digital society – Alma & Georges /alma-georges Le magazine web de l'Université de Fribourg Wed, 21 May 2025 13:23:46 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.3.5 Dans l’ère du temps /alma-georges/articles/2025/dans-lere-du-temps /alma-georges/articles/2025/dans-lere-du-temps#respond Wed, 21 May 2025 13:21:49 +0000 /alma-georges?p=22343 Dans nos sociétés du «tout numérique», notre rapport au temps évolue au gré des avancées technologiques. Pour échanger sur le rapport entre temps et numérisation et ses impacts sur notre qualité de vie, un symposium interdisciplinaire s’est tenu à l’Université de Fribourg.

«Le temps, c’est de l’argent», écrivait Benjamin Franklin en 1748. Mais le temps est bien plus que cela. S’il a toujours été une valeur limitée car non extensible, aujourd’hui il est devenu une denrée rare. Gagner du temps est une gageure, ne pas en perdre une obligation. De la rationalisation du travail survenue durant la Révolution industrielle à la possibilité d’être connecté·e·s 24h/24, notre rapport au temps a considérablement changé aussi bien dans nos vies professionnelles que privées. Avec pour conséquence un sentiment d’accélération continue, comme si les jours, les mois et les années passaient de plus en plus vite. L’utilisation de technologies numériques a encore accentué le phénomène, car en nous permettant d’être stimulé·e·s facilement, à tout moment et n’importe où, nous sommes constamment sollicité·e·s. Mais quels sont les impacts de ces changements sur notre qualité de vie? Pour y répondre, des expert·e·s de six pays européens, dont la Suisse, analysent en quoi la perception, l’utilisation et l’allocation du temps sont influencées par le niveau de numérisation et les normes culturelles.

Expériences temporelles étudiées
Réuni·e·s au sein d’un vaste projet baptisé TIMED, ces chercheur·euse·s décortiquent le rapport entre temps et numérisation. «Le projet européen consacré à l’expérience du temps à travers l’Europe à l’ère digitale réunit des sociologues, des philosophes, des ingénieurs, des psychologues et des spécialistes des médias. L’intérêt de ce symposium organisé à l’Université de Fribourg est de les réunir, ainsi que des personnes externes avec lesquelles nous pouvons échanger, réfléchir aussi à l’impact de nos résultats de recherches.», explique Chantal Martin Sölch, Vice-rectrice et professeure de psychologie clinique et de la santé à l’Université de Fribourg. Cette journée d’échanges interdisciplinaires favorise aussi le réseautage, le dialogue et les collaborations. De quoi mettre en valeur l’état des recherches sur des thématiques aussi variées que de comprendre comment les jeunes négocient le temps d’accès aux médias sociaux et à la socialisation ou le harcèlement numérique et les activités des jeunes en ligne, sans oublier aussi d’échanger sur les perceptions que nous pouvons avoir du temps qui passe. «Nous avons mené des études qualitatives par le biais d’entretiens avec différentes personnes dans tous les pays d’Europe associés au projet. Il en ressort que l’utilisation des technologies digitales nous vole du temps, les gens ont l’impression de perdre leur temps, de ne plus avoir la mesure du temps lorsqu’ils et elles sont sur les médias sociaux. Mais d’un autre côté, on constate que les personnes plus jeunes ont développé leurs propres stratégies pour diminuer le temps qui leur est volé sur les réseaux sociaux. Il y a donc une sorte d’apprentissage, d’adaptation qui se met en place.», précise Chantal Martin Sölch. La réflexion porte aussi sur la pression du temps qu’opère la digitalisation. «Nous recevons plus de messages, nous sommes constamment sollicité·e·s par tous les canaux et cela crée une plus grande charge mentale. Mais de l’autre côté, il y a le lien à la productivité. Lorsqu’on a le sentiment d’avoir été productif·ve, d’avoir gardé le contrôle, cela engendre un sentiment de satisfaction et de bien-être».

Se réapproprier le temps
L’étude menée par TIMED démontre que les personnes sondées ont le sentiment que les médias sociaux tuent leur temps. Or, Chantal Martin Sölch est convaincue «qu’il faut apprendre ou réapprendre à gérer son temps entre productivité au travail, temps de loisirs et pourquoi pas, perdre son temps. Il ressort aussi de nos recherches qu’il est difficile pour les gens d’avoir l’impression de ne rien faire de son temps. Cela engendre beaucoup de culpabilité. Ce qui est aussi le cas lorsque des personnes ont l’impression de perdre du temps parce qu’elles ont passé un moment plus ou moins long à regarder des vidéos sur les réseaux sociaux.» Se réapproprier son temps est donc nécessaire, quitte à se priver momentanément du numérique.

L’affect positif du Sudoku
Les chercheur·euse·s de TIMED ont analysé l’impact que peut avoir une privation numérique de sept minutes et demie sur l’état psychophysiologique et la perception du temps. Pour ce faire, 90 participant·e·s, réparti·e·s en trois groupes, devaient soit utiliser librement leur smartphone, soit effectuer un sudoku, soit attendre (privation numérique passive). Activité électrodermale, rythme cardiaque, état affectif des sujets ont été recueillis. Il ressort de cette expérience que les participant·e·s n’exerçant aucune activité s’ennuyaient plus que les sujets «actifs» et avaient le sentiment que le temps passait plus lentement. «Le Sudoku a induit plus d’affect positif et était plus engageant sur le plan cognitif que l’utilisation gratuite d’un smartphone en ce qui concerne les mesures de la variabilité de la fréquence cardiaque. Les résultats suggèrent que l’exécution d’une tâche numérique (utilisation gratuite d’un smartphone) est moins exigeante sur le plan cognitif qu’une tâche non numérique (sudoku) et qu’elle modifie la perception du temps de la même manière.», révèle, entre autres, l’étude qui devrait être répliquée sur le terrain avec des périodes de privation numérique plus longues afin de confirmer ces résultats.

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Zwischen Regulierung und Meinungsfreiheit: Wie Plattformen die Demokratie herausfordern /alma-georges/articles/2025/zwischen-regulierung-und-meinungsfreiheit-wie-plattformen-die-demokratie-herausfordern /alma-georges/articles/2025/zwischen-regulierung-und-meinungsfreiheit-wie-plattformen-die-demokratie-herausfordern#respond Thu, 06 Mar 2025 15:40:54 +0000 /alma-georges?p=22024 Online-Plattformen wie X, TikTok oder YouTube beeinflussen zunehmend die öffentliche Debatte – und damit auch die Demokratie. Doch wie weit darf Regulierung gehen, ohne die Meinungsfreiheit zu gefährden? Unsere Expert_innen Anna Jobin und Manuel Puppis sprechen über die Herausforderungen der Plattform-Ökonomie, algorithmische Macht und mögliche Alternativen.

Vermehrt wird darüber diskutiert, welche Gefahren Online-Plattformen wie X, TikTok oder YouTube für die Demokratie mit sich bringen. Ob und wie sie reguliert werden sollen ist aber hoch umstritten. Warum löst das Thema so heftige Reaktionen aus (siehe Shitstorm bei Nationalrätin Meret Schneider)?
Puppis: Wie viel Regulierung wünschbar und nötig ist, ist in der Politik immer umstritten. Wenn es um das Thema Kommunikation geht, gilt das umso mehr. Denn die Regulierung von Medien und Plattformen berührt unmittelbar Fragen von Meinungsäusserungs- und Medienfreiheit, weshalb besondere Vorsicht geboten ist. Kommt hinzu: Das Internet ist ein globales Netzwerk, womit auch unterschiedliche Rechtsauffassungen aufeinanderprallen. In Europa ist die Rechtslage klar: Einschränkungen der Meinungsäusserungsfreiheit sind erlaubt, wenn dies der Wahrung berechtigter öffentlicher Interessen dient. Auf dieser Grundlage können Nationalstaaten Inhalte wie Hassrede, grausame Gesamtdarstellungen oder extreme Pornographie für illegal erklären. Und daran müssen sich auch Plattformen halten, doch sind sie der Aufgabe meistens nicht gewachsen. Noch schwieriger ist es bei legalen, aber potenziell schädlichen Inhalten, wie beispielsweise Desinformation. Dort setzen Plattformen in Eigenregie Regeln auf und löschen Inhalte oder sperren Nutzerkonten. Beschwerden gegen Entscheidungen sind kaum möglich. Da stellt sich schon die Frage, ob US-amerikanische oder chinesische Plattformen darüber entscheiden sollen, was in der Schweiz gesagt werden darf und was nicht.

Jetzt geht es aber nicht nur um Inhalte. Algorithmen entscheiden zunehmend darüber, welche Informationen Nutzer_innen sehen. Gibt es Strategien, wie Nutzer_innen sich dagegen wehren können?
Puppis: In der Tat ist es ein Problem, dass Plattformen mit ihren Algorithmen darüber entscheiden, welche Inhalte von welchen Anbieter_innen welchen Nutzer_innen angezeigt werden und welche nicht. Damit nehmen Plattformen ähnlich wie Medienkonzernen Einfluss auf die Meinungsbildung.

Jobin: Im Zeitalter des digitalen Informationsüberflusses geht es nicht ohne Sortierung und Priorisierung von Inhalten. Nutzende beeinflussen dies zum Teil aktiv, indem sie der Plattform signalisieren, welche Inhalte sie bevorzugen, aber auch passiv durch ihr Klick- und Konsumverhalten. Die sogenannte Digitale Selbstverteidigung gibt Einzelnen zwar hilfreiche Tipps, wie man weniger getrackt wird. Letztlich aber optimieren diese algorithmischen Systeme aber für Plattformprofite, oder sonstige Ziele ihrer Besitzer_innen, und nicht nach demokratischen oder publizistischen Prinzipien.

Puppis: Deshalb wäre es auch nötig, dass wir über nicht-kommerzielle Alternativen zu den bestehenden Plattformen nachdenken, die nach den Regeln der Schweizer Demokratie funktionieren. Denn kommerzielle Plattformen haben keinerlei Anreize, andere als ihre eigenen unternehmerischen Interessen zu verfolgen. Hinzu kommt, dass diese Konzerne über grosse Marktmacht verfügen, die sie auch missbrauchen können.

Oft wird betont, dass auch Medien- und Digitalkompetenz der Bevölkerung eine Rolle spielt. Welche konkreten Massnahmen wären hier sinnvoll? Reicht es aus, wenn Nutzer_innen «medienkompetenter» werden, oder braucht es strukturelle Veränderungen?
Jobin: Medien- und Digitalkompetenzen sind essenziell. Sie reichen jedoch allein nicht aus, die grundlegenden Probleme zu lösen, da die Gestaltungsmacht fast unilateral bei ein paar wenigen Plattformen liegt. Neben der Förderung individueller Fähigkeiten zum kritischen und reflektierten Umgang mit digitalen Medien sind deshalb auch strukturelle Veränderungen notwendig. Dazu braucht es Regulierung, beispielsweise als Gegengewicht zu monopolistischen Dynamiken, zum Schutz vor exzessiver Datensammlung sowie zur Schaffung unabhängiger Infrastrukturen. Nur so können Bürgerinnen und Bürger in einer digitalen Welt auch wirklich mündig handeln.

Ist es nicht illusorisch, wenn die Schweiz Plattformen zu regulieren versucht? Werden die Schweiz und Europa dadurch nicht eher vom Rest der Welt abgehängt?
Jobin:
Die Schweiz steht nicht allein in ihrem Bestreben, Plattformen zu regulieren. Die Europäische Union hat mit dem Digital Services Act (DSA) und dem Digital Markets Act (DMA) bereits umfassende Regelwerke geschaffen. Nationale Regulierung ist daher nicht illusorisch, sondern ein notwendiger Schritt, um den monopolistischen Einfluss grosser Plattformen zu begrenzen und Innovation zu fördern. Internationale Koordination bleibt dabei wünschenswert, aber auch auf nationaler Ebene gibt es Handlungsspielraum.

Ist Regulieren nicht hochpolitisch? Können wir den Regulierungsprozess demokratisieren, ausgewogen gestalten? Wie soll das gehen?
Puppis:
Aus der Forschung wissen wir: Nicht zu regulieren ist genauso politisch wie zu regulieren. Die entscheidende Frage lautet: Wer profitiert vom Verzicht auf Regulierung oder von der Einführung bestimmter Regulierung? Geht es um die Wahrung des öffentlichen Interesses oder um die Bedienung der Spezialinteressen weniger Akteure? Und natürlich verfügen nicht alle Akteure über gleich viel Einfluss in der Politik. Plattformen sind deutlich mächtiger als NGOs. Den Medien kommt deshalb eine wichtige Rolle zu, diese Prozesse zu beleuchten.

Viele Forschende und Hochschulen nutzen soziale Medien, um ihre Forschungsergebnisse zu kommunizieren. Angesichts der aktuellen Entwicklungen bei Meta und X: Welche Herausforderungen sehen Sie für die Wissenschaftskommunikation auf diesen Plattformen? Sollten Hochschulen alternative Kanäle fördern? Haben Sie Favoriten (Mastodon, Bluesky etc.)?
Jobin: Bisherige Tendenzen verstärken sich zunehmend. Hochschulen und wissenschaftliche Institutionen allgemein zeigen schon seit einigen Jahren Leadership, indem sie in wissenschaftliche Kommunikationsinfrastruktur investieren wie Repositories, Scholar-led Publishing, Open Source Plattformen. Die Association of Internet Research AoIR beispielsweise hat für ihre Mitglieder eine Mastodon-Instanz geschaffen, was ich sehr schätze.

Puppis: Das Umfeld auf X erlebe ich mittlerweile als toxisch. Gehaltvolle Diskussionen kommen keine mehr zustande; Beiträge haben nur noch eine geringe Visibilität. Unterdessen bin ich vor allem auf Bluesky aktiv, weil dort eine kritische Masse an interessanten Menschen aus Wissenschaft, Politik und Medien erreicht wurde. Mit Blick auf die Probleme von Plattformen verfolgt aber Mastodon mit seinem föderierten Netzwerk den demokratiepolitisch richtigen Ansatz.

Unsere Expert_innen

Anna Jobin ist Oberassistentin am interfakultären Institut Human-IST. Sie forscht zu den gesellschaftlichen und ethischen Aspekten von Künstlicher Intelligenz. Manuel Puppis ist Professor für Medienstrukturen und Governance am Departement für Kommunikationswissenschaft und Medienforschung DCM. In seiner Forschung interessiert er sich für Medienpolitik und die Digitalisierung von Öffentlichkeit in vergleichender Perspektive. Anna Jobin ist Präsidentin, Manuel Puppis Vizepräsident der Eidgenössischen Medienkommission (EMEK), die den Bundesrat berät.

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«Comprendre ce monde, qui est aussi numérique» /alma-georges/articles/2023/comprendre-ce-monde-qui-est-aussi-numerique /alma-georges/articles/2023/comprendre-ce-monde-qui-est-aussi-numerique#respond Wed, 07 Jun 2023 09:39:09 +0000 /alma-georges?p=18322 Etudiante, Anna Jobin avait opté pour une combinaison entre sociologie, économie et informatique. Un choix qu’elle a longtemps dû justifier et qui en fait aujourd’hui une experte recherchée. Dès la rentrée, elle coordonnera le nouveau master Digital Society.

«Mon choix était naïf. Je n’ai pas eu une ambition visionnaire, j’ai juste opté pour les branches qui m’intéressaient.» Quand elle a commencé l’université, en 2003, Anna Jobin a choisi Fribourg pour son bilinguisme et aussi parce que son programme des Sciences de la société permettait de combiner les disciplines de façon très libre. Elle complète donc la sociologie, sa branche principale, avec de l’économie politique et de l’informatique. «J’ai quand même dû demander des dérogations à deux facultés pour inclure l’informatique», rigole la docteure en Sciences sociales, de retour à l’Université de Fribourg depuis quelques mois. Chargée de cours et lectrice, elle y assurera notamment la coordination d’un nouveau master intitulé Digital Society qui se penchera sur les bouleversements actuels causé par les technologies numériques (lire aussi encadré ci-dessous). «J’ai l’impression de boucler une boucle!» Au fil de son parcours, Anna Jobin a souvent dû justifier son intérêt combiné pour les aspects technologiques et sociologiques. «Il y a dix ans encore, on considérait la numérisation comme une question essentiellement technologique. Aujourd’hui, on est davantage conscient des implications de ces aspects dans notre quotidien et des questions sociales et sociétales que cela pose.»

L’expérience de l’entrepreneuriat
Avant même d’avoir terminé son master, la jeune femme avait lancé sa propre entreprise de conseil en stratégie numérique pour les PME et les indépendants. Une activité qu’elle poursuit quelques années tout en devenant maman. «Les questions et les problèmes de mes client·e·s me servent encore à appréhender les interactions entre les néophytes et les nouveaux outils et les nouvelles offres numériques à leur disposition», relève la chercheuse. A 29 ans, elle revient sur la voie académique par «besoin d’approfondir sa compréhension par la recherche». L’EPFL venait de lancer sa chair Humanités digitales. Anna Jobin y fait un stage de chercheuse. Elle entame ensuite une thèse sur les interactions entre les algorithmes et leurs utilisateur·trice·s, auprès de l’Université de Lausanne. «Mais je n’y ai jamais travaillé en tant qu’assistante-doctorante. Mon parcours a été atypique, constitué d’un patchwork d’emplois et de mandats déjà avant le doctorat.»

Américains en avance
Assistante scientifique à l’EPFL, dans un premier temps, elle rejoint ensuite — et en famille — les Etats-Unis, à l’Université de Cornell, dans l’état de New York. Boursière du Fonds National suisse de la Recherche scientifique, elle y intègre le département de STS (Science and technology studies). «La recherche aux US était très avancée dans le domaine STS. C’était l’occasion d’être en contact direct avec les expert e s les plus impliqué·e·s.» Elle prolonge son séjour d’un an, auprès de l’Université de Tufts, à Boston. «On m’a alors proposé un poste de chercheuse à l’EPFZ. Je ne pouvais pas refuser.» A son retour, la famille, qui s’est agrandie d’un troisième enfant, s’installe à Berne. Anna Jobin en profite pour défendre sa thèse, à Lausanne, en 2019. Deux ans plus tard, au terme de son contrat, elle postule pour un nouveau mandat dans la recherche, au HIIG à Berlin. «Avec la pandémie, j’ai choisi de garder mon domicile à Berne. On a beaucoup travaillé à distance, mais cela n’a pas empêché la cohésion de l’équipe.»

Interfacultaire et interdisciplinaire
En parallèle, la jeune femme répond positivement à plusieurs propositions de charges de cours. «Le projet au HIIG sur la constitution de l’Intelligence Artificielle était passionnant, mais l’enseignement me manquait.» Son CDD à Berlin s’approchant de son terme, elle a répondu à l’annonce pour un poste à Fribourg, incluant la coordination d’un nouveau master. «Je me sens vraiment bien ici parce que ce poste est lié à l’institut Human-IST (Human Centered Interaction Science and Technology). Un institut interfacultaire et interdisciplinaire. C’est pour moi la meilleure approche possible si on veut comprendre globalement ce monde, qui est aussi numérique.» Comment la chercheuse perçoit-elle les débats actuels autour de l’Intelligence Artificielle? «Comme disait Melvin Kranzberg, un historien des technologies, il y a bientôt 40 ans: la technologie n’est ni bonne ni mauvaise, mais elle n’est pas neutre non plus, note Anna Jobin. Les questions sont alors: comment l’utilise-t-on? Comment la contrôle-t-on? Quelle utilisation va-t-on en faire? Je trouve normal que des discussions existent autour des systèmes algorithmiques, surtout celles qu’on nomme aujourd’hui Intelligence Artificielle.» Alors qu’il y a quelques années, les questions techniques cristallisaient les échanges, le débat s’est ouvert aux incidences sur les utilisateur·trice·s et plus largement sur la société. «Longtemps, on hésitait à aborder ces thématiques avec des spécialistes des sciences sociales, alors qu’on avait moins de scrupules à demander leur avis sur des questions sociétales à des expert·e·s en technologie. J’apprécie qu’on m’ait toujours laissée participer au débat!»

Politique et gouvernance
La quadragénaire est d’ailleurs régulièrement sollicitée et appartient à plusieurs groupes de travail au niveau national. Depuis octobre 2021, elle préside également la Commission fédérale des médias. «Dans ce domaine, les défis liés au numérique sont très concrets, souligne Anna Jobin. Et ils méritent une attention particulière compte tenu du rôle des médias dans le fonctionnement démocratique.» Mais qu’on s’adresse à des expert·e·s issus de la technologie ou à des spécialistes des sciences sociales, leurs conclusions sont assez similaires: «Ces questions doivent trouver des réponses d’ordre politique ou de gouvernance, souligne la spécialiste. Souvent, le numérique met à nu des problèmes préexistants, parfois en les amplifiant par l’automatisation. On parle de gouvernance plutôt que de réglementation afin d’inclure tous les aspects formels et informels liés aux normes, aux valeurs et aux pratiques numériques.» Pour la chercheuse, une prise de conscience a bien eu lieu, même si les réponses ne sont pas encore adaptées. «Mieux vaut essayer que de continuer à laisser faire.»

Créer des ponts entre les disciplines

Le nouveau master Digital Society proposé par l’Unifr est axé sur les dimensions et les conséquences sociales des technologies numériques dans les sociétés actuelles. «On va chercher à créer des ponts entre les disciplines, en intégrant la sociologie, l’anthropologie, l’économie, la communication, le design, l’histoire contemporaine et l’informatique», détaille sa coordinatrice Anna Jobin.

Pour comprendre les enjeux, connaître l’histoire des développements technologiques ne suffit pas. Les influences politiques et sociales sont également importantes. «Comment penser et étudier les technologies numériques, les pratiques en ligne, la gouvernance dans un monde connecté? Qu’est-ce qui se développe et pourquoi? Comment les ressources sont-elles distribuées? Qui décide et comment les décisions sont-elles prises (au sujet des innovations et de leurs applications)? Quels types de pouvoir sont mis en jeu? Voilà quelques-unes des questions qui nous intéressent», énumère la docteure en sciences sociales.

Pour son lancement, à la rentrée 2023, le cursus est proposé comme un programme d’études secondaires master. En vue de l’évolution des enjeux et des questionnements, il pourrait prendre de l’importance dans les années à venir.

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