Frédéric Pont – Alma & Georges /alma-georges Le magazine web de l'Université de Fribourg Wed, 10 Feb 2021 09:04:40 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.3.5 Bactéries résistantes: Fribourg au cœur de la lutte /alma-georges/articles/2021/bacteries-resistantes-fribourg-au-coeur-de-la-lutte /alma-georges/articles/2021/bacteries-resistantes-fribourg-au-coeur-de-la-lutte#respond Wed, 10 Feb 2021 07:40:01 +0000 /alma-georges?p=13055 Le Centre national de référence pour la détection précoce et la surveillance de nouvelles résistances aux antibiotiques (NARA), créé en 2017 par le Professeur Patrice Nordmann, a élu domicile à la Section de médecine de l’Université de Fribourg. Il est chargé d’identifier et de surveiller l’émergence de nouvelles souches de bactéries résistantes aux antibiotiques au niveau suisse.

Les activités du NARA sont réparties entre l’Université de Fribourg et le Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) à Lausanne. A Fribourg, le nouveau pavillon de médecine du campus de Pérolles abrite un spacieux laboratoire de niveau biosécurité 2, avec une extension de biosécurité 3, le seul laboratoire de ce type dans le Canton de Fribourg. C’est là que l’équipe du Professeur Patrice Nordmann analyse les échantillons de bactéries résistantes aux antibiotiques que leur envoient les laboratoires médicaux (hôpitaux publics et privés, cliniques, laboratoires indépendants) de tout le pays, afin de déterminer s’il s’agit de résistances connues ou de nouvelles souches émergentes. Le NARA cherche aussi à comprendre les mécanismes moléculaires des nouvelles résistances, à développer de nouveaux outils de diagnostic pour les hôpitaux et à mesurer l’efficacité des nouveaux antibiotiques.

Le Professeur Patrice Nordmann est le fondateur du NARA.

La prochaine catastrophe sanitaire?
Les bactéries résistantes aux antibiotiques présentent, à terme, une grave menace de santé publique. Depuis la découverte de la pénicilline, les bactéries se sont engagées dans une véritable course à l’armement: au fur et à mesure que les scientifiques et l’industrie pharmaceutique mettent au point de nouveaux antibiotiques, elles opposent de nouvelles résistances. Comme les bactéries sont capables d’échanger des gènes même entre différentes espèces, les nouvelles résistances aux antibiotiques peuvent se répandre rapidement, compliquant le traitement de nombreuses infections dans le monde entier. Avec le temps, les bactéries résistantes se font de plus en plus communes et l’humanité risque de se retrouver désarmée face aux infections bactériennes, comme avant la découverte de la pénicilline.

Le Docteur Laurent Poirel pose un regard positif sur l’avenir.

«La situation était dramatique il y a une dizaine d’années», explique le Docteur , collaborateur du NARA. «Le développement de nouveaux antibiotiques s’avérait trop lent pour suivre les nouvelles résistances chez les bactéries. Les grandes industries pharmaceutiques avaient levé le pied, car la recherche de nouveaux antibiotiques coûte très cher et ne rapporte pas autant que d’autres médicaments. Mais, ces dernières années, des start-ups ont pris le relais. Celles qui réussissent sont ensuite rachetées par de grandes compagnies, qui disposent de capacités de production et de distribution à large échelle. La situation me paraît ainsi beaucoup plus saine aujourd’hui.»

Des bactéries à «désamorcer»
Développer de nouveaux antibiotiques constitue l’un des volets de cette course aux armements, l’autre consistant à ralentir le développement des bactéries résistantes. C’est dans ce contexte que s’inscrit le travail du NARA. Quand un échantillon de bactérie arrive au laboratoire de l’Université de Fribourg, c’est qu’il s’est déjà montré résistant à certains antibiotiques dans un laboratoire médical de Suisse moins équipé. Le groupe se lance alors dans l’enquête: à quoi la bactérie résiste-t-elle, quels mécanismes moléculaires utilise-t-elle, et l’a-t-on déjà vue quelque part dans le monde? Le groupe a, par exemple, identifié récemment une variante résistante de bactéries intestinales, détectée aussi en Allemagne [voir encadré].

Un cadre d’études et de recherche stimulant
L’équipe dirigée par le Professeur Patrice Nordmann offre des conditions de recherche idéales pour les étudiant·e·s en thèse et les jeunes chercheuses et chercheurs: la combinaison d’un sujet très utile à la société, scientifiquement passionnantet prolifique au niveau des résultats. Les deux membres seniors du groupe appartiennent depuis plusieurs années à la «», démontrant l’impact de leur recherche. L’Unifr contribue, à travers eux, à un effort de santé publique important pour l’après-covid, afin de garder un coup d’avance dans la lutte contre les bactéries résistantes.

La trajectoire d’une super-bactérie
Une malade se retrouve à l’Hôpital cantonal du Valais à Sion pour traiter une infection particulièrement tenace. Le laboratoire local constate que la bactérie responsable de l’infection, une variante de la bactérie intestinale E. coli, résiste aux antibiotiques classiques et même aux antibiotiques de la classe des carbapenèmes, que l’on utilise en général en dernier recours.Un échantillon de la bactérie responsable est transmis au NARA à Fribourg, qui se penche sur le cas et découvre la similitude de la bactérie avec des spécimens de E. coli retrouvés ailleurs en Suisse. Les chercheurs identifient l’enzyme produite par la bactérie qui lui permet de résister aux antibiotiques de dernier recours: une enzyme capable de briser la molécule active des carbapenèmes. Ils localisent même le gène qui produit cette enzyme dans l’ADN de la bactérie, une séquence d’environ 1000 paires de bases, les «lettres» génétiques. Ces gènes se situent sur un plasmide, ces petits anneaux d’ADN très mobiles qui permettent aux bactéries d’échanger les mécanismes de résistance aux antibiotiques entre différentes espèces.Enfin, les spécialistes du NARA constatent, en contactant leurs collègues allemands, que cette même variante de E. coli a été détectée à plusieurs endroit dans l’Etat de Hesse. On est donc en présence d’une résistance qui se répand à travers l’Europe et pour laquelle des outils diagnostiques doivent être mis en place.Le groupe peut maintenant envisager la mise au point d’un diagnostic rapide pour cette souche de super-bactéries, qu’elle tentera de rendre le plus simple, bon marché, et rapide possible.

__________

  • Image de une: illustration 3d de bactéries Pseudomonas aeruginosa résistante aux antibiotiques
  • Photos: © (Prof. Nordmann) et (Docteur Poirel) – Unicom
]]>
/alma-georges/articles/2021/bacteries-resistantes-fribourg-au-coeur-de-la-lutte/feed 0
Découvrir l’Université de Fribourg en temps de Covid /alma-georges/articles/2021/decouvrir-luniversite-de-fribourg-en-temps-de-covid /alma-georges/articles/2021/decouvrir-luniversite-de-fribourg-en-temps-de-covid#respond Thu, 21 Jan 2021 07:18:04 +0000 https://www3.unifr.ch/alma-georges?p=12866 Le Professeur Enrico Le Donne a rejoint le Département de mathématiques de l’Université de Fribourg pendant l’été 2020, après sept ans passés à l’Université de Jyväskyälä au centre de la Finlande et une année et demie en Italie, à L’Université de Pise. Il a donc fait ses premiers pas dans notre Alma mater dans un silence de cathédrale, couloirs vides, collègues et étudiant·e·s absent·e·s. Interview.

Rejoindre l’Unifr en 2020 entre deux vagues de Covid, c’est une expérience particulière!
Effectivement. Je n’ai donné que quelques cours en présentiel, puis nous sommes passés entièrement en ligne. J’ai beaucoup voyagé au cours de ma carrière. Après des études en Italie, à la prestigieuse Scuola Normale Superiore de Pise, j’ai fait ma thèse de doctorat à Yale, puis des séjours de recherche à Paris, Berkeley et Zurich. D’habitude, lorsqu’on arrive dans un nouvel institut, on passe les premiers temps à découvrir les collègues, à discuter autour d’un café, lors de repas et aux réunions. On se fait, au passage, de nouveaux amis. Cela fait plusieurs mois que je suis ici, et je n’ai pas rencontré grand monde. Tenez ces derniers jours je n’ai pratiquement eu aucun contact!

Peu de contacts sociaux, cela correspond peut-être à un certain cliché sur les mathématiciens?
En fait, on pourrait dire qu’il y a deux sortes de mathématicien·e·s. En effet, il y a celles et ceux qui s’enferment et produisent des résultats spectaculaires plus ou moins seul·e·s. Elles et ils sont précieux·ses dans le domaine, mais plutôt rares. La plupart d’entre nous sont beaucoup plus «sociaux» non seulement dans la vie personnelle, mais également au sens professionnel. Pour ma part, j’ai toujours organisé au moins une conférence scientifique par année, je voyage et collabore beaucoup. Le grand mathématicien français Cédric Villani a dit: «Les mathématiques sont une science, un art et une activité sociale». Je préfère pratiquer les mathématiques comme on joue au volleyball, un sport collectif.

Qu’est-ce qui vous a amené à choisir l’Université de Fribourg?
J’avais une bonne position professionnelle en Finlande. L’Université de Pise, en Italie, m’a aussi proposé un poste. J’ai préféré Fribourg, parce que c’est un lieu de travail tranquille avec peu de bureaucratie. Les salaires, attrayants, permettent une bonne vie familiale. J’ajoute que ma femme vient d’Interlaken et que connais donc bien le pays. D’ailleurs, depuis mon séjour de deux ans à l’EPFZ comme chercheur posdoctoral, j’ai de nombreuses collaboratrices et collaborateurs dans le pays. C’est aussi un facteur.

Quelles perspectives envisagez-vous pour votre travail au Département de mathématiques?
Je voudrais augmenter les connections du Département en dehors du Canton et à l’étranger, en particulier au niveau des étudiant·e·s de master et de thèse. Elles et ils viennent encore principalement du Canton, je voudrais en attirer de plus loin. Sur le plan de ma recherche, je compte m’approcher un peu des applications. Par exemple, mes travaux sur le mouvement des véhicules m’ont conduit à m’intéresser à la robotique. Je me suis mis à creuser le domaine pour trouver de nouvelles questions théoriques à explorer.

Du parcage latéral à la cybernétique

Enrico Le Donne étudie la structure mathématique de certains mouvements avec contraintes. Un exemple bien connu de ce type de mouvement est fourni par le Rubik’s cube: sur un tel cube, on essaie de passer d’une certaine position – les faces mélangées au hasard – à une autre – le cube bien ordonné – uniquement par des rotations définies.

Le Professeur Le Donne propose l’exemple du parcage latéral pour expliquer plus précisément son sujet de recherche: au volant d’une voiture, on peut décider d’avancer et de reculer, d’accélérer ou de freiner et de tourner le volant, mais on ne peut pas se déplacer latéralement. Comme pour un cube, les mouvements sont contraints. C’est ce qui rend le parcage latéral délicat: un défi que nous pouvons parfois accomplir avec brio (les bons jours), mais dans lequel nous pouvons aussi échouer de manière spectaculaire.

Imaginons maintenant le même problème de déplacement contraint, cette fois avec un camion remorque. Pire encore, un camion avec deux, trois remorques! C’est la géométrie complexe de ce type de configuration qu’étudie le Professeur Le Donne.

Ses recherches conduisent au développement des mathématiques fondamentales qui font appel à plusieurs domaines, à l’intersection de la géométrie, l’analyse et l’algèbre. Elles ont aussi des applications par exemple dans le contrôle optimisé du mouvement des robots. Les robots industriels évoluent, en général, dans ces espaces de mouvements contraints.

Enrico Le Donne a décroché, il y a trois ans, un financement de recherche Européen majeur, une des prestigieuses «ERC Starting Grants» (bourses du Conseil européen de la recherche) avec 1,25 millions d’Euros à la clef, ce qui lui ouvre de belles perspectives.

__________

  • du Département de mathématiques
  • d’Enrico Le Donne
  • Photo: Christian Doninelli –
]]>
/alma-georges/articles/2021/decouvrir-luniversite-de-fribourg-en-temps-de-covid/feed 0