autisme – Alma & Georges /alma-georges Le magazine web de l'Université de Fribourg Wed, 04 Dec 2024 14:15:24 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.3.5 «Les étudiant·e·s présentant un trouble du spectre autistique abandonnent plus souvent leurs études !» /alma-georges/articles/2024/studierende-mit-einer-autismus-spektrum-storung-brechen-das-studium-haufiger-ab /alma-georges/articles/2024/studierende-mit-einer-autismus-spektrum-storung-brechen-das-studium-haufiger-ab#respond Tue, 12 Nov 2024 15:24:53 +0000 /alma-georges?p=21286 Pour de nombreuses personnes sur le spectre de l’autisme, les études supérieures ressemblent à un parcours du combattant. Comment leur rendre la vie académique plus aisée? Interview croisée de Ronnie Gundelfinger et Nicolas Ruffieux, co-organisateurs du symposium «Autisme et hautes études», qui se tiendra le 23 novembre à l’Unifr.

Was ist besonders bei der Hochschulbildung, wenn man eine Autismus-Spektrum-Störung hat?
Ronnie Gundelfinger (RG): Hier sollte man zwei Bereiche unterscheiden, die das Studium für Menschen mit einer Autismus-Spektrum-Störung erschweren können. Der eine Bereich hat direkt mit dem Studium zu tun: Studierende können zwar die Fächer selber wählen, was eine Erleichterung ist. Aber es ist ein ganz anderes System, sie müssen sich selber organisieren, es ist nicht mehr wie in der Schule, wo man weiss, wann und wo man sein muss. Die Studierenden müssen Wichtiges von weniger Wichtigem unterscheiden können, es gibt eine ganz neue Art von Prüfungen, etc. Dann gibt es auch neue Rahmenbedingungen. Der Anfang an einer Hochschule ist oft mit einem neuen Wohnort verbunden, neue Reisewege dorthin. Dazu kommt noch die Situation der Universität mit vielen Leuten auf einem engen Raum. Diese Punkte, die im Alltag sonst schon schwierig sind, werden mit dem Eintritt in die Universität noch verstärkt. Neurotypische Menschen waren oft an Orten mit vielen Leuten, an Partys, Konzerten oder Fussballspielen. Autistische Menschen haben diese Situationen, wenn möglich, vermieden.

Nicolas Ruffieux (NR): Ce que l’on peut ajouter, c’est que les personnes qui présentent un trouble du spectre de l’autisme (TSA) sont souvent attirées par les études supérieures en raison de leurs intérêts spécifiques et de leurs bonnes compétences académiques. Mais ce cadre académique plus ouvert, plus libre – qui est plutôt apprécié par la majorité des étudiant·e·s – est un vrai challenge pour elles, car il sollicite beaucoup plus ce qu’on appelle les fonctions exécutives: auto-organisation, flexibilité, planification. Autant de domaines dans lesquels les étudiant·e·s avec un TSA ne sont pas toujours très à l’aise. C’est aussi ce qui explique qu’ils et elles sont plus à risque d’échec que leurs camarades neurotypiques, ce malgré de bonnes compétences académiques. Mais il faut faire attention de ne pas généraliser: les études supérieures se passent parfois très bien pour les personnes avec un TSA.

Retrouve-t-on dans certaines branches davantage d’étudiants avec un TSA que dans d’autres?
RG: Viele Menschen auf dem Spektrum fühlen sich zu naturwissenschaftlichen Fächern hingezogen. Es gibt ein grosses Interesse für MINT Fächer und für Computer Sciences. Aber nicht nur und das ist wichtig. Ich kenne eine junge Frau mit Autismus, die Medizin studiert; ihr wurde immer wieder gesagt, autistische Menschen können nicht Medizin studieren. Das stimmt so einfach nicht, eigentlich sollten alle Fächer in Frage kommen.

NR: Il est vrai que ce genre de commentaire ne motive pas les étudiant·e·s avec un TSA à s’annoncer en tant que tel·le·s lors de leur inscription dans une haute école. Certes, de plus en plus le font afin de pouvoir bénéficier d’aménagements pédagogiques. Mais il y en a probablement beaucoup qui connaissent leur diagnostic et choisissent de ne pas s’annoncer par peur des réactions, de la stigmatisation. Une grande méconnaissance règne dans le grand public, notamment parmi les enseignant·e·s, le personnel administratif et les autres étudiant·e·s.

Welche Auswirkungen hat es auf die akademische Laufbahn, auf dem Spektrum zu sein?
NR: Même s’il manque de données scientifiques pour étayer cela, ces personnes semblent plus à risque d’échec prématuré que leurs pairs. Ce que relèvent souvent ces étudiant·e·s, ce sont des difficultés à gérer les transitions – notamment les changements d’un cours à l’autre -, les attentes divergentes des enseignant·e·s, l’intégration des consignes, les travaux de groupe, les relations sociales. Le traitement des informations sensorielles dans les grands auditoires est également un défi. Maintenir un degré élevé de concentration sur une journée complète de cours peut alors devenir très énergivore. Une piste d’intervention se situe d’ailleurs au niveau de l’aménagement individuel des lieux de cours. A l’Unifr, des salles sensoriellement calmes ont été conçues afin de permettre aux personnes avec un TSA de recharger leurs «batteries». Autant de mesures qui peuvent contribuer à éviter que des étudiant·e·s n’interrompent leur cursus non pas à cause du contenu des cours mais pour des raisons externes. Ce qui serait une perte pour eux·elles-mêmes et pour l’université. Mais aussi pour la société, puisqu’on sait qu’avoir un diplôme est un facteur prédictif important pour l’employabilité et, par ricochet, pour la vie autonome.

RG: Ich würde auch vermuten, dass Studierende mit einer Spektrum-Störung häufiger das Studium abbrechen, weil es ihnen einfach zu viel wird. Manchmal wechseln sie die Studienrichtung. Oft gehen die Probleme nach dem Studium weiter: wenn sie eine Stelle suchen, sind neue Sozialkompetenzen gefragt, damit sie sich überhaupt bewerben können. Studien zeigen, dass viele Menschen auf dem Spektrum im Beruf oft unter ihrem Ausbildungsniveau beschäftigt sind.

Quels sont les droits de ces étudiant·e·s?
NR: Dès le début des études, ils et elles ont la possibilité de s’annoncer auprès du bureau études et handicap, présent dans la plupart des institutions d’études supérieures. C’est une démarche essentielle à l’obtention de mesures d’aménagements pédagogiques. Attention, je ne dis pas qu’il faut absolument s’annoncer; dans certains cas, ce n’est peut-être pas pertinent. Reste que cette démarche a des avantages certains, notamment de rendre plus facile la communication avec les enseignant·e·s, avec d’autres étudiant·e·s, etc. De façon plus générale, les hautes écoles ont l’obligation légale de mettre en place des environnements d’apprentissage qui permettent à tous·tes les étudiant·e·s d’atteindre leur plein potentiel académique. Des encouragements en ce sens transparaissent dans différents textes de lois et réglementations, notamment le rapport du conseil fédéral sur l’autisme (2018) ou la Loi fédérale sur l’encouragement des hautes écoles et la coordination dans le domaine suisse des hautes écoles (2011). Sur le terrain, on constate parfois des frictions quant à la manière adéquate de procéder.

RG: Daher ist es wichtig, dass die Philosophie der Inklusion von Neurodiversität ganz oben in der Hierarchie der Institutionen präsent ist und auf klare Weise kommuniziert wird…

Lorsqu’un·e étudiant·e s’annonce en tant que personne TSA – et peut le prouver à l’aide d’un diagnostic reconnu – que se passe-t-il concrètement?
NR: Tout d’abord, ses besoins spécifiques vont faire l’objet d’une analyse. Il est utile pour cela de pouvoir s’appuyer sur l’attestation fournie par le ou la spécialiste qui s’est chargé·e du diagnostic. Pour certain·e·s étudiant·e·s, c’est le côté sensoriel qui pose problème, par exemple passer ses examens en même temps que 200 autres personnes dans une salle bruyante. Peut-être est-il possible de mettre à leur disposition une salle séparée ou de leur donner le droit de porter un casque antibruit. Pour d’autres étudiant·e·s, il sera utile d’obtenir la documentation en amont des cours. A l’Unifr, les aménagements accordés peuvent varier d’une faculté à l’autre.

RG: Darum ist es so wichtig, was von oben kommt. Es braucht wirklich von den Universitätsleitungen nicht nur eine Absichtserklärung, sondern ein echtes Engagement. Wenn es von oben her klar kommuniziert wird, können sich Studierende auch wehren, wenn sie an einer gewissen Fakultät nicht die Hilfe bekommen, die sie brauchen. Aber da gibt es noch grosse Unterschiede zwischen der Universitäten.

NR: Le pas supplémentaire serait de dépasser la vision de compensation pour se diriger vers une perception de la neurodiversité comme une norme académique enrichissante. Autrement dit, mettre en avant les plus-values de l’inclusion de ces étudiant·e·s, ce qu’ils et elles amènent – notamment au niveau du potentiel d’innovation – plutôt que ce qu’on doit leur mettre à disposition.

Könnten Hochschulen dies als «Verkaufsargument» nutzen?
RG: Es ist kein Zufall, dass unsere Tagung in Freiburg stattfindet. Als ich einen passenden Ort für diesen Anlass gesucht habe, hat man mir gesagt, “Schaue dir mal die Unifr an, dort sind sie ein Stück weiter”. Ich denke, wenn die Unifr aktiv über ihr Engagement für Inklusivität kommunizieren würde, wäre es schon ein «Verkaufsargument». Google macht es ja auch.

Ronnie Gundelfinger vient de dire que l’Unifr n’a pas été choisie par hasard pour accueillir le symposium «Autisme et hautes études». En quoi l’alma mater fribourgeoise se distingue-t-elle?
NR: Il y a 5 ans, nous avons lancé le projet de plateforme «autism&uni». Principalement développé par Nathalie Quartenoud (ndlr: du Département de pédagogie spécialisée de l’Unifr) et financé par le Fonds d’innovation de l’Unifr, cet outil a été mis en ligne en 2021. On y trouve des informations générales et pratiques, destinées à la fois aux étudiant·e·s avec un TSA, aux autres étudiant·e·s et au personnel de l’Unifr. A partir de là, différentes initiatives ont pris forme. Un programme de coaching individualisé, visant à soutenir l’autodétermination des personnes concernées, a vu le jour grâce au soutien du Pool de recherche de l’Unifr. Citons encore le lancement d’un programme de mentorat par les pairs, de groupes de parole, ainsi que d’une série de podcasts. Sans oublier non plus les deux salles sensoriellement calmes déjà évoquées. Mais ce n’est qu’un début.

Eben, welche anderen Einrichtungen können sich als sinnvoll erweisen?
RG: Ein Bereich, den ich sehr wichtig finde, ist die Möglichkeit, online zu studieren. Während der Covid-Pandemie haben das alle Hochschulen, mehr oder weniger gut, hingekriegt. Online Vorlesungen zu hören, vermeidet die grossen Ablenkungsfaktoren (viele Leute, grosse Säle, etc.). Die Studierenden können den Unterricht flexibler, nach dem eigenen Tagesrythmus, organisieren. Zum Beispiel eine herausfordernde Vorlesung nicht gerade am späten Nachmittag hören, wenn sie schon erschöpft sind. Es kommt noch dazu, dass die Vorlesungen für Menschen mit Autismus oft zu schnell sind. Visuell sind sie sehr gut, aber akustisch kann es für sie schwierig sein. Online Kurse können sie zwei- oder dreimal anhören, bis sie alle Details verstanden haben. Es wäre eine entscheidende Möglichkeit, um diesen Personen das Leben zu erleichtern. Aber im Moment sind noch nicht alle Unis dafür technisch ausgerüstet.

NR: Une approche additionnelle est d’apporter un soin particulier aux transitions, qu’elles se situent en amont ou en aval des études. Certaines institutions proposent ainsi des semaines ou des jours d’accueil avant la rentrée académique afin d’expliquer les modalités d’inscription aux cours, le fonctionnement général des études, etc. En fin de cursus, on peut faciliter la transition vers le marché de l’emploi, notamment en organisant des activités extra-académiques du type rédaction de CV ou préparation aux entretiens d’embauche. A l’Unifr, certaines offres vont déjà dans ce sens, notamment la «neurodiversity hour» du début de semestre. A noter qu’à l’inverse, le «one size fits all» ne fonctionne généralement pas bien pour cette population d’étudiant·e·s.

Est-ce que des aménagements plus tôt dans le parcours scolaire pourraient également avoir un impact positif?
RG: Wenn man im Schulbereich etwas für autistische Menschen machen wollte, müsste man in der Schweiz die Maturitätsverordnung ändern. In vielen Ländern, vor allem den englischsprachigen, können Schüler_innen sich schon früh auf ein paar wenige Fächer konzentrieren. Sie müssen nicht bis zum Schluss x Fächer studieren und dann vielleicht scheitern, einfach weil sie nicht sprachbegabt sind, obwohl sie sehr gut für Physik, Chemie und Mathematik talentiert wären. In diesem Fall kommt man in der Schweiz nicht zur Matura. Unser System ist in diesem Sinn nicht sehr autismusfreundlich. Aber das wäre eine riesige Veränderung und ist im Moment wahrscheinlich kein Thema. Flexibilität ist immer wieder das Stichwort.

NR: Il peut aussi être intéressant de travailler – en amont de l’entrée dans le cursus supérieur – sur le développement des personnes avec un TSA: connaissance d’elles-mêmes – points forts, points faibles – mais aussi connaissance de leurs droits. Cet aspect est très important pour la progression vers l’autodétermination, pour faire avancer elles-mêmes leur propre parcours. Beaucoup de jeunes – et notamment de jeunes femmes – ne sont pas diagnostiqué·e·s et donc, une fois arrivé·e·s aux portes de l’université, n’ont même pas la possibilité d’annoncer leur neurodiversité. D’autres, alors même qu’ils ou elles connaissent leur profil, n’ont pas suffisamment accès aux ressources à disposition, que soient des informations, des spécialistes ou des réseaux tels qu’Autisme Suisse ou, ici dans le canton, Autisme Fribourg. Et puis, de façon plus large mais tout aussi importante: il reste de gros stéréotypes à déconstruire au niveau de la société.

Un symposium inédit et bilingue à l’Unifr

Malgré de bonnes compétences académiques, les étudiant·e·s sur le spectre de l’autisme présentent en moyenne un risque plus élevé d’arrêt prématuré dans l’enseignement supérieur. Cette réalité a, par ricochet, un impact sur l’emploi et pose des questions d’ordre éthique. Alors qu’un soutien adéquat pourrait atténuer ce phénomène, la recherche spécifique présente encore des lacunes. C’est pourquoi le Département de pédagogie spécialisée de l’Unifr et l’association Autisme Suisse ont décidé d’organiser un consacré au thème «Autisme et hautes études». Cet évènement bilingue et hybride (présentiel et online), qui se tiendra sur le Campus de Pérolles le 23 novembre, vise aussi bien les personnes concernées que leurs proches, ainsi que les professionnels.

_______

  • (RG) ist Kinder- und Jugendpsychiater. Von 2004 bis 2019 leitete er die Fachstelle Autismus der Klinik für Kinder- und Jugendpsychiatrie und Psychotherapie der Psychiatrischen Universitätsklinik Zürich (KJPP).
  • Nicolas Ruffieux est professeur ordinaire au Département de pédagogie spécialisée de l’Unifr. Il est notamment responsable du Bachelor en pédagogie curative clinique et éducation spécialisée

 

]]>
/alma-georges/articles/2024/studierende-mit-einer-autismus-spektrum-storung-brechen-das-studium-haufiger-ab/feed 0
Autisme: «Cela faisait un moment que je souhaitais témoigner.» /alma-georges/articles/2021/autisme-cela-faisait-un-moment-que-je-souhaitais-temoigner /alma-georges/articles/2021/autisme-cela-faisait-un-moment-que-je-souhaitais-temoigner#comments Tue, 30 Mar 2021 11:23:38 +0000 /alma-georges?p=13131 On l’ignore trop souvent: de nombreux autistes font des études, mais leur taux d’abandon dépasse sensiblement celui des étudiant·e·s neurotypiques. Pour mieux faire comprendre les enjeux de l’intégration en milieu académique, Romane a accepté de témoigner.


Un premier pas pour mieux accueillir les personnes autistes à l’Université

Collaboratrice au département de pédagogie spécialisée, Nathalie Quartenoud Macherel et ses collègues souhaitent faciliter l’intégration des étudiant·e·s autistes en milieu académique. Une démarche innovante en Suisse. Entretien.

Pour beaucoup, un autiste est une sorte de Rain Man, mais de quoi s’agit-il exactement?
L’autisme est un trouble neurodéveloppemental qui affecte la façon dont une personne entre en relation avec les autres et son environnement. On parle de spectre, car l’autisme se décline de manière très différente selon les individus et les moments.

Quelle est la proportion d’autistes dans la population?
L’autisme touche environ 1% de la population générale. Sur la base des chiffres européens dans les hautes écoles, on peut imaginer que l’Université de Fribourg compte environ une cinquantaine d’étudiant·e·s autistes. Ces étudiant·e·s ont souvent dû passer par un parcours semé d’embûches pour en arriver là. Pendant des années, les scientifiques pensaient que l’autisme était presque exclusivement masculin, mettant les filles au rang d’«exception dans l’exception». Cette tendance est en train de changer.

Pourquoi les étudiant·e·s autistes abandonnent-ils plus souvent leurs études que les autres?
Les autistes ont une sensorialité différente qui peuvent rendre l’apprentissage plus ardu. Prenons l’exemple d’un étudiant présentant une hypersensibilité auditive: le moindre bruit, le simple tic-tac d’une montre, le son du projecteur ou encore le bruit des claviers d’ordinateurs peuvent complètement le perturber, au point même de ne plus parvenir à se concentrer sur ce que dit le professeur.

Mais cela pourrait aussi être la cas d’une personne «normale»!
Au contraire des personnes neurotypiques, l’autiste n’arrive pas à faire le tri entre les informations, car toutes lui parviennent avec la même intensité. Un bus qui passe au loin durant un examen peut s’avérer terriblement déstabilisant. Alors qu’une personne neurotypique parviendra sans peine à ignorer ce léger dérangement, une personne autiste devra, au contraire, se concentrer pour faire un tri.  Il effectue ce que l’on nomme une double tâche. Son hypersensibilité auditive va finir par le fatiguer, car il doit déployer des efforts considérables pour mobiliser son attention sur les autres tâches. C’est un peu comme si je vous demandais de suivre deux cours en simultané. Cela peut vite devenir épuisant, puisque des efforts sont requis en permanence pour mobiliser l’attention au bon endroit. Des aménagements simples peuvent suffire à faciliter cette adaptation et réduire le risque d’abandon des études.

L’audition est-il le seul sens affecté?
Dans le monde de l’autisme, on a l’habitude de dire qu’il y a autant d’autismes que de personnes autistes. On entend aussi souvent l’adage: «Si vous avez rencontré une personne autiste, vous avez rencontré une personne autiste». On peut donc expliquer beaucoup de choses dans les grandes lignes, mais la démonstration du trouble du spectre autistique reste propre à chacun au bout du compte. Au niveau purement sensoriel, certaines personnes sont gênées par une hypersensibilité tactile et vont adapter leur quotidien, comme par exemple leur choix de vêtements; d’autres peuvent être sensibles visuellement et seront plutôt gênées typiquement dans une salle de cours où le néon clignote. Pour certain·e·s, cette sensibilité est si forte qu’elle s’apparente à de la douleur, alors que pour d’autres cette gêne est parfaitement maîtrisable. Je tiens toutefois à préciser que près de la moitié des personnes autistes ont des capacités intellectuelles dans la norme, voire supérieures pour une partie d’entre elles. Il convient donc de parler d’un fonctionnement atypique, plutôt que déficitaire, et de différencier ce fonctionnement atypique des compétences universitaires.

Quelles sont les solutions que l’Université pourrait mettre en place?
Le principe de conception universelle de l’apprentissage fraie son chemin jusque dans les hautes études. Ce concept favorise le panachage des formes d’enseignement pour convenir à un large éventail d’apprenant·e·s. Force est de constater que la majorité des adaptations profiteraient automatiquement au plus grand nombre: communiquer les slides à l’avance, soigner les aspects sensoriels, soutenir la formation des groupes pour les travaux communs, proposer une structure d’enseignement claire, clarifier les attentes en termes d’objectifs apprentissage. Mais aussi au niveau structurel, la simplification des numéros de salles dans notre immense Université répartie dans toute la ville, la mise en place de salles calmes, ou encore la sensibilisation du personnel administratif constitueront, dans le futur, autant de pas vers une compréhension bienveillante. En réalité, on s’éloigne de plus en plus d’une vision conformiste, c’est aussi ce que nous apprend la notion de neurodiversité: il n’y a pas un profil-type de professeur·e ou d’étudiant·e. La valeur de penser autrement peut représenter des ressources considérables pour le milieu académique et professionnel sans mettre à mal l’excellence de la formation universitaire, heureusement.

Nous n’avons donc aucune raison de ne pas mieux accueillir le handicap à l’Université?
De nombreuses études scientifiques démontrent que des soutiens adaptés permettent de diminuer significativement le risque d’échec durant les études universitaires et donc de favoriser l’entrée dans le monde du travail. Dans ces considérations d’inclusion, on ne propose pas un nivellement pas le bas, comme on l’entend parfois, car les exigences au niveau de la qualité des compétences attendues restent exactement les mêmes.

Une plateforme sur l’autisme à l’Université de Fribourg
Catherine de Blasio, Nicolas Ruffieux et Nathalie Quartenoud sont en train de créer une e-platerforme sur l’autisme. Celle-ci aura pour but d’assurer la transparence de l’information au sujet de l’autisme dans les hautes études. Elle sera en libre accès dès le mois de mai 2021 sur www.unifr.ch/go/autism.

__________

]]>
/alma-georges/articles/2021/autisme-cela-faisait-un-moment-que-je-souhaitais-temoigner/feed 2