs discours sur leur comportement sexuel reposent sur la prévention des conséquences négatives comme les infections sexuellement transmissibles, une grossesse non désirée ou des abus.» La revue de la littérature menée par l’étudiante révèle en outre que l’accès aux expériences sexuelles reste globalement très limité pour la plupart des femmes concernées. Cette situation s’explique par leur dépendance à leurs parents pour obtenir l’autorisation de voir quelqu’un.

Soutenir l’autodétermination
«J’avoue que je ne m’attendais pas, avant d’entreprendre mes travaux, à tomber sur des représentations aussi négatives de leur sexualité par les principales intéressées», commente Lisa Genoud. De même, la chercheuse a été surprise «par la peur qui semble liée à la sexualité de ces femmes». Et, dans la foulée, «à une absence assez généralisée de la notion de plaisir» dans le discours autour de cette sexualité. «Je suppose que ce phénomène découle du fait que l’accent est systématiquement mis sur la prévention, ce qui attise l’anxiété tout en étouffant le plaisir.» Or, la définition de la santé sexuelle émise par l’OMS en 2012 dépasse la seule absence de trouble et inclut le plaisir, rappelle-t-elle.

Quelles pistes pourrait-on explorer afin de combler les lacunes relevées dans le mémoire de bachelor de Lisa Genoud? «Avant tout, il faut encourager et soutenir l’autodétermination des femmes avec déficience intellectuelle en matière de sexualité, répond l’étudiante. Cela passe notamment par l’information.» Dans ce contexte, l’éducation sexuelle a un grand rôle à jouer. «Mais attention, celle-ci doit se poursuivre au-delà de la scolarité, avec des informations accessibles… et adaptées.» La chercheuse va plus loin: la formation doit aussi concerner les personnes qui accompagnent ces femmes. «Le milieu de l’éducation spécialisée n’est – de loin – pas épargné par les tabous autour de la sexualité des personnes en situation de handicap.»

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  • Chloé Jaccard prépare un Master en travail social à l’Unifr. Elle est titulaire d’un Bachelor en pédagogie spécialisée.
    Plus d’informations sur son travail et lien vers l’article de la revue REISO.
  • Lisa Genoud prépare un Master en enseignement spécialisé à l’Unifr. Elle est titulaire d’un Bachelor en pédagogie spécialisée.
    Plus d’informations sur son travail et lien vers l’article de la revue REISO.
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Du projet estudiantin à la plate-forme innovante /alma-georges/articles/2022/du-projet-estudiantin-a-la-plate-forme-innovante /alma-georges/articles/2022/du-projet-estudiantin-a-la-plate-forme-innovante#respond Wed, 23 Mar 2022 08:04:53 +0000 /alma-georges?p=15498 Depuis peu, les institutions spécialisées pour adultes du Canton de Fribourg disposent d’une plateforme de présentation de leurs prestations: infri-guide.ch. Un travail d’étudiant·e·s de l’Unifr est à l’origine de cet outil innovant.

S’ancrer dans la réalité pour donner du sens aux travaux d’étudiant·e·s. Une maxime qui existe de longue date dans les branches et les instituts techniques et qui apparaît désormais aussi dans les sciences humaines. La preuve: une plate-forme internet présentant les prestations des institutions spécialisées pour adultes du Canton de Fribourg, , mise au point grâce à un partenariat entre des étudiant·e·s du Département de pédagogie spécialisée et l’organisation faîtières des institutions ().

«A la base, notre projet était fictif, explique Lisa Genoud, l’une des quatre étudiant·e·s impliqué·e·s. Nous avions imaginé un site internet permettant aux jeunes Valaisans sortant d’une école spécialisée de s’informer sur les possibilités qui s’offraient à eux pour la suite.»

Lors de la défense de ce projet, réalisé en groupe dans le cadre d’un cours sur le travail d’équipe durant le cursus du Bachelor en pédagogie spécialisée, Stéphane Renz, directeur de L’Estampille, à Fribourg, officie comme expert externe. Il se rend tout de suite compte que l’outil proposé répond à un besoin bien réel dans le Canton de Fribourg.

Orianne van den Driessche, Elena Lüthi, Lisa Genoud et Benoît Dubuis ont pu concrétiser leur projet au service des institutions spécialisées du Canton.

Un mandat à la clé
Au vu de son intérêt, l’enseignante Nathalie Quartenoud Marcherel suggère à Stéphane Renz d’amener le projet devant le Comité d’Infri, organisation faîtière des institutions spécialisées fribourgeoises dont fait partie L’Estampille. En parallèle, l’enseignante recontacte également le groupe d’étudiant·e·s afin de savoir qui serait intéressé·e à aller de l’avant au cas où une implémentation réelle de leur projet pouvait voir le jour.

Quatre des sept membres du groupe de travail sont partant·e·s. Une première rencontre est organisée, à la suite de laquelle Infri élabore une proposition concrète, avec un cahier des charge qui co-défini. «On a dû présenter un budget, définir les étapes du projet, le temps nécessaire pour les réaliser… Ce n’était pas évident», se rappelle Elena Lüthi, une autre étudiante.

Elément clé de leur mission: élaborer un questionnaire qui permettent de réunir les informations sur les différentes institutions. «Il s’agissait de connaître les prestations offertes, mais aussi d’uniformiser leur désignation et d’harmoniser les terminologies», détaillent Orianne van den Driessche et Benoît Dubuis, les deux autres étudiant·e·s impliqué·e·s.

«On nous a pris au sérieux»
«Notre enseignante nous a beaucoup soutenu·e·s dans cette phase pour qu’elle s’inscrive dans une démarche scientifique», ajoutent-ils. La pause estivale de 2019 est consacrée aux visites des institutions et à la constitution d’une base de données.

Les étudiant·e·s prennent ensuite part aux différentes réunions, notamment celles avec les informaticien·ne·s et les graphistes, qui ont mené à la création de la plate-forme internet. «C’était assez dingue de mener un tel projet alors que nous étions étudiant·e·s en bachelor, se rappellent-ils. Les professionnel·le·s avec qui nous collaborions nous ont pris au sérieux. Nos avis ont été considérés.»

Plate-forme interactive
Alors qu’il ne devait durer qu’un an, le projet en a pris presque trois pour se concrétiser. La faute à la pandémie de covid, Ìývenue freiner les échanges, mais pas que: «Nous avions probablement sous-estimé la complexité de créer une plate-forme interactive», relève Benoît Dubuis.

Afin de répondre aux besoins de son public cible, le site internet a été conçu pour Ìýs’adapter au profil de la personne qui le consulte. «Il s’agit de la guider dans ce catalogue de prestations, souligne Lisa Genoud. Notre objectif était que les jeunes — et leur famille aussi — connaissent toutes les possibilités offertes dans le Canton et qu’ils ne choisissent pas seulement en fonction de là où une place était libre.»

Afin d’être accessibles au plus grand nombre, infri-guide.ch a été traduit en langage simplifié, sous la houlette de Catherine Charpie de Pro Infirmis. Avant sa mise en ligne en février, cet outil innovant a été testé par des personnes en situation de handicap. «Reste à attendre les retours du terrain», notent les quatre étudiant·e·s, qui se sont désormais éloigné·e·s du projet pour poursuivre leur cursus en master.

Donner du sens permet de motiver

Nathalie Quartenoud, collaboratrice scientifique au Département de pédagogie spécialisée

Le travail de groupe, qui a mené à la plate-forme www.infri-guide.ch, a servi de détonateur dans les pratiques du Département de pédagogie spécialisée. «Nous avons pérennisé le fait de proposer des projets concrets, en partenariat avec des institutions locales, relève Nathalie Quartenoud Macherel. Les étudiant·e·s étaient très demandeurs·euses de cette approche du terrain et les institutions nous sollicitaient aussi régulièrement pour créer des liens.»

La collaboration avec l’organisation faîtière Infri pour ce premier projet a aussi permis d’instaurer un rapport de confiance mutuelle. «Ce partenariat a été exemplaire, note l’enseignante. Les étudiant·e·s ont été mis au centre du projet. Ils n’ont pas été juste des petites mains à qui l’on aurait demandé d’effectuer le travail ingrat. Les directions des institutions se sont beaucoup impliquées et les compétences de chacun·e ont profité à toutes et tous.»

L’enseignante s’est trouvé rassurée dans le rôle de l’institution universitaire: «On a tendance à nous enfermer dans une enveloppe académique. Ce genre de projets nous montre que la vision des un·e·s et des autres peut être très complémentaire. On entre dans quelque chose qui a du sens. Le savoir est directement utile et utilisé. C’est stimulant!»

Dynamique positive
Un troisième projet lié au cours du travail d’équipe vient d’être lancé, en partenariat avec La Colombière, à Misery. «Il n’a pas une portée aussi large que la plate-forme infri-guide.ch, glisse Nathalie Quartenoud Macherel. Mais, pour les étudiant·e·s, partir d’un besoin concret pour imaginer une solution ancre l’apprentissage de la gestion de projet.»

Pour convaincre les nouvelles et nouveaux venu·e·s, les quatre étudiant·e·s qui ont travaillé pour infri-guide.ch ont réalisé une vidéo. Ils y présentent leur projet, y détaillent les défis à relever ainsi que les bénéfices qu’ils ont tiré de cette expérience. «Donner un sens à nos travaux crée une dynamique très positive!»

Quant aux institutions, elles apprécient la fraîcheur de regard et de proposition des étudiant·e·s.

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  • Consulter l’
  • Plus d’infos auprès de Nathalie Quartenoud Macherel, collaboratrice au Département de pédagogie spécialisée
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L’énigme de la conscience de soi et le polyhandicap /alma-georges/articles/2020/lenigme-de-la-conscience-de-soi-et-le-polyhandicap /alma-georges/articles/2020/lenigme-de-la-conscience-de-soi-et-le-polyhandicap#respond Tue, 21 Jan 2020 12:26:50 +0000 https://www3.unifr.ch/alma-georges?p=10144 «Enfermé» dans son corps et de ce fait limité dans l’exporation de son environnement, l’enfant polyhandicapé rencontre des difficultés à développer la conscience de soi.Ìý C’est sur le rôle central de cette dernière que Juliane Dind, fondatrice du Petit Conservatoire du Polyhandicap, souhaite attirer l’attention des professionnel·le·s et des chercheuses et chercheurs. Elle organise une journée d’étude sur le sujet le 14 février prochain.

Juliane Dind, qu’est-ce que le polyhandicap?
Le polyhandicap est caractérisé par l’association entre de profondes déficiences intellectuelles et motrices et de fréquentes déficiences sensorielles, ainsi que par la restriction extrême de l’autonomie qui en résulte. Les personnes polyhandicapées sont dépendantes dans tous les actes de la vie quotidienne (soins, repas, déplacements, etc…) et ne s’expriment pas à l’aide du langage verbal. Elles sont sujettes à de fréquentes complications médicales, en particulier au niveau respiratoire et orthopédique.

Juliane Dind, lectrice au Département de Pédagogie spécialisée

Pourquoi associer polyhandicap et conscience de soi?
Parce que le développement d’une meilleure conscience de soi est une priorité dans l’intervention pédagogique et thérapeutique auprès de ces personnes. Ce développement est fortement entravé chez elles, puisqu’elles ne peuvent explorer leur corps et leur environnement sans soutien de la part d’autrui, en l’occurrence leurs proches et/ou les professionnel·le·s qui les accompagnent. De plus, s’intéresser au développement de la conscience de soi chez les personnes polyhandicapées permet de mieux comprendre les prémisses et les différentes facettes de la conscience de soi.

Qu’est-ce que la conscience de soi, d’ailleurs?
Excellente question, qui a nourri les pensées des philosophes depuis la nuit des temps! Il existe autant de définitions de la conscience de soi que d’approches de cette dernière. Pour ma part, je me suis intéressée aux recherches en psychologie développementale, qui ont permis de démontrer que la conscience de soi se développe progressivement, et que l’on peut distinguer dans ce développement deux principaux niveaux ou degrés de conscience de soi. La conscience de soi primaire permet au tout-petit de se percevoir comme une entité distincte de son environnement et capable d’agir sur ce dernier, puis de progressivement développer une forme supérieure de conscience de soi, qui l’amène à devenir conscient en tant que «soi» (à un niveau «méta»). Ce développement est complexe et crucial. Il fera d’ailleurs l’objet d’une des conférences lors de cette journée, donnée par un éminent spécialiste de la question, le Prof. Philippe Rochat, psychologue développementaliste suisse travaillant à Atlanta.

A quoi est-ce que cela sert de stimuler cette conscience de soi chez les personnes polyhandicapée?
C’est fondamental. Le développement de la forme primaire de conscience de soi, qui se fait de manière naturelle et très précoce chez le petit-enfant, ne va pas de soi chez les personnes polyhandicapées. Stimuler le développement de cette première forme de conscience de soi lui permettra d’organiser ses perceptions sensorielles et son schéma corporel, de devenir un agent dans son environnement, de construire sa représentation de l’espace, d’investir son corps comme un lieu d’exploration. Bref, de se différencier des objets et des personnes qui l’entourent.

Est-ce une approche thérapeutique nouvelle?
Il ne s’agit pas en soi d’une approche thérapeutique. Il est vrai que s’intéresser à la conscience de soi dans le polyhandicap, est chose nouvelle: très peu de recherches ont porté sur cette thématique avant ma thèse de doctorat. Cependant, sur le terrain les professionnel·le·s sont convaincus du rôle joué par la conscience de soi dans le développement de la personne polyhandicapée. La grande difficulté, c’est de savoir comment accéder à la conscience de soi d’une personne qui ne peut s’exprimer par le langage verbal! Quels comportements observer? En développant une batterie d’observation et d’évaluation des manifestations de la conscience de soi chez l’enfant polyhandicapé, j’ai tenté de donner plus d’outils en la matière, et de proposer des pistes d’intervention pour stimuler le développement d’une meilleure conscience de soi chez ces enfants.

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  • est fondatrice du et collaboratrice scientifique au .
  • Date et lieu: 14.02.2020, de 9h30 à 16h00, PER 22, Auditoire Joseph Deiss

 

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