Léa Chabaud – Alma & Georges /alma-georges Le magazine web de l'Université de Fribourg Thu, 05 Dec 2024 09:40:04 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.3.5 Vers une médecine plus intégrative: Le mode de vie au cÅ“ur de la santé (Episode 5) /alma-georges/articles/2024/vers-une-medecine-plus-integrative-le-mode-de-vie-au-coeur-de-la-sante-episode-5 /alma-georges/articles/2024/vers-une-medecine-plus-integrative-le-mode-de-vie-au-coeur-de-la-sante-episode-5#respond Wed, 04 Dec 2024 05:59:27 +0000 /alma-georges?p=21586 La médecine intégrative, trait d’union entre deux mondes de la santé trop longtemps dissociés, a une place privilégiée dans le cursus médical de l’Université de Fribourg. Au-delà des traitements conventionnels ou complémentaires, le mode de vie d’une personne contribue aussi à sa santé. Comment faire, en tant que médecin, pour inclure cette notion dans ses prises en charge comme dans son propre quotidien? C’est le sujet du troisième et dernier article de cette mini-série.

Diana Walther

Dans les sociétés occidentales modernes, les mœurs personnelles font rarement l’objet d’un suivi médical. Pourtant, elles influencent considérablement l’état de santé d’un individu, c’est pourquoi elles ont toute leur importance dans la médecine intégrative. Diana Walther, médecin spécialisée dans la prévention et la santé publique, est passionnée par la médecine du mode de vie. Cette discipline reconnaît la source comportementale de certaines affections et vise à les prévenir, gérer ou guérir en aidant les patient∙e∙s à mettre en place des changements durables dans leur quotidien. «C’est une approche holistique où l’accent est mis sur la santé et pas la maladie, explique la docteure. On ne s’arrête pas aux symptômes, comme cela peut malheureusement parfois être le cas en médecine conventionnelle.»

Pas aussi simple que ça en a l’air
S’il est bien connu qu’une alimentation saine, un sommeil régulier ou encore une activité physique suffisante favorisent notre bien-être, se débarrasser d’une mauvaise habitude ou adopter une bonne résolution peut s’avérer extrêmement difficile. «C’est là que le ou la médecin de famille peut jouer un rôle central en conseillant, voire en coachant son ou sa patient∙e», souligne la docteure Walther. Mais encore faut-il que le ou la clinicien·ne ait des connaissances dans ce domaine. «Nous ne sommes certainement pas assez formé∙e∙s à accompagner les patient∙e∙s dans leurs changements de mode de vie», explique Pierre-Yves Rodondi, directeur de l’Institut de médecine de famille (IMF). «Nous savons ce qui leur ferait du bien ou pas, mais cela reste difficile de trouver comment bien le leur transmettre», continue-t-il. En effet, un coaching adéquat en médecine du mode de vie requiert des connaissances en sciences du comportement, un savoir qui est étonnamment peu transmis dans la formation médicale classique.

Quand la société nuit à la santé
Pour ne rien arranger, le contexte sociétal moderne est loin de faciliter la transition vers un mode de vie plus sain, en particulier pour ce qui est de la consommation. «Il y a presque du sabotage de nos pratiques, déplore Olivier Pasche, vice-directeur de l’IMF, on autorise la publicité pour le sucre, le tabac, les boissons alcoolisées…». De surcroît, s’alimenter de manière saine et équilibrée coûte souvent plus cher que d’opter pour des produits flattant notre appétence pour les goûts sucrés ou salés. «Il y a quelque chose qui dysfonctionne au niveau de la société et, en tant que médecins, on est très impuissant∙e∙s parce qu’on arrive en bout de chaîne et on ne peut alors que constater les dégâts.»

Et justement, dans ce cadre culturel, modifier les routines individuelles et collectives est plus salvateur que jamais. «Nos modes de vie modernes causent énormément de souffrance et de maladies chroniques, dont un grand nombre est en fait réversible si on change notre mode de vie», reprend la docteure Walther. Bien que des efforts soient encore à faire dans la pratique, une prise de conscience semble heureusement vouloir opérer. «Il y a plein de petites mesures de santé publique qui ont été prises pour améliorer la santé de la population, relève le professeur Rodondi. Par exemple, beaucoup d’écoles ont changé les menus de midi en privilégiant des assiettes équilibrées.»

«Un style de vie, c’est une thérapie»
Parmi les habitudes de vie qui favorisent le bien-être, les hobbies ne doivent pas être sous-estimés. Au-delà des bienfaits physiques, de l’entraînement cérébral ou de la résilience au stress que peuvent engendrer différentes activités, l’aspect social des loisirs a ses propres vertus qui sont loin d’être négligeables.

Laurent Rochat, entraîneur de Taiji Quan

Laurent Rochat, entraîneur de Taiji Quan et d’autres arts martiaux chinois, parle ainsi de la philosophie sur laquelle est basée l’approche médicale chinoise: «Une personne qui est bien équilibrée a bien sûr une activité physique, mais elle a aussi un environnement social. Donc pouvoir sociabiliser au travers d’une activité comme le Taiji Quan, c’est très important. Et ce n’est pas juste une question psychologique puisque, en médecine chinoise, psychisme et corps ne font qu’un. Donc en travaillant sur sa socialisation, on peut améliorer certains aspects physiques.»

Mais pour cet altiste amoureux de culture chinoise, la pratique d’un art martial comme le Taiji va même plus loin que cela: il s’agit d’un mode de fonctionnement à appliquer à tous les instants de sa vie. «Un style de vie, c’est une thérapie, déclare-t-il. Quand on change de style de vie, on va mieux!»

Prendre soin de soi pour mieux soigner les autres
Dans le meilleur des mondes, cette notion devrait s’appliquer non seulement aux patient∙e∙s, mais également aux soignant∙e∙s. «Normalement, un bon médecin chinois pratique à côté de sa profession au moins un art interne», explique Laurent Rochat. «On sait qu’être médecin n’est pas un métier forcément facile, rebondit le professeur Rodondi. Il faut s’occuper des autres, mais il faut savoir s’occuper de soi-même.» C’est peut-être là l’ultime prise de conscience à laquelle il espère conduire les étudiant∙e∙s en leur proposant des cours pratiques en médecine intégrative. Le stage d’une semaine organisé chaque année par l’IMF, notamment, est une précieuse occasion d’introduire les jeunes médecins à des disciplines qui pourront les aider à avoir une bonne qualité de vie le jour où ils et elles exerceront auprès de leurs patient∙e∙s.

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Les multiples facettes de la médecine intégrative – Rencontre avec la docteure Diana Walther, passionnée par la médecine du mode de vie (Episode 4) /alma-georges/articles/2024/les-multiples-facettes-de-la-medecine-integrative-rencontre-avec-la-docteure-diana-walther-passionnee-par-la-medecine-du-mode-de-vie /alma-georges/articles/2024/les-multiples-facettes-de-la-medecine-integrative-rencontre-avec-la-docteure-diana-walther-passionnee-par-la-medecine-du-mode-de-vie#respond Tue, 26 Nov 2024 14:17:10 +0000 /alma-georges?p=21510 Chaque année depuis 2020, l’Institut de médecine de famille de l’Université de Fribourg organise un stage d’une semaine dans le petit village de Bellegarde (Jaun), au cœur des Préalpes fribourgeoises. C’est l’occasion pour les étudiant∙e∙s du master en médecine de découvrir des pratiques thérapeutiques ou préventives qui sortent du cadre de la médecine conventionnelle. S’inscrivant dans le programme d’enseignement de la médecine intégrative, ce stage optionnel permet aux futur∙e∙s soignant∙e∙s de découvrir la diversité du métier de médecin de famille.

Diana Walther, médecin spécialisée en prévention et santé publique, y a donné cette année une introduction à la médecine du mode de vie. Elle explique que de nombreuses maladies modernes peuvent être évitées ou guéries en adoptant de meilleures habitudes de vie. Selon Diana Walther, les médecins de famille ont un rôle-clé à jouer en accompagnant leurs patient∙e∙s dans ce processus de changement.

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Vers une médecine plus intégrative: Transmettre l’ouverture d’esprit aux médecins de demain (Episode 3) /alma-georges/articles/2024/vers-une-medecine-plus-integrative-transmettre-louverture-desprit-aux-medecins-de-demain /alma-georges/articles/2024/vers-une-medecine-plus-integrative-transmettre-louverture-desprit-aux-medecins-de-demain#respond Tue, 19 Nov 2024 07:19:57 +0000 /alma-georges?p=21216 La médecine intégrative, trait d’union entre deux mondes de la santé trop longtemps dissociés, a une place privilégiée dans le cursus médical de l’Université de Fribourg. Le deuxième article de cette mini-série explore pourquoi et sous quelles formes les médecines complémentaires sont enseignées ici. À l’honneur: un camp hors du commun organisé chaque année par l’Institut de médecine de famille.

Une église désacralisée et une vieille bâtisse, nichées auprès d’une cascade légendairement guérisseuse; c’est là qu’a eu lieu, du 1er au 6 mai derniers, la quatrième édition du stage annuel de l’Institut de médecine de famille (IMF) de l’Université de Fribourg. Ce camp est une occasion rare pour les étudiant∙e∙s entamant leur dernière année de médecine de découvrir, par l’expérience, des pratiques qui ne sont que peu abordées dans leur cursus ordinaire, et ainsi d’élargir leurs perspectives en matière de médecine de famille. Shiatsu, phytothérapie, médecine chinoise ou encore baignade en eau froide figurent parmi les approches thérapeutiques ou prophylactiques qui leur sont présentées au cours de cette semaine. Mais alors, pourquoi introduire la médecine intégrative dans la formation des professionnel∙le∙s de la santé?

Une ancienne église transformée en salle de formation

Un programme pluridisciplinaire
Tout d’abord, parce que «c’est obligatoire selon la loi sur les professions médicales», explique Pierre-Yves Rodondi, médecin généraliste et directeur de l’IMF. Si cette loi ne définit aucune durée minimale pour les cours dédiés aux médecines complémentaires, le cursus de l’Université de Fribourg est plutôt visionnaire en la matière. Créé en 2019 par le professeur Rodondi et son équipe, le programme de médecine intégrative du nouveau master comprend plusieurs cours, répartis sur la durée, dans lesquels des vignettes cliniques sont abordées sous un angle pluridisciplinaire. «Il y a eu cette volonté, très rapidement, de collaborer entre les différentes spécialités», raconte le médecin. En effet, il est important pour lui que l’enseignement des thérapies complémentaires ne se fasse pas en marge des autres cours, comme cela a trop longtemps été le cas. Faire communiquer les disciplines plutôt que de les ranger dans des boîtes séparées permet aux étudiant∙e∙s de découvrir non seulement la polyvalence des médecines non-conventionnelles, mais surtout leur complémentarité avec les méthodes classiques.

Offrir une perspective plus large
L’objectif principal, en enseignant la médecine intégrative, c’est d’informer les étudiant∙e∙s du fait que la patientèle a fréquemment recours à des thérapies complémentaires, et ce, sans forcément en parler à son ou sa médecin de famille. «Juste de savoir de quoi on parle, cela peut déjà aider à dialoguer avec le ou la patient∙e», indique le professeur Rodondi. Une démarche essentielle pour accompagner la personne au mieux dans son parcours de soins, tout en garantissant sa sécurité.

Par ailleurs, l’immense intérêt d’inclure une perspective intégrative au cursus de médecine est d’inciter les étudiant∙e∙s à questionner les dogmes. «Classiquement, les études de médecine formatent les médecins à avoir une approche rigoureuse, scientifique», expose Olivier Pasche, vice-directeur de l’IMF, «mais il manque une ouverture à des référentiels qui sortent du cadre de la pensée dominante». En tant que responsable de l’enseignement, ce médecin de famille considère que les études se doivent d’offrir cette perspective aux soignant∙e∙s de demain. «Même dans l’ensemble de la médecine, ajoute le professeur Rodondi, la manière de traiter évolue.» Il est donc essentiel, selon ses mots, «d’amener les étudiant∙e∙s à cette compréhension que les choses changent, que les cultures, les visions évoluent et les données vont évoluer».

Cultiver les liens intergénérationnels
Tout en s’inscrivant dans cette démarche, le stage de l’IMF a des objectifs supplémentaires qui lui sont propres. L’un d’eux est de donner aux étudiant∙e∙s un aperçu de la diversité du métier de médecin de famille. Le temps d’un jour, le Cantorama – ancienne église délestée de ses attributs religieux – s’est transformée en salle de formation continue pour 17 médecins enseignant∙e∙s. Lors des jeux de rôles de l’après-midi, les étudiant∙e∙s ont pu se rendre compte du fait que chaque médecin a une manière unique de consulter. Par ailleurs, cette journée a aussi été l’occasion de «cultiver l’esprit de famille au sein de la médecine de famille», comme l’exprime le docteur Pasche, «en faisant découvrir aux étudiant∙e∙s qu’il s’agit aussi d’un environnement de gens qui se connaissent et qui ont du plaisir à être ensemble». Un objectif atteint, si l’on se fie à l’enthousiasme des jeunes médecins!

Etoffer ses compétences pour répondre à des besoins variés
Ce qui fait la richesse de la médecine de famille, c’est aussi l’éventail de spécialités qui peuvent y être intégrées. En découvrir quelques-unes dans leurs cours ou lors du camp de l’IMF peut donner envie aux étudiant∙e∙s d’étoffer leur pratique future dans le cas où ils ou elles deviendraient médecins généralistes. Et pour cause: en élargissant son champ de compétences, un∙e médecin de famille peut traiter toute une panoplie de maux directement au cabinet, et donc réduire le nombre de patient∙e∙s référé∙e∙s à des spécialistes.

L’une de ces spécialités, c’est la médecine manuelle, présentée lors du stage par le docteur Vincent Amstutz. «Les étudiant∙e∙s qui veulent faire de la médecine générale vont être confronté∙e∙s à une quantité énorme de problématiques douloureuses», explique-t-il. «Or, on ne nous apprend ni comment les traiter, ni comment rendre les gens autonomes.» Pour lui, il est donc important que les futur∙e∙s médecins entendent déjà parler de ce genre de techniques durant leurs études.

Diana Walther, médecin spécialisée en prévention et santé publique, abonde dans ce sens. Elle est venue présenter aux étudiant∙e∙s quelques stratégies issues de la médecine du mode de vie qui permettent d’aider les patient∙e∙s à mettre en place des changements durables dans leur quotidien. Que ce soit en cabinet ou en hôpital, cette approche demeure étonnamment marginale. Selon la docteure, cela s’explique par le fait que la médecine du mode de vie ne figure pas dans le cursus universitaire obligatoire. «Je pense qu’il est essentiel que chaque étudiant∙e en médecine entende parler de cela, affirme-t-elle, d’un côté parce que l’impact peut être majeur, et de l’autre côté parce que c’est la base de la santé, en fait!»

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Vers une médecine plus intégrative: Rencontre avec Vincent Amstutz, spécialiste de la médecine manuelle (Episode 2) /alma-georges/articles/2024/vers-une-medecine-plus-integrative-rencontre-avec-vincent-amstutz-specialiste-de-la-medecine-manuelle /alma-georges/articles/2024/vers-une-medecine-plus-integrative-rencontre-avec-vincent-amstutz-specialiste-de-la-medecine-manuelle#respond Tue, 12 Nov 2024 10:52:13 +0000 /alma-georges?p=21268 Chaque année depuis 2020, l’Institut de médecine de famille de l’Université de Fribourg organise un stage d’une semaine dans le petit village de Bellegarde (Jaun), au cœur des Préalpes fribourgeoises. C’est l’occasion pour les étudiant∙e∙s du master en médecine de découvrir des pratiques thérapeutiques ou préventives qui sortent du cadre de la médecine conventionnelle. 

S’inscrivant dans le programme d’enseignement de la médecine intégrative, ce stage optionnel permet aux futur∙e∙s soignant∙e∙s de découvrir la diversité du métier de médecin de famille. Cette année, le docteur Vincent Amstutz est venu présenter la médecine manuelle, une spécialisation qui enrichit sa pratique en tant que médecin de famille. Il raconte comment cette discipline permet de traiter toute une catégorie de douleurs d’origine musculosquelettique et dans quelle mesure son apprentissage peut être bénéfique aux étudiant∙e∙s se destinant à la médecine générale.

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Vers une médecine plus intégrative: Elargir le champ des options thérapeutiques (Episode 1) /alma-georges/articles/2024/vers-une-medecine-plus-integrative-elargir-le-champ-des-options-therapeutiques /alma-georges/articles/2024/vers-une-medecine-plus-integrative-elargir-le-champ-des-options-therapeutiques#respond Tue, 05 Nov 2024 13:24:05 +0000 /alma-georges?p=21208 La médecine intégrative, trait d’union entre deux mondes de la santé trop longtemps dissociés, a une place privilégiée dans le cursus médical de l’Université de Fribourg. Le premier article de cette mini-série met en lumière les avantages d’une consultation intégrative, aussi bien pour les patient∙e∙s que pour les soignant∙e∙s.

Le système de santé occidental est depuis longtemps clivé en deux camps qui ne communiquent guère, sinon pour se dévaloriser mutuellement. D’un côté, la médecine classique, fondée sur des faits mesurables et reproductibles, dont les méthodes d’intervention sont usuellement focalisées sur l’impact biochimique des médicaments ou le raccommodage chirurgical. De l’autre côté, les thérapies complémentaires, aux fondements empiriques et visant à rééquilibrer les processus vitaux en agissant non-seulement sur la physiologie, mais également sur les sphères psychique, énergétique ou même spirituelle de l’être humain.

Olivier Pasche et Pierre-Yves Rodondi

Prendre le meilleur des deux mondes
Depuis peu, le dialogue commence à s’établir entre ces deux mondes qui semblaient jusqu’ici opposés, et cela grâce à un concept développé aux Etats-Unis dans les années 1990: la médecine intégrative. «L’idée, c’est de prendre le meilleur de la médecine pour les patient∙e∙s, sans a priori», indique Pierre-Yves Rodondi, directeur de l’Institut de médecine de famille (IMF) de l’Université de Fribourg. Ce médecin généraliste, lui-même formé en homéopathie, considère que, tant qu’il est utile et ne présente pas de risque, tout traitement vaut la peine d’être envisagé. «Il s’agit de prendre le patient ou la patiente dans sa globalité, en tenant compte de ses propres valeurs, ce qui est un élément très important dans les choix thérapeutiques», ajoute-t-il.

Cette notion est particulièrement importante aux yeux d’Olivier Pasche, vice-directeur de l’IMF et également médecin de famille. Selon lui, il manque parfois aux praticien∙ne∙s en médecine classique la «perspective de l’anthropologue, c’est-à-dire un intérêt au référentiel de l’autre au travers d’un regard qui cherche à s’affranchir de ses propres conditionnements ». En plus d’amener à une meilleure compréhension de l’univers de ses patient∙e∙s, cette ouverture d’esprit permet de se rendre compte du champ des pratiques thérapeutiques existantes, qui dépasse largement celui de la médecine conventionnelle. Car la réalité, c’est qu’une majorité de la population a recours, de temps à autre, à un remède non-conventionnel, qu’il s’agisse d’une infusion de camomille ou d’une séance d’acupuncture. «Le corps médical a beaucoup plus séparé les médecines que la patientèle», souligne le Professeur Rodondi. Par conséquent, un médecin ayant une certaine connaissance des thérapies complémentaires est plus à même d’établir une relation de partage avec ses patient∙e∙s et ainsi de les aider à naviguer de manière optimale dans leur parcours de soins.

Agrandir sa boîte à outils
En cultivant cet état d’esprit dans son activité clinique, le Docteur Pasche a lui-même, petit à petit, développé un attrait pour certaines disciplines complémentaires telles que la médecine psychosomatique et la phytothérapie. Ainsi, une approche intégrative représente un réel atout non seulement pour la patientèle, mais également pour le ou la médecin qui enrichit sa pratique en ajoutant des cordes à son arc. «Dans certaines situations, la médecine conventionnelle n’a pas beaucoup de réponses», explique le Professeur Rodondi, il s’agit d’utiliser le bon outil au bon moment, dans les bonnes conditions et avec les bons thérapeutes.»

Quand la médecine classique donne sa langue au chat
Parmi les problématiques de santé auxquelles la médecine conventionnelle peine à faire face, on peut citer la vaste catégorie des troubles fonctionnels, qui comprend, par exemple, les maux de ventre, les maux de tête, les insomnies ou encore les douleurs musculosquelettiques. «On a très peu de connaissances dans ces domaines-là et, pourtant, c’est une énorme part de notre pratique», reconnaît le docteur Pasche. «On est souvent désemparés, poursuit-il. La tendance est de prescrire des médicaments par analogie avec d’autres pathologies, sans vraiment avoir une approche taillée sur mesure.»

Pour les douleurs de type fonctionnel, il existe pourtant une spécialité bien adaptée et reconnue par la FMH (Foederatio Medicorum Helveticorum, ou Fédération des médecins suisses): la médecine manuelle. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une thérapie complémentaire en tant que telle, son apprentissage nécessite une formation additionnelle, état de fait que Vincent Amstutz, spécialiste de cette discipline, regrette: «Je me bats plutôt pour que cela fasse partie de la formation des généralistes, car les problématiques fonctionnelles douloureuses sont si fréquentes que, selon moi, cela devrait relever d’une logique de médecine classique.»

Des autosoins qui soutiennent la guérison
Une autre force de la médecine intégrative, c’est qu’elle permet souvent «de redonner au ou à la patient∙e sa capacité à faire des choses pour sa santé par lui-même ou elle-même», comme l’explique le Professeur Rodondi. En effet, il est assez courant, notamment en médecine manuelle, de conseiller des mouvements spécifiques à faire chez soi pour améliorer la mobilité ou soulager la douleur. Dans la même idée, la prescription de certaines plantes s’est bien démocratisée depuis que leurs mécanismes d’action sont connus. Tout en rendant les patient∙e∙s plus autonomes, les autosoins de ce type permettent de diminuer la prise de médicaments, ce qui, au passage, réduit l’impact environnemental de la prise en charge. Si de telles mesures ne suffisent pas toujours à soigner une affection, elles peuvent se combiner avec un traitement classique afin d’en augmenter l’efficacité ou d’en réduire la durée.

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Mieux comprendre le cerveau pour mieux soigner ses maux /alma-georges/articles/2024/mieux-comprendre-le-cerveau-pour-mieux-soigner-ses-maux /alma-georges/articles/2024/mieux-comprendre-le-cerveau-pour-mieux-soigner-ses-maux#respond Fri, 08 Mar 2024 13:23:16 +0000 /alma-georges?p=19933 Si son expertise médicale enrichit sa recherche, ses connaissances scientifiques l’aident à mieux comprendre les maux de ses patient∙e∙s. La docteure Joëlle Chabwine tire le meilleur parti de ses deux casquettes: celle de neurologue à l’Hôpital de Moutier et celle de chercheuse dans le groupe du Professeur Spierer à l’Université de Fribourg. Dans le cadre de la Semaine du cerveau, elle donnera une conférence mercredi 13 mars prochain.
En clinique comme au laboratoire, Joëlle Chabwine a un seul objectif en tête: «mieux comprendre pour mieux traiter ». A la fois docteure en neurosciences fondamentales et médecin neurologue, elle s’intéresse aux mécanismes qui sous-tendent la résilience du cerveau face à différentes pathologies. En mettant en lumière les processus neurologiques qui se cachent derrière des symptomatologies bien précises, la chercheuse espère progresser vers des traitements toujours plus ciblés et personnalisés. Ainsi, son expertise médicale est indissociable de ses travaux académiques. «Quand je fais de la recherche, c’est toujours inspiré par mon expérience clinique», raconte-t-elle.

Joëlle Chabwine

Plus qu’un travail, une passion
Pourtant, combiner pleinement travail clinique et projets de recherche est aussi complexe que peu usuel. «Avoir un pied dans chaque monde, rêve de bon nombre de médecins, s’avère difficile à concrétiser dans la réalité et requiert son lot de sacrifices», explique la docteure. En effet, les critères d’excellence sont si élevés, d’un côté comme de l’autre, que l’on ne peut les atteindre qu’en se consacrant entièrement à un seul des deux domaines. De plus, pratiquer les deux activités en parallèle relève de la vocation: «Ce sont deux jobs à plein temps même si on les fait chacun à temps partiel.» Pour Joëlle Chabwine, c’est toutefois la passion qui l’emporte. «Je fais de la recherche sérieusement, affirme-t-elle, mais le plaisir et la satisfaction que j’en tire en font un hobby!»

Décoder le langage des neurones
Dans ses recherches sur les douleurs chroniques comme dans celles portant sur l’adaptabilité, ou «plasticité», du cerveau à la suite d’une lésion telle qu’un accident vasculaire cérébral (AVC), la scientifique s’appuie sur un outil dont elle a acquis la maîtrise durant sa formation de neurologue: l’électroencéphalogramme (EEG). Cette technique consiste à capter l’activité électrique des neurones dans le cerveau grâce à des électrodes placées sur la tête du sujet. «Cette activité électrique, on peut essayer de la décoder, explique la chercheuse. Avec la technologie actuelle, il est possible d’enregistrer et d’individualiser plusieurs types d’activité selon leur gamme de fréquences. L’enjeu est ensuite d’essayer de comprendre ce que nous disent ces activités.» En dépit des caractéristiques bien spécifiques à chacune des pathologies qu’elle étudie dans ses deux axes de recherche, Joëlle Chabwine confie être «convaincue que la plasticité cérébrale a probablement certaines modalités et mécanismes communs aux différentes situations qui ‹attaquent› le cerveau».

Les séquelles cognitives: un handicap invisible mais bien réel
Il y a quelques années, la neurologue a été amenée à constater que, à leur sortie d’hospitalisation, les personnes victimes des séquelles cognitives d’un AVC ou d’une autre lésion cérébrale manquent cruellement d’un suivi adapté. «Une fois qu’on passe en phase chronique, c’est fini. On les oublie, en fait», déplore-t-elle. Non seulement mal compris, les problèmes cognitifs sont aussi stigmatisants du fait de leur invisibilité. En effet, il n’est pas rare pour les patient∙e∙s concerné∙e∙s de s’entendre dire: «Tu as de la chance, tu n’es pas en fauteuil roulant, pourquoi tu ne travailles pas?». Pourtant, la docteure connaît «un bon nombre de patient∙e∙s qui n’ont pas de paralysie, mais qui n’ont jamais pu retravailler.» Pour elle, les problèmes cognitifs méritent autant d’attention que les problèmes physiques, «parce que ça handicape tout autant, sinon même plus. »

Valoriser les aptitudes qui restent
Pour pallier ce manque, Joëlle Chabwine a développé une prise en charge spécialisée dans ce genre de troubles, faisant appel à divers thérapeutes tels que des neuropsychologues et des ergothérapeutes. L’ouverture prochaine de son cabinet indépendant en terres fribourgeoises lui permettra en outre, elle l’espère, d’élargir son réseau à des institutions non-médicales, afin d’offrir aux victimes de séquelles cognitives de meilleures opportunités de réinsertion dans la société. «La plupart des gens dépriment parce qu’ils se sentent inutiles, même s’ils ont retrouvé une certaine autonomie dans la vie quotidienne», souligne la médecin. A terme, elle imagine la mise en place de programmes permettant de valoriser les compétences résiduelles de ces patient∙e∙s en leur proposant des activités adaptées, sans exigence de rendement professionnel. «Même en pensant économie» raisonne-t-elle, «ce sont l’Etat et nos impôts qui paient les rentes d’invalides.» Donc habiliter ces personnes à mettre à profit ce qui leur reste de capacités «est bénéfique à la fois pour elles, car elles se sentent utiles, mais aussi pour la société qui bénéficie de bras volontaires en plus».

Envie d’en savoir plus?
Au vu de la méconnaissance générale de leurs difficultés, le premier pas vers une meilleure inclusion des victimes de troubles cognitifs est de sensibiliser le grand public. C’est la raison pour laquelle, à l’occasion de la Semaine du Cerveau 2024, Joëlle Chabwine a décidé d’aborder cette thématique dans une conférence intitulée: «Ouf ! Je ne suis pas paralysé·e à la suite de mon AVC! Mais j’ai des difficultés à fonctionner dans ma tête» .N’hésitez pas à venir l’écouter le mercredi 13 mars prochain à 19h00, dans la salle A140 du bâtiment PER21 !

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