Entreprise – Alma & Georges /alma-georges Le magazine web de l'Université de Fribourg Fri, 10 Jan 2025 15:41:30 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.3.5 Quand la répartition des genres affecte la satisfaction de carrière des femmes /alma-georges/articles/2025/quand-la-repartition-des-genres-affecte-la-satisfaction-de-carriere-des-femmes /alma-georges/articles/2025/quand-la-repartition-des-genres-affecte-la-satisfaction-de-carriere-des-femmes#respond Thu, 09 Jan 2025 17:42:23 +0000 /alma-georges?p=21877 Quel est l’impact de la répartition des genres au sein d’une entreprise sur la satisfaction des femmes en termes de carrière? Une vaste enquête internationale, menée auprès de 2291 femmes dans plus de 35 entreprises sur 5 continents, lève le voile, avec quelques surprises et plusieurs mystères à la clé. Les explications d’Olivier Furrer, professeur à la Chaire de marketing et co-auteur de l’étude.

Prof. Dr. Olivier Furrer, Chaire de marketing

De manière générale, une représentation accrue des femmes à des postes supérieurs contribue-t-elle à la satisfaction professionnelle des employées?
Tout d’abord, il faut bien comprendre que notre étude ne porte pas sur la satisfaction professionnelle des employées ou leur satisfaction au travail, mais sur leur satisfaction en termes de carrière. En effet, la satisfaction en rapport avec la carrière reflète l’évaluation subjective et personnelle que font les employées de leur progression et de leurs perspectives de carrière. Dans notre étude, ce construit a été mesuré avec des items tels que: «Je suis satisfaite du succès que j’ai obtenu au cours de ma carrière» et «Je suis satisfaite des progrès que j’ai accomplis dans la réalisation de mes objectifs de carrière».
Ensuite, il faut également comprendre que notre étude n’est pas comparative. Nous ne nous sommes pas intéressés aux différences de niveau de satisfaction entre hommes et femmes. Nous n’avons mesuré cette satisfaction en rapport avec la carrière que pour les femmes et nous avons cherché à comprendre les différences de satisfaction entre femmes en fonction de la répartition des genres, dans leur entreprise au même niveau hiérarchique et au niveau supérieur.
Pour en revenir à votre question, les résultats de notre étude montrent que la satisfaction des employées en rapport avec leur carrière est positivement influencée lorsqu’elles ont dans leur entreprise une majorité de femmes au niveau hiérarchique directement supérieur au leur; elle est en revanche négativement affectée lorsque leur supérieure directe est une femme et lorsqu’il y a une majorité de femmes à leur niveau hiérarchique. Ces résultats sont relativement universels (similaires dans les 35 sociétés que nous avons étudiées) et peu influencés par des facteurs culturels.

Il est souvent avancé que les femmes adoptent entre elles un comportement plus compétitif et hostile que les hommes. Votre étude aborde ce point. Est-ce un fait avéré ou un simple cliché?
De nombreuses études ont montré que les femmes pouvaient être aussi compétitives que les hommes, qu’elles sont généralement plus compétitives entre elles que vis-à-vis des hommes et qu’elles utilisent le plus souvent des comportements compétitifs différents des hommes. Notre étude ne mesure pas directement l’intensité de ces comportements compétitifs, mais utilise le concept d’interdépendance (paradoxale) entre compétition et coopération pour développer des hypothèses liant la répartition des genres dans l’entreprise et la satisfaction des femmes en rapport avec leur carrière. Nos résultats montrent qu’une femme qui a une autre femme en tant que supérieure directe voit sa satisfaction en termes de carrière amoindrie, ce que nous expliquons par une concurrence accrue entre femmes.

Par ailleurs, votre étude montre que, lorsqu’une majorité féminine se retrouve au même niveau hiérarchique, cela a des conséquences négatives sur leur satisfaction de carrière. Comment expliquez-vous ce phénomène?

L’hypothèse que nous avons formulée, et qui semble supportée par nos résultats, c’est que, dans les environnements compétitifs, les individus se comparent souvent à leurs pairs avec des performances et des caractéristiques similaires. Dans le cadre de la dynamique de genre, les femmes sont susceptibles d’être en concurrence avec leurs homologues féminines du même niveau hiérarchique. Cette concurrence peut être comparée à un tournoi où les individus se disputent des ressources et des récompenses limitées et où les pairs de même niveau hiérarchique (c’est-à-dire de la même ligue) deviennent les principaux concurrents. Compte tenu de la socialisation générale des femmes vers des rôles communaux (autrement dit vers des pratiques qui privilégient le bien-être de la communauté) et des hommes vers l’affirmation de soi, il se peut que les femmes n’apprécient ni n’approuvent la compétition autant que les hommes et préfèrent la coopération. Elles pourraient ainsi réagir plus négativement à la concurrence entre elles que les hommes à la concurrence entre hommes. Toutefois, avec une majorité de femmes au même niveau hiérarchique, l’intensification de la concurrence due à un accès restreint aux ressources (par exemple, les possibilités d’avancement) pourrait réduire leur satisfaction en rapport avec leur carrière, comme le montre l’incivilité observée dans d’autres études parmi les collègues féminines.

Vous suggérez également que, pour les femmes, travailler sous la supervision d’une femme nuit à leur satisfaction en termes de carrière. Qu’est-ce qui vous a conduit à émettre cette hypothèse? Et comment l’expliqueriez-vous?
La relation entre un·e supérieur·e direct·e et un subordonné·e implique généralement une interdépendance à la fois coopérative et compétitive. Cependant, nous soutenons que, dans les dyades superviseure–subordonnée femme, la dynamique interpersonnelle présente probablement plus de concurrence que de coopération que dans les dyades superviseur homme–homme ou dans les dyades mixtes. Nous le pensons sur la base de la théorie des caractéristiques du statut de genre qui explique que, sur le lieu de travail, les hommes ont un avantage en termes de statut ce qui entraîne chez certaines femmes un syndrome de reine des abeilles (queen bee syndrome) et/ou de défi ascendant (upward challenge).

De quoi s’agit-il?
Le syndrome de reine des abeilles est un phénomène social dans lequel les femmes en position d’autorité ou de pouvoir traitent les femmes subordonnées moins bien que les hommes, uniquement sur la base de leur genre. De plus, alors que les femmes ont tendance à voir et à traiter leurs managers masculins comme des « managers », les femmes subordonnées ont tendance à voir et à traiter leurs managers féminins comme des « femmes ». Par conséquent, elles sont plus enclines à adopter des comportements compétitifs à l’égard d’un superviseur féminin qu’à l’égard d’un superviseur masculin, ce qui se traduit par ce que nous appelons un défi ascendant.

À l’inverse, vous avez constaté que la situation s’améliore lorsque les femmes sont majoritaires aux niveaux hiérarchiques supérieurs immédiats. La distance hiérarchique pourrait-elle réduire la compétition entre femmes?
Dans les situations où une femme subalterne interagit avec une majorité de femmes au niveau hiérarchique supérieur, un contexte qui n’est pas dominé par une seule femme supérieure directe, nous avons proposé et empiriquement démontré un effet positif sur la satisfaction de carrière. Cela peut s’expliquer par le nombre accru de concurrentes potentielles, qui réduit le comportement compétitif des femmes du niveau inférieur. En effet, les individus font souvent preuve de moins de concurrence lorsque le nombre de concurrents est plus élevé, car ils perçoivent une diminution des chances de réussite ce qui entraîne une baisse de leur motivation à concourir. Par conséquent, dans ce contexte, les femmes ont tendance à se comporter de manière moins compétitive avec un groupe comprenant une majorité de femmes plus haut placées qu’avec une seule femme comme supérieure directe. De plus, l’argument de la distance psychologique laisse à supposer que les femmes se sentent plus proches de leur supérieure directe que des femmes plus haut placées, ce qui fait de ces dernières des concurrentes moins pertinentes. En outre, dans ce cadre, les femmes plus haut placées servent souvent de sources d’inspiration et d’informations précieuses plutôt que d’être perçues comme des concurrentes directes. Avec une majorité de femmes au niveau supérieur, ces femmes deviennent des référentes de carrière plus importantes, ce qui réduit la dynamique concurrentielle et renforce la coopération. Avec une concurrence ascendante réduite, les femmes les plus haut placées peuvent également plus facilement adopter un rôle protecteur et accepter d’être des mentors.

Plus surprenant encore, vous pointez du doigt l’impact négatif des lois en faveur de l’égalité des genres. Ces dernières atténueraient l’effet positif d’une majorité féminine au niveau hiérarchique supérieur. Pensez-vous que ce soutien externe biaise leur légitimité?
On ne peut pas parler d’un impact général négatif des lois en faveur de l’égalité des genres. Ces lois et réglementations visant à garantir l’égalité entre hommes et femmes se sont avérées efficaces, les faits montrent que ces lois et réglementations ont conduit les entreprises à engager et à promouvoir davantage de femmes à des postes de direction de haut niveau. Cependant, dans le cadre de notre étude sur la satisfaction des femmes en rapport avec leur carrière, nos résultats montrent que, dans les sociétés qui ont les lois et les réglementations les plus fortes, avoir une majorité de femmes au niveau hiérarchique supérieur a un effet plus faible que dans les sociétés où ces lois et réglementations sont moins strictes. Nos résultats montrent même que, dans les sociétés avec des lois et des réglementations plus fortes, une majorité féminine au niveau hiérarchique supérieur n’a aucun effet sur la satisfaction des femmes en rapport à leur carrière, c’est probablement parce que dans ces sociétés elles sont traitées de la même manière que les hommes par les femmes occupant les positions supérieures.

En revanche, votre étude semble indiquer que ces lois amplifient l’effet négatif d’une majorité féminine au même niveau hiérarchique. Faudrait-il alors envisager de limiter les interventions législatives en la matière?
Encore une fois, il ne faut pas généraliser et, surtout, il faut garder à l’esprit que ces lois ont des visées et des résultats qui vont bien au-delà de la satisfaction avec la carrière. Cela dit, cet effet négatif va à l’encontre de ce que nous pensions et de notre hypothèse de travail. Nous pensions que ces lois atténueraient l’intensité de la concurrence entre femmes lorsqu’elles sont majoritaires à un même niveau hiérarchique. Or, il semblerait que les résultats soient inverses avec les effets que l’on vient de mentionner sur la satisfaction en termes de carrière.

Vos conclusions reflètent une réalité complexe et nuancée. Quels enseignements les législateurs·trices et les dirigeant·e·s d’entreprise peuvent-ils en tirer?
D’une part, l’absence de différences entre sociétés pour certaines relations suggère la possibilité de mesures universelles. D’autre part, la présence de lois et de réglementations en matière d’égalité des genres modère les questions de satisfaction avec la carrière dans deux des trois effets et suggère la nécessité pour les entreprises multinationales d’adapter leurs stratégies de diversité des genres aux contextes juridiques distincts de leurs pays d’accueil. Nos résultats suggèrent également que les dyades superviseure–subordonnée femme sont préjudiciables à la satisfaction des femmes en ce qui concerne leur carrière et qu’il s’agit probablement d’un phénomène mondial. Cela signifie que les entreprises multinationales, quel que soit le pays dans lequel elles opèrent, devraient identifier les défis auxquels sont confrontées les dyades femme–femme et, le cas échéant, développer des mesures pour réduire les tensions qui en découlent.

Mais comment concrètement atténuer cet effet négatif sur la satisfaction liée à la carrière quand les femmes travaillent avec une superviseure féminine?
Ce phénomène met en évidence la manière complexe dont les normes sociétales et les inégalités structurelles se reflètent dans les contextes organisationnels. Il suggère que les défis auxquels sont confrontées les femmes occupant des postes supérieurs, y compris la gestion des attentes et des préjugés liés au genre, peuvent avoir des effets d’entraînement sur les expériences et les perceptions de leurs subordonnées en matière de progression de carrière. C’est pourquoi la résolution de ces problèmes devrait nécessiter des changements dans la culture organisationnelle des entreprises afin de soutenir les femmes à tous les niveaux de l’organisation, en encourageant une culture de soutien mutuel, de mentorat et de reconnaissance des différents styles de leadership.

En somme, votre étude semble suggérer qu’un excès de femmes à un même niveau hiérarchique nuit à la satisfaction de carrière. Cela revient-il à préconiser une mixité équilibrée à tous les niveaux?
Notre étude ne suggère rien de tel. Elle ne traite ni d’excès de femmes, ni de mixité équilibrée. Premièrement, nous n’avons comparé des situations dans lesquelles les femmes étaient majoritaires (ce qui ne veut pas dire qu’elles soient en excès) qu’avec celles dans lesquelles il y avait une mixité équilibrée ou une majorité d’hommes, sans distinguer ces deux cas. Deuxièmement, nous ne nous sommes intéressés qu’à la satisfaction des femmes en rapport avec leur carrière, sans la comparer avec celle des hommes, ni même prendre celle-ci en compte. La contribution de notre étude est importante, mais très spécifique, elle ne permet donc pas de préconiser des généralités.

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  • Terpstra-Tong, Jane L. Y., Len J. Treviño, Alara Cansu Yaman, Fabian Jintae Froese, David A. Ralston, Nikos Bozionelos, Olivier Furrer, Brian Tjemkes, Fidel León-Darder, Yongjuan Li, and others. Gender Composition at Work and Women’s Career Satisfaction: An International Study of 35 Societies.Ìý» Human Resource Management Journal, September 1, 2024.

 

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Société et Economie – Les enjeux de demain #4 /alma-georges/articles/2022/societe-et-economie-les-enjeux-de-demain-4 /alma-georges/articles/2022/societe-et-economie-les-enjeux-de-demain-4#respond Mon, 23 May 2022 12:23:49 +0000 /alma-georges?p=15829 La Faculté des sciences économiques et sociales propose une série de podcasts pour démêler la pelote des enjeux qui lient économie et société. Dans ce quatrième épisode, Laura Illia, professeure au Département des sciences de la communication et des médias, nous explique comment et pourquoi la responsabilité sociale est devenue un enjeu majeur des entreprises.

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  • Retrouvez la Faculté des sciences économiques et sociales et du management sur son siteÌýet sur les réseaux:Ìý,ÌýÌýÌýetÌý.
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Société et Economie – Les enjeux de demain #2 /alma-georges/articles/2022/societe-et-economie-les-enjeux-de-demain-2 /alma-georges/articles/2022/societe-et-economie-les-enjeux-de-demain-2#respond Fri, 18 Mar 2022 08:06:22 +0000 /alma-georges?p=15463 La Faculté des sciences économiques et sociales propose une nouvelle série de podcasts pour démêler la pelote des enjeux qui lient économie et société. Dans ce deuxième épisode, le Professeur Dušan Isakov, titulaire de la Chaire de finance et gouvernance d’entreprise nous parle des entreprises familiales cotées en bourse. Quelles sont leurs particularités de gestion et les aspects financiers qui les caractérisent? Décryptage.

  • Retrouvez le Faculté des sciences économiques et sociales et du management sur sonÌýsiteÌýet sur les réseaux:Ìý,ÌýÌýÌýetÌý.
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Start-up, il y a du boulot! /alma-georges/articles/2018/start-up-il-y-a-du-boulot /alma-georges/articles/2018/start-up-il-y-a-du-boulot#respond Thu, 22 Mar 2018 14:18:37 +0000 https://www3.unifr.ch/alma-georges?p=6047 Le 28 mars prochain, le Café scientifique observera le paysage fribourgeois des start-ups. Le Conseiller d’Etat Olivier Curty, Gregory Grin, directeur de Fri up et Emmanuelle Fauchart de la Chaire d’entreprenariat de l’Unifr esquisseront les grandes lignes des défis qui attendent les jeunes entrepreneurs, mais aussi des instruments de soutien qui leur sont proposés et des niches que peut offrir Fribourg. En attendant, Alma&Georges revient sur les bases et sur le rôle des universités avec la Professeure Emmanuelle Fauchart.

Emmanuelle Fauchart, reprenons les bases: qu’est-ce qu’une start-up? Quelle est la différence avec une entreprise classique?
Une start-up est une entreprise nouvellement créée, typiquement très innovante et possiblement promise à une croissance très forte. Une start-up a généralement besoin de trouver des financements importants pour assurer son développement et se trouve, le plus souvent, dans les secteurs de haute technologie ou dans le domaine médical, comme le biotech par exemple.
La majorité des entreprises nouvellement créées ne sont pas des startups: ce sont des micro entreprises, créées par une ou deux personnes, qui utilisent peu de capital, et qui vont peu se développer.

Le cliché du start-uper: jeune, branché, idéaliste… On dirait que créer une start-up est aussi simple que de monter une puzzle. Qu’en est-il en réalité?
Quand on pense start-up, on pense généralement à la «Silicon valley» et au glamour qui va avec. Si créer une start-up est une aventure qui réserve des surprises et permet de faire de nombreuses et belles rencontres, c’est aussi une épreuve. Les entrepreneurs sont confrontés quotidiennement à des problèmes qu’il faut régler et doivent faire face sans cesse à des évènements qu’ils n’avaient pas prévus et qui remettent en cause une partie de leurs efforts passés. Il ne faut donc pas penser que créer sa start-up est une promenade de santé.

Les universités, qui s’axent à priori plus sur la recherche théorique, ont-elles un rôle à jouer dans ce phénomène? Et si oui lequel?
Les universités suisses sont effectivement axées sur la recherche théorique, tandis que les HES se focalisent plus sur la recherche appliquée et les enseignements pratiques. On pourrait croire que l’entreprenariat est donc réservé aux HES: C’est faux: les universités ont un rôle à jouer dans le paysage entrepreneurial d’une région ou d’une ville. Car toutes deux sont dans des logiques différentes: tandis que les HES produisent des connaissances appliquées, destinées à aider les entreprises, en particulier les PME locales, à améliorer leurs processus et leurs produits, les universités produisent des connaissances théoriques qui peuvent donner lieu à des applications radicalement nouvelles, même si parfois la valorisation économique est moins immédiate. Ainsi les innovations qui sortent des HES, des universités et des EPF, et qui peuvent être exploitées notamment dans la création de nouvelles entreprises, tendent à être très différentes. Elles sont pourtant toutes nécessaires.

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  • Le «Start-up Fribourg – pépinière ou coquille vide?» se tiendra le 28 mars 2018 à 18h00 au Nouveau Monde.
  • Pour préparer le Café, Emmanuelle Fauchart et Grégory Grin dans , sur RadioFR
  • d’Emmanuelle Fauchart
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«Je voulais sortir de ma zone de confort» /alma-georges/articles/2018/je-voulais-sortir-de-ma-zone-de-confort /alma-georges/articles/2018/je-voulais-sortir-de-ma-zone-de-confort#respond Mon, 19 Mar 2018 12:43:36 +0000 https://www3.unifr.ch/alma-georges?p=6008 Organisés par et pour les étudiants, du 26 au 29 mars prochains à l’Université de Fribourg, les Career days proposent un lien avec le monde professionnel. Rencontre avec Raphaëlle Borgeaud, responsable de cet événement chapeauté par l’Association internationale des étudiants en sciences économiques et commerciales (AIESEC).Ìý

«On est plus ou moins prêt.» A quelques jours des Career days, Raphaëlle Borgeaud balance entre enthousiasme et appréhension. Mises sur pied chaque année par l’Association internationale des étudiants en sciences économiques et commerciales (AIESEC), ces journées permettent d’établir «un pont entre les étudiants et les entreprises», explique cette étudiante de 23 ans, responsable de cet événement, alors qu’elle réalise un Master en business communication à l’Université de Fribourg. L’un de ses modèles dans la vie? L’actrice Emma Watson. Pas seulement, parce qu’elle fait partie de son enfance avec Harry Potter, mais aussi parce qu’elle a poursuivi ses études et s’engage pour la cause de femmes. «J’admire les jeunes qui s’engagent pour des causes.»

Du lundiÌý26 au jeudi 29 mars, sur le site de PérollesÌýII, plusieurs sociétés se présenteront par le biais de différents workshops. «Les entreprises présentes vont de PwC à Swiss medical Network, en passant par la Vaudoise assurance, ainsi que des structures comme Fri-up et Jeunes@work, ou encore des cabinets d’avocats», précise l’organisatrice. Le mercredi 28 mars, de 10h à 17h, une dizaine d’organismes et d’entreprises tiendront également des stands dans le couloir principal. Si l’événement s’organise sur le même mode à Zurich et Lausanne, Fribourg a aussi intégré les Law days, spécifiques au domaine juridique, avec plusieurs ateliers sur le site de Miséricorde. Les inscriptions aux workshops peuvent se faire via le site .

Un travail d’équipe
C’est peu dire que Raphaëlle Borgeaud a l’engagement chevillé au corps. De Morges, où elle a grandi, elle part d’abord pour Lugano pour un Bachelor en sciences de la communication. Là, elle intègre l’AIESEC, association présente dans plus de 120 pays, qui vise à promouvoir le leadership chez les jeunes, notamment par le biais de stages à l’étranger et d’actions de volontariat. La mise sur pieds des Career days participe de cet esprit. Au sein d’une équipe de six étudiants, elle se charge surtout de la coordination des opérations. «Vendre un projet, contacter des entreprises par téléphone, prendre sur soi et ne pas être trop sensible en cas de refus. Je voulais sortir de ma zone de confort et j’ai appris énormément», témoigne-t-elle, précisant que toute l’équipe mène le projet parallèlement à ses études. «On fonctionne beaucoup par messages Whatsapp.»

Raphaëlle Borgeaud estime que les Career days représentent une belle occasion pour les étudiants. Elle souligne qu’il s’agit d’un événement de recrutement unique à Fribourg. Donner de la visibilité à l’événement est un aspect important, car elle observe que si, de manière générale, les étudiants trouvent ce genre de journées intéressant, «beaucoup ne se sentent souvent pas prêts à saisir une opportunité. Durant leur cursus, les étudiants entrent déjà en contact avec les réalités du monde professionnel, par exemple au travers des différents jobs ou stages qu’ils effectuent. Les Career days sont surtout utiles pour ceux qui sont à la recherche d’un ‹vrai› travail à la fin de leurs études.»

Arrivée l’automne dernier à Fribourg, Raphaëlle Borgeaud cherche elle-même déjà une place de stage. Là encore, ses valeurs la portent. «J’aimerais beaucoup faire un stage dans une ONG active dans un domaine important à mes yeux, par exemple ce qui touche à l’éducation ou au climat. C’est d’ailleurs l’esprit d’AIESEC, de nous rendre conscients du rôle que nous pouvons jouer dans la société», dit-elle. En attendant, Raphaëlle Borgeaud court d’un mandat à l’autre, comme avec le festival de théâtre des Granges, à La Chaux, dans lequel elle s’investit. Un rythme de marathonien loin d’effrayer cette sportive, férue de tennis et de course à pied. Parmi ses prochains défis justement? Les 20 kilomètres de Lausanne. «Tout ça me stimuleÌý! Ne faire qu’étudier ne me conviendrait pas.»

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  • pour les Career days fribourgeoises
  • des Career days
  • Aiesec de l’Unifr
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Les brevets, toute une culture /alma-georges/articles/2017/les-brevets-toute-une-culture /alma-georges/articles/2017/les-brevets-toute-une-culture#respond Wed, 22 Mar 2017 12:36:00 +0000 http://www3.unifr.ch/alma-georges/?p=3865 La culture des brevets s’est aussi installée en Suisse, comme dans certaines grandes universités américaines. A Fribourg, un service de transfert du savoir et des technologies conseille les chercheurs sur la meilleure manière de valoriser leurs découvertes et inventions.
Imaginons que je sois un chercheur scientifique de l’Université de Fribourg, à la tête – disons – d’un laboratoire spécialisé en microbiologie moléculaire, et que je vienne de faire une découverte qui va révolutionner le monde de la médecineÌý– j’en suis sûrÌý– pourvu que mon invention soit connue, développée puis distribuée, c’est-à-dire commercialisée pour être mise à disposition du public. Un collègue m’a dit que l’examen de la demande de brevet dure d’un an au minimum jusqu’à trois ans. Mais je n’ai pas les connaissances techniques et juridiques, ni le temps, ni l’envie d’ailleurs, de me consacrer à ces aspects. Comment faireÌý?

Un service qui conseille les chercheurs
Les chercheurs qui pensent avoir une idée fondamentale, susceptible d’être développée et brevetée en tant qu’invention, peuvent prendre contact avec le Service Knowledge and Technology Transfer – Industrial Relations (KTT-IR) de l’Université de Fribourg. Ce service, mis sur pied en2011, conseille, en particulier, les chercheurs sur la stratégie de la propriété intellectuelle et les possibilités de licences de technologie en partenariat industriel. Mais pas seulement: il fonctionne aussi comme une interface entre la recherche académique et les partenaires externes. Chapeauté par l’Université de Fribourg, il est placé sous la direction opérationnelle de Jean-Marc Brunner, docteur en biologie.

«Quand je suis arrivé, fin 2010, il s’agissait de monter un service de A à Z et j’étais seul, explique Jean-Marc Brunner. Il y avait eu quelques essais auparavant – il y a plus de quinze ans – parmi lesquels une expérience d’outsourcing. Puis l’Université de Fribourg a choisi de développer un service approprié à l’interne, comme cela se fait en général en Suisse romande, tandis que la majorité des universités suisses-alémaniques préfèrent déléguer cette mission à une société externe. C’est ainsi qu’est né le Service KTT-IR.»


Il faut du temps et des connaissances spécifiques pour bien gérer le dépôt d’un brevet. En discuter avec des spécialistes peut se révéler très utile pour les chercheurs.

Breveter… ou pas?
Revenons à notre chercheur spécialisé du début de ce texte. Il n’était en réalité «un bleu» que pour l’exemple. Patrice Nordmann, professeur en microbiologie médicale et moléculaire du Département de médecine de l’Université de Fribourg et son adjoint, Laurent Poirel, n’en sont pas à leurs coups d’essai. «Quand on dépose un brevet, la composition et la technique de réalisation du produit doivent être rendues publiques pour que leur originalité et inventivité puissent être prouvées», indique le Professeur Nordmann qui a déjà cédé trois brevets à des industriels différents et en négocie deux autres actuellement.Ìý«Certains procèdent autrement, songez à Coca Cola ou Nutella, qui n’ont jamais déposé de brevet mais gardent secrets leurs procédés de fabrication.» De même, la marque suisse de fromage Appenzeller® a choisi de ne pas bénéficier du label de qualité AOC ou AOP pour ne pas divulguer sa recette de saumure aux herbes. Dans le cas contraire, comment et pourquoi est-il intéressant d’acquérir des brevets?

«Pour nous, reprend le Professeur Nordmann, il était capital de déposer une demande de brevet, car l’industriel qui s’intéressait à notre produit voulait protéger son développement et ses perspectives de vente en achetant la licence sur le brevet.» Récemment, Patrice Nordmann et Laurent Poirel ont mis au point dans leur laboratoire un test de diagnostic rapide de la résistance à la colistine, une molécule employée comme antibiotique de dernier recours dans les infections les plus graves. Ce test est le premier au monde qui permet une analyse rapide, en deux heures, de la sensibilité de toute souche d’entérobactérie à cette molécule, alors que ceci nécessite actuellement de 24 à 48 heures. Puis, ils ont déposé une demande de brevet pour leur invention baptisée «Rapid Polymyxin NP test». Et ils sont entrés en contact avec un industriel pour réaliser le test en condition manufacturière: la société internationale ELITechGroup Microbiology (France/USA), dont le siège est en France, mais qui a aussi ses quartiers à Estavayer-le-Lac. Fait rare, l’industriel, convaincu, a acheté le titre de propriété du brevet.


Pour le Professeur Nordmann, déposer une demande de brevet pour son test rapide de résistance aux antibiotiques était capital.

Une première
«C’est une première à l’Université de Fribourg, qu’un brevet encore provisoire soit vendu avec la licence d’exploitation commerciale», commente le Dr Michel Kropf, spécialiste en propriété intellectuelle pour l’Université de Fribourg auprès du service KTT-IR.ÌýC’est donc l’industriel qui a pris le risque de commercialiser le produit – il est sur le marché depuis le 1er décembre 2016 – et s’est chargé d’effectuer les démarches pour la requête du brevet. «C’est l’Université de Fribourg qui prend en charge les premiers frais d’analyse et d’évaluation de l’invention, précise Jean-Marc Brunner. Ensuite, les frais peuvent rapidement grimper à des dizaines de milliers de francs, dès que l’on demande la protection des brevets ou des licences d’exploitation dans plusieurs pays.ÌýTant financièrement que stratégiquement, il peut être intéressant d’en laisser la charge à un industriel qui aura acheté les droits. Tout dépend des cas. Par exemple, il serait inutile pour l’Université de chercher à vendre des licences à des entreprises en situation de monopole de fabrication.»

Des bénéfices après vente
Soit l’Université dépose un brevet en son nom, puis vend des licences à l’industrie qui en fait un produit; soit elle dépose un brevet et en transfère la propriété intellectuelle à l’industrie qui octroie en contrepartie une licence à l’Université pour renforcer davantage la recherche fondamentale; soit on transfère tout de suite la propriété intellectuelle à l’industrie, qui se charge de tout. «L’Université conserve de toute façon, en contrepartie, une licence qui permet de faire de la recherche fondamentale à partir de la découverte», précise Jean-Marc Brunner. Au plan financier, sur toutes les ventes d’un produit breveté ou licencié réalisées par la suite, les personnes morales ou physiques à l’origine de l’invention reçoivent des royalties ou redevances. Dans un premier temps, l’Université récupère les frais qu’elle a engagés pour le dépôt du brevet. Par la suite, un tiers des recettes (pourcentage des ventes) revient à l’Université de FribourgÌýqui l’investit dans le Fonds stratégique pour la recherche et le transfert du savoir et de la technologie; un deuxième tiers revient à l’unité dans laquelle a été réalisée l’invention; le dernier tiers revient à l’auteur ou au groupe de recherche à l’origine de l’invention. On parle là de 1% à 5% du prix net des ventes en général, alors que dans les inventions du domaine des softwares, la redevance peut atteindre 20%, car les coûts de fabrication et de commercialisation sont moindres.

Valoriser les découvertes
«Nous travaillons avec des fonds publics et le but n’est pas de faire des profits, tempère Jean-Marc Brunner. Mais nous espérons, bien sûr, un retour sur investissement, dans le but de réinvestir dans la recherche fondamentale. Notre Service de transfert du savoir et des technologies sert ainsi à mettre en valeur des découvertes qui reviendront, au final, à l’usage de la société.» Mais pour préserver l’image de l’institutionÌýnotamment, les industries avec lesquelles collabore l’Université sont «filtrées»: «Pas de cigarettiers, ni de fabricants d’armes», insiste Jean-Marc Brunner.

De l’idée en éprouvette à la commercialisation,l’objectif est tout de même toujours que la recherche fondamentale soit au service de la société.

A priori, tous les domaines de recherche sont éligibles, car l’Université ne transfère pas seulement de la technologie, mais aussi du savoir. Ainsi, par exemple, Susanne Obermeyer, directrice adjointe de l’Institut de plurilinguisme, a pu faire protéger la propriété intellectuelle d’un test de langues, destiné à des administrations cantonales. «Nous offrons un cadre et un support pour toute question en lien avec la mise en valeur des découvertes fondamentales: cela concerne non seulement les brevets ou les licences, mais aussi le consulting, les montages de projets CTI (Commission fédérale pour la technologie et l’innovation), les contrats de recherche…»

Pour Michel Kropf, qui opère un premier tri des propositions reçues, «Le but ne doit pas être de déposer des brevets pour en déposer. L’idée est de ne pas laisser dormir dans un tiroir des inventions qui peuvent avoir un impact sur l’ensemble de la société.ÌýToutes les inventions ne sont pas intéressantes commercialement. Et donc certaines peuvent être publiées de manière open source.»

Tendance américaine
Avec une dizaine de brevets déposés depuis 2011, l’Université de Fribourg ne joue pas encore dans la même ligue que l’Université de Stanford en Californie, qui a déposé 11’000 brevets depuis 1970 et bénéficie d’une équipe de 52 personnes s’occupant des procéduresÌýde brevetage. A l’EPFL, on dispose depuis trente ans d’un service comparable à KTT-IR. Avec un effectif d’une dizaine de personnes, l’école polytechnique lausannoise dépose en moyenne 30 à 40 brevets par année depuis l’an 2000.

«En six ans, nous avons mis sur pied, en partant de zéro, un service complet, avec des compétences professionnelles spécifiques», constate Jean-Marc Brunner. «Il a fallu commencer par énoncer des directives concernant les inventions, informer les professeurs de notre existence et des possibilités que nous leur offrons. Puis, dès 2014, le fruit des activités KTT-IR a permis de constituer un fonds, qui a été réinvesti dans la recherche fondamentale et a servi à augmenter l’effectif du service qui comprend, depuis début 2017,Ìý cinq personnes à temps partiel.» En effet, le Service compte actuellement, en plus de son responsable Ìýet d’un scientifique responsable des brevets, un spécialiste des questions juridiques en propriété intellectuelle, une responsable de la communication et une responsable administrative.

Le KTT-IR de l’Université de Fribourg est constitué d’une petite équipe, mais, en 6 ans, il a déjà réussi à réunir un fonds qui peut être réinvesti dans la recherche.

La culture des brevets vient des Etats-Unis et tout laisse à penser que cette tendance ne pourra que se renforcer à l’avenirÌýen Europe et en Suisse. Les scientifiques de l’Université de Fribourg ont différents avis à ce sujet. Pour le Professeur Nordmann, cela s’explique par le fait que «aux Etats-Unis, le monde académique s’est développé dès le XIXe siècle pour venir en aide Ìýau progrès de l’industrie, alors qu’en Europe, l’université a ses racines dans la communauté ecclésiastique c’est-à-dire dans un monde différent de la vie courante. De plus, en Europe, jusqu’à très récemment, il y avait plus de fonds publics, ce qui n’incitait pas les chercheurs à prospecter ailleurs. Mais cet état de fait change rapidement». Au climat de compétition extrême qui prévaut aux Etats-Unis dans le domaine de la recherche et les relations avec l’industrie, Jean-Marc Brunner préfère la solution suisse: «Nous nous trouvons dans une situation intermédiaire entre les Etats-Unis, où l’on pousse et force même les professeurs à déposer des brevets, car cela peut rapporter de l’argent, et certains pays d’Europe, où toute relation entre monde académique et monde industriel provoque des blocages politiques. En Suisse, nous sommes plus libéraux et je trouve notre solution idéale, élégante et garante d’un excellent niveau de recherche fondamentale. Je me bats personnellement contre la monétarisation de la recherche.»

Le Professeur Rolf Ingold, vice-recteur, responsable du dicastère Recherche et IT de l’Université de Fribourg, qui englobe le service KTT-IR, soutient cette vision et rappelle qu’il existe d’autres pistes: «Au départ, les brevets ont été conçus pour favoriser l’innovation. En effet, ils encouragent la commercialisation de nouveaux produits en protégeant les inventeurs et leurs partenaires industriels contre une forme de concurrence déloyale. Mais parfois, certaines entreprises achètent des brevets dans le but d’entraver ce développement, ce qui va à l’encontre de l’objectif». C’est pourquoi, dans certaines disciplines, les chercheurs optent, de plus en plus, pour une forme de valorisation publique de leurs résultats de recherche. C’est notamment le cas dans le domaine des logiciels open source, munis de licences, qui empêchent une appropriation industrielle et favorisent, au contraire, l’utilisation par un grand nombre d’exploitants. «Cette approche me paraît saine aussi, surtout s’il s’agit de travaux qui ont été financés par la manne publique», conclut le professeur.

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  • Contact: Jean-Marc Brunner, responsable de KTT-IR, jean-marc.brunner@unifr.ch
  • Tous les de l’Unifr sur les recherches du Professeur Nordmann concernant la résistance aux antibiotiques.
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Quand la bonne mère travaille en fabrique! /alma-georges/articles/2016/quand-la-bonne-mere-travaille-en-fabrique /alma-georges/articles/2016/quand-la-bonne-mere-travaille-en-fabrique#respond Thu, 15 Sep 2016 14:25:50 +0000 http://www3.unifr.ch/alma-georges/?p=2857 Autres temps, autres mœurs. A la fin du XIXe siècle, les femmes qui travaillaient en usine ne jouissaient pas d’une grande considération. Avant de pouvoir concilier, en tout bien tout honneur, rôle de mères et statut d’ouvrières, les femmes ont dû surmonter de nombreux préjugés. En la matière, le secteur horloger jouera un rôle original et pionnier. Rencontre avec Stéphanie Lachat, chargée de cours au Département des sciences historiques.

N’allez surtout pas lui dire que l’histoire des entreprises n’en pince que pour la technologie et l’économie à travers les âges! En se plongeant depuis plusieurs années dans les archives de l’industrie horlogère de l’Arc jurassien, Stéphanie Lachat est parvenue à dresser un tableau remarquable des rapports entre les hommes et les femmes au siècle passé. Son expérience «à l’usine» servira de matière première au cours qu’elle viendra donner, dès la rentrée, au Département d’histoire de l’Université de Fribourg.

Que nous disent les archives des entreprises horlogères sur le travail des femmes?
Avant de débuter mes recherches dans le secteur horloger, je m’attendais à y découvrir des perles de machisme. Il faut dire que, dans d’autres branches économiques, on rend souvent responsables les femmes qui travaillent en fabrique de l’alcoolisme du mari, de la tuberculose des enfants, voire même de la propagation du communisme. A l’inverse, dans les régions horlogères, j’ai pu observer qu’une bonne mère de famille est une mère qui travaille en fabrique afin d’assurer l’avenir de ses enfants.

Comment l’expliquer?
J’ai longtemps cherché à aboutir aux mêmes résultats que les recherches antérieures, mais en vain. J’ai dû finalement admettre que, dans l’industrie horlogère, le travail féminin apparaît très vite légitime. Cela n’empêche pas les ouvrières de rester en charge de leur foyer. Elles assument ce qu’on peut appeler une double tâche, celle de travailleuses et de ménagères. Cela s’explique principalement par la construction sociale de l’horlogerie en tant que tâche féminin-compatible: la fabrique horlogère n’est pas une fabrique comme une autre! Le travail horloger est noble et bien rémunéré. L’horloger n’est pas un ouvrier. Il peut donc être une femme!

La double tâche est une problématique encore très actuelle!
D’où l’importance de jeter un éclairage historique sur la situation qui prévaut aujourd’hui. A l’époque déjà, l’enjeu des élites socio-économiques est de permettre aux femmes de concilier vie domestique et vie professionnelle. Cela passe par des aménagements – très légers – des horaires, par la mise en place de cantines à midi et même, dès les années 1880, de crèches jusque dans certains villages.

Dans les usines que vous avez étudiées, avez-vous observé une vraie ségrégation spatiale entre hommes et femmes?
Les femmes sont très nombreuses dans l’horlogerie dès ses origines. Depuis les années 1920, l’horlogerie suisse emploie autant d’hommes que de femmes dans ses fabriques, qui ne sont pourtant pas mixtes. Il y a des ateliers d’hommes et des ateliers de femmes. Ce sera même un enjeu fort entre les employeurs et les syndicats jusque dans les années 1960.

Est-ce que les femmes restent cantonnées à des fonctions subalternes?
Oui, clairement. Les petites mains dans l’horlogerie sont féminines. Les femmes seront exclues des écoles d’horlogerie jusque dans les années 1910. A St-Imier, une classe de régleuses – pour les jeunes filles doncÌý– ne verra le jour qu’en 1912.

Est-ce qu’on peut dire que les entreprises horlogères ont contribué à libérer la femme?
Je suis convaincue qu’elles ont contribué à légitimer le travail de la femme hors du foyer. A la libérer, c’est une autre question. On dit souvent que l’idéal de la femme au foyer est un idéal bourgeois qui imprègnera ensuite les familles ouvrières. Si on analyse ce qui se passe dans l’industrie horlogère suisse, on aboutit à une logique inverse de diffusion des modèles sociaux. L’accès légitime des femmes au marché du travail commence d’abord au bas de l’échelle social.

Vous allez enseigner l’histoire des entreprises à l’Université de Fribourg. Comptez-vous partager cette expérience d’historienne dans les archives des entreprises horlogères?
Mon objectif, modestement, est de fournir aux étudiants les outils qui m’ont manqué quand je me suis trouvée pour la première fois sur le terrain. Il faut réaliser que les archives privées sont par définition difficiles d’accès, en particulier dans le monde horloger.

Il existe des dossiers sensibles dans les archives de certaines entreprises. Je pense, par exemple, à l’affaire des fonds en déshérence.
Un-e étudiant-e de bachelor, qui voudrait étudier les archives d’une entreprise avec une perspective très critique, risque de ne pas obtenir d’autorisation. Les scandales, cela dit, ne sont pas toujours où on les attend. Dans mon cas précis, je me suis fait fermer les portes d’une entreprise, parce que je souhaitais y étudier les articulations famille et emploi. Un thème que je croyais anodin. Mais comme cette entreprise venait de refuser une crèche à ses employé-e-s, elle ne souhaitait pas que l’on s’aperçoive que, par le passé, elle avait accédé à ce genre de demande.

L’histoire des entreprises est-elle un domaine en vogue?
Oui, même si c’est une branche difficile à pratiquer. Les étudiants ont peut-être pris conscience qu’il y a là un réservoir d’emplois. De nombreuses marques horlogères ont un service historique relativement bien doté, travaillant avec des historien-ne-s de formation universitaire.

Quel est l’intérêt pour une entreprise horlogère d’avoir un service historique?
Il y a certaines branches économiques, notamment celles liées au luxe, qui font de l’histoire un outil marketing. De nombreuses marques ont des musées qu’il faut gérer. Sans oublier qu’il y a aussi des client-e-s qui ont des demandes très pointues sur la vie des entreprises et leurs produits. Pour y répondre, il est indispensable de faire des recherches dans les archives, ce qui nécessite une formation d’historien-ne.

Aujourd’hui, à l’ère du tout digital, le métier d’historien-ne des entreprises est-il appelé à muter?
C’est un immense défi. A l’heure actuelle, il est parfois plus facile de trouver une information datant de la fin du XIXe siècle qu’une information de 2002. Les collboratrices et collaborateurs des entreprises pensent que tout est conservé sur les serveurs grâce à des systèmes de sauvegarde automatique. Or, il ne s’agit pas là d’archivage, mais de stockage. Y retrouver une information s’avère par la suite presque impossible.

Et c’est là qu’intervient l’historien-ne 2.0?
Il est indispensable que les historiens travaillent en collaboration avec les départements d’informatique, car les outils d’archivage se trouvent à cheval entre les deux disciplines. C’est un conseil pour les étudiant-e-s: ne négligez pas l’aspect informatique! Quand on parvient à établir le dialogue avec les informaticien-ne-s, on peut réaliser de belles choses, mais ce n’est pas facile, tant nos référentiels sont différents.

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est docteure en science économique et sociale de l’Université de Genève. Dès la rentrée, elle donnera un cours d’histoire des entreprises à l’Université de Fribourg

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Revue de presse – février 2016 /alma-georges/articles/2016/revue-de-presse-fevrier-2016 /alma-georges/articles/2016/revue-de-presse-fevrier-2016#respond Wed, 09 Mar 2016 10:02:30 +0000 http://www3.unifr.ch/alma-georges/?p=2046 ÌýL’Université de Fribourg dans la presse du 1er au 29 février 2016

«In der heutigen Arbeitswelt ist lebenslanges Lernen Pflicht.»
– Manfred Kuonen
, Studienleiter der postgradualen Weiterbildung in Laufbahn- und Personalpsychologie der Universitäten Bern und Freiburg, , 25.2.2016

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fête ses 20 ans, , 25.02.2016

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«Il y a beaucoup moins de jeunes enfants en bonne santé adoptables.»
– Isabelle Lammerant, chargée de cours en droit de la famille, , 23.02.2016

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«Die Geschwindigkeiten haben im Vergleich zum Vorjahr aber etwa um 20 Prozent zugenommen.»
– Benno Staub
, Geowissenschaftler, zum Auftauen des Permafrosts, , 23.2.2016

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– via

– Sebastian Dieguez, chercheur en neurosciences cognitives et neuropsychologue au Laboratoire des sciences cognitives et neurologiques de l’Université de Fribourg, RTS La Première, , 22.02.2016

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«Längst nicht alle Nutzer der Notschlafstelle sind Obdachlose im klassischen Sinn.»
– Carolyne Crimard, Doktorassistentin Soziologie, Sozialpolitik und Sozialarbeit, zur Rolle von La Tuile im Bereich der Obdachlosigkeit, , 22.2.2016

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«Natürlich ist es schön, existieren sie weiter. Sollte das aber nicht mehr der Fall sein, wäre das keine Katastrophe.»
– Reiner Eichenberger, Leiter des Lehrstuhls für Theorie der Finanz- und Wirtschaftspolitik, zu den Bilateralen I, , 21.2.2016

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«Käufer sollten ein Haus sehr sorgfältig prüfen und sich dabei von einem Bauexperten oder einem Architekten beraten lassen.»
– Hubert Stöckli
, Lehrstuhlinhaber an der Rechtswissenschaftlichen Fakultät, , 21.2.2016

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«Il ne faut pas non plus exagérer l’UDC. Etre premier parti, cela ne veut pas dire être parti majoritaire. Donc même si l’UDC peut s’implanter dans la terre fribourgeoise, cela ne veut pas dire non plus que la terre firbourgeoise sera une terre blochérienne.»
– Gilbert Casasus, professeur au Domaine Etudes européennes, , , 16.02.2016

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«On ne peut pas tout partager. Pour conserver le pouvoir, il faut conserver le contrôle d’un certain nombre de flux d’informations et d’actifs stratégiques. Savoir lesquels, c’est aujourd’hui le nouveau souci des entreprises.»
– Paul Dembinski, professeur associé à la Chaire Stratégies et concurrence internationales, , 15.02.2016

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«Kosenamen bestätigen eine Beziehung durch Sprache.»
– Gerda Baumgartner, Sprachwissenschaftlerin an der Universität Freiburg, , 14.2.2016

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«Les diplomaties vaticane et moscovite restent très mystérieuses… Mais il est vrai qu’à Fribourg, nous entretenons depuis longtemps une collaboration avec l’Eglise de Moscou. Depuis de nombreuses années nous encourageons le dialogue Å“cuménique avec les orthodoxes moscovites. Cette attitude très positive ne peut que préparer favorablement le terrain.»
– Noël Ruffieux, membre de l’Institut d’études œcuméniques, à propos de la rencontre historique entre le Pape François et le Patriarche de Moscou Cyrille, , 13.02.2016.

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«En général, nous travaillons avec les vivants. Et le recueilleur n’est pas un magnétophone qui enregistre et retranscrit, il est interlocuteur et coauteur du récit produit.»
– Catherine Schmutz Brun, lectrice au Département de l’éducation, à propos de la formation de recueilleur de récit de vie. La Liberté, 12.02.2016.

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– via

«Le terme mademoiselle est tellement condescendant qu’il faut essayer de l’effacer du vocabulaire ou alors essayer d’employer le même terme pour les hommes, qui est damoiseau et que personne n’utilise, bien sûr.»
– Pascal Gygax, directeur de l’équipe de psycholinguistique, , , 12.02.2016

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«Die Initiative ist ein Anschlag nie dagewesenen Ausmasses gegen die Demokratie. Sie zielt frontal gegen den Rechtsstaat als deren Fundament, indem sie die Gewaltenteilung und die Unabhängigkeit der Justiz missachtet.»
– Marc Spescha, Lehrbeauftragter für Migrationsrecht, zur Durchsetzungsinitiative, Theoriekritik, 12.2.2016

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«Paris sollte nicht als politisches oder ökonomisches Symbol, sondern als Symbol der Lebenslust und des westlichen Hedonismus angegriffen werden.»
– Amir Sheikhzadegan, Lehrbeauftragter für Soziologie, zu den November-Anschlägen in Paris, Links / SP AG, 11.2.2016

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«L’intégration est un mouvement réciproque de la société d’accueil, qui accueille un immigrant etÌý est censé faire que cette intégration économique, culturelle, se passe bien, et le mouvement de la personne qui est accueillie, qui va découvrir un nouveau pays, ses lois… Il faut une réciprocité.»
– Sabine Choquet, collaboratrice au Domaine sciences des sociétés, des cultures et des religions, France TV, , 11.02.2016

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«Ihr einziges Ziel ist der Gewinn. Sie kaufen beispielsweise Weizen, und sobald sie ihn besitzen, verkaufen sie ihn wieder zu einem teureren Preis.»
– Sergio Rossi,
Professor für Volkswirtschaft und Geldtheorie, zur Spekulation mit Lebensmitteln, , 11.2.2016

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«Die Zuwanderung sollte mit Preisen statt mit Bürokratie gesteuert werden.»
– Reiner Eichenberger
, Leiter des Lehrstuhls für Theorie der Finanz- und Wirtschaftspolitik, 11.2.2016

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«On peut tout à fait être pour la justice fiscale et contre le mariage homosexuel. Mais le problème, c’est justement qu’on nous fasse voter sur les deux choses en même temps, alors qu’elles ne présentent pas de lien intrinsèque. Si on avait proposé un texte similaire dans un canton, un recours aurait pu être déposé au Tribunal fédéral, avec des chances de succès, vu sa pratique en la matière.»
– Jacques Dubey, professeur de droit constitutionnel, Lausanne, 09.02.2016

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«Le stress est le pire ennemi du couple.»
– Dominique Shoebi, professeur à l’Institut de recherche et conseil dans le domaine de la famille, l’, 09.02.2016

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«Vouloir être actif dans le cercle familial n’est pas encore quelque chose de valorisé socialement.»
– Tanya Ogay, professeure au Domaine des sciences de l’éducation, , 09.02.2016

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«Quand on essaie de proposer des choses pour soutenir les consommateurs, il y a toujours, dans le jeu politique, des oppositions.»
– Pascal Pichonnaz, doyen de la Faculté de droit, RTS1, , 09.02.2016

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«Zeigt sich, dass der Handwerker unnötigen, vermeidbaren Aufwand betrieben hat, hat der Kunde auch dafür keine Vergütung zu leisten.»
– Hubert Stöckli, Lehrstuhlinhaber an der Rechtswissenschaftlichen Fakultät, , 6.02.2016

 

 

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