Noémie Frezel – Alma & Georges /alma-georges Le magazine web de l'Université de Fribourg Fri, 25 Nov 2022 06:51:37 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.3.5 A quand des tomates dans le désert? /alma-georges/articles/2022/a-quand-des-tomates-dans-le-desert /alma-georges/articles/2022/a-quand-des-tomates-dans-le-desert#respond Mon, 22 Aug 2022 06:35:03 +0000 /alma-georges?p=16264 Pour échapper à l’insécurité alimentaire provoquée par le réchauffement climatique, il est urgent de rendre les cultures plus résistantes aux événements météorologiques extrêmes. C’est la mission que s’est fixée le groupe de recherche d’Ora Hazak, biologiste moléculaire à l’Université de Fribourg.

Le dernier rapport des experts du GIEC est aussi formel qu’alarmant: la capacité d’adaptation de la nature au réchauffement climatique est de plus en plus dépassée. Dans de nombreux endroits de la planète, notamment dans la Corne de l’Afrique, l’aridité accrue provoque déjà de graves crises alimentaires. Pour faire face à cette menace, l’équipe de la biologiste Ora Hazak recherche les gènes qui, chez certaines plantes, pourraient contribuer à les rendre plus résistantes à des périodes de sécheresse plus fréquentes et sévères. «C’est notre rêve, avoue sans fard la chercheuse, face à l’urgence, il convient de comprendre comment les plantes parviennent, au niveau génétique, à s’adapter à un stress hydrique prolongé».

Traiter le problème par la racine
Ora Hazak a choisi pour organismes modèles Solanum lycopersicum, autrement dit la tomate, et Arabidopsis thaliana, une plante modèle de laboratoire. Avec son équipe, elle s’intéresse en particulier aux mécanismes moléculaires qui gouvernent la croissance et l’adaptation de leurs racines. Logique, en somme, puisque c’est cette partie de la plante qui a pour fonction de capter l’eau et les minéraux indispensables à sa croissance. Or, en cas de sécheresse ou lorsque le taux de salinité s’avère trop élevé, ce transport des substances vitales depuis les parties souterraines de la plante vers ses parties aériennes est entravé. Pour y remédier, Ora Hazak et son équipe souhaitent rendre la plante plus résiliente en agissant sur une famille de gènes impliqués dans le développement des tissus vasculaires qui transportent la sève dans les racines. La première étape, et non des moindres, est d’identifier ces derniers.

Une myriade de nouveaux gènes
Alors que 32 de ces gènes avaient déjà été identifiés chez Arabidopsis thaliana, il fallait encore découvrir ceux de la tomate, chez qui ces gènes restaient relativement méconnus malgré son importance pour le maraîchage. «En raison de leur petite taille, nous ne connaissions qu’une poignée de ces gènes, explique Samy Carbonnel, post-doctorant dans l’équipe d’Ora Hazak, c’est grâce à un travail minutieux et des analyses bioinformatiques poussées, en collaboration avec le bioinformaticien Laurent Falquet, que nous avons pu identifier 37 nouveaux gènes, dits CLE, dans le génome de la tomate». Grâce à des bases de données partagées, l’équipe de biologistes a ensuite pu identifier les tissus où ces gènes sont actifs.


Un intérêt international
A l’avenir, la méthode développée par S. Carbonnel et L. Falquet pourra être utilisée pour identifier d’autres gènes essentiels au développement de nombreuses plantes alimentaires. Elle suscite déjà un vif intérêt de la communauté scientifique. «Aussitôt nos résultats rendus publics, nous avons reçu de nombreuses demandes pour connaître la liste des gènes et leur emplacement exact dans le génome», se réjouit Ora Hazak.
La prochaine étape consiste à déterminer le rôle précis de ces gènes dans le fonctionnement des racines de tomate. «Nous voyons par exemple un gène dont l’expression augmente fortement en conditions de sécheresse. Nous voulons maintenant connaître la fonction de ce gène, est ce qu’il permet une meilleure résistance de la plante à l’aridité?» se demandent les biologistes. Pour répondre à ces questions, la méthode est aussi «simple» que laborieuse: il suffit de désactiver un gène après l’autre et d’observer l’effet sur le phénotype de la plante ou, en d’autres termes, l’impact de cette manipulation sur son fonctionnement. Mais «cela prend énormément de temps, environ un an et demi, soupire Ora Hazak, car il faut faire germer les graines, sélectionner les bonnes cellules pour produire un «cal». A partir de ce cal, un petit amas de cellules, on crée de nouveaux plants que l’on peut ensuite faire pousser dans différentes conditions pour mimer un stress hydrique ou osmotique».
A l’instar des agriculteurs, les chercheurs doivent laisser le temps au temps. L’équipe de biologistes de l’Université de Fribourg a cependant déjà pu démontrer l’importance que revêtent certains gènes CLE dans le développement des plantes, notamment en cas de stress hydrique. «Il est donc possible que dans le futur nous puissions utiliser ces résultats pour développer des plantes modifiées capables de mieux résister à des épisodes de sécheresse intense», conclut S. Carbonnel.

Production de plants de tomates transgénique : mode d’emploi

Pour la production des plants de tomates transgéniques, des cellules sont prélevées sur les cotylédons (les premières feuilles qui apparaissent après la germination), puis transformées par co-culture avec des bactéries transportant les gènes voulus. Ensuite un cal se forme, à partir duquel de nouveaux plants sont régénérés.

 

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Place à la nouvelle génération /alma-georges/articles/2022/place-a-la-nouvelle-generation /alma-georges/articles/2022/place-a-la-nouvelle-generation#respond Thu, 07 Jul 2022 12:28:38 +0000 /alma-georges?p=16195 La Société suisse pour les Neurosciences (SSN) a tenu son rendez-vous annuel le 11 juin 2022 à l’Université de Fribourg. Après une édition 2021 annulée et une édition 2022 reportée de février à juin, le congrès, organisé conjointement par l’Unifr et l’Università della Svizzera Italiana, a été l’occasion pour les neuroscientifiques suisses de se rencontrer, d’assister à des présentations scientifiques de grande qualité, et d’échanger sur leurs propres recherches.

Dès le vendredi, une quarantaine de jeunes chercheuses et chercheurs se sont réuni·e·s pour le «ySSN», ou «young» SSN meeting, un minicongrès organisé pour donner l’occasion aux jeunes générations de neuroscientifiques, essentiellement des doctorant·e·s, post-doctorant·e·s, et jeunes chef·fe·s de groupe d’échanger, de partager leur travail et de faire connaissance.

«Nous voulions permettre aux chercheuses et aux chercheurs en début de carrière d’exposer leur travail et de recevoir un retour», explique Samy Rima, post-doctorant au Département de Médecine de l’Unifr et organisateur de l’évènement. «Il n’est souvent pas facile d’assurer une place de présentation à la jeune génération lors du congrès principal. De plus, la pression est moindre, ce qui offre une atmosphère plus détendue et plus propice à la discussion entre pairs.» Les participant·e·s ont eu l’occasion de présenter leurs travaux lors de nombreuses conférences ou autour de posters exposant leurs derniers résultats. Pour clore la journée, les jeunes chercheurs·euses ont pu assister à une projection du film Cinq nouvelles du cerveau de Jean-Stéphane Bron, et échanger de manière informelle avec leurs collègues et des enseignant·e·s sur l’éducation, les méthodes didactiques et l’acquisition de connaissances.

Succès pour les neurosciences suisses malgré la covid
Cette année, les deux présentations principales ont été données par les Professeurs Wolfram Schultz, alumnus de l’Unifr, et Antonio Pisani, de l’Université de Pavie. Michael Schmid, professeur au Département de médecine et coorganisateur de l’évènement, est, comme un grand nombre de ses collègues, particulièrement fier de la venue du Professeur Wolfram Schultz: «Nous étions particulièrement enthousiastes à l’idée de le ‹ramener à la maison›. Il s’agit, en effet, d’un neuroscientifique de renommée mondiale, qui a été professeur de neurophysiologie à l’Unifr entre 1977 et 2001.»

Wolfram Schultz est l’un des pionniers de la recherche sur le système de récompense dans le cerveau. Alors qu’il travaillait sur le campus de Pérolles, il a découvert comment les neurones dits «dopaminergiques» de notre cerveau codent la valeur subjective des choses, la récompense, ou la surprise d’un évènement inattendu. Lors de son exposé, le Professeur Schultz est revenu sur les découvertes principales que lui et son équipe avaient faites à l’Unifr, des travaux qui ont ouvert la voie à la recherche sur les processus de récompense et d’apprentissage. Il a expliqué, ponctuant ses démonstrations d’exemples amusants et de références à son passage à Fribourg, comment le cerveau utilise chaque évènement qui provoque une émotion, ou chaque apprentissage, pour prendre des décisions et définir nos actions suivantes. Il a aussi tenu à rappeler aux jeunes chercheuses et chercheurs présent·e·s dans la salle, comme aux plus ancien·ne·s, l’importance de la liberté de poser des questions, et surtout de prendre plaisir à trouver des réponses sans subir une pression extérieure trop forte.

Après cette entrée en matière passionnante, et une occasion parfaite pour rappeler l’importance de l’Unifr dans la recherche en neurosciences depuis de nombreuses années, le congrès a pu aborder une grande variété d’autres thématiques, comme, par exemple, les nouveaux outils et méthodes de la branche, la neuro-inflammation, ou encore les mécanismes de la conscience et la neuro-réhabilitation.

Coup d’œil sur les organisatrices et organisateurs de l’Unifr
«La préparation de ce congrès dure depuis 2 ans et demi. Ce qui signifie que ce sera le congrès le mieux organisé que l’on n’ait jamais eu.» La présidente de la SSN, Anita Lüthi (Unil), a ouvert le congrès sur ces mots d’humour, avant de remercier spécialement les organisatrices et organisateurs, en particulier Michael Schmid, pour avoir organisé, puis réorganisé, le congrès, tout en parvenant à maintenir le programme et la logistique, malgré les difficultés liées à la pandémie. Une dizaine de professeur·e·s de l’Unifr et de l’Università della Svizzera Italiana lui ont prêté main forte.Michael Schmid se réjouit de la très bonne représentation et de la qualité de la recherche en neurosciences à l’Université de Fribourg: «Au moins la moitié des symposiums étaient organisés par nos scientifiques locaux, les Professeurs Mario Prsa, Juliane Britz et notre nouvelle collègue Patricia Boya.. De plus, les doctorant·e·s et post-doctorant·e·s de l’Unifr étaient très bien représentés dans la session interactive de posters.» Avec 28 présentations scientifiques, 95 posters et presque 300 participant·e·s sur les deux jours, les organisateurs s’accordent à dire que ce congrès a été un succès, et donnent rendez-vous à tous·tes les neuroscientifiques suisses l’an prochain à Lugano.
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  • de la Société suisse de neurosciences
  • de Michael Schmid
  • Photo de une: Samy Rima (organisateur ySSN), Wolfram Schultz et Michael Schmid; © Michael Schmid
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