Addiction – Alma & Georges /alma-georges Le magazine web de l'Université de Fribourg Wed, 07 Feb 2024 05:55:47 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.3.5 Etat et consommation de drogue: vers un nouveau deal? /alma-georges/articles/2024/etat-et-consommation-de-drogue-vers-un-nouveau-deal /alma-georges/articles/2024/etat-et-consommation-de-drogue-vers-un-nouveau-deal#respond Tue, 06 Feb 2024 09:53:26 +0000 /alma-georges?p=19620 Les représentations et les usages des substances psychotropes évoluent dans notre société, bousculant au passage un cadre législatif qui paraît de plus en plus inadapté. Ces réflexions ont occupé les participant·e·s d’un colloque sur «les éco-usages des drogues», fin janvier à l’Université de Fribourg.

Bien souvent, on aborde la consommation de drogue par le prisme de ses dangers, à savoir ses conséquences juridiques et sanitaires ou comme cause d’addiction. Des réalités, parfois sombres pour les personnes concernées, qu’il ne s’agit pas de nier. Mais ne pourrait-on pas ajouter à ce tableau une considération plus positive sur la relation que nous entretenons à ces substances psychotropes, légales ou non? Car on le voit avec l’intérêt croissant pour les psychothérapies assistées par psychédéliques (PAP) ou la qualification récente du cannabis comme thérapeutique dans certains pays: les lignes bougent.
Les frontières entre déviance, santé, risques et bien-être deviennent floues, voire poreuses. Faut-il dès lors établir un nouveau deal sur l’encadrement étatique de la consommation des psychotropes? La question a occupé les participant·e·s à une table ronde, le 26 janvier à l’Université de Fribourg. L’échange, stimulant, concluait un colloque organisé par la Chaire de travail social et politiques sociales de l’Université de Fribourg, mais aussi la Haute école de travail social et l’Université de Genève, ainsi que le Groupement romand d’études des addictions (GREA).

Loi sur les stupéfiants à repenser
Sous l’intitulé «Les éco-usages des drogues: mieux comprendre pour mieux agir», cette journée proposait de porter une réflexion sur cette diversité des relations que les usagers entretiennent avec le produit. Intervenant à la table ronde, Frank Zobel, directeur adjoint d’Addiction Suisse, a pris l’exemple de la régulation du cannabis, montrant que le passage d’une logique prohibitionniste à une position anti-prohibitionniste a été un tournant. Même si aujourd’hui, on se trouve au-delà d’un bras de fer «pour» ou «contre». «Les discussions portent sur ce qui doit venir après», dit-il.
Frank Zobel est d’avis qu’il faut remettre l’ouvrage sur le métier. «Les lois sur les stupéfiants doivent aujourd’hui être repensées. A la base, il s’agissait de protéger la société contre ce qui était considéré comme des poisons, mais aujourd’hui, la connaissance que nous avons de ces produits et de leurs usages est différente. «Comment s’y prendre pour initier une telle refonte?» a demandé Jean-Félix Savary, animateur de la table ronde.

Dépasser le seul regard médical
Pour Laura Tocmacov Venchiarutti, co-présidente de l’association Psychedelos, qui soutient les patients recourant aux substances psychédéliques dans le cadre de thérapies, «aucune étude ne doit être menée sans le point de vue des consommateurs». Jean-Pierre Couteron, psychologue et ancien président de l’association française Fédération addiction, souligne quant à lui l’importance de dépasser le seul regard médical sur la consommation des psychotropes: «Il ne faut pas oublier que l’usage de drogues est profondément humain.»

«Comment dès lors, poursuit-il, sans être accusé de banaliser, peut-on expliquer qu’il n’est pas anormal d’être intéressé par ces produits?» Selon lui, il est important de montrer que les lois actuelles ne décrivent plus nos modes de vie par rapport aux psychotropes. Le spécialiste français plaide pour une approche globale qui intégrerait, par exemple, la question de l’intensité dans nos vies. Et de lancer cette question en forme de pique: «Devrait-on rembourser les frais de soins et de sauvetage d’une personne ayant pris des risques inconsidérés en montagne pour assouvir son besoin de sensations fortes?»
L’urgent, à entendre les intervenant·e·s, serait de commencer par porter un regard plus compréhensif sur l’usage de drogues et le rapport, plus ou moins proche, que nous entretenons avec ces produits. Il s’agit de sortir ces pratiques du ghetto des représentations sociales dans lequel on les a longtemps reléguées, sans pour autant faire dans la naïveté et l’angélisme. Une étape qui paraît essentielle pour une refonte pertinente des lois sur les stupéfiants.

Eviter de déshumaniser
Sans cette prise de conscience, le risque d’une déshumanisation est réel. «La présentation de Marie Jauffret-Roustide a très bien montré, en prenant l’exemple du crack, combien une image stigmatisante des consommatrices et consommateurs, relayée par les politiques et les médias, peut légitimer des formes de répression pourtant questionnante», a relevé en fin de rencontre Sophie le Garrec, co-organisatrice de la journée pour la Chaire de travail social et politiques sociale de l’Université de Fribourg avec Line Pedersen, lectrice.
Maîtresse d’enseignement et de recherche, Sophie le Garrec souligne l’intérêt de ce colloque. «Cela nous a permis de mieux saisir, qu’au-delà du produit et de ses catégorisations, les choix politiques et la compréhension des usages des substances représentent des enjeux cruciaux.»

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L’addiction, c’est dans la tête /alma-georges/articles/2017/laddiction-cest-dans-la-tete /alma-georges/articles/2017/laddiction-cest-dans-la-tete#respond Tue, 14 Mar 2017 09:25:46 +0000 http://www3.unifr.ch/alma-georges/?p=3816 Dans la tête, mais pas comme on veut bien le croire. L’addiction touche, en fait, à la plasticité du cerveau. Mais les traces qu’elle laisse sont réversibles et d’intéressantes pistes thérapeutiques peuvent être envisagées. Florian Lanz, les évoque lors d’une ³¦´Ç²Ô´Úé°ù±ð²Ô³¦±ð donnée dans le cadre de la Semaine du cerveau.

Le terme anglais addict est aujourd’hui très à la mode et utilisé un peu à toutes les sauces. Mais quelle est la définition médicale de l’addiction?
L’addiction est une maladie chronique, qui peut être définie comme un comportement compulsif en dépit des conséquences négatives. Ce terme ne doit pas être confondu avec la dépendance. En effet, celle-ci se caractérise par les conséquences liées au sevrage, c’est-à-dire aux effets de manque lorsqu’il y a une diminution de la dose ou l’arrêt brutale de la consommation (par exemple: nausée, tremblements, dysphorie…).

L’addiction touche à la plasticité du cerveau. Qu’est-ce qui s’y passe vraiment?
L’addiction se caractérise par une usurpation du circuit de la récompense; un système fonctionnel fondamental à la survie. Lors d’un comportement dit normal, le circuit de la récompense a pour but de fournir la motivation nécessaire à la réalisation d’actions ou de comportements adaptés, ainsi que de répéter les expériences plaisantes apprises au cours de notre vie. Cependant lors de consommation de substances addictives, celles-ci influencent le fonctionnement du cerveau. D’un point de vue microscopique, ces modifications vont intervenir au niveau des connexions plastiques entre les neurones, communément appelées synapses. D’un point de vue macroscopique, il a été démontré que l’usage de substances psychoactives occasionne un dérèglement de la communication neuronale dans le circuit de la récompense. Ainsi la plasticité du cerveau et le nouvel équilibre en présence de substances psychoactives vont être à l’origine des phénomènes d’addiction.

Peut-on tirer des pistes thérapeutiques de ces découvertes?
En 2014, l’équipe du Professeur Christian Lüscher de l’Université de Genève a mené des recherches sur des rongeurs qui ont montré que cette plasticité synaptique, induite par des substances addictives, était en fait réversible. En utilisant une technique couplant génie génétique et lumière – l’optogénétique – cette équipe de recherche a pu activer sélectivement des neurones et ainsi restaurer un comportement normal chez des souris exprimant un comportement addictif. Cette approche n’est cependant, pour l’heure, pas applicable à l’humain, en raison de restrictions éthiques et techniques. Par conséquent, on se tourne maintenant vers des techniques déjà courantes en cliniques comme la stimulation cérébrale profonde (SCP ou deep brain stimulation en anglais). De façon schématique la SCP consiste à stimuler des structures profondes du cerveau, via des électrodes implantées pour obtenir des effets thérapeutiques quasi immédiats. Cette technique a été récemment appliquée sur des rongeurs et a démontré que les comportements compulsifs dus à la prise de substances addictives pouvaient être supprimés.

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  • A l’occasion de la , Florian Lanz présente une intitulée «Espoir dans la lutte contre l’addiction; la stimulation cérébrale profonde», le jeudi 16 mars 2017 à 20h00, au Grand auditoire de l’Institut de Physiologie, Ch. du Musée 5, 1700 Fribourg. L’entrée est libre.
  • de la Semaine du cerveau
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