Goncourt – Alma & Georges /alma-georges Le magazine web de l'Université de Fribourg Wed, 23 Nov 2016 13:05:39 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.3.5 Prix Goncourt: L’ouvrage qu’ils adoraient /alma-georges/articles/2016/prix-goncourt-louvrage-quils-adoraient /alma-georges/articles/2016/prix-goncourt-louvrage-quils-adoraient#respond Tue, 22 Nov 2016 12:11:05 +0000 http://www3.unifr.ch/alma-georges/?p=3441 Quelques semaines pour lire une quinzaine d’ouvrages, dépasser la théorie pour appliquer un vrai regard critique sur l’actualité littéraire, défendre son point de vue et argumenter au-delà de son premier sentiment: voilà le défi que lance aux étudiants la «Liste Goncourt, le choix de la Suisse». Cinq étudiants fribourgeois partagent avec nous cette expérience hors du commun.

Mardi 8 novembre 2016, quelques heures avant le résultat des élections présidentielles américaines. L’air est glacial, les premiers flocons débarquent et l’appréhension commence à se faire sentir. Mais pour moi, ce soir, l’esprit est ailleurs, comme encore habité par la chaleur de la Maison de France. Consciente d’avoir vécu une soirée particulière, je déguste avec délice les images de la réception: les tapis moelleux, les natures mortes dans leurs cadres dorés, les meubles anciens et les invités charmants. Je me replonge dans cette ambiance chaleureuse et capitonnée, le sourire encore accroché aux lèvres au souvenir des diverses plaisanteries énoncées. Je revois la petite foule composée d’étudiants, de professeurs, de journalistes, de personnes toutes différentes réunies autour du même objet et me demande par quel miracle la lecture, une activité pourtant solitaire, a pu réunir autant d’individus au même endroit.

Appel à l’engagement
Je me remémore les discours, termine de digérer toutes ces dorures et cette magie verbale, reprends mes esprits pour me recentrer sur les objectifs de l’admirable projet auquel nous avons participé.

Encourager la diffusion de la littérature contemporaine francophone, titiller la curiosité des potentiels lecteurs, inciter à découvrir, à prendre du plaisir, à critiquer, à s’exprimer, à réfléchir, mais surtout à s’engager, à s’enflammer, à partager cet amour des mots qui nous avait fait nous rencontrer. Et de cette rencontre finalement, qu’en ressort-il? Des visages satisfaits et l’énorme envie de réitérer l’expérience: tous en veulent plus, sont émerveillés par l’énergie dégagée d’abord par des participants isolés, puis par l’ensemble de la foule, cette énergie qui nous a tous maintenus unis au long de cette course littéraire.

A l’annonce du lauréat, je vois plusieurs sourires se dessiner: l’œuvre de Catherine Cusset, L’Autre qu’on adorait, nous avait séduits par la richesse de son réseau de références et par son personnage principal aussi troublant que fascinant.

Les twitts fusent, la page facebook de l’Ambassade de France en Suisse est mise à jour: l’appel est lancé et avec lui l’espoir que d’autres universités s’engagent dans l’aventure.

¶Ùé²õ¾±²Ô³Ùé°ù±ð²õ²õ±ð³¾±ð²Ô³Ù
Après un rapide tour de salle et quelques conversations enjouées, je comprends qu’au-delà de notre intérêt commun pour la langue, notre présence se traduisait surtout par une volonté toute désintéressée de construire ensemble quelque chose de parallèle à la vie académique et au monde du travail, une volonté de redécouvrir la littérature pour la littérature, hors de tout cursus, de toute obligation et de ranimer cet appétit qui avait poussé chacun de nous dans la voie des Lettres.

Ce que j’en retiens? La grisante sensation d’avoir mis un pied dans le monde des «Grands» de ma place d’étudiante et d’avoir touché du bout des doigts un rêve de petite fille. Il est minuit passé, nous sommes déjà demain, mais ni la fatigue ni le froid ne peuvent effacer les fourmillements d’excitation qui me vrillent les doigts, après la révélation exquise que nos opinions d’universitaires avaient suscité surprise et intérêt.

Je repense à tous ces étudiants qui, comme moi, avaient perdu la motivation de lire pour le seul plaisir de le faire et remercie toutes celles et tous ceux qui, par leur implication, m’ont permis de retrouver cette petite flamme que la rigueur académique avait essoufflée. «Engagez-vous, qu’ils disaient»! En ce qui me concerne, j’espère juste avoir la chance de me réengager.

__________

Lancée l’an dernier à l’instigation du Professeur Robert Kopp, la «Liste Goncourt, le choix de la Suisse» ​reçoit le soutien de l’Académie Goncourt, de l’Ambassade de France en Suisse, de l’Agence universitaire de la Francophonie, de la librairie Payot et de la Fondation Catherine Gide.
Cette année, cinq universités suisses se sont laissé séduire par ce projet qui promeut tant la lecture que les littératures françaises et francophones. Grâce à leur motivation et à l’engagement des Professeurs ​Regina Bollhalder, Thomas Hunkeler, Thomas Klinkert et Loris Petris, les étudiants des Universités de la Suisse italienne, de Berne, de Fribourg, de Zurich et de Neuchâtel vont débattre et élire leur lauréat à partir de la liste établie par l’Académie Goncourt. Le vainqueur sera dévoilé le 8 novembre à Berne, en présence de l’ambassadeur de France et d’un membre de l’Académie Goncourt.

]]>
/alma-georges/articles/2016/prix-goncourt-louvrage-quils-adoraient/feed 0
Prix Goncourt: trop suisses pour choisir? /alma-georges/articles/2016/prix-goncourt-trop-suisses-pour-choisir /alma-georges/articles/2016/prix-goncourt-trop-suisses-pour-choisir#respond Mon, 14 Nov 2016 15:57:29 +0000 http://www3.unifr.ch/alma-georges/?p=3331 Quelques semaines pour lire une quinzaine d’ouvrages, dépasser la théorie pour appliquer un vrai regard critique sur l’actualité littéraire, défendre son point de vue et argumenter au-delà de son premier sentiment: voilà le défi que lance aux étudiants la «Liste Goncourt, le choix de la Suisse». Cinq étudiants fribourgeois partagent avec nous cette expérience hors du commun.

Chères étudiantes, chers étudiants,

La délibération du prix littéraire «la Liste Goncourt/Le choix de la Suisse » se tiendra, comme convenu, le 2 novembre 2016 à l’Ambassade de France en Suisse où se réuniront les délégués des Universités de Fribourg, de Zurich, de Suisse italienne et de Neuchâtel.

– 12 :30 – Accueil et repas à la Brasserie Bärengraben
– 14 :15 – 16 :30 Délibération finale à la Bibliothèque de l’Ambassade de France en Suisse
– 16 :45 – 17 :00 Mise sous pli du nom du lauréat et dépôt dans un coffre-fort
…
En vous souhaitant des débats passionnés, je vous adresse, chères étudiantes, chers étudiants, mes meilleures salutations.

C’est d’étiquette que l’on parle en arrivant à la Brasserie Bärengraben à 12h33. Aucun des délégués des Universités de Neuchâtel, Zurich et de Berne, déjà attablés, ne nous fait de remarque. L’accueil est chaleureux, on se retrouve après les premiers débats d’octobre: «Je te préviens, chez nous, personne n’a changé d’avis à propos de [titre censuré], mais on soutient plus que jamais [autre titre censuré]!». On s’assied, un peu tendus quand même: «On attend qui?», «Les Tessinois ne viennent pas?». On compte les chaises encore vides: quatre personnes de l’Ambassade doivent nous rejoindre.

Peu après arrivent les quatre représentants du Service de coopération et d’action culturelle de l’Ambassade de France en Suisse. Mouvements autour de la table, on se présente, on redistribue les places. Enfin, on intègre les deux étudiantes de la Suisse italienne qui ont retrouvé leur chemin. L’ambiance est cordiale et détendue – on parle d’études, de l’allemand et de son apprentissage, des différents statuts des patois, des actions culturelles en France ou en Suisse, du système de la formation des élites en France, du calme bernois, …

Le déplacement se fait ensuite  sous la forme d’une balade digestive, avant de montrer carte bleutée pour passer sous le portique de sécurité à l’entrée de l’Ambassade. Il est 14h15 passé. On s’installe dans la bibliothèque, on se fait tirer le portrait – ou «comment avoir l’air sérieuse, détendue, harmonieuse, fiable et sympathique en 1/1000e de seconde? Qui enseigne ça?»  –, quelques directives et la porte se ferme sur notre cénacle. On commence par distribuer les cafés.

Débat final
Timidement, on débute par un tour de table, durant lequel chaque délégation dévoile ses trois favoris et explique en deux mots son choix. Déjà, des questions et des objections sont lancées, mais la communauté veille: «On termine le tour de table!»
Et puis on parle. D’abord on argumente, on explique, on s’explique, on déballe son arsenal de notes. Ma grande difficulté est toute énonciative: comment me faire la digne porte-parole de mes camarades fribourgeois, comment rester convaincante et personnellement investie sans pour autant tomber dans le piège de rendre froidement compte de l’avis des autres, ou dans celui de défendre mes choix avec trop de verbe? Comment insérer la bonne dose de «je» dans «nous»?
«- Qu’est-ce qu’on veut dire avec ce prix?»
– [titre censuré]!
– Est-ce que ça se récompense, un premier roman? Ils ont une catégorie spéciale.
– Non!
– C’est impossible de se couper totalement de son expérience de lecture subjective et émotionnelle!
– Oui!
– Mais la vie de l’auteur, mais l’œuvre précédente, fournie ou inexistante, monothématique ou foisonnante, on s’en fiche au moment d’élire un ouvrage de qualité!
– [titre censuré]!
– Non!
– Oui!
Sur sept livres encore en lice, le simple fait de recouper les trios de favoris en a éliminé cinq; le nœud du débat a deux fils, chaque lecteur un seul vœu. Alors on crie. Une majorité se détache, mais le livre minoré a le privilège de n’avoir pas d’attaquants fervents, seulement des opposants. Cela suffit-il à faire un gagnant? Serions-nous trop «suisses» de nous arrêter sur le livre qui fait le moins de vagues sans pour autant briller? Suisses quand même, on applique les principes démocratiques, tout en discutant encore les raisons et les sentiments.

On note ensuite avec application le titre gagnant, on le met sous pli et la signature que l’on impose sur l’enveloppe scelle également nos bouches. On ne dira rien avant mardi. A personne. C’est une longue semaine de résistance et de vigilance qui nous attend!

__________

Lancée l’an dernier à l’instigation du Professeur Robert Kopp, la «Liste Goncourt, le choix de la Suisse» ​reçoit le soutien de l’Académie Goncourt, de l’Ambassade de France en Suisse, de l’Agence universitaire de la Francophonie, de la librairie Payot et de la Fondation Catherine Gide.
Cette année, cinq universités suisses se sont laissé séduire par ce projet qui promeut tant la lecture que les littératures françaises et francophones. Grâce à leur motivation et à l’engagement des Professeurs ​Regina Bollhalder, Thomas Hunkeler, Thomas Klinkert et Loris Petris, les étudiants des Universités de la Suisse italienne, de Berne, de Fribourg, de Zurich et de Neuchâtel vont débattre et élire leur lauréat à partir de la liste établie par l’Académie Goncourt. Le vainqueur sera dévoilé le 8 novembre à Berne, en présence de l’ambassadeur de France et d’un membre de l’Académie Goncourt.

 

 

]]>
/alma-georges/articles/2016/prix-goncourt-trop-suisses-pour-choisir/feed 0
Prix Goncourt: Un lieu mystérieux /alma-georges/articles/2016/prix-goncourt-un-lieu-mysterieux /alma-georges/articles/2016/prix-goncourt-un-lieu-mysterieux#respond Mon, 07 Nov 2016 08:55:56 +0000 http://www3.unifr.ch/alma-georges/?p=3208 Quelques semaines pour lire une quinzaine d’ouvrages, dépasser la théorie pour appliquer un vrai regard critique sur l’actualité littéraire, défendre son point de vue et argumenter au-delà de son premier sentiment: voilà le défi que lance aux étudiants la «Liste Goncourt, le choix de la Suisse». Cinq étudiants fribourgeois partagent avec nous cette expérience hors du commun.

Le détour d’une rue, un collège, le 22 rue Saint-Pierre Canisius… Oui, j’y suis. La bibliothèque de pédagogie curative se tient là, devant moi, prête à m’ouvrir ses portes vitrées et à me dévoiler ses secrets.

Une personne attend déjà, les autres arrivent. Une légère avance sur l’heure prévue. La réunion au sommet va débuter. Un badge nous donne l’accès à la salle mystérieuse qui nous accueille enfin, étudiants de littérature francophone, profanes en ce lieu mystique de la pédagogie. Il est temps de s’approprier les lieux. On bouscule l’ordre établi en déplaçant tables et chaises, afin de nous se réunir en cercle autour d’une table rectangle (et oui tout est possible en ce lieu) et d’entamer nos débats passionnés.

Faire entendre sa voix

Une légère boule au ventre me taraude à l’instant où la réunion s’ouvre officiellement. Une certaine tension est palpable. Après des semaines de lectures marathoniennes, de débats enflammés, une première sélection discutée et discutable, il est temps d’entamer le sprint final. Les ultimes débats, le dernier moment pour faire entendre sa voix. Est-ce que je serai à la hauteur de l’évènement? Est-ce que je saurai émettre mes avis et convaincre?

Les premières phrases ont de la peine à se former. Les visages se crispent, on ressent l’envie de s’exprimer, mais la crainte de se jeter à l’eau. Dans chaque tête, les lectures se déroulent une énième fois. Chacun a ses préférences, ses coups de cœur et de gueule. Par où commencer? Comment organiser les débats? Les offensives finissent par se former, la défense s’organise. Je sens qu’il est temps, que je vais pouvoir émettre un avis, m’insérer dans les échanges naissants. Là! Je saisis l’opportunité, expose une idée… Ça y est. Oui, ça y est, je le ressens ce plaisir diffus de parler littérature. Ce bonheur de parvenir à construire une pensée en parlant d’un livre et d’avoir les outils nécessaires pour se dresser contre d’autres avis. Les mots coulent, mon angoisse disparaît et je clos mon intervention avec une sérénité retrouvée. Je me sens en phase avec moi-même, avec ma pensée.

Une belle aventure

Très vite, l’échange s’intensifie, les avis divergent parfois, mais commencent rapidement à converger. Des majorités l’emportent, malgré les positions isolées qui s’y opposent vivement. A chacune de mes interventions, je me sens un peu plus à l’aise, à ma place parmi ces amateurs de lecture. Aimer lire, c’est beau. Pouvoir partager avec d’autres passionnés l’est encore plus! J’apprécie la vision de chacun et respecte les déchaînements intenses dont certains font preuve. Je comprends que chaque livre nous a touchés à des degrés divers. Qu’on ait aimé ou détesté, aucune œuvre ne nous a laissés totalement indifférents. C’est ce qui me semble admirablement intéressant.

Alors, je comprends que le but de cette aventure dépasse grandement la remise d’un simple prix. Un prix décerné, ce n’est rien, juste un avis final, qui ne traduit pas toute la richesse de l’aventure. Peu importe le résultat, il ne sera qu’un simple nom au sommet d’une liste, qui ne révèlera rien de ces instants privilégiés d’échanges. Découvrir la pointe de la littérature actuelle, se former à la critique, se plonger dans des lectures qui nous séduisent ou nous révulsent, explorer, s’enrichir, voilà quelques facettes de notre aventure. Une entreprise humaine et littéraire fondée sur l’échange, la curiosité, la rigueur et surtout le plaisir!

__________

Lancée l’an dernier à l’instigation du Professeur Robert Kopp, la «Liste Goncourt, le choix de la Suisse» ​reçoit le soutien de l’Académie Goncourt, de l’Ambassade de France en Suisse, de l’Agence universitaire de la Francophonie, de la librairie Payot et de la Fondation Catherine Gide.
Cette année, cinq universités suisses se sont laissé séduire par ce projet qui promeut tant la lecture que les littératures françaises et francophones. Grâce à leur motivation et à l’engagement des Professeurs ​Regina Bollhalder, Thomas Hunkeler, Thomas Klinkert et Loris Petris, les étudiants des universités de la Suisse Italienne, de Berne, de Fribourg, de Zürich et de Neuchâtel vont débattre et élire leur lauréat à partir de la liste établie par l’Académie Goncourt. Le vainqueur sera dévoilé le 8 novembre à Berne, en présence de l’ambassadeur de France et d’un membre de l’Académie Goncourt.

]]>
/alma-georges/articles/2016/prix-goncourt-un-lieu-mysterieux/feed 0
Prix Goncourt: L’inappréciable légèreté des Lettres /alma-georges/articles/2016/prix-goncourt-linappreciable-legerete-des-lettres /alma-georges/articles/2016/prix-goncourt-linappreciable-legerete-des-lettres#respond Wed, 02 Nov 2016 14:24:30 +0000 http://www3.unifr.ch/alma-georges/?p=3196 Quelques semaines pour lire une quinzaine d’ouvrages, dépasser la théorie pour appliquer un vrai regard critique sur l’actualité littéraire, défendre son point de vue et argumenter au-delà de son premier sentiment: voilà le défi que lance aux étudiants la «Liste Goncourt, le choix de la Suisse». Cinq étudiants fribourgeois partagent avec nous cette expérience hors du commun.

Nous sommes arrivés tranquillement dans la petite salle de classe. Sourires, poignées de main chaleureuses. D’où viens-tu ? – Fribourg, Neuchâtel, Bern, Zürich. – Sympa d’avoir des germanophones! Les représentant-e-s des principales universités partenaires du Choix Suisse du Goncourt étaient réunis ce vendredi pour établir la liste réduite des titres retenus pour la déclinaison helvète du fameux concours.

Ce n’est cependant pas parce qu’une salle de classe et quelques tables nous tenaient lieu de Drouant, le célèbre restaurant parisien qui accueille les jurés du prix Goncourt, qu’un paquet de biscuits a fait office de menu et que c’était bien des étudiants, et non pas un cénacle d’écrivains auréolés d’une gloire immortelle, qui se sont improvisés jury, que les débats qui s’en sont suivis ne furent pas d’une qualité qui le disputait à la passion la plus âpre.

La critique littéraire est un sport de combat
Sur les seize ouvrages sélectionnés, combien en retenir? Par quelle méthode et selon quels critères? Tous les groupes de lecteurs avaient déjà une liste réduite à proposer et l’on est rapidement tombé d’accord sur Petit Pays, présent dans toutes les suggestions. Les places restantes ont en revanche été le théâtre d’un affrontement sans merci. ³¢â€ÍÖ²Ô´Ú²¹²Ô³Ù qui mesurait le monde a pu se placer immédiatement, l’Autre qu’on adorait a enchanté le jury. Lorsqu’on est arrivé à Cannibales et L’Insouciance, l’assemblée s’est tant et si bien divisée que l’on a décidé de créer une catégorie pour les «sélectionnés-à-problèmes», Règne Animal se taillant néanmoins la part du lion. Après quelques débats supplémentaires, des votes, des préférés déclassés et des mal-aimés soudainement retournés en grâce, une liste de sept ouvrages que tout le monde pouvait défendre a été proposée. À charge de tous les participants de relire les nominés, de nuancer un jugement trop tranché ou de redécouvrir un coup de cÅ“ur dans le raisonnement des autres candidats.

Tous en liste!
À retenir de cette séance? L’heureuse difficulté de la littérature à faire consensus. Ces textes, ces mots qui vous prennent à bras le corps, qui vous fouaillent les tripes… ou au contraire ces chefs-d’œuvre lisses, vite lus, vite oubliés, qu’on aura consommés comme une poignée de biscuits apéritifs, sans vraiment y penser. On pourrait également longuement s’attarder sur les différents prismes qui permettent d’aborder la littérature. À l’approche épidermique, presque viscérale, des uns a parfois répondu l’analyse brillante et très maîtrisée des autres. Certains refusant d’entendre parler de l’auteur, de ses motivations ou de son parcours, tandis que d’autres jugeaient plus honnête de relever ce qu’on ne peut, de toute façon, complètement l’ignorer.

Enfin, soulignons surtout le privilège exceptionnel de pouvoir lire. Tout simplement. Lire sans la perspective, parfois angoissante, du séminaire, de l’examen ou même du filtre du classique, qui semble parfois interdire la critique de toute sa monumentalité. Ce que j’ai aussi vu, durant cette séance houleuse, c’était des amateurs et amatrices de belles lettres exerçant leur droit à ne pas être d’accord, à s’approprier des textes qui touchent et d’autres qui indiffèrent. À aimer lire… à bras le cœur.

__________

Lancée l’an dernier à l’instigation du Professeur Robert Kopp, la «Liste Goncourt, le choix de la Suisse» ​reçoit le soutien de l’Académie Goncourt, de l’Ambassade de France en Suisse, de l’Agence universitaire de la Francophonie, de la librairie Payot et de la Fondation Catherine Gide.
Cette année, cinq universités suisses se sont laissé séduire par ce projet qui promeut tant la lecture que les littératures françaises et francophones. Grâce à leur motivation et à l’engagement des Professeurs ​Regina Bollhalder, Thomas Hunkeler, Thomas Klinkert et Loris Petris, les étudiants des universités de la Suisse Italienne, de Berne, de Fribourg, de Zürich et de Neuchâtel vont débattre et élire leur lauréat à partir de la liste établie par l’Académie Goncourt. Le vainqueur sera dévoilé le 8 novembre à Berne, en présence de l’ambassadeur de France et d’un membre de l’Académie Goncourt.

]]>
/alma-georges/articles/2016/prix-goncourt-linappreciable-legerete-des-lettres/feed 0
Prix Goncourt: à la recherche du temps /alma-georges/articles/2016/prix-goncourt-a-la-recherche-du-temps /alma-georges/articles/2016/prix-goncourt-a-la-recherche-du-temps#respond Fri, 28 Oct 2016 09:20:15 +0000 http://www3.unifr.ch/alma-georges/?p=3185 Quelques semaines pour lire une quinzaine d’ouvrages, dépasser la théorie pour appliquer un vrai regard critique sur l’actualité littéraire, défendre son point de vue et argumenter au-delà de son premier sentiment: voilà le défi que lance aux étudiants la «Liste Goncourt, le choix de la Suisse». Cinq étudiants fribourgeois partagent avec nous cette expérience hors du commun.

Seuls 34 maigres jours nous séparaient de la première rencontre entre étudiants. La liste de sélection du Goncourt venait de sortir et nous n’avions que peu de temps pour lire une quinzaine d’ouvrages. Après des semaines de lecture boulimique, nous allions nous rencontrer pour en débattre. La motivation est grande. Le challenge est alléchant.

Quelle joie d’appliquer toute la théorie littéraire et linguistique accumulée au cours des semestres pour finalement lui donner forme dans le monde réel et non plus sur une copie d’examen. Les termes barbares qui nous ont été inculqués peuvent être mis à contribution. Mais en dehors de l’exercice rhétorique et analytique, l’expérience du Goncourt permet de toucher à l’actualité la plus immédiate de la littérature francophone, aspect finalement peu abordé dans les auditoires de Miséricorde.

Vin, foot et littérature
J’avoue, je me suis interrogée sur notre légitimité, en tant que néophytes de la critique littéraire. Que peuvent apporter des étudiants en littérature, pas encore en possession du Graal que représente un master, à l’évaluation de ces textes? Nous attribuons des notes à des auteurs confirmés, sélectionnés par une institution marquée par l’histoire. Quelle valeur a notre discours face à la tradition? Mais notre première réunion m’a convaincue de l’intérêt de cette démarche. Convoqués inhabituellement pour un rendez-vous nocturne à l’Université, c’est munis d’un verre de vin (en plastique, faut pas déconner non plus) que nous nous sommes attaqués à cette fameuse liste. Très vite, les avis divergent, les passions se déchaînent, chacun défend son favori auquel il a promis en secret une place sur le podium.

Cette question a d’ailleurs été débattue lors de notre séance. Un ouvrage sélectionné a envenimé la discussion. Sa présence sur la liste est-elle justifiée? A-t-il vraiment sa place dans un débat littéraire ? Il a fallu questionner les caractéristiques du Prix Goncourt et ses critères de sélection. Pour se rendre compte, finalement, que traiter de la signification de l’Académie Goncourt ou du choix suisse décerné par des étudiants de l’Université revenaient à se poser une seule question, à la fois courte et complexe: qu’est-ce que la littérature? Formulation qui, je vous l’accorde, sonne très «cours d’introduction aux études littéraires». Qui l’eut cru? Pendant que Barcelone écrasait Manchester city, étaient débattues, dans une petite ville de Suisse romande, des questions existentielles quant à l’essence de la littérature.

«J’ai pas l’temps»
Dans une perspective plus globale et moins factuelle, cette expérience du Goncourt a suscité une autre approche de la lecture. Aussi passionnantes que soient les études en Lettres, elles peuvent s’avérer également très frustrantes. Les références, tant bibliographiques que littéraires, nous submergent, toutes plus indispensables les unes que les autres. Il paraît impossible de concilier un semblant de vie sociale et l’achèvement de cette effrayante liste des «livres à lire», qui ne cesse de s’allonger d’année en année.

J’épargnerai aux lecteurs – s’il en reste – les considérations monotones sur notre société dépravée, la génération métro-boulot-dodo qui n’a plus une minute pour les plaisirs simples de la vie, écrasée par le poids de notre chère et tendre «société de consommation». Le temps doit être apprivoisé, il faut se l’approprier.

On gaspille souvent plus d’énergie à répéter inlassablement qu’on n’a pas le temps, plutôt que de le mettre à profit. Lors de ces dernières semaines, le mode «machine de guerre» était activé. Chaque moment de flottement pouvait être rentabilisé. Pour lire quelques lignes, il m’était possible de grappiller de précieuses minutes tout au long de ma journée, que ce soit dans les transports en commun, entre deux cours ou encore en attendant mon bus, fidèle à ses trois minutes de retard. Sur ce, j’espère de tout mon cœur qu’on ne m’entendra donc plus dire «j’ai pas l’temps». Du moins jusqu’au retour de la tristement célèbre Procrastination.

__________

Lancée l’an dernier à l’instigation du Professeur Robert Kopp, la «Liste Goncourt, le choix de la Suisse» ​reçoit le soutien de l’Académie Goncourt, de l’Ambassade de France en Suisse, de l’Agence universitaire de la Francophonie, de la librairie Payot et de la Fondation Catherine Gide.
Cette année, cinq universités suisses se sont laissé séduire par ce projet qui promeut tant la lecture que les littératures françaises et francophones. Grâce à leur motivation et à l’engagement des Professeurs ​Regina Bollhalder, Thomas Hunkeler, Thomas Klinkert et Loris Petris, les étudiants des universités de la Suisse Italienne, de Berne, de Fribourg, de Zürich et de Neuchâtel vont débattre et élire leur lauréat à partir de la liste établie par l’Académie Goncourt. Le vainqueur sera dévoilé le 8 novembre à Berne, en présence de l’ambassadeur de France et d’un membre de l’Académie Goncourt.

]]>
/alma-georges/articles/2016/prix-goncourt-a-la-recherche-du-temps/feed 0
«La théorie n’apporte rien, la pratique est tout!» /alma-georges/articles/2016/la-theorie-napporte-rien-la-pratique-est-tout /alma-georges/articles/2016/la-theorie-napporte-rien-la-pratique-est-tout#respond Mon, 10 Oct 2016 12:04:47 +0000 http://www3.unifr.ch/alma-georges/?p=2986 Comme pour le bon vin, c’est en goûtant à la littérature qu’on forme son sens critique. De la subversion de Dada à la grande machine du Prix Goncourt, Robert Kopp, spécialiste de la littérature du XXe siècle, est l’invité de Thomas Hunkeler, professeur au Domaine d’étude français.

Robert Kopp, vous êtes à Fribourg pour donner une conférence sur le procès de Maurice Barrès, écrivain nationaliste de droite, par le mouvement Dada. De quoi s’agissait-il au juste: d’une pure performance subversive ou d’un acte politique?
Barrès, avant de devenir un nationaliste de droite et le «rossignol des carnages» (Romain Rolland) a été un anarchiste de gauche, le «prince de la jeunesse», admiré par Breton, Aragon, Drieu, plus tard Malraux et beaucoup d’autres. En mai 1921, Dada lui a fait un procès, l’accusant d’avoir trahi l’égotisme du culte du moi pour les appels à la haine des «Chroniques de la Grande Guerre» dans L’Echo de Paris Barrès était donc accusé d’«atteinte à la sûreté de l’esprit».

On dit souvent que cet événement marque la fin du mouvement dada. Que s’est-il passé?
Non, cet événement ne marque pas encore la fin de Dada, il s’inscrit dans la deuxième saison de Dada Paris (sur trois); en 1920, ce furent Tzara et Picabia qui étaient à la manÅ“uvre, il s’agissait avant tout de «crétiniser» le public par des manifestations laissant une large place à l’improvisation; l’idée du procès Barrès revient surtout à Breton et un peu à Aragon; pour Breton, il s’agit d’une question d’éthique (la responsabilité de l’écrivain); mais Tzara aurait voulu un procès pour rire; d’où dissensions et séparations qui conduisent au sabordage de la revue ³¢¾±³Ù³Ùé°ù²¹³Ù³Ü°ù±ð, dont le n° 20 donne le début de l’affaire, mais le n° 21 ne paraît plus.

L’année dernière, le 100e anniversaire du mouvement dada a été largement fêté. Mais qu’en reste-t-il dans la littérature contemporaine? Quel a été son héritage?
Dada est évidemment récupéré par les syndicats d’initiative et les offices du tourisme, comme la presque totalité de ce qui fut notre culture; mais Dada est une onde de choc qui s’est fait sentir dans les années 60 (mouvement fluxus et situationnisme); malheureusement, il manquait l’humour de Duchamp, sauf peut-être chez Tinguely.

Beaucoup plus académique, mais très influent: le prix Goncourt, auquel vous avez consacré un ouvrage. Très convoité, mais aussi souvent en but à la critique, peut-on dire que le Goncourt a changé la dynamique de la littérature française?
Le prix Goncourt est une «machine à faire lire» et, à ce titre, il mérite d’être soutenu. A l’origine, les frères Goncourt, qui étaient des rentiers, voulaient permettre à quelques écrivains de travailler à leur Å“uvre sans soucis matériels; les académiciens recevaient donc une rente à vie (qui a disparu à travers les différentes dévaluations au cours desquelles le capital initial a fondu comme neige au soleil), et le lauréat recevait un prix à peu près équivalent à une rente annuelle (également disparu et remplacé par une chèque symbolique de 10 euros); en revanche, les tirages importants des lauréats les mettent à l’abri du besoin pour un temps, donc le but du prix est atteint.

Vous-même, en tant que spécialiste de la littérature du XXe siècle, écrivain et éditeur, quel regard portez-vous sur la littérature actuelle?
Elle vaut ce que vaut notre époque, les générations à venir feront le tri. Même si je ne vois pas de Balzac, ni de Baudelaire, il y a toujours de bons romanciers et des poètes qui nous aident à vivre.

Le 8 novembre prochain sera annoncé,pour la deuxième fois, le nom du vainqueur du Prix Goncourt, le choix de la Suisse 2016 auquel prennent part plusieurs étudiants de l’Université de Fribourg. Vous avez été l’un des instigateurs de ce projet. Pourquoi vous tenait-il a cœur de donner une antenne suisse à ce Prix?
J’enseigne depuis plus de quarante ans la littérature, ou j’essaie de le faire… et je vois bien que souvent les étudiantes et les étudiants ont du mal à établir un lien entre les texte que nous leur faisons étudier et leur vie présente. Alors, j’ai pensé qu’il fallait créer des possibilités de participer activement à la vie littéraire, comme critiques, comme jurés, et d’être en contact avec une institution prestigieuse. Vu le succès de l’entreprise, il faut croire que c’est une puissante motivation pour se plonger dans l’actualité littéraire.

Quels conseils donneriez-vous aux étudiants dans leur travail de sélection?
De lire, de lire et encore de lire. Comment devient-on un bon sommelier? En goûtant beaucoup de crus différents, en développant son «nez». Le goût de la littérature, le jugement, le sens de la qualité, cela s’apprend au contact avec les textes. La théorie n’apporte rien, la pratique est tout!

__________

  • est écrivain, éditeur et professeur de littérature français des XIXe et XXe siècle.
  • Il présente sa conférence sur le procès de Maurice Barrès, le mercredi 12 octobre à 17h00, av. de l’Europe 20, salle 3024.

]]>
/alma-georges/articles/2016/la-theorie-napporte-rien-la-pratique-est-tout/feed 0