L’invité – Alma & Georges /alma-georges Le magazine web de l'Université de Fribourg Fri, 28 Feb 2025 08:13:05 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.3.5 «Nos émotions nous aident à faire des choix dans tous les domaines de notre vie» /alma-georges/articles/2025/nos-emotions-nous-aident-a-faire-des-choix-dans-tous-les-domaines-de-notre-vie /alma-georges/articles/2025/nos-emotions-nous-aident-a-faire-des-choix-dans-tous-les-domaines-de-notre-vie#respond Mon, 03 Feb 2025 15:19:55 +0000 /alma-georges?p=21938 Les émotions jouent un rôle clé dans nos processus décisionnels. Pourtant, jusqu’à récemment, les scientifiques ne leur ont pas accordé l’attention qu’elles méritaient. Grand spécialiste en la matière, David Sander, professeur de psychologie à l’Université de Genève, viendra en souligner l’importance le 7 février prochain à l’Université de Fribourg.

Parmi les innombrables disciplines scientifiques, les sciences affectives dont vous êtes le «chantre» ne sont pas les plus connues. De quoi s’agit-il?
La discipline des sciences affectives est en effet bien moins connue que sa grande sœur «les sciences cognitives». Une des raisons de cette méconnaissance est certainement tout simplement sa récence: les sciences affectives sont devenues un champ académique en tant que tel il y a seulement une trentaine d’années! La Suisse a été pionnière dans son développement avec la création par le Fonds national suisse de la recherche scientifique, en 2005, du Pôle de Recherche National en Sciences Affectives. Même si la création des sciences affectives, comme discipline, est relativement récente, son objet d’étude fascine les plus grands penseurs depuis plus de 2000 ans!

Comment se fait-il que cette dimension émotionnelle, que je dirais presque évidente, n’ait pas été prise en compte auparavant?
En effet, l’étude des émotions et des autres phénomènes affectifs a passionné des auteurs tels qu’Aristote, Descartes ou Darwin bien avant que de nombreuses disciplines s’associent pour créer les sciences affectives. Ces dernières regroupent notamment la psychologie, la philosophie, les neurosciences, la psychiatrie, la neurologie, l’économie, l’anthropologie, la sociologie, les sciences politiques, l’histoire, la littérature, la linguistique ou encore l’informatique. Depuis plus de 2000 ans, les émotions ont été étudiées dans des cadres incluant d’autres phénomènes affectifs tels les sentiments, les préférences, les motivations, les humeurs, les passions, les styles affectifs, les désirs ou encore les pulsions. L’analyse des émotions en tant que phénomènes psychologiques, corporels et sociaux date au moins de l’Antiquité. Je dirais que le changement récent provient d’au moins trois sources:

  • Tout d’abord, au niveau théorique, on a longtemps opposé cognition et émotion, probablement à cause du débat classique entre raison et passion. Mais les recherches actuelles montrent que cette opposition n’est pas justifiée.
  • Ensuite, il y a eu des développements méthodologiques dans de nombreuses disciplines qui permettent de mieux étudier expérimentalement les émotions. Par exemple, les développements spectaculaires de la neuroimagerie dans les années 1990 permettent d’étudier les bases cérébrales des émotions tel que cela était impensable il y a encore 50 ans.
  • Finalement, je dirais qu’il y a un courant de pensée actuelle, que nous avons appelé l’affectivisme, qui démontre que les émotions sont utiles pour mieux comprendre, non seulement les processus affectifs, mais également le comportement et la cognition.

Dans quelle mesure nos émotions influencent-elles notre attention, notre mémoire et nos décisions?
Les émotions influencent ces mécanismes «pour le meilleur et pour le pire». Elles constituent en fait des réponses à des situations internes, comme des souvenirs, ou externes, comme par exemple une odeur, une musique ou une scène visuelle. Les informations les plus émotionnelles sont triées de manière prioritaire et sont aussi mieux encodés, mieux mémorisés que celles dont la charge émotionnelle est moindre. Nous pensons que la modulation de l’hippocampe (qui est une région très importante pour la mémoire épisodique) par l’amygdale (qui est une région très importante pour les émotions) favorisent ce mécanisme. Puisque nos émotions ont le potentiel d’attribuer une valeur affective à chacune des options d’une prise de décision, nous utilisons nos émotions pour faire des choix dans tous les domaines de notre vie, aussi bien lorsqu’il s’agit de décider de ce que l’on va manger que de décider pour qui l’on va voter.

A un niveau personnel, est-ce que votre propre perception des émotions a évolué grâce à vos recherches?
Oui! Je considère les émotions, celles des autres et les miennes, de manière beaucoup plus sérieuse qu’avant en tant que sources d’informations utiles. Les émotions authentiques étant des réponses fonctionnelles à l’environnement, elles nous informent sur ce qui est important pour nous et sur ce qui est important pour les personnes autour de nous. Sachant à quel point elles guident notre comportement et notre cognition, je me demande souvent quelle émotion je ressens ou quelle émotion quelqu’un d’autre ressent et si cette émotion est justifiée.

Au terme de votre conférence, si les participant·e·s ne devaient retenir qu’un seul message, quel serait-il?
Ce message serait le suivant: les émotions sont souvent rationnelles et elles ne s’opposent pas à la cognition. Ce message peut surprendre, mais je pense qu’il est important de se rendre compte que ni notre esprit ni notre cerveau ne sont «coupés en deux» avec, d’un côté, des processus émotionnels qui seraient irrationnels et, de l’autre, des processus cognitifs qui seraient rationnels. Prenez un exemple très simple: face à un danger imminent, il est rationnel d’avoir peur: l’organisme va rapidement se préparer à réagir, par exemple en fuyant. Notre expression faciale et vocale permet même d’alerter d’autres membres de notre groupe à propos du danger. Une réaction irrationnelle face à un danger serait justement de ne pas avoir peur! Mais la peur peut également être irrationnelle, par exemple quand il n’y a pas de raison d’évaluer la situation comme dangereuse. Une émotion justifiée nous aide à adopter un comportement adapté en mobilisant de nombreux processus cognitifs.

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  • , Journée d’études, Ouvert au grand public, 07.02.2025 09:30 – 16:30
  • Délai officiel d’inscription au 3 février (possibilité de s’inscrire sur place)

 

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Marco Polos Bewunderung für Khubilai Khan /alma-georges/articles/2024/marco-polos-bewunderung-fur-khubilai-khan /alma-georges/articles/2024/marco-polos-bewunderung-fur-khubilai-khan#respond Tue, 21 May 2024 06:49:23 +0000 /alma-georges?p=20246 Wer war Marco Polo und was ist sein Vermächtnis? Am kommenden Donnerstag referiert Marina Münkler von der TU Dresden in Freiburg zum Thema «Marco Polos Blick auf das mongolische China». Die Literaturprofessorin stellte sich den Fragen von Alma&Georges.

Marco Polo ist heute nahezu der einzige bekannte Fernostasienreisende des Mittelalters. 1271 begleitete der damals 17-jährige Venezianer seinen Vater Niccolò und seinen Onkel Maffeo nach China, trat in den Dienst des mongolischen Grosskhans Khubilai und kehrte erst 1295 nach Venedig zurück. Sein Reisebericht galt bald als ein «Buch der Wunder». 2024 jährt sich Marco Polos Todestag zum siebenhundertsten Mal.

Über die Person Marco Polo erfährt man in seinem Reisebericht nur sehr wenig. Wie weiss man heute, ob Marco Polo, ein Kaufmann, ein Abenteurer, ein Chronist der Fremde oder ein Kulturvermittler war? War er gar alles zusammen?
Marco Polo war Kaufmann, das können wir aus venezianischen Dokumenten der Zeit entnehmen. Aus seinen Berichten erfahren wir ausserdem, dass er ein Chronist der Fremde und Kulturvermittler war und voller Bewunderung von den Mongolen spricht. Am wenigsten war er vermutlich ein Abenteurer, jedenfalls berichtet er nichts von erlebten Abenteuern. Dafür ist der Bericht insgesamt zu objektivistisch gehalten.

Seit Mitte des 13. Jahrhunderts herrschte in Europa eine Mischung aus Furcht und Faszination vor den Mongolen. War Marco Polos Aussicht auf Handel also grösser als seine Furcht?
Ob Marco Polo Furcht empfunden hat, können wir schlicht nicht wissen, denn er spricht in seinem Bericht nicht darüber. Aber die venezianischen Kaufleute hatten auf die Mongolen, die ihnen sehr viel bessere Handelsbedingungen boten als das bis dahin im Asienhandel der Fall war, sicherlich eine andere Perspektive als die europäischen Herrscher. Diese waren mit dem mongolischen Weltherrschaftsanspruch konfrontiert und sahen ihre Reiche von mongolischen Heeren bedroht.

Ob Endzeitvorstellungen oder Heilserwartungen: Asien bildete zu jener Zeit den Erwartungshorizont der europäischen Kultur. Welches Bild hatte Marco Polos von Khubilai Khan, wie sah er das mongolische China?
Für Marco Polo war Khubilai Khan der weiseste und prächtigste Herrscher, den die Welt bis dahin gesehen hatte. Aus Marco Polos Perspektive übertraf seine Herrschaft die sämtlicher europäischer Herrscher. Marco Polos Bericht präsentiert Khubilai Khan in strahlendem Licht und vermittelte so der europäischen Kultur einen Eindruck von der Überlegenheit der mongolischen Herrschaft in China. Das stand in starkem Widerspruch zu den Berichten der franziskanischen Gesandten aus der Mitte des 13. Jahrhunderts, die zu den Mongolen gereist waren, um herauszufinden, ob es sich bei ihnen um die Völker der Apokalypse handelte, die den Untergang der Welt bringen würden. Zwischen ihren Berichten und Marco Polos Bericht lagen vierzig Jahre sowie die mongolische Expansion nach China. Während die franziskanischen Gesandten die Mongolen der Steppe kennenlernten, lernte Marco Polo die mongolische Herrschaft über das hochentwickelte China kennen. Von daher gibt es objektive Gründe für die Differenzen zwischen ihren Berichten, aber Marco Polo vertrat eben auch entschieden eine positive Perspektive.

Marina Münkler

Was – neben seinem Bericht – ist das Vermächtnis von Marco Polos Reise ins mongolische China?
Sein Vermächtnis besteht sicherlich darin, dass er nicht aus der Perspektive einer selbstgewissen eigenen Überlegenheit auf das mongolische China blickte, sondern für die fremde Kultur der Mongolen ebenso grosses Interesse wie Bewunderung aufbrachte. Das hat seinen Grund sicherlich in der kaufmännischen Grundperspektive des Berichts, auch wenn diese in manchen Fassungen und Übersetzungen relativiert wurde. Fernhandelskaufleute mussten sich an die Umgebung, in der sie Handel treiben wollten, anpassen und wenn die Bedingungen für sie günstig waren, reagierten sie darauf mit Sympathie und Bewunderung, ohne die kulturellen Differenzen zu negieren oder negativ zu bewerten.

Marco Polos Vater, den er auf der Reise begleitete, war Jahre zuvor schon bei Khubilai Khan. War es für den damals 17-jährigen Marco trotzdem eine Reise ins Ungewisse?
Vermutlich hat er von seinem Vater und seinem Onkel auf der Reise schon einiges über Khubilai Khan und die Mongolen erfahren. Und es gab zweifellos auch schon andere Venezianer in China. Dennoch wird man von einer Reise ins Ungewisse sprechen können, denn das, was ihm mündlich vermittelt worden sein dürfte, waren zweifellos nur Bruchstücke von Wissen. Die Gewissheit eigener Erfahrung konnten sie sicherlich nicht produzieren.

War der Reisegrund nur wirtschaftlicher Natur oder war da auch Neugierde an neuen Kulturen?
Der Reisegrund dürfte ausschliesslich wirtschaftlicher Natur gewesen sein. Venezianische Fernhandelskaufleute reisten nicht aus Neugier auf andere Kulturen, sondern um gewinnbringenden Handel zu treiben. Natürlich lernten sie dabei auch die lokalen Sprachen und die sozialen Regeln fremder Kulturen so weit zu begreifen, dass sie sich innerhalb dieser Kulturen bewegen konnten.

Die Meinung hält sich hartnäckig, dass Marco Polo gar nie in China war, er ein Hochstapler gewesen sei. Wie begegnen Sie dieser Kritik?
Die These, Marco Polo sei nicht in China gewesen, ist in den letzten beiden Jahrzehnten insbesondere von der britischen Sinologin Frances Wood vertreten worden. Sie argumentiert mit dem, was Marco Polo nicht beschrieben hat: die chinesische Mauer, den chinesischen Tee und die gebundenen Füsse der Frauen. Solche «argumenta e silentio» (Argumente aus dem Schweigen, d. h. der Nichterwähnung) hat schon Cicero kritisiert, weil sich aus ihnen keine ernsthafte Schlussfolgerung ziehen lässt. Sie sind zumal bei einem Autor unangemessen, der vor 700 Jahren verstorben ist, weil sie unterstellen, wissen zu können, wovon er demzufolge hätte berichten müssen. Die chinesische Mauer, die Wood für so wichtig hält, gab es vor 700 Jahren so noch gar nicht, den Tee tranken die Chinesen, aber nicht unbedingt die Mongolen … Der Sinologe Hans-Ulrich Vogel hat demgegenüber gezeigt, dass Marco Polo die Herstellung von Papiergeld und Salzgeld sehr korrekt beschreibt, was er aus keiner europäischen Quelle der Zeit erfahren haben, sondern nur aus eigener Augenzeugenschaft wissen konnte.

Zur Person
Marina Münkler, Professorin für Ältere und frühneuzeitliche deutsche Literatur an der TU Dresden, ist Expertin für mittelalterliche Reiseberichte, insbesondere für die Verbreitung und Rezeption von Marco Polos Reisebericht in ganz Europa.

Öffentlicher Vortrag
Im Rahmen der «Freiburger Gastprofessur für Germanistische Mediävistik» wird jedes Frühjahr eine international renommierte Forscherpersönlichkeit eingeladen, an der Universität Freiburg eine Lehrveranstaltung zur Literatur des Mittelalters im europäischen Kontext anzubieten. Zudem werden im Rahmen eines öffentlichen Vortrags der interessierten Öffentlichkeit aktuelle Forschungsergebnisse vorgestellt:

Donnerstag, 23. Mai 2024, 18 Uhr
Museum für Kunst und Geschichte Freiburg

Marina Münkler (TU Dresden) referiert zum Thema «Im Reich des Grosskhans. Marco Polos Blick auf das mongolische China». Der Vortrag wird musikalisch umrahmt von Bayanzul Damdinsuren, Spezialist für mongolische Musik und Pferdekopfgeigenspieler.

Der Eintritt ist frei.

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  • in der Unifr-Agenda
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Un Goncourt au Jardin botanique de Fribourg /alma-georges/articles/2023/un-goncourt-au-jardin-botanique-de-fribourg /alma-georges/articles/2023/un-goncourt-au-jardin-botanique-de-fribourg#respond Mon, 17 Apr 2023 05:54:33 +0000 /alma-georges?p=17981 Pour l’inauguration de son nouvel espace thématique consacré aux plantes ligneuses, le Jardin botanique de l’Université de Fribourg a mis les petits plats dans les grands. Le 22 avril prochain, l’auteur Alexis Jenni viendra y parler de sa passion pour les arbres.

Alexis Jenni, recevoir une invitation de la lointaine Fribourg, aux confins de la Suisse romande, vous a-t-il surpris?
Je ne connais pas encore Fribourg, mais je viens souvent en Suisse, à Genève, Lausanne, Morges, et puis Berne et son Oberland, pour des raisons professionnelles, mais aussi par plaisir. Je suis quand même à moitié suisse comme mon nom l’indique, et pour des raisons personnelles et familiales, ce pays m’est cher.

A ma connaissance, le Jardin botanique invite des scientifiques pur sucre, par exemple des spécialistes des bryophytes, moins des écrivains. Le 22 avril, qui le public aura-t-il en face de lui? L’agrégé de sciences naturelles ou le littéraire?
Je serai un scientifique qui sait raconter, ou bien un littéraire qui sait de quoi il parle. J’aime les sciences de la nature, j’aime la littérature, et unir les deux est pour moi un grand bonheur, et puis une entreprise utile, pour que les sciences réintègrent les humanités, dont elle furent trop séparées. Je me dis que savoir un peu de sciences est une bonne chose pour tout le monde, et apprécier les récits aussi.

De quoi parlerez-vous, de votre essai intitulé «Parmi les arbres, essai de vie commune»?
Des arbres… parce que j’aime les arbres, ils me procurent des émotions… Et puis ils me passionnent intellectuellement: ils sont vivants comme nous, mais d’une toute autre façon. Interroger leur manière d’être vivant c’est aussi interroger la nôtre. Ils sont nos meilleurs colocataires sur cette Terre, il importe de les connaître mieux.

Comment un écrivain comme vous, prix Goncourt 2011, décide-t-il de consacrer un essai aux arbres? Et y a-t-il un but à une telle entreprise? Sensibiliser votre lectorat à la cause environnementale?
J’ai passé pas mal de temps dans ma vie à étudier les sciences, et à les enseigner. Et quand je suis passé à la littérature, qui était mon autre activité, mais secrète avant d’être publié assez tardivement, j’ai tout de suite envisagé d’intégrer ces sciences à la littérature, comme une sorte de défi littéraire, pour unifier mes domaines d’intérêt. J’ai mis du temps à trouver comment, et c’est mon simple amour des arbres qui y a conduit. Si en plus ça sensibilise à la cause, tant mieux; mais ce n’était pas le but.

Il y a quelques années, Francis Hallé était venu donner une conférence à l’Université de Fribourg. Dans le public, on sentait chez certaines personnes une vénération pour les arbres, un animisme même. «J’embrasse un arbre pour sentir son énergie!». Est-ce aussi votre cas ou restez-vous dans la rationalité?
Ha ha… j’imagine Francis que je connais bien devant ce genre de propos… Ce n’est pas son genre, même s’il passe beaucoup de temps à dessiner les arbres. Personnellement, je n’embrasse pas les arbres, j’ai ma pudeur. Mais je les aime, ils me procurent une émotion esthétique, je les trouve beaux, et plus que ça sans doute. La science me permet de les connaître mieux, donc de mieux les voir, et la littérature me permet de dire ce qu’ils me font.

Sentez-vous cette dimension presque spirituelle que nos contemporains prêtent de plus en plus souvent aux arbres?
Les arbres sont partout, dans notre environnement, mais aussi dans notre imaginaire, et dans nos mythes. A tel point qu’on leur prête beaucoup de vertus, que ce soit écologiquement ou spirituellement. Bon… j’entends, j’écoute, mais il faut raison garder. Qu’ils soient là en tant qu’êtres vivants suffit à mon bonheur, je ne cherche pas à y trouver plus de spirituel que ce qu’ils montrent. Mais je les regarde avec attention.

Vos œuvres récentes trahissent un intérêt marqué pour l’environnement (John Muir et l’écologie, les extinctions de masse). Souffrez-vous, comme beaucoup de jeunes, d’éco-anxiété?
Etant de nature peu anxieuse, je suis heureusement épargné par l’éco anxiété, mais il est clair que nous allons dans le mur avec notre mode de développement agricole et industriel destructeur. Je dois être sauvé par un optimisme naturel, assez injustifiable en fait, de toutes les alarmes qui résonnent autour de nous. Mais mon moteur est plus un amour de l’environnement, du végétal surtout, qu’un cri d’angoisse et de révolte. Histoire de personnalité, sans doute.

Comment voyez-vous l’avenir environnemental de la planète? On est plutôt mal parti?
Ça va mal, on ne peut le nier. Il y a bien une conscience écologique qui se développe, mais aussi des intérêts économiques, et ceux qui gèrent ces intérêts, et en profitent, ne sont pas ceux chez qui cette conscience est la plus aiguë. La seule chose qui me rassure dans cette situation, c’est la puissance du vivant: sa capacité de résilience et de prolifération est prodigieuse, prête à se libérer dès que la pression des activités humaines se relâche. On entrevoit là une solution.

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Patrick Boucheron: un historien sous les feux de la rampe /alma-georges/articles/2023/patrick-boucheron-un-historien-sous-les-feux-de-la-rampe /alma-georges/articles/2023/patrick-boucheron-un-historien-sous-les-feux-de-la-rampe#respond Tue, 04 Apr 2023 07:12:20 +0000 /alma-georges?p=17968 Animateur radio sur France Inter et France Culture, intervenant dans la série documentaire Quand l’histoire fait date sur Arte, Patrick Boucheron est un personnage connu du paysage médiatique français. Il a dirigé la rédaction de l’Histoire mondiale de la France, un livre qui a suscité de vives crispations identitaire dans l’Hexagone. Invité par Matthieu Gillabert du Département d’histoire contemporaine, il était de passage à l’Université de Fribourg la semaine dernière.

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«Il faut enseigner la différence entre explication et manipulation de la doctrine religieuse» /alma-georges/articles/2020/il-faut-enseigner-la-difference-entre-explication-et-manipulation-de-la-doctrine-religieuse /alma-georges/articles/2020/il-faut-enseigner-la-difference-entre-explication-et-manipulation-de-la-doctrine-religieuse#respond Thu, 29 Oct 2020 09:42:00 +0000 https://www3.unifr.ch/alma-georges?p=11869 La réforme scolaire suisse oblige à repenser la manière d’enseigner le fait religieux et la diversité religieuse. En marge du colloque «L’Islam en classe» organisé par l’Unifr les 6 et 7 novembre, le spécialiste Yahya Pallavicini explique pourquoi l’éducation interconfessionnelle est une piste de travail prometteuse.

Monsieur Pallavicini, qu’est-ce que l’éducation interconfessionnelle?
Il s’agit d’une piste de travail favorisant un dialogue entre les divers courants religieux. Plus concrètement, l’éducation interconfessionnelle offre une alternative méthodologique aussi bien à l’éducation religieuse qu’à l’histoire des religions. Elle permet de sortir de la dichotomie entre un enseignement dispensé par des laïques et un autre dispensé par les membres des différentes communautés religieuses.

Pourquoi ces deux types d’enseignements «classiques» ne sont-ils plus adaptés?
L’histoire des religions permet certes de replacer ces dernières dans l’histoire sans pour autant faire du catéchisme. Mais elle laisse de côté le «goût du sacré», qui tout à la fois relie les diverses religions et les différencie. C’est un peu comme enseigner l’histoire des menus sans faire goûter des plats spécifiques! Quant à l’éducation confessionnelle, elle entre en conflit avec la notion de neutralité de l’école vis-à-vis de la question religieuse. En effet, il est souvent difficile de distinguer l’éducation religieuse du catéchisme.

Dans quel contexte le concept d’éducation interconfessionnelle a-t-il vu le jour?
Il fait partie intégrante du développement de l’éducation, dans un contexte de sécularisation de l’école. Deux constats encouragent la promotion de l’éducation interconfessionnelle. D’une part, la grande méconnaissance des différentes «grammaires» des religions. Cela entraîne des raccourcis. Pour reprendre la métaphore culinaire, c’est un peu comme si je vous disais «je n’aime pas la cuisine chinoise». Il faut absolument que les élèves et les étudiants aient toutes les cartes en main pour pouvoir distinguer et se familiariser avec les religions en tenant compte de leurs spécificités. Bref, reconnaître le goût de chaque religion sans tomber dans la superficialité. C’est seulement ainsi qu’on est en mesure de se faire un avis, de porter un jugement.

Quel est le deuxième constat?
Dans la société contemporaine, la doctrine religieuse a fait – et fait malheureusement encore – l’objet de manipulations qui nourrissent le fanatisme, la radicalisation, la violence, la haine ou les discriminations comme l’antisémitisme et l’islamophobie. En effet, sorti de son contexte, le sentiment religieux peut être facilement instrumentalisé au service d’une idéologie meurtrière. Il est dès lors essentiel d’enseigner la différence entre explication de la doctrine religieuse et manipulation de la doctrine religieuse.

Comment l’éducation interconfessionnelle peut-elle contribuer à prévenir la propagation du fanatisme, de la violence ou de la haine?
Globalement, il s’agit de mettre en évidence les moments de l’histoire où les crises se sont mélangées au fait religieux pour générer des conflits. Dans l’histoire récente, on trouve de nombreux cas de discrimination des minorités religieuses: outre celui – tristement célèbre – de la Shoah, on peut citer l’exemple des Rohingyas en Birmanie et des Ouïghours en Chine. A l’inverse, il est tout aussi important de reconnaître et de montrer les moments où l’interconfessionnalité a permis d’aller de l’avant, de nouer ou renouer le dialogue. Les jeunes Européens savent-ils que plusieurs pays arabes, dont le Maroc, ont offert la citoyenneté à de nombreuses familles juives? Au fil des siècles, il y a eu des guerres fratricides. Or, le problème n’est pas d’avoir un frère différent. Ce qui compte, c’est d’arriver à coopérer avec ce frère différent. La culture du dialogue est essentielle et elle doit servir de fil rouge à l’éducation interconfessionnelle.

Concrètement, quelle est la meilleure manière de faire de l’éducation interconfessionnelle?
L’éducation interconfessionnelle, c’est quelque chose qui doit être vécu! La visite d’un lieu de culte (synagogue, mosquée, temple bouddhiste) et la rencontre avec les dirigeants religieux sont autant de portes d’entrée faciles. Elles permettent d’appréhender les différentes religions à l’échelle même de la ville. A condition bien sûr que ces dirigeants religieux aient été préparés et qu’ils ne se laissent pas aller à faire un sermon. Les fêtes religieuses, telles que Noël ou la fête des lumières hindoue, sont un autre moyen de favoriser l’éducation par l’expérience. La musique et l’art sacré en sont d’autres encore.

Et les responsables de cet enseignement, quel est leur profil idéal?
Afin d’éviter toute confusion avec le catéchisme, il est important que les personnes en charge de l’éducation interconfessionnelle soient laïques. Le principe est donc celui d’une éducation de citoyen à citoyen, sans passer par l’institution religieuse. Le grand défi consiste à former ces enseignants, ou plus précisément à mettre en lien les différentes structures de formation laïques et religieuses. L’interdisciplinarité est au cœur de toute la démarche, elle fait figure de solution méthodologique. Si l’éducation prend pas en compte l’interdisciplinarité comme méthode à part entière, elle ne pourra pas former des citoyens du monde!

Quel est le principal obstacle à cette interdisciplinarité?
Disons qu’en Europe, on a plutôt tendance à passer sous silence la nécessité d’approfondir les connaissances générales sur le fait religieux.

Ailleurs, pouvez-vous citer de bons élèves?
Un exemple très intéressant est celui de l’Egypte. Suite à la rencontre historique entre le pape François et le grand imam d’Al-Azhar Ahmad Al-Tayeb à Abu Dhabi, les universités égyptiennes ont commencé à réorienter leurs enseignements de la religion dans le sens de la fraternité. Une autre expérience éducative appliquée et innovante, qui s’appuie sur des bases traditionnelles et religieuses, est celle d’Humanitarian Islam, portée par Nahdat al Ulama en Indonésie. Il s’agit d’un mouvement global qui remet la rahma (la miséricorde et l’amour universel) à sa juste place comme message premier de l’islam, et qui insiste sur la nécessité d’adapter les enseignements islamiques au contexte spatio-temporel. Il présente l’islam non pas comme une idéologie suprématiste ou conquérante, mais comme l’un des nombreux chemins par lesquels l’homme peut atteindre la perfection spirituelle.

La réforme scolaire suisse en est un exemple: on repense la manière d’enseigner le fait religieux et la diversité religieuse. Mais il reste encore beaucoup à faire. Quels sont les principaux défis en matière d’éducation interconfessionnelle?
Le principal défi, je l’ai déjà évoqué: c’est celui de structurer la formation des formateurs. Un autre obstacle à surmonter, c’est le fait que la complexité de l’univers religieux – ainsi que les nombreuses manipulations auxquels il est sujet – sert souvent d’excuse pour ne pas oser y toucher. Dans les écoles, on se «contente» trop souvent de faire de l’éducation à la citoyenneté. Or, la citoyenneté – et la paix! – impliquent forcément la reconnaissance des différences culturelles… et cultuelles. Ne pas aborder cet aspect de la réalité, c’est de la myopie intellectuelle! Pire: c’est former les générations du futur à la médiocrité.

Vous êtes musulman. Quelles sont les particularités de l’éducation interconfessionnelle en ce qui concerne l’islam?
Comme pour toutes les religions, il faut donner aux étudiants des pistes pour comprendre les spécificités liées à l’islam. Il est par ailleurs important d’évoquer les moments, à travers l’histoire, où cette religion a favorisé le dialogue et les relations – en résumé: la paix – et ne pas seulement évoquer les conflits ou la violence. Montrer que d’une clôture, on peut parvenir à une ouverture. Comme l’enseigne l’intellectuel musulman d’origine malaisienne Naquib al-Attas, l’islam a développé une «éducation à l’Homme universel», envisageant celui-ci dans son unité et avec toutes ses composantes (Esprit, âme et corps). C’est une vision globale reliant macrocosme et microcosme, au niveau métaphysique, spirituel et physique.

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  • est président de la (COREIS), l’une des principales organisations islamiques en Italie. Il est également membre du (ECRL). Le 6 novembre 2020, il interviendra lors d’une table ronde intitulée «L’islam en classe: la formation face à la diversité religieuse», qui se déroulera en ligne dans le cadre du colloque , organisé par le (CSIS).
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Romance burundaise à l’Université de Fribourg /alma-georges/articles/2019/romance-burundaise-a-luniversite-de-fribourg /alma-georges/articles/2019/romance-burundaise-a-luniversite-de-fribourg#comments Mon, 12 Aug 2019 08:22:27 +0000 https://www3.unifr.ch/alma-georges?p=8988 Venu du Burundi, Pierre Gahimbare a choisi d’étudier à Fribourg pour une raison bien simple: il y a 30 ans, ses parents se sont connus sur les bancs de notre université. Rencontre à l’ombre des tilleuls de Miséricorde.

Comment se fait-il que votre père, puis votre mère soient venus étudier à Fribourg ?
Dans les années soixante-dix – pardon! Dans les années septante –, mon père donnait des cours dans un lycée dirigé par un père valaisan au Rwanda. C’est ce dernier qui lui a décroché une bourse d’étude auprès de l’œuvre St-Justin afin qu’il puisse étudier à l’Université de Fribourg en sciences de l’éducation. Il a obtenu une licence et un doctorat. J’ai d’ailleurs retrouvé sa thèse à la bibliothèque cantonale.

Et c’est ici qu’il va rencontrer votre mère ?
Elle, elle était venue à Fribourg par l’intermédiaire des sœurs de Schoenstatt, une congrégation religieuse. Elle a étudié l’histoire et le Français Langue Etrangère (FLE). Mon père a dû longuement courtiser ma mère avant qu’elle ne cède. Il a été persévérant. Heureusement, sinon je ne serais pas là! (rires)

 


Votre père est ensuite rentré en 1988 et votre mère en 1989. N’ont-ils pas souhaité rester en Suisse?
Mon père aurait pu rester ici, mais il a toujours voulu contribuer à la reconstruction du pays. A son retour en Afrique, il a éprouvé des difficultés à trouver du travail. Il était trop qualifié, souvent plus que les directeurs des écoles où il postulait. Il a ensuite donné des cours dans un institut de pédagogie appliqué au Rwanda.
Quant à ma mère, elle a connu des difficultés à se faire à la vie helvétique. Elle a même fait une dépression à cause du froid, de la distance et de la cohabitation parfois difficile au sein de la congrégation. Il s’en est fallu de peu qu’elle ne rentre avant la fin de sa formation. Mais tout n’a pas été négatif non plus. Loin s’en faut! Ma mère a noué une solide amitié avec sa camarade de chambre qui est devenue ma marraine. C’est même elle qui a choisi mon prénom!

Dans quelle mesure ce long séjour en Suisse a-t-il transformé vos parents?
Au Rwanda et au Burundi, où mes parents ont vécu, les gens disaient que mon père avait une mentalité de blanc, car il n’a jamais acheté de voiture! Il prenait le bus comme tout le monde. Cette simplicité, pour quelqu’un qui avait eu la chance de vivre à l’étranger, ne manquait pas de susciter l’étonnement. Ma mère, elle, exécutait plusieurs tâches à la fois très rapidement, ce qui passait pour un comportement de blanc.

Et vous, qu’est-ce qui vous a motivé à venir étudier à Fribourg?
En fait, il est si compliqué de nos jours de venir en Europe que je n’y songeais pas vraiment. C’est ma marraine valaisanne qui m’a suggéré de solliciter une bourse auprès de l’œuvre St-Justin. Son directeur, Marco Cattaneo, apprenant que mon père avait reçu une bourse dans les années 1970, a donné son aval. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres: ma demande de visa a échoué dans un premier temps sous prétexte que je n’étais «pas assez motivé». J’ai fait recours et obtenu gain de cause mais cela m’a tout de même fait perdre une année.

Allez-vous suivre les traces de votre père et faire un doctorat?
Je pense qu’il aurait adoré, mais je suis trop impatient de rentrer. Je fourmille de projets! Je souhaite créer une ferme pour les enfants, adolescents et adultes en situation de handicap mental. Au Burundi, il y a un important travail d’inclusion à réaliser. Il y a peu, il était de coutume de les cacher. Je pense que ma place est là-bas. Je suis très attaché à ce projet.

Rester en Suisse est définitivement inenvisageable?
Il y a beaucoup de gens qui ne me comprennent pas, surtout au pays! Ils pensent que je suis fou. Il y a tant de personnes qui souhaitent venir ici et qui n’y parviennent pas. Cela dit, j’ai énormément changé depuis que je suis arrivé en Europe. J’ai découvert le racisme. J’ai parfois senti que je n’étais pas le bienvenu: «Tu es noir, tu viens d’Afrique. Tu vas faire venir toute ta famille et profiter du social». Je suis infiniment reconnaissant envers la Suisse et ses habitants, mais je n’ai qu’une envie, qu’une seule ambition: retourner au pays.

Et quel effet l’expérience du racisme a-t-elle eu sur vous?
Je suis devenu féministe! J’ai été sensibilisé à toute forme de discrimination, que cela soit de genre, d’orientation sexuelle ou de couleur. J’ai pu réfléchir: Pourquoi ne veulent-ils pas de moi? Pourquoi ne m’aiment-ils pas? J’ai pourtant payé mon billet de train. J’ai traversé sur le passage clouté. J’ai payé ce que j’ai pris dans les magasins. J’ai dit bonjour à la caissière… et pourtant ils ne m’aiment pas. Pourquoi? Parce que je viens d’ailleurs, parce que je suis noir! J’ai fait le parallèle avec les autres formes de discrimination. C’est ainsi que je suis devenu activiste: si tu es noir et que tu as connu le racisme en Europe, c’est un non-sens de ne pas être féministe ou d’être homophobe. C’est que tu n’as pas assez pris de hauteur pour voir les liens! Bref! Les mauvaises expériences que j’ai pu vivre ici m’ont fait grandir. Mais attention, je tiens à souligner que j’ai fait énormément de rencontres géniales. Il y a une tonne d’amis qui comptent me visiter au Burundi. Je vais être une véritable agence de voyage !

Un projet qui lui tient à cœur
Cela fait maintenant quatre ans que Pierre Gahimbare a posé ses valises à Fribourg. Bachelor en poche, le jeune Burundais ne dévie pas d’un iota de son objectif initial: obtenir son Master et retourner au plus vite dans son pays afin d’y aider les enfants en situation de handicap. Avec l’argent qu’il a gagné lors d’un stage dans une institution pour enfants autistes, il va acheter un terrain et y construire une ferme pour les personnes avec handicap mental. «Je n’ai pas encore d’expérience avec les animaux, confie-t-il, mais je vais travailler quelques jours dans une ferme à Marly.» Pierre Gahimbare souhaite également garnir la Bibliothèque Pascal Mukene, fondée par sa mère en l’honneur de son père décédé. «Mon père lisait compulsivement. La chambre à coucher de mes parents était envahie par les livres!» Aujourd’hui, quand il retourne au pays, Pierre Gahimbare n’emporte presque pas d’habits mais remplit ses valises de livres.

Pierre Gahimbare est né au Rwanda en 1993 de parents burundais. Son père Pascal Mukene a séjourné à Fribourg de 1978 à 1988. Sa future femme, qu’il ne connaissait pas encore, est arrivée en Suisse une année plus tard.

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Ein Hauch von Weltruhm – Cannes kommt nach Freiburg /alma-georges/articles/2019/ein-hauch-von-weltruhm-cannes-kommt-nach-freiburg /alma-georges/articles/2019/ein-hauch-von-weltruhm-cannes-kommt-nach-freiburg#respond Thu, 06 Jun 2019 09:40:38 +0000 https://www3.unifr.ch/alma-georges?p=8684 Vom 12. – 15. Juni 2019 finden die sechsten Studientage zur theologischen und gesellschaftlichen Erneuerung statt. Der renommierte deutsche Soziologe Hartmut Rosa wird dabei als Talkgast und Hauptredner auftreten. Einen weiteren Höhepunkt bilden die Präsentation des Films über Papst Franziskus im Beisein des Starregisseurs Wim Wenders sowie das anschliessende Gespräch.

Ein Hauch von Weltruhm wird am Donnerstagabend, 13. Juni durch die Aula Magna der Universität Freiburg wehen, wenn vorgeführt wird. Der Dokumentarfilm des deutschen Filmemachers Wim Wenders feierte vor gut einem Jahr am Festival in Cannes Premiere und wird in Freiburg in der Originalsprache – hauptsächlich Italienisch und Spanisch – mit deutschen Untertiteln sowie Französischer Simultanübersetzung gezeigt. Im Anschluss an die Vorführung stellt sich der Regisseur den Fragen von Prof. Joachim Negel vom Lehrstuhl für Fundamentaltheologie.

Bereits am Nachmittag wird Wim Wenders eine lang ersehnte Lesung zum Thema «Der liebevolle Blick» halten. Am Tag davor läuft mit dem mehrfach preisgekrönten Werk «Der Himmel über Berlin» einer von Wenders’ ersten Welterfolgen im Kinosaal Miséricorde. Das Fantasy-Drama aus dem Jahr 1987 mit dem kürzlich verstorbenen Schweizer Schauspieler Bruno Ganz wird mit französischen Untertiteln projiziert.

Hartmut Rosa spricht über seine populäre Resonanz-Theorie
Wim Wenders wird nicht der einzige bekannte Gast der sechsten Studientage zur theologischen und gesellschaftlichen Erneuerung sein. Mit Hartmut Rosa konnten die Veranstalterinnen und Veranstalter auch einen der gefragtesten Soziologen und einflussreicher Diagnostiker unserer Zeit für die Veranstaltung als Hauptreferent gewinnen. Rosa ist Professor für Allgemeine und Theoretische Soziologie an der Friedrich-Schiller-Universität Jena sowie Direktor des Max-Weber-Kollegs in Erfurt.

2018 wurde er sowohl mit dem Erich Fromm-Preis als auch mit dem Paul Watzlawick-Ehrenring ausgezeichnet. Bekannt ist er durch seine Publikationen zu Beschleunigung, zur Theorie von Gemeinschaft und in jüngster Zeit zu Resonanz und Weltbeziehung, worüber er auch an den Studientagen referieren wird.

Tagung in Zusammenarbeit mit Yale
Die jährlichen Studientage werden vom Studienzentrum für Glaube und Gesellschaft der Universität Freiburg organisiert und locken jeweils viele bedeutende Vertreterinnen und Vertreter aus Akademie, Kirche und Gesellschaft aus dem In- und Ausland an. An den drei Tagen sollen Perspektiven zur Erneuerung von Theologie, Kirche und Gesellschaft präsentiert und diskutiert werden.Speziell an der diesjährigen Tagung ist, dass sie mit der Yale University (USA) zusammen organisiert wird, genauer gesagt mit dem Yale Center for Faith and Culture. Dessen Gründer und Direktor, der gebürtige Kroate Miroslav Volf, wird denn auch neben Hartmut Rosa als zweiter Hauptreferent auftreten. Der Professor für Systematische Theologie wird an den Studientagen sein neustes Buch «For the Life of the World» vorstellen und die Frage nach der Relevanz der Theologie für das gute Leben in der Welt stellen.

Highlights der Veranstaltung

Mittwoch, 12. Juni:
14.00 Uhr, Kinosaal Miséricorde (MIS 2029): Präsentation des Films «Der Himmel über Berlin» mit französischen Untertiteln

Donnerstag, 13. Juni:
14.30 Uhr, Aula Magna Miséricorde, «Der liebevolle Blick», Wim Wenders (mit einer Antwort von Miroslav Volf)
16.15 Uhr, Aula Magna Miséricorde, Gespräch, Miroslav Volf, Hartmut Rosa und Wim Wenders
19.30 Uhr, Aula Magna Miséricorde, Kulturabend mit Präsentation des Films «Papst Franziskus – Ein Mann Seines Wortes» (d) und anschliessendem Gespräch mit Wim Wenders

Freitag, 14. Juni:
09.00 Uhr, «Das Resonanzkonzept des guten Lebens» und «Religion als existentielle Sphäre von Resonanz»
16.15 Uhr, Gespräch mit Miroslav Volf und Harmut Rosa

Sämtliche Veranstaltungspunkte erfolgen mit Simultanübersetzung auf Deutsch und Französisch. Interessierte Medienvertreter werden gebeten, sich vorgängig an Andreas Steingruber (andreas.steingruber@unifr.ch, +41 76 504 79 52) zu wenden.

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  • von Wim Wenders
  • «Das gute Leben: Resonanzen in Theologie, Kirche und Gesellschaft»
  • Foto:
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Was tun wir eigentlich, wenn wir Wissenschaft betreiben? /alma-georges/articles/2018/__trashed /alma-georges/articles/2018/__trashed#respond Mon, 20 Aug 2018 05:54:46 +0000 https://www3.unifr.ch/alma-georges?p=6879 Romanistikprofessor Walter D. Mignolo hat an seinem Vortrag zum dekolonialen Bewusstsein provokante Fragen gestellt, Forschenden Mut gemacht und sich vor allem dezidiert gegen jegliche Denkschranken ausgesprochen.

Auf Einladung des Studienbereichs Erziehungswissenschaften und des am Studienbereich Zeitgeschichte angegliederten transdisziplinären Doktoratsprogramms „Migration and Postcoloniality Meet Switzerland“ hielt Walter D. Mignolo am 23. Mai 2018

an der Universität Freiburg einen öffentlichen Vortrag zum Thema „La conscience décoloniale. The Call of the Humanities“. Mit dieser Einladung war die Idee verbunden, von einem der renommiertesten Denker im Forschungsfeld der decolonial theory Einblicke in die Möglichkeiten dekolonialer Wissenschaft in den Sozial- und Geisteswissenschaften zu erhalten.

 

Ein Leben für Kritik an westlicher Geschichtsschreibung
Walter D. Mignolo ist Professor für Romanistik und Direktor des Center for Global Volg and the Humanities an der Duke University in den USA. Der gebürtige Argentinier hat unter anderem in Paris studiert und einige autobiografische Erfahrungen aus dieser Zeit zum Ausgangspunkt seines Vortrags  genommen. Er fühlte sich stets als immigrant und dies hat dazu geführt, dass sich bei ihm ein ‚migrantisches Bewusstsein‘ ausbildete. Nicht zuletzt aufgrund dieser Erfahrungen des Nie-ganz-Dazugehörens, des Anders-Seins, hat Mignolo fast sein ganzes Leben als Forscher der Kritik an der westlichen und eurozentristischen Geschichtsschreibung sowie am Kolonialismus als ,The Darker Side of Western Modernity‘ gewidmet. Mit diesen Themen gehen bedeutsame Fragen einher: Wie kann am hegemonialen Wissensfundament der westlichen Moderne gerüttelt werden und wie kommt Dekolonialisierung zum Beispiel in der Wissensproduktion an Universitäten oder anderen Bildungsinstitutionen zum Tragen?

Keine universellle Wahrheit, sondern immer Optionen
Diesen und anderen Fragen ging Mignolo in seinen äusserst interessanten und mit viel Leidenschaft vorgetragenen Ausführungen nach. So wies er beispielsweise darauf hin, dass die ‚dekoloniale Option‘ in einem universitären Kontext eine Möglichkeit unter vielen darstellt und dass es eine universelle Wahrheit, die für alle gilt, nicht gibt. „Whatever you do is an option“ und weiter: „Don’t pretend that your option is universal and valid for everybody“.
Mit Aussagen wie diesen regte uns Mignolo zum Denken an und brachte uns dazu, unsere eigene Positionierung als Studierende und Dozierende an einer westlichen Universität kritisch zu reflektieren. Was tun wir eigentlich, wenn wir Wissenschaft betreiben? Welchem Wissen verleihen wir den Status von gültigem, anerkanntem Wissen? Und welches Wissen wird marginalisiert? Oder mit Mignolos Worten: „Who is saying what, when, how and what for?“ Damit machte uns der Vortragende darauf aufmerksam, dass es nicht nur wichtig ist, die Inhalte von (wissenschaftlichen) Aussagen kritisch infrage zu stellen, sondern dass es auch darum geht, über die Art und Weise nachzudenken, wie die Aussagen zum Ausdruck kommen (the enunciation) und welche machtvollen Effekte sie zeitigen können.

Ungehorsam gegenüber Zwängen – auch und gerade im akademischen Umfeld
Es gibt nun verschiedene Möglichkeiten, wie diesen Aspekten aus einer dekolonialen Perspektive begegnet werden kann. Mignolo kam in diesem Zusammenhang unter anderem auf das delinking im Sinne eines epistemischen Ungehorsams etwa gegenüber bestimmten disziplinären Zwängen zu sprechen. Kurz gesagt ist damit gemeint, dass uns auch innerhalb eines universitären Kontextes immer mehrere Handlungs- und Denkwege offenstehen und dass wir stets mehr Möglichkeiten haben, als wir manchmal meinen. Es kommt dann darauf an, unsere Möglichkeiten unter ethischen Gesichtspunkten abzuwägen und uns in verantwortungsvoller Weise zu entscheiden.
Inwieweit die von Walter D. Mignolo in seinem Vortrag diskutierten dekolonialen Denkansätze gegenwärtige sozial- und geisteswissenschaftliche Diskurse irritieren und weiterbringen, bildet lediglich eine der aufgeworfenen Problematisierungsrichtungen, die es aus unserer Sicht auf jeden Fall auch an der Universität Freiburg weiterzudenken lohnt.

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üپ:

Mignolo, W. D. (2011). The Darker Side of Western Modernity: Global Futures, Decolonial Options. Durham: Duke University Press.

Mignolo, W. D. (2012). Epistemischer Ungehorsam: Rhetorik der Moderne, Logik der Kolonialität und Grammatik der Dekolonialität. Wien: Turia + Kant.

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Fondation Ethos: à la quête du profit durable! /alma-georges/articles/2017/fondation-ethos-a-la-quete-du-profit-durable /alma-georges/articles/2017/fondation-ethos-a-la-quete-du-profit-durable#comments Tue, 19 Sep 2017 12:25:54 +0000 https://www3.unifr.ch/alma-georges?p=4855 Le profit et la durabilité sont comme l’eau et le feu, a priori plutôt difficiles à marier. Pourtant, depuis plus de vingt ans, la Fondation Ethos milite en faveur d’une forme d’investissement qui préserve les générations futures. Non sans connaître un certain succès. Avant sa conférence de vendredi, le fondateur d’Ethos, Dominique Biedermann, a accordé une interview exclusive à Alma&Georges.

La fondation Ethos existe depuis plus de 20 ans. Quelles sont les réalisations, en matière d’investissements responsables, dont vous êtes le plus fier?
Nous avons réussi à convaincre plus de 200 caisses de pension suisses non seulement de sélectionner les titres avec des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance, mais également d’exercer systématiquement les droits de vote d’actionnaires et d’engager le dialogue avec le management des sociétés. Parallèlement, nous sommes dorénavant reconnus par la grande majorité des sociétés cotées comme un actionnaire et un partenaire de dialogue loyal à long terme.

Quel message souhaitez-vous délivrer à des jeunes, votre public du 22 septembre, qui jouent à fructifier leur portefeuille?
Evaluer une société implique non seulement une analyse financière classique, mais également une analyse très pointue des risques et de la stratégie en matière environnementale, sociale et de gouvernance.

Vous avez créé un indice tenant compte des critères de bonne gouvernance. Quelles informations avez-vous à votre disposition pour affirmer qu’une entreprise est socialement et environnementalement responsable?
Nous analysons l’ensemble des informations publiées par les sociétés sur leur gouvernance, ainsi que sur leur stratégie et leurs réalisations dans les domaines environnementaux et sociaux. Nous avons également accès à plusieurs bases de données de consultants, de même qu’à des informations spécifiques provenant de différentes ONG. Finalement, en tant qu’actionnaires, nous avons aussi beaucoup de contacts directs avec les instances dirigeantes des sociétés concernées.

Comment procédez-vous dans le cas des multinationales actives dans de très nombreux pays et dans des secteurs économiques très variés? Est-il véritablement possible de mesurer l’impact de leurs activités? Est-il possible de fournir de la «transparence» aux investisseurs?
Les entreprises publient de plus en plus d’informations sur l’impact de leurs activités sur l’ensemble de leur chaîne de création de valeur, aussi bien en termes environnementaux que sociaux. Lorsque les données sont lacunaires, nous faisons partie des actionnaires qui font pression pour que les sociétés améliorent leur transparence. Dans ce cadre, nous essayons d’agir de manière groupée avec d’autres actionnaires suisses et étrangers.

L’argent de notre deuxième pilier est-il bien investi ou doit-on craindre qu’il finance également des entreprises ne respectant ni les droits de l’homme ni l’environnement?
Il subsiste malheureusement de nombreuses institutions de prévoyance qui n’appliquent pas encore de critères de gestion extrafinanciers. C’est regrettable et je conseille vivement aux assurés de demander à la direction de leur fonds de pension si de tels critères entrent dans le processus d‘investissement et, si ce n’est pas le cas, pour quelles raisons.

Peut-on être un « bon investisseur », c’est-à-dire faire de bonnes affaires, en misant sur des entreprises s’embarrassant de considérations éthiques?
Bien sûr! Cela est possible sur un horizon d’investissement à long terme. En fin de compte, une entreprise avec des collaborateurs motivés, des clients satisfaits, des fournisseurs fidèles et des actionnaires loyaux aura une meilleure performance et présentera moins de risques à long terme. C’est ce que nous observons chez Ethos.

Quel est le prochain «combat» que vous avez en ligne de mire?
La lutte contre le changement climatique reste l’une de nos préoccupations principales en tant qu’investisseur orienté sur la durée. Dans ce but, nous sommes en dialogue avec les sociétés pour qu’elles définissent et adoptent des programmes ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre. De notre côté, nous publions depuis cette année systématiquement l’intensité carbone de nos portefeuilles de titres. Nous sommes très attentifs à ce que la sélection des titres permette d’avoir une intensité inférieure à celle du marché. C’est notre contribution dans la lutte contre le réchauffement du climat.

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  • Conférence de Dominique Biedermann. 22.09.2017. 16:30 – 18:00 Site PER 21, Bd. Pérolles 90 / Salle C230
    Contact: jonas.renggli@unifr.ch
  • de la BSU
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Faire le djihad et mourir /alma-georges/articles/2016/faire-le-djihad-et-mourir /alma-georges/articles/2016/faire-le-djihad-et-mourir#respond Fri, 21 Oct 2016 07:54:07 +0000 http://www3.unifr.ch/alma-georges/?p=3133 Le politologue Olivier Roy a présenté son nouveau livre Le djihad et la mort en avant première à l’Université de Fribourg. Il y propose de nouvelles thèses sur les motivations des jeunes djihadistes occidentaux. Le spécialiste de l’islam en a débattu devant une salle comble et comblée, lors d’une conférence organisée par l’Institut Religioscope et le Centre suisse islam et société (CSIS).

En évoquant le djihad, vous parlez de mort «inutile». Pourquoi ce terme?
Cette mort souhaitée s’inscrit dans un certain nihilisme, très fréquent chez les jeunes d’aujourd’hui et que l’on pourrait appeler le «nihilisme du no future». En bref, c’est penser qu’il n’y a plus rien d’intéressant dans la vie actuelle, perçue comme une espèce de vide. Seule la mort garantit un accès à la «vraie» vie, à savoir le paradis. En effet, au moment où ils se tuent, ces jeunes sont convaincus de son existence. L’imaginaire des djihadistes est un élément essentiel pour mieux les comprendre. En ce sens, on peut parler d’islamisation de la radicalité.

Vous identifiez deux formes de nihilisme: l’un générationnel et l’autre millénariste; qu’est-ce qui les distingue?
Le nihilisme générationnel signifie que ces jeunes radicalisés sont en rupture avec leurs parents. Ils ne sont pas forcément en guerre, mais ils considèrent qu’ils n’ont plus rien à apprendre d’eux. Un peu comme s’il n’y avait pas de généalogie qui les précède, uniquement le néant. Autre phénomène curieux: ils font des enfants, mais ne les élèvent pas. Il n’est pas rare que les jeunes radicaux aient un bébé dans la même année que celle où ils passent à l’acte en se faisant sauter… Rien avant et rien après. Quant au nihilisme millénariste, même si l’expression n’est pas des plus heureuses, elle s’applique bien à ceux qui pensent que leur mort personnelle est un signe avant-coureur de l’apocalypse. Ils réfutent l’idée de l’établissement d’une société islamique dans la durée. Leur action est donc considérée comme un des présages de la fin des temps.

Cette même configuration terroriste serait-elle possible dans une autre religion?
En ce moment, non. La situation est clairement liée au contexte social et géostratégique du Moyen-Orient. Si l’on prend un cadre différent, par exemple celui des évangéliques aux Etats-Unis, on voit très bien comment des têtes brûlées qui ont envie de faire la guerre deviennent pilotes dans l’US Air Force. Une autre possibilité leur est offerte. La réalité reste cependant complexe et il ne faut pas perdre de vue que le salafisme n’est pas forcément le sas d’entrée du terrorisme.

A la fin de votre ouvrage, vous posez la question «pourquoi Daech tient-il?», avez-vous une réponse à proposer?
Cela tient en peu de mots: chaque ennemi de Daech a un pire ennemi que Daech. Les acteurs sont paralysés parce qu’ils craignent que la disparition de Daech favorise leur autre ennemi. Tous considèrent également que Daech est un épiphénomène, mais que l’autre ennemi, lui, sera toujours là. Les Turcs pensent que les Kurdes sont un problème; les Kurdes sont convaincus que ce sont les Arabes; les Saoudiens prétendent que c’est l’Iran; pour l’Iran ce sont les Soviets, et ainsi de suite. On le voit bien avec Mossoul: pourquoi n’y a-t-il pas d’attaques? Depuis quelques années déjà, nous constatons l’émergence d’un djihad global, international, détaché de tout contexte national et principalement individuel. Grâce à une communication prônant l’esthétisme de la mort et la victoire de la terreur, Daech offre le cadre idéal à la concrétisation d’un tel imaginaire.

En Europe, qui sont ces jeunes et qu’est-ce qui les pousse à un choix aussi extrême ?
Même s’il faut tenir compte des variations entre les différentes nationalités, nous sommes actuellement en mesure d’établir le profil type du jeune radicalisé. En France, par exemple, on constate que, sur vingt ans, les profils sont restés très similaires: deuxième génération, bien intégrés, parcours de petits délinquants, radicalisation la plupart du temps en prison, passage à l’acte sous forme d’attentat, mort sous les coups de feu de la police, l’arme à la main ou dans l’explosion. Qu’ils soient musulmans d’origine ou convertis, presque tous les terroristes sont des born again, à savoir qu’après avoir connu une vie plutôt profane, voire dissolue, les jeunes retrouvent une pratique religieuse plus stricte. Il faut préciser que la plupart passent à l’acte après avoir donné des signes de radicalisation. Il n’est pas rare non plus que des frères, des amis, des cousins suivent le même parcours et agissent ensemble. La seule évolution notable est le nombre croissant de femmes djihadistes.

Existe-t-il des signes auxquels les familles et les proches devraient être attentifs?
Actuellement, des milliers de signalements arrivent à la police, preuve que les parents surveillent de près leurs enfants. Il existe pourtant une grande confusion entre radicalisation religieuse et terroriste. Dès que quelqu’un présente des signes d’entrée en religion, il est dénoncé comme potentiellement dangereux. Dans la réalité, ce n’est pas aussi simple. L’intensité de la pratique ou de la foi n’est pas un gage d’extrémisme.

La déradicalisation, vous y croyez? Avez-vous des pistes à proposer?
Il faut d’abord se poser la question de la nature de la radicalisation: est-elle psychologique, théologique ou relève-t-elle d’une incompatibilité entre islam et Occident? En fonction de la réponse, les solutions à envisager sont différentes. Pour moi, il n’en existe pas un nombre infini. Une possibilité serait l’isolement des radicaux du reste de la société, à commencer par la société musulmane. Il faudrait faire en sorte que les frustrations ne se canalisent pas vers le terrorisme. L’inconvénient de centres comme ceux mis en place en France est qu’ils partent de l’idée que la radicalisation est une forme de pathologie et que les jeunes ne savent pas ce qu’ils veulent. C’est tout le contraire, ils sont fascinés par la radicalité, ils la cherchent. Comparer le djihadisme à l’alcoolisme me paraît complètement inutile. Il faut être conscient que la déradicalisation est plus un moyen d’aider les familles que les jeunes radicaux. Ce concept permet d’innocenter les parents en leur faisant comprendre qu’ils ne sont pour rien dans le choix de leurs enfants, que leur fils ou leur fille sont en fait malades et qu’ils vont être guéris.

Aux commentaires qui inondent les réseaux sociaux et qui proposent, comme solution au terrorisme, «la fosse commune» ou «une cartouche dans la tête», que répondez-vous?
Rien. Ces commentaires sont bêtes et méchants. Ils émanent souvent de gens cachés derrière des pseudonymes. Malheureusement, la stupidité est incontournable.

Qu’aimeriez-vous dire à ceux qui vous accusent de ne «jamais avoir approché un djihadiste»?
C’est complètement faux. Ceux qui prétendent le contraire sont d’une puérilité étonnante. J’ai vécu avec des djihadistes. Je connais bien le milieu des radicalisés et pas uniquement d’un point de vue théorique.

Pensez-vous que le CSIS de l’Université de Fribourg pourrait apporter des solutions à la radicalisation?
C’est un peu prématuré pour le dire, mais j’estime qu’il est nécessaire qu’il y ait, en Europe, des lieux de formation et de pensée théologiques qui s’ouvrent dans un cadre non étatique. Il faut avant tout reconsidérer la place du religieux dans l’espace public. L’islam doit occuper le champ du spirituel. La formation des imams est importante, mais elle doit rester théologique et non pas laïque, comme on le propose en France ou dans d’autres pays européens. L’idéal serait un institut associé, mais relié à des institutions de théologie autres que musulmane, essentiellement chrétienne, évidemment. Nous retrouvons un peu le contexte qui a permis la création du CSIS. Fribourg est le lieu parfait pour un tel centre parce qu’on y trouve une vie théologique très forte.

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  • Photo de Une: © Thomas Jammet
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