Archéologie – Alma & Georges /alma-georges Le magazine web de l'Université de Fribourg Tue, 17 Jun 2025 11:20:41 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.3.5 Des milliers de monnaies romaines sortent de l’ombre /alma-georges/articles/2025/des-milliers-de-monnaies-romaines-sortent-de-lombre /alma-georges/articles/2025/des-milliers-de-monnaies-romaines-sortent-de-lombre#respond Tue, 17 Jun 2025 11:19:19 +0000 /alma-georges?p=22416 La chaire francophone d’histoire de l’Antiquité de l’Université de Fribourg a réuni près de 2000 pièces de monnaies datant de l’époque romaine dans une base de données numérique. Longtemps invisibles, elles deviennent aujourd’hui accessibles aux numismates du monde entier. Cédric Brélaz, professeur d’histoire de l’Antiquité et directeur scientifique du projet, nous en explique tout l’intérêt.

Comment vous est venue l’idée de créer cette base de données numismatique?
Les humanités numériques sont aujourd’hui très en vogue dans les sciences humaines, à tel point que le Fonds national suisse exige désormais la création de bases de données pour tout projet qu’il finance. Dans certains cas, cela a du sens, dans d’autres beaucoup moins. Mais pour la numismatique, c’est réellement pertinent. Dans le cadre de ce projet, nous avons affaire à des milliers de pièces, souvent très similaires, disséminées entre plusieurs institutions: le Musée d’art et d’histoire de Fribourg, le Musée de Morat, le Musée Bible+Orient de notre Université. Jusqu’à présent, elles étaient peu ou pas étudiées, et rarement publiées dans leur intégralité.

L’objectif est-il de réaliser des analyses statistiques?
Avant tout, cette base permet une diffusion des données bien plus ergonomique que les publications traditionnelles. Pendant longtemps — et encore aujourd’hui — les pièces étaient publiées dans des catalogues imprimés, avec des planches de photographies souvent de qualité médiocre. Grâce aux outils numériques, on accède plus facilement à l’information, et l’on peut effectivement produire des analyses, croiser les données, interroger un corpus de pièces sur divers critères. Il faut garder à l’esprit que ces objets sont rarement uniques: les monnaies étaient frappées à des centaines de milliers d’exemplaires. L’un des grands bénéfices, c’est qu’un chercheur ou une chercheuse, en Amérique du Nord par exemple, peut désormais consulter ces pièces sans avoir à se déplacer.

A qui s’adresse cette base de données?
Il y a deux publics cibles. D’une part, un public érudit, passionné par le patrimoine. C’est d’ailleurs une mission fondamentale de l’Université: jouer un rôle de passeur entre les collections publiques et la société. D’autre part, cette base vise évidemment la communauté scientifique. De nombreuses pièces conservées ici échappaient jusqu’alors aux radars de la recherche internationale, faute de publication. Or, les chercheurs et chercheuses en numismatique ont besoin d’accéder à un maximum de spécimens. Cette base fribourgeoise leur offre une nouvelle source de données précieuse.

Ces pièces avaient-elles déjà été étudiées?
Non, il a fallu tout reprendre depuis le début. Pour la collection du Musée d’art et d’histoire, cela représente environ 1500 pièces, majoritairement romaines. Un inventaire sommaire existait, réalisé par des collaborateur·trice·s du musée et du Service archéologique de l’Etat de Fribourg. Nous avons mené ce travail dans le cadre de mes cours de numismatique, avec les étudiantes et étudiants. L’une d’elles, Julie Python, y a même consacré son mémoire de master et une autre, Alicia Lehmann, travaille actuellement sur ce matériel.

Cela a dû être un vrai travail de bénédictin!
Effectivement! Il a fallu identifier chaque pièce — c’est ce qu’on appelle la détermination —, les décrire précisément, évaluer leur état de conservation et les rattacher à des types déjà connus dans la littérature spécialisée. Ce travail a été complété par des photographies de très haute qualité, réalisées par un photographe professionnel ici à Fribourg.

Y a-t-il des pièces particulièrement remarquables dans cette collection?
Ma réponse peut paraître paradoxale: non, il n’y a pas de pièce véritablement exceptionnelle, et c’est justement ce qui fait l’intérêt de la collection. La numismatique ne s’intéresse pas seulement aux objets rares ou esthétiques. Elle repose aussi — et peut-être surtout — sur l’étude des pièces ordinaires, très largement diffusées dans l’ensemble de l’Empire romain. Les petites pièces en bronze, de faible valeur, servaient aux achats quotidiens. Elles sont souvent corrodées, en mauvais état, mais leur intérêt scientifique est majeur. Elles permettent d’étudier les réseaux de diffusion monétaire et les usages économiques. Cela dit, il y a aussi quelques pièces remarquables, comme cette monnaie en or issue d’un trésor découvert à Portalban au début du XXᵉ siècle. Elle constitue le fleuron de la collection du Musée d’art et d’histoire. Mais, d’un point de vue scientifique, les plus belles pièces ne sont pas nécessairement les plus importantes.

Qu’en est-il du contexte archéologique de ces monnaies?
C’est un vrai problème. La plupart des collections ont été constituées à partir de donations privées dès la fin du XVIIIᵉ siècle. A Fribourg, certaines pièces proviennent même de dons faits par des officiers fribourgeois au service du roi de France qui avaient reçu des monnaies du Cabinet des médailles à Paris. A l’exception des pièces du trésor de Portalban, nous ne connaissons pas le contexte archéologique précis des objets. Or, cela constitue une perte d’informations historiques considérable. On ignore le lieu exact de découverte, les objets associés et on ne peut donc pas dater l’enfouissement avec précision. Il y a un enjeu éthique majeur: le marché de l’art numismatique est légal, mais les pièces qui y circulent proviennent parfois de fouilles illégales.

Est-ce que cette base pourrait intéresser des collectionneurs privés ?
Ce n’est pas l’objectif premier, mais ce serait un développement idéal. Un collectionneur privé, resté anonyme, nous a déjà confié une très belle collection de 323 pièces qu’il a acquises légalement. Il en reste propriétaire, bien sûr, mais il nous a permis de les étudier avec les étudiant-e-s, ce qui est une opportunité précieuse. J’ai d’ailleurs organisé un colloque début avril sur cette question. Des collectionneuses et collectionneurs étaient présent·e·s et je leur ai lancé un appel: si certains souhaitent nous confier leurs pièces à des fins scientifiques ou didactiques, ce serait formidable. L’idéal serait bien sûr qu’ils en fassent don à l’Université.

Comment cette base a-t-elle été créée techniquement?
Elle a vu le jour grâce à un soutien du Fonds d’innovation pédagogique de la Faculté des lettres et des sciences humaines. La réalisation technique a été assurée par la Direction informatique de l’Université, et plus précisément par son service dédié aux bases de données éducatives en la personne de M. Alrick Deillon. Elle fonctionne très bien, mais l’étape suivante, que j’ai évoquée lors du colloque, serait de l’intégrer aux grandes plateformes internationales déjà existantes. Il existe des bases majeures comme celle de l’American Numismatic Society à New York, du Cabinet des médailles à Paris, des Musées de Berlin ou du British Museum. L’objectif serait que notre base fribourgeoise, modeste mais solide, puisse rejoindre ce réseau. Ce serait à la fois un aboutissement et un point de départ vers un projet de plus grande ampleur.

La communauté scientifique pourrait-elle remettre en question certaines de vos déterminations?
Absolument, et c’est même souhaitable. L’un des avantages du numérique, par rapport à l’imprimé, est que les données peuvent être mises à jour en continu. C’est une force, mais aussi un piège: tout semble toujours provisoire, et cela peut nuire à la rigueur. Cela dit, nous restons ouverts à la discussion. Si des collègues repèrent des erreurs ou souhaitent corriger certains points, ce serait extrêmement précieux. La base a vocation à évoluer, à s’enrichir et à devenir un véritable outil collaboratif au service de la recherche.

Photo d’illustration: Aureus de Vespasien représentant le portrait de Titus, atelier de Rome, 75 ap. J.-C. Trésor de Portalban, Musée d’art et d’histoire de Fribourg, n° inv. 16336.

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«On me prenait pour une chercheuse ésotérique!» /alma-georges/articles/2024/on-me-prenait-pour-une-chercheuse-esoterique /alma-georges/articles/2024/on-me-prenait-pour-une-chercheuse-esoterique#respond Tue, 02 Apr 2024 11:20:01 +0000 /alma-georges?p=20019 A l’instar des célèbres sites mégalithiques de Stonehenge ou de Carnac, l’orientation de nombreuses églises répondrait à des critères astronomiques. Une hypothèse «iconoclaste» qu’Eva Spinazzè, chercheuse FNS à l’Université de Fribourg, s’évertue à démontrer.

Noël ne tombe pas un 25 décembre par hasard! La date choisie par les premier·ères chrétien·n·e·s pour célébrer la naissance du Christ correspond approximativement au solstice d’hiver, le point de l’année où, dans l’hémisphère nord, les jours se rallongent, «où l’espoir renaît», selon Eva Spinazzè. Il ne semble donc a priori pas tout à fait incongru de penser que les architectes des premières églises aient intégré certaines considérations astronomiques pour décider de l’orientation de celles-ci … et pourtant! Quand elle a osé émettre pour la première fois cette hypothèse, Eva Spinazzè est passée pour une «chercheuse ésotérique» aux yeux de certain·e·s de ses collègues: «Or, il n’en est rien, affirme-t-elle, en recourant à la trigonométrie et à des calculs astronomiques, je peux mesurer l’orientation de l’axe des églises et définir les jours où ils ont été le plus probablement tracés. Ce sont donc des observations objectives que je confronte à des sources historiques, ce qui me permet d’émettre des hypothèses sur les critères qui ont déterminé le choix de ces orientations.»

Trop chaotique pour être honnête
Eva Spinazzè est née à Zurich de parents artistes. «Mon père cherchait la lumière dans les couleurs, moi je la cherche dans les pierres», confie-t-elle poétiquement. Puis, c’est à Venise qu’elle décide d’aller étudier l’histoire, la philosophie, la littérature et l’archéologie. Quand elle évoque cette époque bénie, on voit des étoiles briller dans ses yeux: «C’était tout simplement la meilleure période de ma vie!» Presque fortuitement, en observant un plan de la Cité des Doges, elle note que chaque église présente une orientation différente. Elle se demande alors s’il y a une raison à cela, telle que l’orientation vers le soleil levant. Dans le cadre de son doctorat en archéologie, elle se met à creuser la question, mais la littérature scientifique reste peu ou prou muette sur le sujet, sauf en ce qui concerne l’architecture mégalithique. Elle décide alors de frapper à la porte d’Adriano Gaspani, un astrophysicien connu pour ses recherches en archéoastronomie, notamment sur les monuments mégalithiques et ses études celtiques. Loin d’être décontenancé par les intuitions d’Eva Spinazzèil l’encourage à poursuivre son analyse et à mesurer correctement l’azimut, l’angle indiquant la direction par rapport au nord astronomique.

Basilique Saint-Ambroise, Milan

Une recherche transdisciplinaire
Douée pour les mathématiques – discipline que ses enseignants l’encourageaient à embrasser – Eva Spinazzè mêle trigonométrie, calculs mathématiques et, surtout, sondages sur le terrain qu’elle complète avec des sources primaires et secondaires. «Souvent les chercheuses et chercheurs basent leurs études sur google earth. Or, une mesure imprécise de quelques degrés seulement peut complètement fausser les conclusions.» Et la chercheuse de prendre l’exemple d’une église dont l’axe avait été initialement mesuré à 90 degrés par rapport au nord astronomique, mesure qui laissait supposer une orientation en fonction de l’équinoxe. Des mesures plus précises ont toutefois montré que l’édifice était en fait orienté à 88 degrés, ce qui ne correspond plus à l’équinoxe astronomique, qui tombe aux environs du 21 mars et qui marque le début du printemps, mais au 25 mars. Et alors rétorquera-t-on? «Dans le calendrier liturgique, explique Eva Spinazzè, cette date correspond à la fête de l’Annonciation, quand l’Archange Gabriel annonce à Marie qu’elle sera mère de Jésus, le Fils de Dieu». Ce qui démontre que les églises n’ont pas été orientées au hasard ou uniquement en fonction des solstices ou des équinoxes, mais aussi en fonction de dates importantes pour les chrétien·n·e·s de l’époque.

 

Un travail de terrain par tous les temps
Se rendre sur le terrain est indispensable aux yeux d’Eva Spinazzè «Je dois impérativement prêter attention aux reliefs environnant l’édifice car leur distance et leur élévation déterminent le jour où le soleil ou la lune se lèvent ou se couchent.» Récemment, la chercheuse s’est rendue au fin fond de la Suisse, à Zillis, pour faire des mesures à l’église Saint-Martin. Le mercure y affichait -19°C, un froid si vif que son théodolite et son appareil photo ont très vite rendu l’âme. «Le temps de prendre trois clichés et il s’est malheureusement éteint, se remémore-t-elle» En revanche, quand elle inspecte une église située en milieu urbain, comme à Milan ou à Genève, la chercheuse doit se démener entre les trams, les bus et les camions pour trouver un point libre où poser sa mire et son théodolite.

Eglise de San Martino, Mendrisio

Ancrer les églises dans l’espace
Selon la chercheuse FNS, 98% des 250 églises qu’elle a étudiées présentent des alignements en fonction de critères astronomiques: «C’est très facile en fait. Pour aligner un édifice avec le soleil ou avec la lune, il suffit d’avoir deux bâtons et attendre le jour choisi et tracer une ligne. Il n’y a même pas besoin d’effectuer de calculs.» Dans la cité des Doges, elle estime que plus de la moitié des 80 églises médiévales présentent une orientation qui correspond aux saints en l’honneur desquels elles ont été érigées. «Même la célèbre basilique Saint-Marc est orientée en fonction de Saint Théodore, le premier saint à qui elle a été consacrée!» Quant à l’église San Gorgio, les bénédictins l’ont orientée de sorte à ce que le soleil s’y couche à la St-Georges (21 avril) et à l’Assomption (15 août) quand le soleil revient. «C’est fantastique, conclut Eva Spinazzè, symboliquement, la terre est connectée au ciel, les églises ne sont plus perdues dans l’espace mais elles sont connectées à Dieu!»

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  • Eva Spinazzè
  • le 17.04.2024, 17h15-18h45
  • Image de titre: Basilique Saint-Marc, Venise. Crédit: Peter Zelei Images
  • Crédit photos: Eva Spinazzé

 

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Trésors du Musée B+O: Quand le souverain s’asseyait sur ses ennemis /alma-georges/articles/2023/tresors-du-musee-bo-quand-le-souverain-sasseyait-sur-ses-ennemis /alma-georges/articles/2023/tresors-du-musee-bo-quand-le-souverain-sasseyait-sur-ses-ennemis#respond Mon, 23 Oct 2023 08:00:16 +0000 /alma-georges?p=18711 Le Musée Bible + Orient possède un objet bien curieux. Il s’agit d’une figurine représentant un prisonnier syrien. Cette sculpture en bois constituait vraisemblablement le pied d’une pièce de mobilier sur lequel un important personnage politique posait son séant.

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Trésors du Musée B+O: Un taureau sacré vieux de 2700 ans /alma-georges/articles/2023/tresors-du-musee-bo-un-taureau-sacre-vieux-de-2700-ans /alma-georges/articles/2023/tresors-du-musee-bo-un-taureau-sacre-vieux-de-2700-ans#respond Tue, 17 Oct 2023 00:44:24 +0000 /alma-georges?p=18715 On connaît bien les vaches sacrées de l’Inde mais on sait moins que les Egyptiens adoraient eux aussi un bovidé, le taureau Apis. Curatrice au Musée Bible + Orient, Cathie Spieser nous présente une stèle commémorative où figurent deux personnages en train de vénérer ce qu’ils considéraient être l’incarnation du Dieu Ptah.

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Trésors du Musée B+O: Imhotep, le mortel divinisé /alma-georges/articles/2023/tresors-du-musee-bo-imhotep-le-mortel-divinise /alma-georges/articles/2023/tresors-du-musee-bo-imhotep-le-mortel-divinise#respond Mon, 09 Oct 2023 08:27:26 +0000 /alma-georges?p=18718 Génial architecte de la pyramide de Saqqarah, Imhotep est entré dans la légende. A tel point que, plus de 2000 ans après sa mort, les Egyptiens le vénéraient encore et lui attribuaient des pouvoirs de guérison. Les explications de Cathie Spieser, curatrice au musée Bible + Orient.

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Un mystérieux dé truqué d’époque romaine /alma-georges/articles/2023/un-mysterieux-de-truque-depoque-romaine /alma-georges/articles/2023/un-mysterieux-de-truque-depoque-romaine#respond Tue, 05 Sep 2023 07:46:22 +0000 /alma-georges?p=18772 A quelque chose malheur est bon! Il y a plus de 20 ans de cela, en brisant malencontreusement d’un coup de truelle un minuscule cube en os, un archéologue en herbe a vu un liquide grisâtre s’en échapper. Il venait de découvrir un dé truqué au mercure, l’unique exemplaire romain connu! Thomas Daniaux et Véronique Dasen de l’Université de Fribourg cherchent à en percer le secret.

A l’instar des parieurs et des joueurs, l’archéologie doit parfois s’en remettre à sa bonne étoile. En sciences, on parle de sérendipité. C’est ainsi qu’en l’an 2000, sur le site de la villa gallo-romaine de Mageroy, en Belgique, Julien Minet, archéologue amateur de quinze ans, cassait par inadvertance un petit objet d’environ un centimètre de côté, un dé d’époque romaine. «Sans cet accident de fouille, nous n’aurions jamais soupçonné qu’il contenait un liquide grisâtre, qui s’est avéré être du mercure, ce qui en fait le premier et le seul dé truqué romain de ce type connu à ce jour!», s’enthousiasme Véronique Dasen, professeure d’archéologie classique à l’Université de Fribourg et spécialiste des jeux dans l’Antiquité.

Des sources peu loquaces
Malheureusement, nous ignorons tout ou presque de la manière de jouer aux dés à l’époque romaine. «Des textes nous apprennent tout de même que le Sénat a cherché à encadrer la pratique dès le IIIe siècle avant J.-C., en interdisant notamment de miser de l’argent», explique Thomas Daniaux, chercheur qui prépare une thèse sur le rôle social des jeux et jouets dans les Gaules romaines. Quant à la triche, par essence discrète, on la connaît in absentia grâce notamment à une inscription retrouvée à Pompéi faisant état d’une grande victoire d’un joueur de dé: «A Nuceria (une ville voisine), j’ai gagné 855 deniers et 1 semis en jouant aux dés avec honnêteté!» Cette dernière précision laisse entendre que telle n’était pas forcément le cas! Hier comme aujourd’hui, les règles étaient faites pour être contournées! Deuxième et, hélas déjà, dernier indice pour les archéologues, un texte de Julius Pollux, auteur du IIe siècle après J.-C., qui décrit un jeu grec, le Tréma Mnaion, ou «ÌýTrou de mineÌý», où chaque joueur mise une mine, soit 100 drachmes, dans un pot commun. Il précise que celui qui obtient le plus haut total remporte la mise. «C’est malheureusement tout ce que les textes peuvent nous apprendre sur le déroulement des jeux de dés dans l’Antiquité», déplore le doctorant.

De l’art de tricher à l’époque romaine
Mais comment les aigrefins gallo-romains s’y prenaient-ils pour mystifier leurs contemporains? Depuis le début de ses recherches, Thomas Daniaux a compilé un corpus de plus de 5000 dés, dont une dizaine présente un chiffrage étrange! «Sur le même dé, on trouve deux 4, deux 5 et deux 6, et donc ni 1, ni 2, ni 3, s’amuse l’archéologue, ce qui favorise l’obtention de valeurs élevées.» Un exemplaire trouvé à Augusta Raurica, près de Bâle, trahit une autre technique de triche. En le testant, les archéologues ont découvert que trois de ses faces étaient convexes, tandis que les trois autres étaient planes. «Nous avons remarqué que les faces convexes servaient uniquement de face de roulementÌýet qu’elles ne se retrouvaient jamais face contre table!» Mais le subterfuge est cousu de fil blanc et ne pouvait donc être utilisé qu’avec parcimonie. «Le tricheur attendait vraisemblablement que la mise soit très haute pour escamoter les dés sur la table et les remplacer par les dés truqués», avance Thomas Daniaux, après avoir empoché la somme, il remettait discrètement les dés non truqués en jeux.» Dans le même ordre d’idée, certains dés présentent des arêtes biseautées, et donc limées à dessein, afin d’obtenir l’une ou l’autre face plus facilement. A ces dés plus ou moins grossièrement pipés s’ajoute donc la Rolls des dés truqués: le dé creux.

Véritable travail d’orfèvre
Il existe une première catégorie de dés «creusés» remplis de plomb. On en connaît quelques exemplaires seulement, tous fabriqués de la même manière. «Ce sont des dés classiques qui ont été évidés à partir d’un point précis, explique Thomas Daniaux, opération qui requiert une précision extrême!» Les tricheurs remplissaient la cavité de grenaille de plomb et, pour que l’illusion soit parfaite, en façonnait une seconde qu’il laissait vide, afin que le poids du dé n’attire pas l’attention. Quant à la seconde catégorie, elle n’est forte pour l’instant que d’un seul exemplaire, le fameux dé au mercure belge. Au contraire du dé au plomb qui ne peut favoriser qu’une seule face, celle qui se trouve à l’opposé de la cavité lestée de plomb, le dé au mercure peut favoriser chacun des chiffres! «Si un joueur voulait favoriser un chiffre, le 3 par exemple, il lui suffisait de poser discrètement le dé sur la table avec le 3 en l’air, afin de faire couler le mercure dans la cavité opposée, s’enthousiasme Thomas Daniaux, le mercure va ainsi alourdir le fond et, une fois lancé,Ìý le dé va rouler jusqu’à ce que le trois apparaisse.»

Qui étaient les tricheurs?
Difficile voire impossible de brosser le portrait des tricheurs. Ce que les archéologues peuvent dire, c’est que la plupart des dés creusés ont été trouvés plus généralement dans des contextes aisés comme les domus, de riches maisons de ville, ainsi que dans des villas, autrement dit chez des membres de la classe aisée. En ce qui concerne le dé au mercure, il devait valoir son pesant d’or puisque le cinabre, le minerai à partir duquel on fabriquait le mercure, est rare et donc précieux. Cela dit, toute personne devant être considérée innocente jusqu’à preuve du contraire, fût-elle romaine, on ne saurait non plus exclure que ces dés truqués servaient à amuser un parterre d’amis. «Je tiens à ajouter que, comme nous ne disposons pas de sources écrites nous parlant de ces dés, il se peut très bien qu’ils aient servi pour des jeux dont nous ignorons les règles!», conclut Véronique Dasen.

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  • Cette recherche a été réalisée dans le cadre du projetÌýfinancé par le Conseil Européen de la Recherche (ERC)ÌýLocus Ludi. The Cultural Fabric of Play and Games in Classical AntiquityÌýdirigé par Véronique Dasen à l’Université de Fribourg dans le cadre du programme de recherche et d’innovation de l’Union Européenne Horizon 2020 (contrat de financement n° 741520)Ìý,
  • Photo de couverture: Thomas Daniaux, Assistant diplômé en archéologie classique
  • «Arnaque à la romaine», un film documentaire sur le dé au mercure réalisé par Christophe Goumand, sera présenté dans le cadre du
  • Une exposition sur le même thème ouvrira ses portes cet automne au , non seulement avec le fameux dé que le musée a obtenu en prêt, mais aussi avec des objets de ses propres collections.

 

 

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Découverte archéologique majeure au Pérou /alma-georges/articles/2022/decouverte-archeologique-majeure-au-perou /alma-georges/articles/2022/decouverte-archeologique-majeure-au-perou#respond Thu, 24 Nov 2022 06:51:47 +0000 /alma-georges?p=16966 Nous l’avions rencontré en début d’année pour qu’il nous parle de ses fouilles archéologiques au Pérou. Sâm Ghavami vient d’y faire une découverte cruciale, celle d’une fresque pré-incaïque que l’on croyait perdue à jamais.

En quoi la fresque mise au jour est-elle exceptionnelle?
Elle est remarquable dans la mesure où il est extrêmement rare de pouvoir exhumer des peintures murales d’une telle qualité en archéologie précolombienne. Cette fresque est aussi unique, car elle a une histoire particulière. Elle a été mise au jour en 1916 par un groupe de huaqueros, des pilleurs de tombes, opérant dans l’une des centaines de huacas (les sanctuaires anciens) de la côte nord du Pérou. Il s’agissait alors de l’un des ensembles d’images les plus fantastiques jamais découverts. Celui-ci était exposé le long d’un large mur et illustrait une scène mythologique finement exécutée et en couleurs. L’un des plus importants ethnographes vivant au Pérou à cette époque, Heinrich Brüning, a pris de formidables photos des peintures murales les montrant dans toute leur splendeur. Malheureusement, il se raconte que les pillards ont détruit cette fabuleuse trouvaille, après qu’il leur a été interdit de fouiller davantage le site. Les fortes pluies provoquées par El Niño dans le désert péruvien et le passage du temps ont fini par enterrer les quelques restes et la nouvelle a été oubliée de tous.

Emotion lors de la mise au jour de la fresque de la Huaca Pintada.

Vous pensiez donc que des bouts de fresque avaient échappé à l’avidité des pilleurs?
Effectivement. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de fouiller ce site qui, en un siècle, s’est retrouvé couvert de végétation. Il m’importait de retrouver les éventuels vestiges de cette fresque, mais aussi de les remettre en contexte, afin de comprendre la fonction du site, chose faite désormais. Je souligne que les peintures que nous avons retrouvées n’ont pas été endommagées par les pilleurs, mais étaient enterrées depuis probablement 1000 ans!

 

Détail de la fresque de la Huaca Pintada

Quelle a été votre réaction quand vous avez vu apparaître, petit à petit, les éléments picturaux?
On a définitivement ressenti une grande émotion avec mon équipe. Ça fait quatre ans que je travaille dessus et au moins le double que je suis venu visiter le site pour la première fois. La communauté des archéologues de la région était curieuse de voir ce que mon travail allait donner, mais peu me prédisaient pareil succès. Il faut dire que l’accès au terrain sur lequel se trouve la huaca s’est avéré compliqué, car il appartient à un particulier qui n’a longtemps rien voulu savoir de moi. Les deux premières campagnes de fouilles n’ont pas donné de résultats très prometteurs mais, cette année, je suis tombé par hasard sur une vieille photographie de la fresque qui, en observant les ombres projetées sur les parois, m’a permis de déduire son orientation et son emplacement probable. Ensuite, ça s’est vite enchaîné. D’abord nous sommes tombés sur de petits fragments de peinture sur le sol, puis nous avons retrouvé le haut d’un grand mur. En grattant gentiment la terre contre sa paroi interne, on a vu apparaître la coiffe d’un guerrier.

Pouvez-vous nous décrire cette œuvre?
On sait aujourd’hui que la fresque faisait 30 mètres de long et peut-être jusqu’à 3 mètres de haut! Originellement, on y voyait une longue procession de guerriers finement vêtus se dirigeant vers une divinité centrale aux traits ornithomorphes, les mêmes attributs qui seront ensuite caractéristiques de l’essor de la culture lambayeque. Au-dessus de ces panneaux, les méandres d’une rivière étaient dessinés, transportant son eau fertile et ses nombreux poissons aux habitant·e·s de la vallée.

Dégager la fresque requiert beaucoup de minutie.

Et avez-vous pu dater cette fresque?
Son style «métissé» rassemble des éléments de deux cultures pré-incaïques: les Lambayeque, qui se sont développés sur la côte nord du Pérou (900 – 1350 apr. J.-C.), ainsi que leurs ancêtres Mochica (100 – 850 apr. J.-C.). Ce syncrétisme stylistique nous suggère que la Huaca Pintada a pu être témoin du processus de formation d’une nouvelle culture: les Lambayeque, ou Sicán.

 

Le site de la Huca Pintada sur lequel travaille Sâm Ghavami.


Est-ce bien la fresque qui parle de Ñaimlap, ce héros mythique arrivé par la mer, qui aurait fondé la culture Lambayeque?

Il est difficile de tisser des liens directs quand on analyse l’iconographie préhispanique au Pérou. Nous ne disposons d’aucuns textes qui puissent nous raconter les scènes illustrées. En revanche, on peut observer des éléments récurrents en examinant le corpus des images à disposition, qu’elles soient représentées sur les murs, la céramique, le métal ou le textile. Le mythe de Ñaimlap pose les bases de la société lambayeque dans le sens où il raconte une nouvelle vision du monde au moment de l’arrivée du héros qui instaure par son iconisation une nouvelle identité collective. La scène représentée sur la fresque semble s’inspirer de la même idée de hiérarchie sacrée, construite autour d’un culte aux ancêtres et de leurs liens intimes avec les forces de la nature.

Que va-t-il advenir des objets que vous avez découverts, dont certains en or?
Nous allons d’abord passer du temps à les analyser en laboratoire. Ensuite, ils seront tous catalogués, puis stockés dans les dépôts du Ministère de la Culture du Pérou selon le protocole. Mais on m’a offert la possibilité de monter une petite exposition pour présenter les découvertes au public dans le Musée Brüning de Lambayeque, dont le directeur, Carlos Wester, m’a apporté son soutien depuis le début de mes recherches sur place.

Mais l’argent reste le nerf de la guerre!
J’ai une bourse Doc.CH du FNS qui m’a permis de financer les fouilles. Cependant, la grande quantité du mobiliers archéologiques, ainsi que leur qualité exceptionnelle requiert des moyens supplémentaires. Je suis en train de faire les démarches auprès de différentes institutions. J’attends anxieusement leur réponse, que j’espère positive!

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  • Photos: Sâm Ghavami
  • Page de Sâm Ghavami
  • Lire l’article et voir la vidéo sur son travail au Pérou, publiés en début d’année 2022
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Aventures archéologiques au Nord du Pérou /alma-georges/articles/2022/aventures-archeologiques-au-nord-du-perou /alma-georges/articles/2022/aventures-archeologiques-au-nord-du-perou#respond Wed, 26 Jan 2022 15:29:11 +0000 /alma-georges?p=15194 Plus le travail est dur, plus l’aventure est belle! Il y a du Maufrais dans les choix académiques de Sâm Ghavami, lui qui a tourné le dos à l’archéologie romande pour aller se former au Pérou. Aujourd’hui, il y mène des fouilles et parachève une thèse sous la direction de François Gauthier.

Il aurait très bien pu étudier l’archéologie gallo-romaine telle qu’on l’enseigne dans nos universités, puis diriger quelques fouilles ici ou là, tout juste bonnes à colmater quelques interstices d’ignorance dans un édifice d’érudition déjà mastoc. Suivant sa raison, un peu, et son cœur, beaucoup, Sâm Ghavami a pourtant décidé de s’inscrire en Master d’archéologie à l’Université de Lima, au Pérou, et d’y étudier l’émergence d’une civilisation pré-incaïque, la culture Lambayeque, dont l’essentiel reste à découvrir. «Ici, avoue-t-il, j’avais l’impression de ressasser toujours les même thèmes, tandis que là-bas, il me semblait pouvoir écrire l’histoire.» Cette voie n’était pas toute tracée, loin s’en faut, mais, aujourd’hui, Sam Ghavami peut se targuer d’avoir creusé son propre sillon, que d’autres emprunteront peut-être après lui.


Archéologie d’un mythe
Quels sont les mécanismes qui expliquent qu’une société parvienne à surmonter une crise, qu’elle soit d’origine anthropique ou naturelle ou, au contraire qu’elle disparaisse purement et simplement? «C’est l’une des questions fondamentales des pères de l’archéologie, s’enthousiasme Sâm Ghavami. Comment se réinventer sur le plan culturel pour survivre?» Cette interrogation, qui ferait écho chez bien des survivalistes, se trouve au cœur même de sa thèse de doctorat. Celle-ci se penche plus précisément sur la période dite Transitionnelle (850-950 ap.J.-C.) de la côte septentrionale du Pérou, durant laquelle la culture Mochica se voit supplantée par la culture Lambayeque. Afin de mieux comprendre ce processus, Sam Ghavami a entrepris des excavations archéologiques sur le site de la Huaca Pintada, «la pyramide peinte», un gisement susceptible d’illustrer cette période de transformation. C’est une frise murale, découverte par des pilleurs il y a une centaine d’années, qui lui a mis la puce à l’oreille. Bien que disparue aujourd’hui, cette fresque nous est connue par une photographie d’époque, où l’on discerne clairement, d’un point de vue stylistique, ce passage d’une culture à une autre, preuve d’une hybridation de traits culturels Mochica et Lambayeque. Il se pourrait d’ailleurs que cette œuvre représente la légende de Ñaimlap, un héros mythique arrivé par la mer qui aurait fondé la culture Lambayeque. Ce récit, que l’on connaît grâce à un chroniqueur espagnol du XVIe siècle, enthousiasme le doctorant de l’Université de Fribourg: «Pour nous, les archéologues, il s’agit d’une porte inespérée pour comprendre comment une culture se pense, pour appréhender sa cosmovision! Est-il possible de faire l’archéologie de ce mythe fondateur?»

Des fouilles pour creuser la question
Sâm Ghavami a déjà mené deux campagnes de fouilles sur le site de la Huaca Pintada, à la recherche des signes matériels qui trahiraient ces changements culturels. Stables durant plus de huit siècles, la culture Mochica connaît une évolution accélérée, un «bouleversement» sur une ou deux générations: «Cela transparaît dans l’évolution stylistique de la céramique, dans l’architecture et les pratiques funéraires, explique Sâm Ghavami. Or, la perception de la mort est propre à chaque société». Les causes, la thèse de doctorat devra les déterminer, même si les archéologues ont déjà émis plusieurs hypothèses, dont celle d’événements climatiques extrêmes dus au Nino, peut-être conjugués à l’«expansion fulgurante» de la civilisation Huari, ancêtre des Incas. Sam Ghavami compte bien terminer son travail de terrain par une troisième campagne, puis analyser toutes les données en recourant aux méthodes les plus modernes de l’archéologie, telles que l’archéobotanique, les datations radiocarbones ou encore la photogrammétrie par drone.

Une recherche à la croisée des disciplines
Il ne restera ensuite plus qu’à comprendre comment et pourquoi la civilisation Mochica a disparu, puis, à partir de ce cas particulier, échafauder des théories à portée plus universelle. Cette partie-là, Sâm Ghavami, l’a entreprise à l’instigation de François Gauthier, professeur de sociologie des religions à l’Université de Fribourg: «Il n’est ni archéologue, ni spécialiste du Pérou et c’est ce que j’apprécie. Il n’y a pas meilleur moyen de connaître une culture que de s’en extraire. Il m’apporte ce regard extérieur et son immense bagage théorique issu d’une autre discipline.» Confronter les théories sociologiques, philosophiques et archéologiques dans un dialogue interfécond, peut, selon Sâm Ghavami, aider à mieux comprendre ces phases de crise, où le continuum culturel est rompu. «Je n’ai pas la prétention d’aboutir à une réponse, peut-être à des bribes. Et c’est déjà pas mal!»

Ecrin modeste pour un joyau inestimable?
Monticule de terre bordé de cahutes au toit de tôle ondulée, le site de la Huaca Pintada, ne risque pas de voir débarquer des cohortes de touristes. On est loin, ici, des splendeurs du Machu Picchu. Les habitant·e·s de la Pintada, le hameau voisin, n’en sont pourtant pas moins convaincu·e·s que la pyramide recèle un trésor. Cette rumeur qui court parmi les locaux explique la défiance de certains envers les investigations menées par Sam Ghavami. Pour quelle raison, cet archéologue venu du bout du monde se donnerait-il tant de mal à creuser sous un soleil de plomb? Par amour désintéressé de la science? A d’autres! Pour corser le tout, il se raconte que l’esprit de la pyramide n’apprécierait guère qu’on le dérange ainsi. «Le propriétaire du terrain a imputé à nos fouilles la maladie de sa fille, regrette Sâm Ghavami. J’ai essayé de trouver le ton juste, sans mépris, pour lui expliquer que l’esprit de la pyramide était certainement heureux que l’on en apprenne plus sur lui et qu’on ne l’oublie pas. J’ai aussi engagé son fils, afin que le projet puisse profiter à tous.» Des trésors de diplomatie à déployer qui pourraient remplir un livre d’anecdotes… aussi épais qu’une thèse de doctorat.

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«Sortir de sa zone de confort, c’est apprendre à se connaître» /alma-georges/articles/2021/sortir-de-sa-zone-de-confort-cest-apprendre-a-se-connaitre /alma-georges/articles/2021/sortir-de-sa-zone-de-confort-cest-apprendre-a-se-connaitre#respond Fri, 10 Dec 2021 09:40:54 +0000 /alma-georges?p=14969 Caroline Bridel, doctorante à l’Unifr, est résidente à l’Institut suisse de Rome pour l’année académique 2021-2022. Elle nous raconte à distance sa parenthèse italienne.

Comment se passe votre vie estudiantine à Rome?
En tant que doctorante en archéologie, être à Rome, c’est être à la source. Dès qu’on travaille sur la civilisation romaine, l’Institut suisse est pratiquement un passage obligé.

Mes journées de base se partagent entre des visites de musées et du travail en bibliothèque, à l’Institut ou dans d’autres académies. Nous avons accès à des livres et à des collections qui ne se trouvent pas dans nos universités suisses.

Une chose très particulière liée à mon séjour à Rome, c’est l’étude des catacombes. C’est juste incroyable d’avoir la possibilité d’être sur place, de pouvoir rencontrer des spécialistes, notamment pour moi des archéologues, qui fouillent dans ces endroits. C’est un cadre idyllique.

Au niveau de la vie personnelle, Rome est une ville très animée, il y a beaucoup de choses à faire, à vivre. Chacun·e des résident·e·s a une vision différente de la ville et c’est justement une des particularités de l’Institut suisse. Côtoyer à la fois des chercheuses et chercheurs et des artistes est un échange forcément très riche.

Les visites font-elles partie du programme interdisciplinaire Roma calling?
Oui, chacun·e a une activité à organiser à laquelle les autres résident·e·s ont le choix de participer ou non. Pour ma part, j’ai proposé la visite des catacombes. En étant résident·e·s à l’Institut suisse, nous aurons accès à des catacombes qui sont, en temps normal, fermées au public et nous aurons la chance d’avoir une visite guidée avec des archéologues spécialistes de cette discipline.

Il y a aussi des activités communes organisées par l’Institut lui-même, des visites de Rome ou des excursions à l’extérieur de la ville et trois voyages selon nos propres intérêts. C’est à nous d’en discuter et de décider de l’endroit à visiter. Toutes ces sorties font partie du programme pluridisciplinaire.

Les visites des musées et des incontournables de Rome sont-elles gratuites pour les résident·e·s?
Nous avons une carte qui nous est octroyée par l’Etat italien et qui nous donne accès gratuitement ou à prix réduits aux musées et aux sites.

La vie en communauté avec les autres artistes et scientifiques est-elle difficile?
Il y a toujours de bons échanges, de belles ambiances et c’est plaisant d’avoir quelqu’un auprès de soi pour faire des activités ou discuter, même si cette personne n’est pas du même domaine académique. Mais nous pouvons aussi garder notre indépendance et nous retrouver seul·e si le besoin se fait ressentir.

Comment arrivez-vous à mettre en corrélation les divergences entre ces différents esprits? Les ponts relationnels sont-ils plus laborieux à construire?
Il faut avoir la curiosité et l’envie de découvrir. Ce sont des qualités essentielles pour vivre en communauté. En tant que chercheuse, je suis parfois invitée à des vernissages d’artistes. C’est très intéressant d’avoir quelqu’un qui nous ouvre la porte d’un monde que l’on ne connaît pas et qui nous y guide à l’intérieur. Et nous-mêmes, en tant que chercheuses et chercheurs, nous pouvons aussi apporter une certaine inspiration aux artistes. C’est sûrement même plus facile dans ce sens. Pour un artiste, il est plus difficile d’avoir un impact sur le monde académique.

Qu’aimeriez-vous entendre aujourd’hui en tant que future étudiante?
Dès le début de mes études, je connaissais la possibilité de résider pour quelques mois à l’Institut suisse et c’est finalement uniquement au moment où j’ai postulé que je me suis rendu compte du côté prestigieux de cet endroit. Je dirais aux prochain·e·s résident·e·s de ne pas hésiter à contacter les responsables des universités pour obtenir des conseils sur la postulation. C’est vraiment important pour mettre toutes les chances de leur côté.

Les personnes externes à l’Institut peuvent-elles participer aux événements organisés?
Tout à fait, les événements qui se déroulent à l’Institut sont ouverts au public. En ce moment-même, nous avons une exposition jusqu’à la fin janvier, ouverte du mercredi au dimanche. ÌýLors de la soirée de présentation des nouveaux résident·e·s, nous étions plus de huit cents au concert donné dans les jardins de la Villa. Ces expositions, conférences et événements font partie du calendrier des activités culturelles qui se déroulent sur le site de l’Institut.

Vous arrivez tout de même à trouver un espace calme dans la Villa?
Il y a pas mal de passage dans l’Institut, mais on se rend vite compte qu’on ne peut pas assister à toutes les représentations ou conférences. Il y a néanmoins un étage de la résidence qui nous est entièrement réservé et je peux aussi trouver ma sphère de calme à la bibliothèque. De plus, les conférences ont lieu dans une annexe et, très souvent, je ne vois même pas les gens qui entrent ou qui sortent.

Votre endroit préféré dans la Villa?
Ce n’est pas facile de choisir, mais l’incontournable de la Villa, c’est quand même la tour! Les couchers de soleil sont stupéfiants.

Vous rentrerez transformée de ce voyage?
Oui, ma thèse aurait été complètement différente si je n’avais pas eu cette opportunité. Je me suis ouverte à une autre dimension au niveau de mes recherches et je n’aurais pas pu le faire en restant à Fribourg.

Au niveau de l’expérience humaine, vivre à l’étranger, c’est sortir de sa zone de confort et cela permet d’apprendre à se connaître soi-même. En Suisse, nous avons souvent notre même cercle d’ami·e·s et de contacts tandis qu’ici, à l’Institut suisse, ce cercle est constamment élargi.

Un retour en Suisse qui sera difficile donc?
Oui et non. J’ai toujours envisagé ce voyage comme une parenthèse, un chapitre de ma vie. En faisant partie d’un projet FNS, mes collègues sont à Fribourg et c’est avec eux que j’ai le plus d’échanges. Autant je vois ce que la Ville de Rome peut m’apporter, autant je sais ce que j’ai déjà en Suisse et que je serai heureuse de retrouver l’été prochain.

Pour finir, une anecdote à nous raconter?
Une anecdote de bienvenue: le deuxième jour de mon arrivée à l’Institut suisse, j’ai reçu un pass de trois jours pour participer au Festival de Film de la Villa Médicis. C’est quand même quelque chose d’extraordinaire que de regarder des films au-dessus de la célèbre Place d’Espagne. C’est une belle entrée en matière!

L’Istituto Svizzero
L’Istituto Svizzero offre chaque année à plus d’une douzaine de jeunes chercheur·euse·s doctorant·e·s, post-doctorant·e·s et artistes une résidence à Rome, Milan ou Palerme. Sa programmation originale et stimulante permet de construire des ponts entre le monde des arts et celui de la science. Expositions, conférences, rencontres, concerts, l’Istituto Svizzero soutient et diffuse la recherche et l’art depuis 1947 et contribue au rayonnement culturel et académique de la Suisse en Italie. Sa mission est d’offrir aux artistes et aux scientifiques la possibilité de poursuivre et développer leurs recherches et activités en lien avec l’Italie, tout en développant leurs réseaux et collaborations.> Toutes les infos sur le de l’Institut

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  • Caroline Bridel a étudié l’archéologie classique et l’égyptologie. Elle est doctorante à l’Université de Fribourg et prépare actuellement sa thèse dont le sujet porte sur la fabrique des premières images chrétiennes, une étude entre images et textes, archéologie et histoire des religions. Sa thèse contribue au projet de FNS-Eccellenza sur la compétition religieuse dans l’Antiquité tardive.
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Un vase antique copié mais jamais égalé /alma-georges/articles/2021/un-vase-antique-copie-mais-jamais-egale /alma-georges/articles/2021/un-vase-antique-copie-mais-jamais-egale#respond Thu, 25 Nov 2021 16:36:29 +0000 /alma-georges?p=14849 Se pourrait-il qu’une antiquité vieille de 8000 ans ait inspiré la pochette de Des visages des figures, album mythique de Noir Désir? Décoré de chèvres filiformes sur fond ocre, le vase que nous présente Sandrine Codourey, guide au Musée Bible+Orient, jette le doute. Alberto Giacometti ne renierait d’ailleurs pas non plus ces animaux fuselés, preuve de l’extrême modernité de cette poterie antédiluvienne.Ìý

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