Biologie – Alma & Georges /alma-georges Le magazine web de l'Université de Fribourg Mon, 05 May 2025 11:19:50 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.3.5 Mehr als zwei Kategorien – Was wir über Geschlecht neu lernen müssen /alma-georges/articles/2025/mehr-als-zwei-kategorien-was-wir-ueber-geschlecht-neu-lernen-muessen /alma-georges/articles/2025/mehr-als-zwei-kategorien-was-wir-ueber-geschlecht-neu-lernen-muessen#respond Wed, 16 Apr 2025 11:12:34 +0000 /alma-georges?p=22230 Viele Menschen wachsen mit dem Glauben auf, es gäbe nur zwei biologische Geschlechter. Doch die Forschung von Prof. Anna Lauber-Biason zeigt: Die Realität ist vielschichtiger. In diesem Audio-Beitrag erzählt sie unter anderem, wie die Wissenschaft dazu beitragen kann, Menschen mit Varianten der Geschlechtsentwicklung besser zu verstehen – und zu respektieren.

Zum Podcast:

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Réquisitoire contre la science sans conscience. /alma-georges/articles/2025/requisitoire-contre-la-sciences-sans-conscience /alma-georges/articles/2025/requisitoire-contre-la-sciences-sans-conscience#respond Thu, 06 Feb 2025 09:16:15 +0000 /alma-georges?p=21957 Etudes trafiquées, résultats impossibles à reproduire, travaux plagiés. Csaba Szabo, l’un des scientifiques les plus cités au monde, dresse un tableau apocalyptique du monde de la recherche biomédicale. Fin connaisseur du milieu, le professeur de l’Université de Fribourg a profité de son année sabbatique pour rédiger Unreliable, un «J’accuse» sans fard, violent comme un pavé dans la mare.

Personne ne saurait décemment soupçonner Csaba Szabo de ne pas aimer la science, lui qui est littéralement tombé dedans quand il était petit. Dans sa Hongrie natale, derrière le Rideau de fer, son héros ne se nommait pas Ferenc Puskás, mais Albert Szent-Györgyi, un compatriote, inventeur de la vitamine C et lauréat du Prix Nobel. Avant même de devenir adolescent, il rêvait de comprendre le vivant, dans son fonctionnement le plus intime, que ce soit en médecine ou en biologie, et de venir en aide aux personnes malades. Un idéaliste, un vrai mais pas un utopiste car ses nombreuses lectures l’ont très vite purgé de toute naïveté. «J’ai eu entre les mains un ouvrage du chimiste Mihály Beck sur la fraude scientifique, se remémore-t-il dans son livre, celui-ci relatait l’histoire de l’homme de Piltdown (une célèbre mystification paléoanthropologique, ndlr.) ou les mystérieux tests de Piccardi (du nom d’un chimiste italien dont les hypothèses sur l’effet des cycles solaires sur certaines réactions chimiques sont controversées).»
Mais Csaba Szabo était certainement loin de s’imaginer qu’il allait un jour à son tour prendre la plume pour dénoncer les gravissimes dysfonctionnements du monde de la recherche: Trop de plagiat! Trop de fraudes! Il n’y tenait plus: il devait le dire, le dénoncer. Cela a donné Unreliable, un pamphlet au vitriol rédigé en quelques mois. Quand un chercheur, qui figure régulièrement dans le haut des classements des scientifiques les plus cités par ses pairs, donne un pareil coup de pied dans la fourmilière, il y a de quoi se faire du souci.

Je dois dire que l’on sort un peu groggy de votre livre. Le monde de la recherche semble être un marigot infect!
Ce que vous dites est vrai, mais cela ne signifie pas qu’il faut se taire en espérant que les problèmes vont se résoudre comme par magie. Si la situation était stabilisée, on pourrait se résigner en se disant que, ma foi, la science est faite par des humains et que ceux-ci ne sont pas parfaits. Hélas, la situation s’aggrave et je crains que cela ne devienne pire encore avec l’avènement de l’intelligence artificielle et du big data. Or, il n’est dans l’intérêt de personnes que le public se défie de la science. Surtout, ne venez pas dire que je suis antiscience, je suis profondément pro-science! Ce sont celles et ceux qui se taisent qui la desservent!

Cela fait 30 ans que vous êtes dans la recherche. Pourquoi dénoncer les dysfonctionnements maintenant?
Il n’y a pas eu un événement déclencheur précis, mais la magnitude du problème devient évidente. De nouveaux logiciels permettent de repérer les images frauduleusement manipulées dans les publications et de détecter le plagiat, dont on commence à se rendre compte de l’ampleur. Il y a aussi ce que l’on nomme les usines à publications, un business florissant de plusieurs milliards de dollars. Moyennant paiement, ces usines fournissent des articles créés de toutes pièces avec des données inventées ou manipulées. Cela devrait être l’un des plus grands scandales des sciences biomédicales.

Mais le fait que vous ayez vous-même été victime de plagiat ne vous a-t-il pas convaincu de prendre la plume?
Quand j’ai vu qu’un de mes articles avait été littéralement copié-collé de A à Z, j’ai pensé: «Mon Dieu! Ils ont vraiment aimé mon article!» Pire encore, ce premier plagiat a lui-même été plagié par d’autres personnes! A vrai dire, cet épisode aurait presque été comique si ce n’était pas si lamentable! J’ai encore une autre anecdote, mais plus grave cette fois-ci: une image de l’un de mes articles publiés il y a 25 ans, à Cincinnati, a été reprise mais en sens inverse. Il s’est avéré que c’était l’un de mes étudiants qui était à l’origine du plagiat et de l’erreur. Nous avons ensuite découvert que, au fil de sa carrière dans différents laboratoires, il s’est livré aux mêmes irrégularités. Il ne s’agissait donc pas simplement d’une erreur! J’ai ainsi compris que, même dans un laboratoire bien géré, ce type de méfait pouvait arriver. Cela dit, ce n’est pas le motif qui m’a poussé à écrire le livre, puisque cette affaire a éclaté alors que j’avais déjà entamé la rédaction. Non, la vraie raison, c’est que j’ai pu bénéficier d’une année sabbatique et que j’avais déjà beaucoup d’informations sous le coude. Et, je tiens à le souligner, le sujet ne concerne pas que la fraude, mais aussi la crise de la réplicabilité en sciences.

Précisément, selon une étude de Nature que vous citez, plus des deux tiers des scientifiques s’estimeraient incapables de reproduire les données publiées par des confrères et consœurs. C’est atterrant! Pourquoi personne n’en parle?
C’est difficile à croire, mais il n’y a pas beaucoup de bailleurs de fonds qui financent des études de réplication directe, pourtant si indispensables! Cette étape permet de reproduire une expérience scientifique en suivant les mêmes procédures et conditions que l’étude originale. C’est uniquement ainsi que l’on peut vérifier la fiabilité des résultats. Plus grave encore, il n’est parfois tout simplement pas possible d’entamer une étude de réplication directe faute de détails dans les publications. Les auteurs n’en fournissent pas suffisamment! Souvent, ils rechignent même à collaborer!

Pour quelle raison? De peur de trahir leurs secrets de fabrication?
Si l’étape de la vérification révèle des erreurs, il y a des conséquences: l’étude doit soit être corrigée, soit rétractée. En revanche, si l’étude ne peut pas être soumise à un examen de réplicabilité, faute d’informations, l’affaire est close. La diligence ne paie pas!

Ne pourrait-il pas y avoir une sorte d’institution faîtière, à l’image de l’agence mondiale antidopage, pour éviter ces abus?
Aux Etats-Unis, la recherche biomédicale est principalement financée par le National Institutes of Health (NIH). Une personne appartenant à cet institut avait proposé de répliquer certaines études indépendamment, mais son idée est restée lettre morte. Par ailleurs, si vous demandez un financement pour tenter de répliquer une recherche déjà existante, il y a fort à parier que vous ne recevrez pas un kopeck! Tout le monde est d’avis qu’il faut financer de nouvelles recherches, mais pas celles de réplication. Il n’y a donc ni argent, ni prestige en la matière. C’est très utile, mais sans glamour. Cela ne vous donnera jamais un Nobel.

Quelle solution préconisez-vous alors?
Une fois que les chercheuses et chercheurs terminent leur étude, ils pourraient mandater un laboratoire indépendant, neutre, avec lequel ils n’ont aucune connexion, afin que celui-ci réplique les résultats clés. Cette étude supplémentaire pourrait figurer en appendice de l’article. Les bailleurs de fonds pourraient financer cette étape.

Mais le nerf de la guerre, c’est l’argent!
Bien sûr, cette précaution éviterait de se fourvoyer dans des études irréplicables et donc de gaspiller de l’argent public! Sans compter que des résultats biaisés peuvent donner lieu à des essais cliniques ou à des médicaments administrés à des humains!

Est-ce déjà arrivé?
Absolument! Récemment, une société de biotechnologie californienne a produit un médicament à partir de données manipulées. Celui-ci a été administré à des patient·e·s victimes d’un accident vasculaire cérébral, avec des conséquences dramatiques: plusieurs sont décédé·e·s! On a vu les mêmes dégâts dans le domaine de la recherche sur la maladie d’Alzheimer.

Ne faudrait-il donc pas criminaliser la fraude?
Bien sûr! Cela devrait être sanctionné au pénal, parce que les fraudeurs et fraudeuses gaspillent de l’argent public. Il y a aussi toutes les chercheuses et chercheurs qui, se basant sur des données erronées, perdent du temps et de l’argent en s’engageant dans une fausse direction.

Vous dénoncez donc une certaine impunité?
Les tricheurs et tricheuses risquent de voir leur étude rétractée, mais rarement un licenciement. Cela n’a rien d’une punition. Dans certains cas, pourquoi ne pas tout simplement leur retirer leurs diplômes et leur demander le remboursement des fonds qu’ils ont touchés?

Au-delà des failles de la nature humaine, vous incriminez le système: l’hyper-compétition pour les financements et la culture du publish or perish.
Mon livre traite surtout du cas des Etats-Unis, où j’ai fait l’essentiel de ma carrière. Je ne dépends pas non plus de financements américains et il est donc également plus facile pour moi de prendre la parole. En Suisse, il me semble, le système reste plus humain, moins rude. L’Université y fournit un financement de base et des infrastructures, même si on doit bien sûr aussi chercher des financements externes. Aux Etats-Unis, c’est tout le contraire. Il y a des frais indirects immenses pour les scientifiques qui doivent donc impérativement trouver des sources de financement. C’est une pression colossale!

Et certaines personnes doivent de surcroît composer avec un statut précaire.
Effectivement, certains chercheur·euse·s ont un visa, le J-1 notamment, dont le maintien dépend des financements obtenus. Cela peut inciter à embellir des résultats.

Pour voir son étude publiée dans une revue, il faut soumettre ces résultats à un comité de pairs. Pour quelle raison, est-ce que cette instance ne suffit pas?
Les gens s’imaginent que d’être évalué par les pairs équivaut à une validation indépendante des résultats. Ce n’est pas cela du tout. Cela signifie uniquement que trois personnes jettent un œil aux données, en partant du principe qu’elles n’ont fait l’objet d’aucune manipulation et ont été obtenues dans les règles de l’art.

J’imagine que vous avez déjà été évaluateur?
Bien sûr. Et j’ai réalisé que, lorsque l’on refuse un article dans une revue, il y a de fortes chances qu’il se retrouve publié dans une revue moins regardante. L’ironie, c’est que l’évaluateur peut même devenir le complice involontaire d’une faute scientifique! Je m’explique: Si un membre d’un comité d’évaluation détecte un problème, voire des signes de fraude à l’image, et qu’il le signale aux auteurs, ces derniers peuvent effectuer les corrections et retenter une soumission ailleurs. Contre son gré, l’évaluateur aura contribué à maquiller un méfait!

Ne peignez-vous pas le diable sur les murailles? Les publications de Didier Raoult, pour prendre l’exemple le plus connu dans le monde francophone, ont été rétractées. N’est-ce pas la preuve que les garde-fous fonctionnent?
Le nombre de rétractions est d’ailleurs à un haut historique, en partie grâce à l’intelligence artificielle qui permet de repérer les fraudes et en partie grâce aux data detectives. Ces derniers utilisent des plateformes, notamment PubPeer, pour dénoncer les fraudes en sciences. Parfois, il faut attendre plusieurs années avant que les articles soient rétractés. Hélas, cela reste la pointe de l’iceberg. Ce que je trouve vraiment tragique, c’est que l’évaluation critique et le nettoyage de la littérature scientifique sont actuellement effectués par des détectives scientifiques, essentiellement des amateurs privés dévoués ! Elles ne sont pas effectuées par les organismes subventionnaires, les ministères de la santé ou les éditeurs qui publient les revues scientifiques.

Avec ce livre, ne craignez-vous pas d’amener de l’eau au moulin des complotistes?
On ne convaincra de toute manière jamais un platiste du bien-fondé de la science. Mon livre est destiné aux personnes qui s’intéressent et aiment la science. Gardons aussi à l’esprit que, sur les millions d’articles publiés chaque année, même si certains résultats ne sont pas réplicables, certains vont déboucher sur des avancées médicales qui sauveront des vies.

Allez-vous changer de carrière pour favoriser l’intégrité scientifique ou pour catalyser une réforme?
Non, je ne dispose d’aucune influence politique pour le faire. J’ai tout de même proposé la candidature d’Elizabeth Bik, l’une des plus importantes détectives scientifiques, et celle du site web Pubpeer pour les prix Einstein de l’année dernière. A ma plus grande joie, ils les ont d’ailleurs reçus. Je participerai également à une réunion à Oxford, axée sur l’intégrité scientifique et la réforme, organisée par Dorothy Bishop, une figure importante des efforts de reproductibilité. Je continuerai à faire de petites choses comme cela, mais mon objectif principal reste la recherche biomédicale.

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Champignons: une cueillette de connaissances /alma-georges/articles/2024/champignons-une-cueillette-de-connaissances /alma-georges/articles/2024/champignons-une-cueillette-de-connaissances#respond Fri, 25 Oct 2024 11:02:13 +0000 /alma-georges?p=21122 Au Jardin botanique de l’Université de Fribourg, une visite guidée a été l’occasion d’apprendre à mieux déterminer les espèces, en compagnie des mycologues chevronnés Alain Müller et Nicolas Küffer.

Les participant·e·s s’étonnent du riche panel d’odeurs qui aide à déterminer les champignons

De l’univers post-apocalyptique de la série The Last of Us, où l’humanité se voit zombifiée par la mutation d’une espèce fongique parasite, aux tables de nos restaurants, en passant par les médicaments, les champignons sont partout. Jusqu’au Jardin botanique de l’Université de Fribourg, où les représentants de ce règne à part entière, ni animal ni végétal, tissent leur réseau discret entre les fougères et rhododendrons piqués par la fraîcheur automnale.
«Ce qu’on appelle communément un champignon ne constitue en fait que le fruit du réseau mycélien, lequel demeure souvent invisible à l’œil nu», explique Alain Müller devant la vingtaine d’intéressé·e·s en ce matin piquant d’octobre, au Jardin botanique. Chef technique du pôle horticole du jardin et secrétaire de la Société fribourgeoise de mycologie, il anime une visite guidée en français le matin, tandis que son collègue biologiste Nicolas Küffer cicérone les curieux en allemand l’après-midi. Cette balade a lieu en marge de l’exposition Champignons-Pilze, dans la série «Biodiversité Fribourg», visible jusqu’au 23 février 2025 au Musée d’histoire naturelle de Fribourg. But de cette initiation: apprendre à mieux déterminer les champignons, alors qu’on dénombre près de 10’000 espèces en Suisse, du bolet à l’oïdium de la vigne.

A croquer avec modération

Le groupe emmené par le mycologue Alain Müller


Déterminer une espèce mobilise tous les sens. La vue bien sûr, mais aussi le toucher, l’odeur et la saveur. Sur les tables, Alain Müller dispose différentes espèces que le public renifle en écarquillant les yeux d’étonnement. Car le panel des odeurs étonne: du gaz d’éclairage pour des tricholomes, à la noix de coco pour un lactaire, en passant par la rave (mycène) ou l’anis (un agaric).
Concernant la saveur, le mycologue insiste, tous les champignons peuvent se goûter, mais «il faut impérativement recracher». Une participante, mordant dans une espèce toxique pour l’exercice, a tôt fait de le rendre dans son mouchoir tant il est peu savoureux. Toutefois, il ne faut pas se fier au goût d’un champignon pour en déterminer la comestibilité, continue Alain Müller. Certains, très toxiques comme l’amanite phalloïde, possèdent un goût agréable.
Si les comestibles se mangent, il faut les croquer avec modération, prévient-il. «Il faudrait se limiter à une consommation maximale de 150 à 300 grammes par semaines, car les champignons sont des accumulateurs de certaines substances nocives, notamment des métaux lourds.» De plus, l’Association suisse des organes officiels de contrôle des champignons, plus connue sous son acronyme allemand VAPKO, rappelle l’importance de faire contrôler le fruit de sa cueillette et de la cuire avant de la consommer.
Si l’humain consomme la chair de ces organismes mi-plantes mi-animaux depuis des millénaires, il trouve aussi au fil de ses cueillettes de quoi étancher sa soif de savoir. Mieux connaître ce monde-là suffit en effet à nourrir la passion de certain·es. C’est le cas d’Alain Müller, d’abord curieux des champignons pour les manger, il s’est pris au jeu.

Champions de la symbiose
«Lorsqu’on s’intéresse aux champignons, il faut savoir que beaucoup de choses ne se voient pas», a-t-il expliqué au groupe qui écoute avec intérêt devant un parterre de plantes vertes. Le 90 % des plantes mycorhizent, continue-t-il. Ce procédé consiste en une relation symbiotique entre les champignons et les racines des plantes. Les champignons ne produisant pas leur propre énergie comme les plantes par la photosynthèse, ils doivent donc s’allier.
Par la mycorhize, le champignon donne des sels minéraux à la plante en échange de son sucre. «Dans ce domaine, il reste encore beaucoup à expliquer. La mycorhize permettrait par exemple d’agrandir la capacité en eau de la plante ou encore de lutter contre les ravageurs», souligne Alain Müller. D’où l’importance de préserver les sols. Il faut ainsi privilégier le paillage, éviter de remuer la terre ou d’apporter des engrais minéraux. Le recours aux fongicides, censés lutter contre certains champignons parasites de la plante, peut aussi porter préjudice à la mycorhize.
Dans cet esprit collaboratif, des champignons nourrissent des liens privilégiés avec certaines plantes. A l’instar de ce petit-gris (Tricholoma terreum) que notre guide repère sous un pin, un arbre qu’il affectionne. Plus loin, c’est un bolet (Suillus viscidus) qui se plaît particulièrement sous les mélèzes. Si certains jouent les alliés, d’autres sont des parasites. Sans compter ceux qui font dans la liquidation: les saprophytes, aidants à la décomposition des végétaux.

Inspection d’une souche recouverte de champignons.

Effets du réchauffement climatique
«Sans ces champignons, pas de forêt», résume Alain Müller. A un endroit du jardin, il gratte un peu les feuilles mortes, pour déterrer un drôle de champignon, à la peau sombre, dure et lisse. Un Ganoderma carnosum, qui prospérait sur une souche enterrée et que les participant·es touchent à tour de rôle avec étonnement. Une nouvelle preuve de l’incroyable capacité de ces organismes à s’adapter à leur environnement.
Le réchauffement climatique, fait encore remarquer Alain Müller, influence également le règne fongique. Des champignons rares sous nos latitudes, comme l’amanite des césars, un comestible recherché, pousse de plus en plus chez nous. Parmi les autres thermophiles à pointer leur chapeau, une espèce toxique, le faux clitocybe lumineux (Omphalotus illudens) ressemble aux chanterelles et se retrouve de plus en plus dans le panier des cueilleur·euses.

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  • , Musée d’histoire naturelle de Fribourg

 

 

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Sans cerveau, mais pas bête, la bête! /alma-georges/articles/2024/sans-cerveau-mais-pas-bete-la-bete /alma-georges/articles/2024/sans-cerveau-mais-pas-bete-la-bete#respond Wed, 07 Feb 2024 07:38:17 +0000 /alma-georges?p=19628 Christine Guzman serre encore les dents. Passer un premier hiver à Fribourg quand on vient des Philippines n’est pas une sinécure. En revanche, la biologiste de l’évolution a déjà pu prendre la température de sa nouvelle équipe, celle de Simon Sprecher, où elle étudie une anémone de mer qui, si elle ne décrochera jamais de prix Nobel, peut accomplir des tâches surprenantes pour un organisme dépourvu de… cerveau!

Le laboratoire où travaille Christine Guzman ressemble à tous les laboratoires du monde. On y trouve des microscopes en veux-tu en voilà, un fouillis d’éprouvettes et de pipettes, des hottes de sécurité biologique et des frigidaires dont on craint toujours d’ouvrir la porte. A l’intérieur de l’un d’eux, en lieu et place des habituelles boîtes de Pétri, on découvre des tupperwares remplis d’une eau claire légèrement salée où batifolent des créatures bizarres, des sortes de minuscules tubes coiffés de fins tentacules. «Ce sont des anémones de mer que je maintiens à une température de 18 degrés, explique Christine Guzman, quand je souhaite qu’elles se reproduisent, je les déplace dans un incubateur éclairé où il fait environ 26 degrés. Il leur suffit alors de douze heures pour libérer des œufs et du sperme.»

Nemostella Vectensis

Christine Guzman n’élève pas ces anémones de mer (Nematostella vectensis) pour le plaisir de les vendre ensuite à des aquariophiles. Cet animal, qui affectionne les estuaires, présente certaines spécificités qui en font un organisme modèle pour les biologistes.

L’anémone, cette lointaine cousine

Notre fierté dût-elle en souffrir, nous avons un ancêtre commun avec Nematostella vectensis, même si l’évolution a depuis fait son œuvre. L’anémone de mer, elle, est restée un organisme très primitif, doté de l’un des systèmes nerveux les plus simples qui soit, caractérisé par l’absence de cerveau. Tout le contraire de notre encéphale qui, lui, a évolué vers une complexité sans pareille. Mais aussi intelligents que nous soyons devenus, nous ne pouvons pas encore répondre à la question fondamentale suivante: comment diable tout cela s’est-il mis en place?

Capable de «réfléchir» sans cerveau
Ce qui fascine en particulier les biologistes chez les cnidaires, la branche à laquelle appartient l’anémone, c’est qu’ils sont capables de fuir un ennemi ou de capturer une proie alors qu’ils n’ont pas de cerveau, tout juste un réseau nerveux diffus. «Comment peuvent-ils adopter ces comportements relativement complexes alors qu’ils n’ont que quelques centaines de neurones?» s’émerveille Christine Guzman.

Christine Guzman

Christine Guzman

Des rives du Pacifique à celles de la Sarine
C’est précisément pour percer ce mystère que Christine Guzman a quitté le confort moite de l’Institut de science et technologie d’Okinawa, où elle a obtenu son doctorat après avoir décroché son bachelor à l’Université des Philippines. «Je m’intéressais en particulier aux coraux et aux éponges qui, comme les anémones, sont des formes de vie très primitives.» Pour se plonger dans cette recherche, la chercheuse a décroché un subside du Fonds national suisse (SNSF) d’un montant de 266’000francs . Quant à son arrivée à l’Université de Fribourg, pourtant si éloignée des eaux chères aux anémones, elle s’explique très simplement: rares sont les laboratoires qui étudient Nematostella Vectensis. «Sans oublier, précise-t-elle, que je savais qu’on utilisait ici des méthodes à la pointe de la recherche.»

Comme des coqs en pâte
Christine Guzman nourrit sa centaine de milliers de pensionnaires à l’aide d’une décoction à base de crevettes dont elle a le secret: «Prendre soin de mes pensionnaires occupe la moitié de mon temps, confie la chercheuse, à part les nourrir, je dois tous les trois jours préparer l’eau de mer, cultiver la nourriture, faire le ménage et, bien sûr, faire en sorte qu’ils se reproduisent. Ce n’est pas une mince affaire!»

Big brother is watching you
Une partie des observations se déroulent à l’aide d’un puissant microscope, tantôt à la lumière du jour, tantôt dans le noir. «Le comportement des anémones diffère en fonction de la luminosité, explique Christine Guzman, nous devons donc étudier les deux configurations». La chercheuse leur donne ensuite des proies que les anémones, bien qu’elles n’aient pas de véritables organes sensoriels comme les yeux, les oreilles ou le nez, perçoivent et attrapent à l’aide de leurs tentacules. «Elles doivent avoir une sorte de sens qui leur permet de détecter certaines substances chimiques.» Et, à en croire la chercheuse, les Nematostella font les mêmes caprices qu’un enfant devant une assiette d’épinards: «Nous avons remarqué qu’elles adorent les protéines, mais détestent les légumes. Quand elles sont affamées, elles se baffrent littéralement!» Pour suivre les faits et gestes de ses pensionnaires vingt-quatre heures sur vingt-quatre, Christine Guzman les filme, puis recourt à la méthode DeepLabCut, une technique qui lui permet de suivre avec grande précision la position des parties du corps des anémones qu’elle a filmées. Observer le comportement de Nemostella vectensis est une chose, savoir ce qui se passe au niveau de son système nerveux en est une autre, bien plus complexe.

Entrer dans le vif du sujet
La chercheuse essaie également d’implémenter des techniques qui ont faire leur preuve avec la mouche du vinaigre, sans doute l’animal le plus étudié en biologie du développement. «J’en suis encore aux balbutiements, concède-t-elle, car je ne suis à Fribourg que depuis le mois de septembre. Notre but est de voir, à l’aide d’imagerie calcique, quels sont les neurones qui s’activent quand les anémones détectent de la nourriture, un changement de température, de lumière ou des impulsions électriques.» En inhibant ensuite certains gènes, il sera alors possible de voir quel neurone commande l’ouverture de la bouche ou encore la rétractation des tentacules. La chercheuse doit encore peaufiner cette approche dont Simon Sprecher, son superviseur, est un fin spécialiste. «J’ai bon espoir d’obtenir des résultats intéressants dans les prochains mois», confie celle qui se réjouit au moins autant de voir le retour du printemps et des beaux jours.

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Bulles de sciences #5 – La science pour toutes et tous /alma-georges/articles/2023/bulles-de-sciences-5-la-science-pour-toutes-et-tous /alma-georges/articles/2023/bulles-de-sciences-5-la-science-pour-toutes-et-tous#respond Mon, 26 Jun 2023 08:12:19 +0000 /alma-georges?p=18504 «Bulles de sciences» nous emmène à la rencontre des gens qui font notre Université… en format BD! Dans ce cinquième épisode, Marie-Pierre Chevron et Chantal Wicky racontent leurs projets aussi passionnants que pragmatiques pour rapprocher science et citoyen·ne·s.

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  • Page de Marie-Pierre Chevron
  • Page de Chantal Wicky
  • Plus de détails sur Lab2Rue sur la page du projet et surÌýAlma&Georges
  • d’AutreSens
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A quand des tomates dans le désert? /alma-georges/articles/2022/a-quand-des-tomates-dans-le-desert /alma-georges/articles/2022/a-quand-des-tomates-dans-le-desert#respond Mon, 22 Aug 2022 06:35:03 +0000 /alma-georges?p=16264 Pour échapper à l’insécurité alimentaire provoquée par le réchauffement climatique, il est urgent de rendre les cultures plus résistantes aux événements météorologiques extrêmes. C’est la mission que s’est fixée le groupe de recherche d’Ora Hazak, biologiste moléculaire à l’Université de Fribourg.

Le dernier rapport des experts du GIEC est aussi formel qu’alarmant: la capacité d’adaptation de la nature au réchauffement climatique est de plus en plus dépassée. Dans de nombreux endroits de la planète, notamment dans la Corne de l’Afrique, l’aridité accrue provoque déjà de graves crises alimentaires. Pour faire face à cette menace, l’équipe de la biologiste Ora Hazak recherche les gènes qui, chez certaines plantes, pourraient contribuer à les rendre plus résistantes à des périodes de sécheresse plus fréquentes et sévères. «C’est notre rêve, avoue sans fard la chercheuse, face à l’urgence, il convient de comprendre comment les plantes parviennent, au niveau génétique, à s’adapter à un stress hydrique prolongé».

Traiter le problème par la racine
Ora Hazak a choisi pour organismes modèles Solanum lycopersicum, autrement dit la tomate, et Arabidopsis thaliana, une plante modèle de laboratoire. Avec son équipe, elle s’intéresse en particulier aux mécanismes moléculaires qui gouvernent la croissance et l’adaptation de leurs racines. Logique, en somme, puisque c’est cette partie de la plante qui a pour fonction de capter l’eau et les minéraux indispensables à sa croissance. Or, en cas de sécheresse ou lorsque le taux de salinité s’avère trop élevé, ce transport des substances vitales depuis les parties souterraines de la plante vers ses parties aériennes est entravé. Pour y remédier, Ora Hazak et son équipe souhaitent rendre la plante plus résiliente en agissant sur une famille de gènes impliqués dans le développement des tissus vasculaires qui transportent la sève dans les racines. La première étape, et non des moindres, est d’identifier ces derniers.

Une myriade de nouveaux gènes
Alors que 32 de ces gènes avaient déjà été identifiés chez Arabidopsis thaliana, il fallait encore découvrir ceux de la tomate, chez qui ces gènes restaient relativement méconnus malgré son importance pour le maraîchage. «En raison de leur petite taille, nous ne connaissions qu’une poignée de ces gènes, explique Samy Carbonnel, post-doctorant dans l’équipe d’Ora Hazak, c’est grâce à un travail minutieux et des analyses bioinformatiques poussées, en collaboration avec le bioinformaticien Laurent Falquet, que nous avons pu identifier 37 nouveaux gènes, dits CLE, dans le génome de la tomate». Grâce à des bases de données partagées, l’équipe de biologistes a ensuite pu identifier les tissus où ces gènes sont actifs.


Un intérêt international
A l’avenir, la méthode développée par S. Carbonnel et L. Falquet pourra être utilisée pour identifier d’autres gènes essentiels au développement de nombreuses plantes alimentaires. Elle suscite déjà un vif intérêt de la communauté scientifique. «Aussitôt nos résultats rendus publics, nous avons reçu de nombreuses demandes pour connaître la liste des gènes et leur emplacement exact dans le génome», se réjouit Ora Hazak.
La prochaine étape consiste à déterminer le rôle précis de ces gènes dans le fonctionnement des racines de tomate. «Nous voyons par exemple un gène dont l’expression augmente fortement en conditions de sécheresse. Nous voulons maintenant connaître la fonction de ce gène, est ce qu’il permet une meilleure résistance de la plante à l’aridité?» se demandent les biologistes. Pour répondre à ces questions, la méthode est aussi «simple» que laborieuse: il suffit de désactiver un gène après l’autre et d’observer l’effet sur le phénotype de la plante ou, en d’autres termes, l’impact de cette manipulation sur son fonctionnement. Mais «cela prend énormément de temps, environ un an et demi, soupire Ora Hazak, car il faut faire germer les graines, sélectionner les bonnes cellules pour produire un «cal». A partir de ce cal, un petit amas de cellules, on crée de nouveaux plants que l’on peut ensuite faire pousser dans différentes conditions pour mimer un stress hydrique ou osmotique».
A l’instar des agriculteurs, les chercheurs doivent laisser le temps au temps. L’équipe de biologistes de l’Université de Fribourg a cependant déjà pu démontrer l’importance que revêtent certains gènes CLE dans le développement des plantes, notamment en cas de stress hydrique. «Il est donc possible que dans le futur nous puissions utiliser ces résultats pour développer des plantes modifiées capables de mieux résister à des épisodes de sécheresse intense», conclut S. Carbonnel.

Production de plants de tomates transgénique : mode d’emploi

Pour la production des plants de tomates transgéniques, des cellules sont prélevées sur les cotylédons (les premières feuilles qui apparaissent après la germination), puis transformées par co-culture avec des bactéries transportant les gènes voulus. Ensuite un cal se forme, à partir duquel de nouveaux plants sont régénérés.

 

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Mais que peuvent bien se dire les fourmis? /alma-georges/articles/2022/mais-que-peuvent-bien-se-dire-les-fourmis /alma-georges/articles/2022/mais-que-peuvent-bien-se-dire-les-fourmis#respond Wed, 18 May 2022 15:17:07 +0000 /alma-georges?p=15818 Les fourmis ont mis au point un système de communication pour le moins étonnant: pour transmettre un message, elles vomissent dans la bouche de leurs congénères. Ce comportement répond au doux nom de trophallaxie. Connu de longue date, il n’avait jamais fait l’objet d’études poussées. Les scientifiques ignoraient par exemple la composition exacte du fluide transmis par régurgitation. Avec les techniques les plus modernes de la biologie, la chercheuse Adria LeBoeuf a réussi à percer une partie du mystère.Ìý
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Des ascidiens made in Fribourg /alma-georges/articles/2022/des-ascidiens-made-in-fribourg /alma-georges/articles/2022/des-ascidiens-made-in-fribourg#respond Wed, 02 Mar 2022 08:32:43 +0000 /alma-georges?p=15382 Parce qu’il ne savait pas que c’était impossible, Simon Blanchoud l’a fait! Le chercheur fribourgeois a réussi à élever des ascidies coloniales en captivité, ces invertébrés marins aux propriétés régénératives hors du commun. Un grand progrès pour les laboratoires qui ne se situent pas sur le littoral.Ìý


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  • de Simon Blanchoud publié dans ScienceDirect
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Deux microbiologistes fribourgeois comptent parmi les scientifiques les plus influents /alma-georges/articles/2022/deux-microbiologistes-fribourgeois-comptent-parmi-les-scientifiques-les-plus-influents /alma-georges/articles/2022/deux-microbiologistes-fribourgeois-comptent-parmi-les-scientifiques-les-plus-influents#respond Tue, 15 Feb 2022 14:43:20 +0000 /alma-georges?p=15269 Selon la société Clarivate analytics, Patrice Nordmann (MD, PhD) et Laurent Poirel (PhD), de l’Université de Fribourg et du Centre national de référence pour la détection précoce des résistances émergentes aux antibiotiques, font partie des scientifiques dont l’influence, en termes de publication, est la plus forte au monde. Entretien croisé avec deux chercheurs, honorés mais au triomphe modeste.

A en croire le dernier classement Highly Cited Researchers du cabinet Clarivate Analytics (2021) vous figurez parmi les 1% des chercheuses et chercheurs dont les travaux des dix dernières années ont été les plus cités par leurs pairs dans leur discipline. Ce nombre est de 102 pour la Suisse toutes disciplines scientifiques confondues dont vous deux pour l’Université de Fribourg. Félicitations!
Laurent Poirel: Je ne suis pas un grand partisan de ce type de classement qui, à mon sens, ne veut pas dire grand-chose. Nos collègues dans la discipline savent qui fait vraiment bien les choses, tant en termes de quantité que de qualité. Je prends donc cela avec beaucoup de recul. Cela dit, il faut tout de même trouver des marqueurs pour évaluer les chercheuses et chercheurs. Prendre en compte les citations permet de mesurer l’intérêt non pas du public, mais de celui des spécialistes du domaine. Cela nous conforte dans l’idée que nos travaux sont de qualité et intéressants. Qu’ils soient si souvent cités démontrent que nos pairs s’en sont inspirés pour avancer eux-mêmes dans leurs recherches.

C’est tout de même un motif de fierté?
Patrice Nordmann: Est-ce que nous en tirons une grande gloire? Honnêtement, non!


Sans vous enlever le mérite qui vous revient, ce bon classement est-il dû en partie au fait que votre domaine de recherche, celui des bactéries résistantes aux antibiotiques, est très porteur?
Patrice Nordmann: La résistance aux antibiotiques est, avec les infections virales respiratoires, parmi les thématiques médicales les plus importantes, du fait de la rareté des nouveaux antibiotiques mis sur le marché et de l’émergence de nouvelles résistances. Cela dit, j’ai aussi la faiblesse de penser que notre équipe est très active, avec des collaboratrices et collaborateurs qui travaillent Ìýd’arrache pied avec un souci constant d’obtention de résultats tangibles.

Ce classement vous permettra-il d’obtenir plus de fonds, voire de recruter les meilleur·e·s chercheuses et chercheurs?
Laurent Poirel: J’ose espérer que cela change quelque chose, même si on n’en est pas toujours convaincu, notamment du point de vue de l’impact financier. En revanche, cela peut nous permettre d’attirer de jeunes talents, qui recherchent dans ces classements les laboratoires les plus dynamiques.
Patrice Nordmann: Il n’y a pas d’effets concrets de ces classements, si ce n’est indirects. Il est certain que les financements nationaux et internationaux sont liés à la qualité et la quantité des publications

Mais ce classement vous donne-t-il au moins une notoriété et une légitimité pour mieux diffuser des messages de prévention?
Patrice Nordmann: Oui, mais nos messages s’adressent davantage aux autorités qu’au public, car ce dernier utilise de manière raisonnée les antibiotiques prescrits par les médecins en Suisse; Nous avons eu la chance que la Confédération nous fasse confiance pour la création du NARA en 2017, le Centre de référence pour la détection précoce des résistances émergentes aux antibiotiques. Il s’agit d’un atout important pour le Canton et pour l’Université. Ainsi nous recevons quotidiennement toutes les souches très résistantes provenant des hôpitaux universitaires et cliniques suisses, ce qui permet de les étudier en détails pour avoir une vue générale et précise de ce qui se passe dans le pays. De ce point de vue-là, cette notoriété nous a permis de recevoir un financement via l’Office fédéral de la santé public (OFSP).

J’imagine qu’un tel classement démontre également que les deniers publics sont utilisés à judicieusement?
Laurent Poirel: Absolument. La très grande partie de nos ressources nous est fournie par le contribuable. Nous avons donc la mission de faire les choses qui vont avoir des répercussions sur les avancées technologiques, médicamenteuses et scientifiques en général.

Comment cela se traduit-il?
Laurent Poirel: Nos données intéressent les industriels, car elles leur permettent de comprendre pourquoi l’un de leurs antibiotiques ne fonctionne plus. En s’y référant, ils pourront développer de nouveaux médicaments sans risquer de s’égarer dans de dispendieuses recherches, dont le succès ne peut d’ailleurs jamais être garantie.

Des scientifiques sur le qui-vive
Une étude récente publiée dans la revue The Lancet est venu rappeler, s’il était besoin, que les bactéries résistances aux antibiotiques constitue une véritable menace sanitaire mondiale, un fléau ayant provoqué la mort de plus d’ 1,2 millions de personnes en 2019, essentiellement dans les pays en voie de développement. Chez nous, en revanche, il s’agit d’un problème importé: «Nous ne pouvons pas exclure qu’une personne puisse ramener, par exemple après à une hospitalisation à l’étranger, des bactéries résistantes qui ont vu le jour suite aux mauvaises pratiques locales», déplore Patrice Nordmann.» D’où l’importance du NARA, centre de référence auquel il incombe de détecter l’émergence de bactéries résistantes aux antibiotiques sur le territoire helvétique, de comprendre les nouveaux mécanismes en jeu, puis de tester les molécules à disposition pour permettre aux médecins de traiter l’infection. «Ils ne peuvent pas toujours se tenir au courant des dernières thérapeutiques et des détails des résistances émergentes , explique Patrice Nordmann, c’est notre rôle de les conseiller.»Dans le centre, Patrice Nordmann et Laurent Poirel mettent aussi au point de nouveaux tests de diagnostic pour permettre le repérage rapide des germes et d’administrer rapidement le traitement le plus efficace aux patient·e·s. «Cela nous permet ensuite de prendre les mesures qui conviennent pour éviter une dissémination des bactéries, ajoute Laurent Poirel, par exemple en suggérant l’isolement du porteur.»Avec certain·e·s collègues européens, ils ont également créé, en 2021, l’Institut européen des résistances émergentes aux antibiotiques, concernant les résistantes émergentes aux antibiotiques qui groupent des unités en Allemagne, en Italie, au Portugal et en France. «Nous avons ainsi une vue plus globale de la situation sur le continent européen et des collaborations très intéressantes», se réjouit Patrice Nordmann.
Une problématique dont se détourne les grands groupes
Pour éviter les décès provoqués par les résistances, 300 en Suisse et 33’000 dans l’Union européenne selon l’OFSP, il faudrait, pour reprendre les termes de Patrice Nordmann, «toujours avoir un coup d’avance», autrement dit développer des antibiotiques de nouvelle génération plus efficaces encore. Or, les grands groupes pharmaceutiques ne s’y aventurent que peu, faute de retour sur investissement rapide. L’argent reste, comme souvent, le nerf de la guerre. «L’industriel qui développe un nouvel antibiotique se voit confronté à un double problème, illustre Patrice Nordmann, tout d’abord, des résistances croisées peuvent apparaître avant même que le traitement soit mise en vente sur le marché, ce qui annihile tous les efforts. Ensuite, les médecins risquent de n’utiliser ce médicament que pour les cas extrêmes et donc en quantité vendue très faible. Il y a un véritable problème de marché et donc de rentabilité immédiate.»
Juguler le problème à défaut de le résoudre complètement
Au contraire du covid, qui est une infection aigüe, relativement simple à identifier d’un point de vue clinique et biologique, la résistance aux antibiotiques implique une multitude de petits mécanismes, de bactéries différentes qui émergent à bas bruit et donc beaucoup plus difficiles à détecter. Un malade aura la même symptomatologie clinique, qu’il soit affecté par une bactérie sensible ou résistante. «Donc dans un cas, on a une pandémie aigüe dont on viendra à bout, j’en suis convaincu, et, dans l’autre, la diffusion lente et sournoise de nombreuses souches bactériennes, beaucoup plus complexe à contrôler», conclut Patrice Nordmann.
Le NARA en bref
Date de création:
1er janvier 2017
Nombre de collaborateurs: 7
Nombre d’échantillons traités en 2021: plus de 800
Financement: OFSP
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«Le succès arrive quand on fait ce que l’on aime!» /alma-georges/articles/2021/le-succes-arrive-quand-on-fait-ce-que-lon-aime /alma-georges/articles/2021/le-succes-arrive-quand-on-fait-ce-que-lon-aime#respond Tue, 30 Nov 2021 09:28:23 +0000 /alma-georges?p=14883 Et de trois! On va finir par la surnommer la Messi du doctorat honoris causa, tant Susan Gasser en collectionne les titres! Cette fois-ci, c’est la Faculté des sciences et de médecine de l’Université de Fribourg qui lui décerne cette récompense. Enthousiaste comme à son habitude, la professeure de biologie moléculaire confie à Alma&Georges les secrets de sa réussite!

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  • Copyright image de une: Stéphane Schmutz /
  • du Dies academicus
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