Audrey Bertschy – Alma & Georges /alma-georges Le magazine web de l'Université de Fribourg Mon, 04 Mar 2024 16:40:25 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.3.5 «La littérature ne se résume pas aux grands prix littéraires» /alma-georges/articles/2024/la-litterature-ne-se-resume-pas-aux-grands-prix-litteraires /alma-georges/articles/2024/la-litterature-ne-se-resume-pas-aux-grands-prix-litteraires#respond Mon, 04 Mar 2024 14:09:45 +0000 /alma-georges?p=19874 Le Festival de traduction et de littérature aller↔retour revient le 9 mars 2024 dès 10h30 à l’Espace Culturel le Nouveau Monde, à Fribourg. Créé par la Fondation ch en 2019, cette manifestation est unique en son genre, puisqu’elle est le seul événement littéraire public de Suisse exclusivement consacré à la traduction. Velia Ferracini, doctorante et assistante diplômée en Littérature française à l’Unifr, représentera le podium d’ouverture en compagnie d’autres professionnelles de la littérature suisse. Elles se pencheront sur les ponts indispensables que construit la traduction vers les autres régions linguistiques de notre pays. 

Velia Ferracini © Indra Crittin, Spectrum

Votre thèse de doctorat a un lien particulier avec le festival aller↔retour.
Absolument. Ma thèse porte sur la Collection ch, projet de l’institution Fondation ch qui a elle-même créé, en 2019, le Festival aller↔retour. L’enjeu de ma thèse est de présenter une autre vision de la littérature et porte sur l’étude historique et sociologique de cet objet, ainsi que la manière dont elle a proposé un renouvellement de l’image de la littérature suisse, jusqu’alors clivée en trois littératures bien distinctes, francophone, germanophone et italophone. La Collection ch soutient depuis 1974 la traduction d’ouvrages littéraires suisses dans les autres langues nationales.

Justement, la Collection ch fête ses 50 ans d’existence cette année. Pouvez-vous nous dire quelques mots à son sujet?
La Fondation ch a été prévue pour encourager les liens du fédéralisme entre les cantons, les discussions étaient donc essentiellement politiques. Petit à petit, la Fondation ch s’est rendu compte qu’il était également essentiel de promouvoir la culture pour favoriser les liens entre les cantons, indifféremment des langues. Plus précisément, l’idée était de diffuser la culture et la littérature au-delà des frontières linguistiques. La Collection ch est un objet qui a eu beaucoup d’influence dans la création d’une nouvelle image littéraire suisse et qui nous a permis à toutes et tous de découvrir de nouvelles et nouveaux écrivain·e·s. C’est malheureusement un objet peu étudié, voire pas du tout, car peu de monde en connaît l’existence. C’est, entre autres, pour cette raison que ma thèse porte sur la Collection et tout ce qu’elle apporte à la littérature helvétique. Elle compte aujourd’hui 338 titres traduits dans une ou plusieurs langues nationales suisses. C’est un paradoxe que cet organisme, qui est financé par l’ensemble des cantons et occupe une place primordiale dans le seul festival de littérature traduite en Suisse, ne soit pas davantage reconnu.

La traduction est-elle toujours aussi peu populaire?
Oui, la traduction est assez peu populaire, car elle est risquée; certains textes n’ont que très peu de résonance, tandis que d’autres explosent. La traduction est incontestablement un tremplin et donne une chance aux auteur·e·s dès qu’elle est mise en œuvre, mais économiquement parlant, c’est un risque pour les maisons d’éditions. En participant financièrement, la Collection encourage la diffusion des ouvrages des petit·e·s auteur·e·s suisses et participe à leur rayonnement à travers les régions. La traduction est un magnifique métier qu’il faut remettre en lumière et c’est du reste le cheval de bataille de la Collection ch et du festival aller↔retour.

C’est une première pour vous de représenter le festival de traduction. Quel sujet allez-vous animer?
Nous allons partager une table ronde avec d’autres professionnelles de la littérature sur les ponts que la traduction et la littérature peuvent créer vers les autres régions linguistiques. L’idée est de dialoguer sur toutes les difficultés que rencontrent la littérature en Suisse. C’est un milieu qui a relativement peu de soutien comparativement aux arts visuels et aux arts de la scène. Un des enjeux de notre discussion est de montrer le besoin de faire des liens entre les différentes régions linguistiques, de rapporter également l’importance de maintenir, pour notre identité, la littérature suisse.

Le thème principal de cette année est la transgression. Comment comptez-vous parler de ce sujet dans votre intervention?
Je préfère utiliser le terme de diversité, qui pourrait, par certains points de vue, pencher vers la marginalité. C’est un terme qui se rapproche de la transgression. L’idée est de souligner cette diversité, cette richesse des identités. Ça peut aller des voix féminines à l’identité de genre, de l’émigration à l’antisémitisme, etc. On ne peut pas dire que le terme de marginalité soit représenté par la Collection ch, mais elle met aussi en avant cela. Il y a là une volonté de transgresser l’image canonique de la littérature suisse. C’est également ce que je veux développer le 9 mars pendant le festival. La littérature suisse n’est pas seulement cette littérature réductrice agricole, telle qu’on a souvent voulu l’établir.

Et vous-même, que pensez-vous de la transgression dans la littérature?
Pour moi c’est essentiel. Dans mes séminaires, où j’ai abordé des thèmes tels que les génocides ou encore les troubles alimentaires, j’essaie toujours de me questionner au-delà des canons, sans les remettre en question bien sûr, car ils ont la nécessité d’exister. Mais en tant que chercheuse, je pense qu’il est important de donner une place à d’autres types de littérature, car elle ne se résume pas aux grands prix littéraires. Il faut mettre en avant d’autres écrits, peut-être plus marginaux, mais plus proches de la vie réelle des gens. Je ne remets pas en question les grands noms littéraires car je suis une passionnée, mais j’aime laisser la place à d’autres types d’ouvrages. Cette ouverture d’esprit et cette volonté de changer l’image de la littérature se reflètent également dans les enseignements au Département de français à l’Université de Fribourg, dont l’offre devient de plus en plus riche et variée.

La troisième édition du Festival aller↔retour du 9 mars 2024 à Fribourg est consacrée au thème de la transgression, qui sera exploré sous de multiples angles: exploratoire, ludique, sérieux, léger, controversé. Au programme : tables rondes, discussions, lectures avec ou sans musique, ateliers de traduction pour adultes et enfants – en français, allemand, italien, sursilvan, bosniaque, tagalog ou en langue des signes. Le bar à traduction est l’occasion de s’informer sur des formations dans le domaine de la littérature. Le festival est accompagné d’un concours de traduction ouvert à tout le monde.

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  • Page de Mme Velia Ferracini
  • complet du festival
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«Nous vivons une évolution de la lecture» /alma-georges/articles/2022/nous-vivons-une-evolution-de-la-lecture /alma-georges/articles/2022/nous-vivons-une-evolution-de-la-lecture#respond Tue, 22 Nov 2022 12:49:13 +0000 /alma-georges?p=17000 Durant quatre ans, trois didacticiennes du français se sont penchées sur un projet de recherche destiné à valoriser l’enseignement de la littérature numérique et des textes numériques à visée informative. Deux brochures destinées aux enseignant·e·s du secondaire post-obligatoire ont été publiées.

Sylvie Jeanneret (Unifr), Sonya Florey (HEP Vaud) et Violeta Mitrovic (HEP Vaud), toutes trois didacticiennes du français, proposent d’intégrer l’instruction de la littérature numérique dans les classes des degrés post-obligatoires, toutes filières confondues. Mais cet enseignement n’est pas fréquent, les initiatives sont rares et les pistes didactiques quasi inexistantes. Qu’à cela ne tienne! Quatre ans plus tard et en collaboration avec des enseignant·e·s du secondaire post-obligatoire des Cantons de Fribourg et de Vaud, deux brochures destinées à l’enseignement sont éditées. L’une explore les œuvres littéraires numériques, l’autre se penche davantage sur l’information et la sphère médiatique.

Nous en parlons avec Sylvie Jeanneret, membre du projet et maîtresse d’enseignement et de recherche en didactique du français à l’Unifr.

Comment en vient-on à se pencher sur un sujet aussi peu commun qu’est la littérature numérique?
Il faut être passionné, bien sûr, et avoir une vraie sensibilité pour l’enseignement de la littérature. Nous nous sommes beaucoup intéressées à l’entrée du numérique dans les classes, surtout au secondaire II, où les injonctions politiques demandent à ce que les élèves développent des compétences transversales par rapport au numérique. Notre but était de développer des pistes d’enseignement liées à la discipline du français autour de ce sujet passionnant, mais aussi déroutant qu’il peut être.

Déroutant, pourquoi?
Ce qui est déroutant avec la littérature numérique, c’est la dominance des images, du son et de l’interactivité, ce qui lui donne ce côté très multimodal. Il y a également le fait qu’il y a une programmation derrière et qu’elle va jouer un rôle dans le cours du récit, qui se déroulera en fonction des choix que l’on peut faire. Ce n’est pas toujours évident à gérer, même pour des jeunes qui sont des adeptes de jeux vidéo et qui, par conséquent, comprennent bien l’interactivité. Ils peuvent aussi être déconcertés par le fait que ce n’est plus tout à fait un livre, qui va suivre un récit de manière linéaire. On a une entrée dans le récit bien différente de celle sur papier.

Y a-t-il tout de même un lien, une continuité entre la littérature classique et numérique?
Il y a une continuité, oui, bien entendu. Le numérique nous permet de redéfinir la caractérisation de la littérature et ouvre la définition de la littérature classique sur d’autres champs, d’autres objets, d’autres manières de raconter. Le numérique est, en fait, un support qui sert à explorer le littéraire. C’est vrai que cela interroge la place du texte qui n’est plus au centre, mais cela nous permet également de constater les avantages, les points forts et même les désavantages de la littérature classique.

On peut parler d’évolution: la littérature n’est plus un univers esthétique fermé. On explore, on teste; ce n’est pas toujours convainquant, bien sûr, mais c’est une évolution quand même.

Les brochures publiées étaient-elles prévues au début de la réflexion?
Non, pas immédiatement. Le projet de base a toujours été pensé comme une collaboration avec des enseignantes et des enseignants, mais en gardant une couleur intercantonale, c’est-à-dire en variant les filières, les degrés, les écoles et les professeur·e·s, bien sûr. L’important était d’établir une relation de confiance, d’être dans le partage et dans l’ouverture à la discussion. C’est par la suite que nous avons cherché à communiquer les résultats, à mettre les séquences et le bilan des enseignant·e·s, ainsi que le ressenti des élèves à disposition. Les brochures nous ont paru une manière élégante d’assembler la théorie et la pratique.

Pourquoi est-ce que l’enseignement de la littérature et des textes numériques est encore si peu répandu? Est-ce un manque de sources didactiques ou une contre-volonté de la part des enseignant·e·s?
Je pense qu’il y a deux aspects pour lesquels les œuvres numériques ne sont pas plus étudiées. Le premier est que le numérique a toujours été considéré comme un support, un dispositif efficace pour les activités. Le second est que ce type de littérature n’est pas abordé dans les cursus universitaires et n’est, par conséquent, pas connu de la part des enseignant·e·s. Il y a très peu de ressources pédagogiques en ligne. Les recherches et les diffusions se mettent en place gentiment, mais c’est quand même assez récent.

La peur de sortir du cadre, de ne pas maîtriser assez le sujet, peut effectivement donner de l’appréhension aux enseignant·e·s. On a aussi une conception de la lecture un peu figée, mais c’est regrettable car personne ne peut se tromper sur un objet d’exploration.

Quels sont les enjeux et l’importance de l’enseignement du numérique?
Nous devons montrer aux jeunes que la littérature fait quelque chose avec le numérique. C’est un univers où se déploient des œuvres artistiques et c’est à nous d’aller les découvrir et les présenter aux élèves. Ce qui nous intéresse, c’est de savoir comment former les jeunes à leur profession future et développer leurs compétences de lecture et d’interprétation dans ce contexte de multimodalité. Nous avons tout intérêt à les former pour leur avenir et à les rendre conscient·e·s que la façon de lire sur du numérique implique forcément un changement de rapport avec la lecture. En somme, notre mission est d’apprendre à ces élèves à décoder ce contexte numérique.

Et aux enseignant·e·s?
Dans ce cas-là, on assiste davantage à un mode d’enseignement horizontal plutôt que transmissif. Les élèves découvrent les œuvres en même temps que leur professeur·e et les outils d’analyse ne sont pas tout à fait les mêmes que si l’on travaille sur une œuvre classique sur papier. C’est plutôt déstabilisant, mais aussi très enrichissant pour les un·e·s et les autres. La classe se transforme en un lieu d’exploration et de découverte. Bien sûr, il est nécessaire que l’enseignant·e ait cette faculté d’exploration. Nous nous sommes d’ailleurs rendu compte que cette situation de non-maîtrise a donné lieu dans les différentes expérimentations didactiques à une pluralité de tâches de création dévolues aux élèves. Comme si le fait d’avoir moins d’éléments liés à l’histoire littéraire, par exemple, à transmettre, laissait de la place à d’autres expériences dans la classe.

Pensez-vous que les élèves ont plus de plaisir à lire un texte sous forme numérique que sous forme papier?
C’est fascinant de voir comme les élèves, qui sont pourtant plus sensibles à un certain code esthétique ou à l’interactivité, reconnaissent le potentiel de la littérature numérique, mais arrivent aussi à percevoir les qualités d’un livre papier. L’entrée dans la littérature numérique implique un changement de rapport affectif avec la lecture: elle est plus complexe et moins émotive que l’entrée dans le livre papier. Les jeunes, qui ont l’habitude des jeux vidéo ou du multimodal, entreront beaucoup plus facilement dans les œuvres de littérature numérique, sans pour autant rejeter l’œuvre sous forme papier. Au final, les avis sont très nuancés.

Nous n’allons donc pas perdre notre bon vieux papier?
Nous vivons plutôt une évolution de la lecture. Les compétences de lecture actuelles sont de plus en plus hybrides et les jeunes vivent dans cette culture de l’hybridation. Cela ne signifie pas la perte du papier, mais la faculté de pouvoir lire sur des supports différents. C’est cette compétence-là que l’on cherche à transmettre.

Les résultats sont très enthousiasmants, quelle suite pourrait être envisagée à cet enseignement?
Je pense qu’il faut persévérer, être curieux·euses, être explorateurs·trices de ce qui se fait avec la technologie. L’enjeu du projet était aussi de ne pas laisser tout ce qui se fait avec le numérique exclusivement aux disciplines techniques. La littérature numérique s’apparente au domaine des arts et les projets interdisciplinaires «français/arts visuels» pourraient être très intéressants, parce qu’il y a cette dimension esthétique extrêmement forte. Comme quoi, la littérature n’obéit pas à des définitions figées. Elle est continuellement en construction, elle est, en quelque sorte, dans l’exploration continue

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«Ce film est une quête sur la vie» /alma-georges/articles/2022/ce-film-est-une-quete-sur-la-vie /alma-georges/articles/2022/ce-film-est-une-quete-sur-la-vie#respond Tue, 07 Jun 2022 11:00:45 +0000 /alma-georges?p=15887 Le Département des neurosciences de l’Unifr présentera le dernier documentaire «The Brain – Cinq nouvelles du cerveau» du réalisateur lausannois Jean-Stéphane Bron à l’auditoire Joseph Deiss, Boulevard de Pérolles 90, le 10 juin 2022, comme pré-événement du congrès de la Swiss Society for Neuroscience (SSN) qui se déroulera le 11 juin à Fribourg.

Nommé par le Prix du cinéma suisse dans les catégories du meilleur film documentaire et de la meilleure musique, Cinq nouvelles du cerveau touche aux mystères du cerveau humain et aux stupéfiantes avancées scientifiques dans le développement de l’intelligence artificielle. Avec le sublime qui caractérise ses œuvres, Jean-Stéphane Bron a suivi cinq talentueux scientifiques dont les débats et les enjeux interpellent. Téléspectatrices et téléspectateurs en ressortent déstabilisé·e·s mais doté·e·s de nouvelles interrogations sur la nature de la vie et de l’espèce humaine.

Jean-Stéphane Bron a accepté de répondre à nos questions sur ce documentaire à la fois passionnant et déconcertant.

Votre film suscite plus de questions que de réponses, est-ce volontaire?
Oui, je voulais créer un monde qui puisse naître dans la tête des téléspectatrices et des téléspectateurs. L’idée est de leur donner un trajet à faire par leurs propres pensées, qu’elles et ils puissent aller d’une question à l’autre en se livrant à leurs réflexions et en s’ouvrant à un champ illimité au niveau de l’imaginaire. L’iconographie de l’intelligence artificielle est extrêmement pauvre et, plutôt que d’imposer des images stéréotypées, je voulais faire apparaître celles qui sont déjà en elles et eux.

C’est un pari réussi qui nous laisse tout de même un peu plus cartésien·ne qu’avant…
C’est vrai, c’est une bonne lecture! Il y a toute une série de questions que je ne m’étais jamais posées si frontalement. C’est pour cette raison que j’ai aimé commencer ce documentaire avec Alexandre Pouget et sa vision très fataliste de l’humanité. Selon lui, les machines sont en train de prendre un chemin qui va, à terme, nous dépasser. Cette première rencontre m’a totalement ébranlé.

Et changé vos convictions?
Un peu, sans doute. Cela m’a surtout permis de clarifier certaines choses. Ce qui m’a plu, en tant que scénariste, c’est de faire du film un objet qui échappe à mes propres certitudes et même, qui va au-delà: dans une pensée contre moi-même. C’est vrai que c’est un chemin de rationalité, mais dans ce chemin, il y a une sorte de quête très métaphysique sur la vie, telle que l’idée de chercher à comprendre son origine, d’expliquer l’univers ou de décoder le cerveau humain. La démarche scientifique est à la fois rationnelle et faite d’un imaginaire marqué par la fiction, nos fantasmes et nos angoisses millénaires. J’ai trouvé ces deux réalités complètement opposées très intéressantes.

Dans le récit de ces scientifiques, je vois une lecture neuronale de l’apocalypse, comme s’ils avaient remplacé un récit par un autre récit. Je trouve cela très humain, car nous n’arrivons pas à nous passer de ces histoires qui sont pleinement dans un champ de l’imaginaire.

Vous en êtes sûr ou vous l’espérez?
Sans vouloir généraliser, j’ai l’impression que les scientifiques n’échappent pas à leur propre histoire. On cherche souvent à l’endroit où on a une blessure. Je pense que le docteur en neurosciences David Rudrauf incarne bien cela. Dans son envie de maîtrise, il y a forcément une part très intime de lui-même qui cherche à se connecter aux autres, à s’en approcher. L’imaginaire de la science-fiction rencontre aujourd’hui le monde scientifique: il y a en effet des choses très lointaines – comme les robots qui supplantent l’être humain – mais aussi d’autres qui sont concrètes et réalistes, telles que l’implant cérébral qui pourrait moduler notre humeur de façon extrêmement précise. Un hacking généralisé paraît conspirationniste; cependant, les attentions malveillantes sont bien réelles.

On découvre avec le neuroscientifique Niels Birbaumer les histoires de Fabio et de Felix, tous deux atteints par le locked-in syndrome appelé aussi le syndrome d’enfermement. Quelle a été votre approche pour filmer ces moments?
Dans sa quête absolue de vouloir se connecter aux autres, Niels Birbaumer nous prouve ici quelque chose de profondément humain: pour se connecter aux autres, il faut pouvoir communiquer. Ce sont deux histoires extraordinaires, impressionnantes et finalement très contre-intuitives. La science nous apprend que nos intuitions émotionnelles ne sont parfois pas tout à fait les bonnes. La réaction première serait de se demander pour quelles raisons cette personne est encore vivante, pourquoi n’a-t-elle pas voulu être débranchée, a-t-elle envie de vivre ou de mourir? Entendre ces gens et écouter ce qu’ils désirent, c’est là toute la quête personnelle de Niels Birbaumer.

C’est très impressionnant de faire face à ces personnes, ces «gisant·e·s», en quelque sorte. Il faut déjà accepter l’image avant de pouvoir filmer une telle violence.

Vous dites avoir perdu beaucoup de neurones pour faire ce film. Pourquoi?
C’est vrai, je suis parti un peu inconsciemment dans ce documentaire. La première chose, c’était de trouver l’écho d’une histoire à l’autre qui va bien au-delà que de dresser un portrait pour chaque scientifique. Il fallait travailler à ce niveau mental, tout en gardant le film à un niveau cérébral, c’est-à-dire, de faire en sorte que la spectatrice et le spectateur soit submergé·e de questions et ébranlé·e dans ses convictions. J’aime bien l’idée de devoir face à une pensée que l’on a pas forcément envie d’entendre.

Qu’est-ce qui vous a personnellement le plus marqué dans vos rencontres avec les cinq scientifiques?
La première rencontre avec les scientifiques était émotionnellement très forte. J’ai essayé de garder cette émotion tout au long du cheminement avec elles et eux et de la traduire au mieux avec des images.

Ce qui m’a vraiment marqué, c’est d’arriver à connecter leur part intime, de créer un monde cohérent à partir d’elles et eux et de faire rencontrer l’imaginaire de la science-fiction au monde scientifique. C’était une sorte de voyage personnel qui m’a fait débuter par une affirmation d’Alexandre Pouget que l’on va tous disparaître, pour m’emmener très loin dans le futur avec David Rudrauf et ses robots et de finir par relativiser ce cheminement avec Aude Billard. Toutes et tous m’ont amené l’un vers l’autre.

C’était intentionnel de terminer sur une note d’espoir avec la physicienne Aude Billard?
L’idée que la technique va pouvoir tout remplacer et tout imiter du vivant est quelque chose de peu débattu. Je ne voulais pas opposer les scientifiques dans leur camp, car je trouve intéressant d’aller au fond d’une idée, de pouvoir la développer et la présenter. Oui, bien sûr, c’était voulu de terminer avec Aude Billard et son affirmation que le fait qu’un mécanisme puisse copier un organisme n’est pas du tout acquis.

Votre affiche de film pose une question essentielle: «Conscience es-tu là?». D’après vous et surtout après ce tournage, où se trouve-t-elle?
Nous devrions plutôt nous demander si nous sommes prêt·e·s à nous interroger sur ces questions-là qui sont des interrogations très politiques. Comment décide-t-on de définir notre rapport aux machines?

C’est à peu près sûr que nous avons une conscience, mais je ne sais pas si elle se trouve dans le cerveau. Et comment émerge-t-elle? C’est là toute la question…

A propos
Réalisateur et scénariste, Jean-Stéphane Bron est né en 1969 à Lausanne. Diplômé de l’Ecole cantonale d’Art de Lausanne (ECAL), il a été maintes fois récompensé. Il est notamment connu pour ses documentaires dramaturgiques proches de la fiction tels que Mais im Bundeshuus/Le Génie helvétique – 2003, Cleveland contre Wall Street – 2010 ou encore L’expérience Blocher – 2013». Cinq  nouvelles du cerveau – 2021 a été nommé meilleur film documentaire et meilleure musique par le Prix du cinéma suisse. Plus d’infos sur la projection .
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Un registre national pour les maladies liées à la mémoire /alma-georges/articles/2022/un-registre-national-pour-les-maladies-liees-a-la-memoire /alma-georges/articles/2022/un-registre-national-pour-les-maladies-liees-a-la-memoire#respond Mon, 14 Feb 2022 12:00:36 +0000 /alma-georges?p=15331 Un Registre national en ligne, le Brain Health Registry (BHR), a été créé par les Centres de la mémoire de plusieurs hôpitaux suisses dans le but de faire progresser la recherche sur les maladies neurodégénératives, en particulier la maladie d’Alzheimer. Neurologue spécialisé en troubles du langage et en maladies dégénératives à l’hôpital fribourgeois, ainsi que professeur en neurologie à la Faculté des sciences et de médecine de l’Unifr, Jean-Marie Annoni a participé à sa mise en œuvre.
Fermez les yeux. Comptez jusqu’à 3. Un personne dans le monde vient de basculer dans la démence. Celle qui fait le plus de ravages et qui touche plus de 50 millions de personnes dans le monde et 90’000 Helvètes par an, c’est la maladie d’Alzheimer. 120 ans après sa découverte, ce mal reste incurable. Loin d’être alarmiste, le Docteur Jean-Marie Annoni préfère tempérer: «Deux mille ans plus tard, la citation ‹Un esprit sain dans un corps sain› est toujours vraie, c’est-à-dire que si l’on fait attention à son corps, on protège aussi son cerveau. L’exercice physique, le contact social, l’intérêt pour la vie en général; toutes ces petites choses du quotidien permettent de retarder l’atteinte. La maladie peut être là au niveau génétique, mais le cerveau se défend mieux s’il est soutenu par notre manière d’être et notre environnement.»

Le Docteur Annoni a choisi progressivement de se spécialiser en troubles du langage et en maladies dégénératives, car il considérait que la recherche dans les dysfonctionnements de la mémoire, bien qu’en pleine ébullition dans les années 1980, était relativement minimisée. Après un stage de recherche en neurosciences à Zürich, il se rapproche de cette branche en s’intéressant au système vestibulaire, puis à la neurologie en clinique. Un autre stage postdoctoral en réhabilitation et en troubles de la mémoire au Canada le spécialisera en maladies neurodégénératives. Au sein de ses nombreuses recherches, il s’intéresse particulièrement aux troubles du langage. Etant lui-même bilingue, il se dit fasciné par la proximité des langues. C’est d’ailleurs une des raisons pour laquelle il s’installe à Fribourg.

L’âge, ce principal facteur de risque
Jean-Marie Annoni n’aime pas le terme de démence, à forte consonance sociale. Il lui préfère l’énoncé de trouble cognitif et assure que la maladie peut être retardée dans 40% des cas grâce à des exercices relativement simples et généraux, même si elle ne peut être évitée.

Que répond-il aux chiffres qui annoncent que le nombre de cas d’Alzheimer pourrait doubler, voire tripler d’ici 2050? «Une étude très intéressante a été faite il y a dizaine d’années. On s’est aperçu qu’à un certain âge précis, la prévalence de ces maladies neurodégénératives a légèrement diminué entre 1990 et 2010, alors que le nombre de cas de personnes atteintes augmentait. C’est bien la preuve que la maladie ne s’installe pas plus rapidement, mais que le nombre de cas s’intensifie parce que les gens deviennent plus vieux.»

Et qu’en est-il des femmes? Seraient-elles effectivement plus touchées que les hommes? «Oui, nous répond-il. Mais probablement parce que les hommes meurent avant. Actuellement, on a pas l’impression que le fait d’être une femme est un facteur de risque. Il y a effectivement des influences génétiques, mais la cause principale de cette maladie, c’est l’âge, et comme les femmes vieillissent plus, elles sont logiquement davantage à être malades.»

Les chiffres le confirme: A 60 ans, 1% de la population est touché par une forme de démence, 25% à 85 ans. Et l’âge moyen du développement de la maladie alors? «Après 70 ans. Il y a des formes plus précoces qui arrivent vers 50 ans. C’est dramatique, mais la maladie est, dans ces cas-ci, un peu particulière. Il y a toujours une composante génétique et une composante environnementale. Probablement que, dans une forme très précoce de la maladie, la composante de l’environnement est moins présente. On parlera donc de facteurs génétiques.»

La recherche vers de potentiels traitements
Des progrès dans la compréhension du mécanisme de la perte de la mémoire, il y en a eu, et beaucoup depuis les années 1980. Des traitements ont été développés et depuis peu, l’Aducanumab, ce médicament novateur qui suscite la controverse montre une efficacité «à la limite du suffisant, nous dit le Docteur Annoni. C’est un médicament qui fait beaucoup parler de lui, car il ralentit la perte de mémoire. On ne guérit pas, mais on s’approche de la possibilité de traitement. Un autre progrès désormais pris en considération, ajoute le neurologue, c’est la recherche non pharmacologique; c’est-à-dire, l’intérêt du mode de vie et de l’environnement de la patiente ou du patient pour avoir un cerveau qui résiste mieux aux maladies. Au niveau biomédical, les études se concentrent actuellement sur 2 mécanismes qui jouent un rôle important dans la maladie d’Alzheimer: l’accumulation de la protéine bêta-amyloïde et celle de la protéine Tau. En quelque sorte, la première asphyxie les informations internes, tandis que la deuxième va détériorer les cellules. Ces recherches convergent sur certains procédés possibles, tels que la création de vaccins et des traitements pour renforcer les cellules.»

Le Brain Health Registry: l’espoir d’un diagnostic précoce
Il a été récemment découvert que la pathologie d’Alzheimer débuterait environ 15 ans avant l’apparition de premiers symptômes cliniques, comme la perte de mémoire. Les interventions sur les personnes symptomatiques ayant échoué, les études actuelles se concentrent ainsi sur la phase présymptomatique, dans une démarche préventive.

La phase de recrutement de participant·e·s est l’un des obstacles majeurs dans le processus de recherche, tant sur le temps consacré que sur les coûts générés. C’est dans l’optique de faciliter l’accès aux essais cliniques et aux études que le Brain Health Registry a été créé.

Le Centre de la mémoire des HUG, en partenariat avec les Centres de la mémoire de Bâle, Berne, Fribourg, Lausanne, Lugano, Saint-Gall et Zurich, a participé à la création du registre, une plateforme en ligne dans laquelle les volontaires qui s’y inscrivent – avec ou sans problèmes de mémoire – deviennent de potentiel·le·s partenaires de recherche. Inspiré de registre du même type existant déjà aux Etats-Unis ou aux Pays-Bas, le Docteur Annoni est convaincu que d’autres hôpitaux suisses s’y joindront progressivement et que son développement continuera de s’accroître. «C’est essentiel pour un petit pays comme la Suisse de s’intégrer aux liaisons plus grandes, de créer une synergie avec les réseaux européens et mondiaux. Ce registre permet aussi d’informer les gens sur nos recherches et sur les avancées dans le domaine.» Le neurologue y a contribué en tant que médecin répondant dans la consultation de mémoire dans le Canton de Fribourg, qui implique les Hôpitaux fribourgeois et le Réseau fribourgeois de santé mentale (RFSM). Très engagé à la fois comme médecin et comme chercheur, il est le porte-parole de plusieurs personnes concernées aux études en cours au sein de l’Unifr.

Sur les questions de la divulgation des données personnelles, Jean-marie Annoni tient fortement à apaiser les craintes des volontaires. «Elles sont non seulement extrêmement protégées, mais aussi peu personnelles. Chacun·e est libre d’émettre ce qu’elle ou il veut à son propre sujet.»

Un défi à relever
La prévention de certains facteurs de risques (cardiovasculaires, sédentarité, manque de stimulation) et les recherches actuelles dans le but de trouver un traitement curatif sont de grandes avancées dans la maladie d’Alzheimer.

Par la collaboration entre les partenaires de recherche et les scientifiques, le Brain Health Registry permettra sans nul doute une meilleure compréhension de la maladie, avec la perspective de voir émerger un traitement capable de guérir la maladie d’Alzheimer.

Si, comme il est prévu, la population âgée de 65 ans ou plus dénombrera 2,7 millions de personnes en Suisse en 2050, soit un accroissement d’environ 70%, les possibilités de traitements de la maladie constituent un défi majeur et impératif.

En énonçant ce futur incertain, Le Professeur Annoni évoque l’illustre citation de Jean d’Ormesson: «Vieillir, c’est la seule façon de ne pas mourir.» Mais, ajoutait lucidement l’écrivain et philosophe français: «Ce qu’il y aurait de pire, ce serait de ne pas mourir.»

A propos du Brain Health Registry
Le Brain Health Registry Swiss est un registre national qui regroupe des personnes volontaires pour participer aux études liée à la recherche sur les maladies neurodégénératives, en particulier la maladie d’Alzheimer. Son objectif est de faciliter l’accès des chercheuses et chercheurs à une base de données de volontaires en fonction des critères de l’étude. Toutes personnes majeures peuvent s’y inscrire, mais les personnes de plus de 50 ans et qui ont eu dans leur famille des cas de la maladie d’Alzheimer sont particulièrement sollicitées. En s’inscrivant, les personnes volontaires deviennent de potentiel·le·s partenaires de recherche et peuvent accéder à des technologies de pointe, notamment par des approches thérapeutiques préventives et des techniques de diagnostics précoces.

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«Il faut se laisser porter» /alma-georges/articles/2021/il-faut-se-laisser-porter /alma-georges/articles/2021/il-faut-se-laisser-porter#respond Fri, 17 Dec 2021 07:56:39 +0000 /alma-georges?p=14953 Après un mémoire de master en histoire de l’art présenté à l’Unifr en 2019, Mathilde Jaccard a posé ses valises pour l’année académique 2021-2022 à l’Istituto Svizzero à Rome. Elle nous parle de cette expérience inédite.

Mathilde, on s’habitue à vivre dans une résidence comme celle de la Villa Maraini?
On s’habitue même un peu trop. Imaginez que, pendant dix mois, votre chambre est quotidiennement nettoyée, votre plat du midi est cuisiné et vous avez accès à une terrasse avec le plus haut point de vue de la ville! Sans compter les invitations reçues des quatre coins de Rome, uniquement parce que vous êtes résident·e·s à l’Institut Suisse. Nous vivons dans un havre de nature, la Villa est somptueuse, le jardin est impressionnant et nous sommes entouré·e·s par les ambassades et les hôtels cinq étoiles; franchement, c’est dur de ne pas devenir snob (rire)! Il faut surtout faire attention à la retombée après un séjour aussi chic.

L’Institut est-il ouvert aux visites?
Oui, tant que ça ne dépasse pas le niveau de connivence interne. L’Institut s’attend à ce que l’on respecte les lieux, mais il y a une grande tolérance à ce niveau-là.

Quelques mots à dire sur le programme transdisciplinaire Roma Calling?
Tout d’abord, il a fallu déposer un dossier de candidature dans lequel nous devions expliciter la nécessité de rester dix mois en Italie, spécifiquement à Rome pour le Roma Calling. Par ce programme, l’Institut espère favoriser un échange entre différent·e·s résident·e·s. Au total, il y a dans la Villa Maraini douze personnes: six chercheuses ou chercheurs et six artistes. Le centre du programme transdisciplinaire est à Rome et, depuis quelques années, l’Institut propose aussi des séjours à Milan et à Palerme. Le nombre de résident·e·s est toutefois limité à respectivement trois personnes pour Milan et deux pour Palerme et les séjours sont plus courts. En cette nouvelle année académique, l’Institut de Rome propose que deux des douze personnes choisies puissent réduire leur séjour de dix à cinq mois. Pour cela, il faut, bien sûr, pouvoir développer sa recherche en moins de temps.

L’Institut encourage au maximum les résident·e·s à participer aux événements, aux visites en commun, etc. Mais il y a également dans les rencontres avec les autres institutions, telles que l’académie américaine ou allemande, un but diplomatique. Elles sont un point récurrent de la vie à l’Institut, il n’y a pas une semaine sans que l’on ne soit invité·e à participer à un événement.

Vous arrivez à tout gérer, votre travail de recherche et votre participation active aux événements?
Ce n’est pas une obligation de participer à tous les événements, mais il y a quand même une forme de contrat implicite avec l’Institut, une attente à ce que les résident·e·s soient présent·e·s pour éviter les abus des personnes qui postulent uniquement dans le but de faire joli dans le CV. Dans l’accord que nous avons signé avec l’Institut, nous garantissons ne pas être absent·e·s plus de trente jours. L’engagement de la ou du résident·e est de gérer son temps et savoir mettre la priorité sur son propre projet.

Il est clairement nécessaire d’avoir une bonne organisation et je dois avouer qu’il est difficile au début du séjour de ne pas se sentir dépassé·e par l’accumulation des événements. Cela peut être déroutant les premiers temps, mais on s’habitue vite à cette vie-là.

Quelles relations avez-vous avec les autres artistes, chercheuses et chercheurs de l’Institut? Comment arrivez-vous à créer des synergies entre vous?
C’est un des grands challenges de l’Institut. Ce qui donne cette coalition entre nous, ce sont tous les à-côtés: les soirées, la participation aux événements, les visites de la ville et, bien sûr, les pièces que nous partageons au sein de la résidence. Nous avons aussi une salle réservée dans la tour et une terrasse privative sur le toit; c’est dans ces endroits que les rencontres interdisciplinaires se font le plus.

L’Institut s’évertue donc à rassembler des résident·e·s aux points communs?
Oui et je pense que c’est toute la difficulté de leurs recherches. Au niveau de la sélection, l’Institut prend garde à représenter une grande variété du milieu de la recherche et du monde artistique venant d’universités, de branches et de langues différentes. Dans un deuxième temps, ils s’assurent que les personnalités choisies peuvent «matcher» et que le programme transdisciplinaire peut fonctionner entre toutes ces individualités. Il faut aussi savoir que la majorité des chercheuses et chercheurs ont toutes et tous une orientation artistique (histoire de l’art, architecture, archéologie) et que cette position contribue à tisser des liens avec les artistes.

Avez-vous des échanges réguliers avec les résident·e·s de Milan et de Palerme?
Nous nous sommes rencontré·e·s à Palerme au début de l’année académique et le second rendez-vous se déroulera en février prochain, mais ne concernera que les résident·e·s de Rome et de Milan, puisque le programme Palermo calling sera terminé. Sur l’année, l’Institut organise et finance trois voyages pour les résident·e·s et les destinations sont de notre ressort. Le dernier, prévu en mai 2022, sera exclusivement destiné aux résident·e·s de Rome, puisque le programme Milano calling prendra fin en avril.

Qu’est-ce que Rome a à offrir à une personne comme vous qui se consacre à la recherche?
Tout d’abord l’accès aux archives, étant donné que mon sujet est italien. Outre le fait que ce séjour est un excellent endroit pour ma recherche, il contribue aussi à me faire découvrir une autre culture. Il y a une façon de fonctionner en Suisse qui est très spécifique et l’Italie a une organisation totalement différente de la nôtre. La bureaucratie, par exemple, est très agaçante. Pour nous, Suisses, il est inconcevable de devoir présenter des lettres de recommandation pour avoir accès aux bibliothèques. Cela me fait du bien d’être confrontée à d’autres manières de penser et force est de constater que tout marche très bien dans notre pays.

Votre endroit préféré dans la Villa?
La tour, la vue y est incroyable et des perroquets aiment s’y poser. Je vous laisse imaginer nos têtes en découvrant ces oiseaux verts pimpants! La légende dit que c’est le plus haut point de vue de la ville. Malheureusement, on s’habitue à ce panorama, mais c’est toujours drôle de voir la réaction des gens qui la visitent pour la première fois.

Un conseil à donner aux futur·e·s résident·e·s?
Je ne peux que conseiller cette expérience, tellement elle est grisante, presque hors de la réalité. J’aurais aimé qu’on me dise que tout prend plus de temps que prévu, qu’il faut être patient·e. Il faut changer de rythme de vie et l’accepter. Mais aussi se laisser vivre, se laisser porter par la ville.

Vous avez le temps de vous laisser porter?
Justement, les événements prévus le permettent. Il y a un aspect que l’Institut vise à atteindre dans l’organisation des événements, c’est qu’ils puissent autant que possible plaire à tout le monde, même si nous n’avons pas la même vision des choses. C’est justement cela qui est intéressant. J’avais cette représentation de la Rome idéale de la Renaissance, car ma thèse de doctorat porte sur ce sujet et je me retrouve avec un chercheur qui travaille sur le fascisme et me confronte à un autre aspect de Rome. Je n’aurais pas eu ce point de vue en ne côtoyant que des spécialistes de la Renaissance. Pour moi, c’est cela se laisser porter: rester ouvert·e aux choses.

L’Istituto Svizzero
L’Istituto Svizzero offre chaque année à plus d’une douzaine de jeunes chercheur·euse·s doctorant·e·s, post-doctorant·e·s et artistes une résidence à Rome, Milan ou Palerme. Sa programmation originale et stimulante permet de construire des ponts entre le monde des arts et celui de la science. Expositions, conférences, rencontres, concerts, l’Istituto Svizzero soutient et diffuse la recherche et l’art depuis 1947 et contribue au rayonnement culturel et académique de la Suisse en Italie. Sa mission est d’offrir aux artistes et aux scientifiques la possibilité de poursuivre et développer leurs recherches et activités en lien avec l’Italie, tout en développant leurs réseaux et collaborations.
> Toutes les infos sur le
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  • Mathilde Jaccard a étudié l’histoire de l’art et l’anthropologie culturelle. Actuellement doctorante à l’Université de Genève, elle a soutenu son mémoire de master à l’Unifr en 2019. Elle prépare sa thèse de doctorat intitulée «De la restauration comme fabrique des origines. Une histoire matérielle et politique de l’art à la Renaissance italienne», soutenue par le Fonds national suisse de la recherche scientifique.

 

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«Sortir de sa zone de confort, c’est apprendre à se connaître» /alma-georges/articles/2021/sortir-de-sa-zone-de-confort-cest-apprendre-a-se-connaitre /alma-georges/articles/2021/sortir-de-sa-zone-de-confort-cest-apprendre-a-se-connaitre#respond Fri, 10 Dec 2021 09:40:54 +0000 /alma-georges?p=14969 Caroline Bridel, doctorante à l’Unifr, est résidente à l’Institut suisse de Rome pour l’année académique 2021-2022. Elle nous raconte à distance sa parenthèse italienne.

Comment se passe votre vie estudiantine à Rome?
En tant que doctorante en archéologie, être à Rome, c’est être à la source. Dès qu’on travaille sur la civilisation romaine, l’Institut suisse est pratiquement un passage obligé.

Mes journées de base se partagent entre des visites de musées et du travail en bibliothèque, à l’Institut ou dans d’autres académies. Nous avons accès à des livres et à des collections qui ne se trouvent pas dans nos universités suisses.

Une chose très particulière liée à mon séjour à Rome, c’est l’étude des catacombes. C’est juste incroyable d’avoir la possibilité d’être sur place, de pouvoir rencontrer des spécialistes, notamment pour moi des archéologues, qui fouillent dans ces endroits. C’est un cadre idyllique.

Au niveau de la vie personnelle, Rome est une ville très animée, il y a beaucoup de choses à faire, à vivre. Chacun·e des résident·e·s a une vision différente de la ville et c’est justement une des particularités de l’Institut suisse. Côtoyer à la fois des chercheuses et chercheurs et des artistes est un échange forcément très riche.

Les visites font-elles partie du programme interdisciplinaire Roma calling?
Oui, chacun·e a une activité à organiser à laquelle les autres résident·e·s ont le choix de participer ou non. Pour ma part, j’ai proposé la visite des catacombes. En étant résident·e·s à l’Institut suisse, nous aurons accès à des catacombes qui sont, en temps normal, fermées au public et nous aurons la chance d’avoir une visite guidée avec des archéologues spécialistes de cette discipline.

Il y a aussi des activités communes organisées par l’Institut lui-même, des visites de Rome ou des excursions à l’extérieur de la ville et trois voyages selon nos propres intérêts. C’est à nous d’en discuter et de décider de l’endroit à visiter. Toutes ces sorties font partie du programme pluridisciplinaire.

Les visites des musées et des incontournables de Rome sont-elles gratuites pour les résident·e·s?
Nous avons une carte qui nous est octroyée par l’Etat italien et qui nous donne accès gratuitement ou à prix réduits aux musées et aux sites.

La vie en communauté avec les autres artistes et scientifiques est-elle difficile?
Il y a toujours de bons échanges, de belles ambiances et c’est plaisant d’avoir quelqu’un auprès de soi pour faire des activités ou discuter, même si cette personne n’est pas du même domaine académique. Mais nous pouvons aussi garder notre indépendance et nous retrouver seul·e si le besoin se fait ressentir.

Comment arrivez-vous à mettre en corrélation les divergences entre ces différents esprits? Les ponts relationnels sont-ils plus laborieux à construire?
Il faut avoir la curiosité et l’envie de découvrir. Ce sont des qualités essentielles pour vivre en communauté. En tant que chercheuse, je suis parfois invitée à des vernissages d’artistes. C’est très intéressant d’avoir quelqu’un qui nous ouvre la porte d’un monde que l’on ne connaît pas et qui nous y guide à l’intérieur. Et nous-mêmes, en tant que chercheuses et chercheurs, nous pouvons aussi apporter une certaine inspiration aux artistes. C’est sûrement même plus facile dans ce sens. Pour un artiste, il est plus difficile d’avoir un impact sur le monde académique.

Qu’aimeriez-vous entendre aujourd’hui en tant que future étudiante?
Dès le début de mes études, je connaissais la possibilité de résider pour quelques mois à l’Institut suisse et c’est finalement uniquement au moment où j’ai postulé que je me suis rendu compte du côté prestigieux de cet endroit. Je dirais aux prochain·e·s résident·e·s de ne pas hésiter à contacter les responsables des universités pour obtenir des conseils sur la postulation. C’est vraiment important pour mettre toutes les chances de leur côté.

Les personnes externes à l’Institut peuvent-elles participer aux événements organisés?
Tout à fait, les événements qui se déroulent à l’Institut sont ouverts au public. En ce moment-même, nous avons une exposition jusqu’à la fin janvier, ouverte du mercredi au dimanche.  Lors de la soirée de présentation des nouveaux résident·e·s, nous étions plus de huit cents au concert donné dans les jardins de la Villa. Ces expositions, conférences et événements font partie du calendrier des activités culturelles qui se déroulent sur le site de l’Institut.

Vous arrivez tout de même à trouver un espace calme dans la Villa?
Il y a pas mal de passage dans l’Institut, mais on se rend vite compte qu’on ne peut pas assister à toutes les représentations ou conférences. Il y a néanmoins un étage de la résidence qui nous est entièrement réservé et je peux aussi trouver ma sphère de calme à la bibliothèque. De plus, les conférences ont lieu dans une annexe et, très souvent, je ne vois même pas les gens qui entrent ou qui sortent.

Votre endroit préféré dans la Villa?
Ce n’est pas facile de choisir, mais l’incontournable de la Villa, c’est quand même la tour! Les couchers de soleil sont stupéfiants.

Vous rentrerez transformée de ce voyage?
Oui, ma thèse aurait été complètement différente si je n’avais pas eu cette opportunité. Je me suis ouverte à une autre dimension au niveau de mes recherches et je n’aurais pas pu le faire en restant à Fribourg.

Au niveau de l’expérience humaine, vivre à l’étranger, c’est sortir de sa zone de confort et cela permet d’apprendre à se connaître soi-même. En Suisse, nous avons souvent notre même cercle d’ami·e·s et de contacts tandis qu’ici, à l’Institut suisse, ce cercle est constamment élargi.

Un retour en Suisse qui sera difficile donc?
Oui et non. J’ai toujours envisagé ce voyage comme une parenthèse, un chapitre de ma vie. En faisant partie d’un projet FNS, mes collègues sont à Fribourg et c’est avec eux que j’ai le plus d’échanges. Autant je vois ce que la Ville de Rome peut m’apporter, autant je sais ce que j’ai déjà en Suisse et que je serai heureuse de retrouver l’été prochain.

Pour finir, une anecdote à nous raconter?
Une anecdote de bienvenue: le deuxième jour de mon arrivée à l’Institut suisse, j’ai reçu un pass de trois jours pour participer au Festival de Film de la Villa Médicis. C’est quand même quelque chose d’extraordinaire que de regarder des films au-dessus de la célèbre Place d’Espagne. C’est une belle entrée en matière!

L’Istituto Svizzero
L’Istituto Svizzero offre chaque année à plus d’une douzaine de jeunes chercheur·euse·s doctorant·e·s, post-doctorant·e·s et artistes une résidence à Rome, Milan ou Palerme. Sa programmation originale et stimulante permet de construire des ponts entre le monde des arts et celui de la science. Expositions, conférences, rencontres, concerts, l’Istituto Svizzero soutient et diffuse la recherche et l’art depuis 1947 et contribue au rayonnement culturel et académique de la Suisse en Italie. Sa mission est d’offrir aux artistes et aux scientifiques la possibilité de poursuivre et développer leurs recherches et activités en lien avec l’Italie, tout en développant leurs réseaux et collaborations.> Toutes les infos sur le de l’Institut

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  • Caroline Bridel a étudié l’archéologie classique et l’égyptologie. Elle est doctorante à l’Université de Fribourg et prépare actuellement sa thèse dont le sujet porte sur la fabrique des premières images chrétiennes, une étude entre images et textes, archéologie et histoire des religions. Sa thèse contribue au projet de FNS-Eccellenza sur la compétition religieuse dans l’Antiquité tardive.
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«L’échange Erasmus se doit d’être le plus enthousiasmant possible» /alma-georges/articles/2021/lechange-erasmus-se-doit-detre-le-plus-enthousiasmant-possible /alma-georges/articles/2021/lechange-erasmus-se-doit-detre-le-plus-enthousiasmant-possible#respond Tue, 21 Sep 2021 14:02:39 +0000 /alma-georges?p=14422 Léah Weber et Rocco Vitale, tous deux étudiants à l’Université de Fribourg, se sont passés le relais de la présidence de l’Erasmus Student Network Fribourg (ESN) pour cette nouvelle année académique. Étudiants engagés et passionnés, ils représenteront l’ESN à la troisième édition de la Journée portes ouvertes Explora du 25 septembre prochain. Covid-19 oblige, Audrey Bertschy les a interviewés par écrans interposés. 

Rocco Vitale, quels sont vos défis futurs en tant que président de l’ESN?
Actuellement, il convient d’assurer la reprise concrète et dynamique des activités de l’ESN, mises à mal depuis l’arrivée de la pandémie de COVID. Leah Weber a assuré sa présidence et maintenu les activités en ligne durant cette année particulière, mais nous devons garder à l’esprit que la maladie circule toujours et donc faire preuve d’une plus grande flexibilité.

Rocco Vitale, nouveau président de l’ESN et étudiant de master en histoire contemporaine et en philosophie

Avez-vous des objectifs en particulier?
Rocco Vitale:
Le but premier de l’ESN est de rendre l’échange des étudiantes et étudiants le plus enthousiasmant et passionnant possible. Nous tenons à faire connaître les particularités de la ville de Fribourg et de son université, comme le bilinguisme par exemple. Plus généralement, il s’agit de promouvoir la culture suisse et en particulier la Fribourg internationale. Chaque section locale de l’ESN a pour but de contribuer à la satisfaction et à l’intégration des étudiantes et étudiants durant leur séjour en Suisse. Au niveau institutionnel, c’est même la raison d’être de l’ESN. Mais il est important de souligner que cela ne va pas que dans un sens et que cette expérience est tout aussi enrichissante pour nous que pour les étudiant·e·s étranger·ère·s: nous découvrons d’autres cultures, d’autres mentalités et tout ceci contribue à construire des ponts culturels importants.

Leah Weber, présidente sortante d’ESN

Quels sont les principaux évènements prévus cette année?
Rocco Vitale:
Nous avons les événements récurrents, tels que les «Welcome Weeks», co-organisés par l’ESN Fribourg et le Service des relations internationales (SRI) de l’Unifr. Durant trois semaines, des volontaires de l’ESN accueillent les nouvelles et les nouveaux étudiantes et étudiants participant aux cours intensifs de français et les accompagnent durant leurs différentes activités.
Leah Weber: J’ajouterais le «cultural café», que nous avons mis en place au semestre de printemps 2019. Chaque mois, une étudiante ou un étudiant présente son pays et se charge d’apporter des mets caractéristiques de sa région pour les autres membres. Le but de cette rencontre est de découvrir et de faire découvrir d’autres cultures culinaires et de partager un moment convivial entre membres de l’ESN. Au niveau des excursions, nous proposons chaque année les grands classiques du canton, comme la visite de la Maison Cailler ou de la cité médiévale de Gruyères. Les autres événements, tels que les excursions, les sorties ou les randonnées, sont proposés et organisés par les membres du comité; c’est d’ailleurs une des conditions pour être un·e membre actif·ve de l’ESN. Il y a vraiment toute une panoplie d’activités annuelles programmées, ce qui rend l’ESN très dynamique. Tous ces événements permettent de pérenniser des liens avec les étudiantes et étudiants étranger·ère·s et de promouvoir notre université à l’échelle internationale.

Le concept de «cultural café» a du reste reçu une mention par le Network International. Pouvez-vous nous en parler?
Rocco Vitale:
Chaque année, le Network International offre des mentions pour des thématiques spécifiques, comme la promotion de la biodiversité ou le souci d’inclusivité, par exemple. Au mois de mai 2021, nous avons obtenu la mention de la catégorie culturelle, pour la proposition d’un concept ayant eu un impact sur la compréhension mutuelle des cultures et des mentalités entre les différents pays. Nous sommes très satisfaits, car nous pouvons désormais mettre à profit cette reconnaissance comme un signe distinctif de notre section locale et créer de nouvelles synergies avec d’autres universités ou d’autres établissements d’enseignement supérieur.

Les étudiantes et étudiants de l’Université peuvent-ils aussi participer aux événements organisés par l’ESN?
Leah Weber:
Les événements sont ouverts à tous les étudiantes et étudiants de l’Université. Bien sûr, les Erasmus sont le premier public ciblé ainsi que les membres du comité et les membres actif·ve·s de l’ESN. De plus, nous bénéficions de prix spéciaux pour les étudiantes et étudiants en échange et les membres qui se procurent la carte ESN. Au prix de 10.- francs par année, cela leur permet de participer aux événements à un tarif réduit, voire gratuit. Comme nous dépendons financièrement des subsides de l’Association générale des étudiantes et étudiants de l’Université de Fribourg (AGEF), ce montant nous aide aussi à nous financer.

Combien comptez-vous d’étudiantes et étudiants Erasmus cette année?
Leah Weber:
Il y a environ 120 étudiantes et étudiants en échange, dont 30 qui participent aux cours de langue préparatoire et nous comptons 37 membres actif·ve·s.

Est-ce que vous collaborez avec l’Erasmus Student Network Suisse?
Leah Weber: Les présidentes et les présidents des sections locales se rencontrent tous les mois pour échanger leurs propres expériences au niveau organisationnel et structurel. Il y a aussi des événements nationaux organisés par l’ESN Suisse avec différentes sections et également des événements intersectionnels qui peuvent être ouverts aux étudiantes et étudiants de l’ESN Fribourg.

Rocco Vitale, vous serez présents à la Journée portes ouvertes Explora du 25 septembre prochain, quel sera votre rôle durant cette journée?
Nous allons organiser un stand d’information au concept ludique destiné à informer le public sur les valeurs qui nous guident, telles que l’échange et la mobilité. Quatre membres du comité de l’ESN organiseront aussi un «Newbies Tour» dans la matinée. Concrètement, nous offrons une visite guidée de Fribourg pour les néo-arrivant·e·s, de l’Unifr, qui peut être donnée, suivant les inscriptions, en français, en allemand, en italien ou en anglais. Participer à cette journée portes ouvertes est une première pour l’ESN, car nous n’avons jamais collaboré à cet événement destiné au grand public. L’idée de cette collaboration avec le SRI est née après avoir reçu la mention du «cultural café» du Network International. Cette journée nous permettra de mettre en valeur cette distinction. C’est une belle opportunité pour nous rendre plus visibles et être reconnus comme partenaire institutionnel de l’Université de Fribourg. Nous espérons rendre attentive la population locale à l’enrichissement culturel qu’apportent les étudiantes et étudiants en échange au sein de la ville. Pour l’ESN, il est indispensable de n’avoir pas uniquement un soutien venant de l’intérieur de l’Université, mais de l’obtenir aussi des gens vivant à l’intérieur de la ville.  Tout cela contribue à représenter la dimension internationale de l’Unifr.

Leah Weber, que garderez-vous comme expérience en tant que présidente et membre de l’ESN?
L’ESN a été un réel coup de cœur et je me suis beaucoup investie durant mon parcours d’étudiante Erasmus. Etre présidente ou président demande d’être toujours auprès des gens, de les guider, d’entendre leurs envies et leurs besoins. C’est un engagement qui implique une grande responsabilité. Pour moi, l’ESN restera une expérience très enrichissante que je ne pourrai jamais oublier. J’ai tant appris en tant que membre, puis en tant que présidente, que cet acquis ne pourra être qu’un atout pour mon futur, tant dans le monde professionnel que dans la vie en général.

Un passage de témoin en douceur.
Leah Weber, étudiante Bachelor en anthropologie sociale et en philosophie, est originaire d’Argovie. Elle étudie à l’Université de Fribourg depuis 2018. Membre active de l’ESN depuis ses débuts à l’Unifr, elle en est devenue la présidente en 2020. Cette année, elle transmet le relais à Rocco Vitale, étudiant Master en histoire contemporaine et en philosophie. Originaire du Tessin, son parcours se caractérise par les échanges internationaux. Suite à son premier Erasmus en Allemagne, il devient membre actif de l’ESN avec le désir de promouvoir la dimension internationale de l’Université de Fribourg. Il vient d’achever un stage de six mois à l’ambassade de Suisse à Athènes, en Grèce.
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  • à Explora
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«Il est fondamental d’offrir de la culture» /alma-georges/articles/2021/il-est-fondamental-doffrir-de-la-culture /alma-georges/articles/2021/il-est-fondamental-doffrir-de-la-culture#respond Tue, 02 Mar 2021 12:34:21 +0000 /alma-georges?p=13165 Jongler d’une langue à l’autre en maintenant l’émotion du texte d’origine, tel est le défi quotidien des traductrices et traducteurs. Le festival de traduction et de littérature «aller-retour», qui aura lieu le 6 mars prochain, est l’occasion de mettre en lumière leur travail souvent méconnu.

Mesures sanitaires obligent, le festival sera retransmis en direct depuis l’espace culturel du Nouveau Monde, à Fribourg. Lectures, discussions et débats seront au rendez-vous de cet événement.

Thomas Hunkeler, professeur de Littérature française et membre de l’organisation du festival y animera une table ronde en se penchant sur les questions de la traduction au théâtre. Il a accepté de répondre à nos questions.

Pouvez-vous nous présenter le festival en quelques mots?
L’idée de cet événement est de mettre en lumière le travail des traductrices et traducteurs qui passe malheureusement trop souvent inaperçu. On constate ce phénomène dans les journaux: très souvent, on ne mentionne pas leur travail dans le compte-rendu d’un livre paru d’abord dans une langue étrangère, alors même que ce sont leurs mots que nous lisons. Pour aller à l’encontre de cette invisibilité, nous essayons de rendre le public plus attentif à la dimension essentielle de la traduction.

Voyez-vous tout de même une amélioration dans la reconnaissance de leur travail, en particulier grâce à ce genre d’événement?
Oui, de gros efforts ont été consentis, notamment par Pro Helvetia, qui a énormément œuvré pour permettre une meilleure visibilité du métier et améliorer les conditions de travail. Tout comme la Collection ch qui a été un instrument important pour encourager l’échange culturel entre les différentes langues du pays.

Mais c’est un lent processus qui n’a pas encore abouti. Il est important de voir dans la traductrice ou le traducteur, une créatrice ou un créateur de plein droit et pas uniquement un instrument qui permet de passer d’une langue à l’autre. Il ne faut pas oublier que tous les mots que vous lisez sont traduits et que vous ne lisez donc pas un seul mot de l’écrivain étranger. Le but de cette rencontre, c’est aussi d’observer les traductrices et traducteurs en train de travailler, de les voir réfléchir à voix haute. Souvent le public est très surpris de constater que cet exercice est beaucoup plus complexe que ce qu’il croyait. C’est un travail qui, dès que l’on se penche sur les détails, devient passionnant.

Un métier qui demande donc une grande part de sensibilité…
Sans doute, oui. C’est un métier qui présuppose une excellente connaissance de sa propre langue et en même temps une profonde connaissance de l’autre culture. Il ne suffit pas de maîtriser la langue cible.

Est-ce par hasard que cet événement ait lieu cette année à Fribourg?
Non, Fribourg a été choisie à la fois parce que c’est une ville bilingue, mais aussi parce que nous sommes plus ou moins au centre du pays et que les invité·e·s viennent de tous les coins de la Suisse.

Quelle implication avez-vous dans cet événement par rapport à votre travail de recherche au sein de l’Université?
Au niveau de l’enseignement d’abord, car il y quatre ans, le Professeur Ralph Müller et moi-même avons lancé un nouveau Bachelor intitulé «Bilinguisme et échange culturel». Ce cursus met au centre notre identité fribourgeoise qui est constamment dans l’échange entre le français et l’allemand. C’est pour cette raison que je suis associé à la programmation du festival.

Sous l’angle de la recherche ensuite, car je fais partie d’un réseau regroupant quelques collègues d’universités suisses qui confronte la littérature romande, alémanique, tessinoise et romanche dans une perspective d’une histoire littéraire suisse, qui ne serait pas limitée à chaque fois aux langues isolées, mais essaie de réfléchir à tout ce qui intervient entre les différentes cultures littéraires suisses. C’est d’ailleurs une grande question actuelle de la recherche: y a-t-il une seule littérature suisse ou plusieurs?

La question de la traduction n’a, me semble-t-il, pas été suffisamment prise en compte dans l’écriture de l’histoire littéraire. Je crois qu’il y a actuellement une nouvelle façon de regarder cela, beaucoup plus attentive à toutes les figures de passeurs – dans la traduction, l’édition, les travaux de collection, ainsi que l’enseignement – qui, par le passé, ont souvent été négligées.

Impliquez-vous certain·e·s de vos étudiant·e·s dans l’organisation de ce festival?
Absolument! La volée du Bachelor de cette année est uniquement composée de filles. Ce sont ces étudiantes qui vont suivre les différentes rencontres prévues et en rendre compte sur notre site web, . Nous avions prévu une rencontre magnifique avec une organisation très complexe, des rencontres simultanées, etc. Malheureusement, avec la pandémie, nous sommes obligés de faire les choses à distance et avons dû faire l’impasse sur la belle soirée prévue. Mais, au moins, les discussions des animatrices et animateurs auront lieu en présentiel et le public pourra suivre ces discussions en live stream.

Ce qui enlève une part de spontanéité?
En effet, et c’est pareil dans l’enseignement: rien ne remplace le contact personnel. Nous perdons les rencontres qui ont lieu avant ou après l’événement. Malgré tout, nous avons décidé d’organiser ce festival parce qu’il faut le dire: le monde de la culture va mal! Il est important de donner la possibilité aux traductrices, traducteurs, artistes et écrivains de se produire et d’être payés pour cela. C’est fondamental d’offrir de la culture en cette période un peu morose.

Durant l’événement vous allez discuter des questions de la traduction sur scène. Est-ce que vous pensez que le théâtre apporte de l’importance à la traduction?
Je vais effectivement animer une table ronde avec plusieurs professionnel·le·s du spectacle, notamment avec les deux codirecteurs du Théâtre des Osses, Geneviève Pasquier et Nicolas Rossier, mais aussi avec Massimo Furlan et Claire de Ribaupierre qui ont créé plusieurs spectacles plurilingues. La coprésence des langues sur scène est un autre aspect de ma recherche. On constate qu’il y a de plus en plus de surtitrage au théâtre, certes limité, car tout ce qui est dit ne peut être traduit. Ce phénomène est encore peu étudié, comparé au sous-titrage des films. Ce que l’on va aborder durant cette table-ronde, c’est la manière de prendre en charge une société plurilingue. Comment cela se reflète-t-il sur les scènes et dans le public? Nous allons essayer de comprendre ce que cela signifie d’avoir des personnes sur scène qui parlent une autre langue ou avec un accent. Comment les responsables de la mise en scène vont-ils décider de ce qu’il faut traduire ou, au contraire, de ce qu’il faut laisser pour confronter la spectatrice ou le spectateur à la langue étrangère? Pour le chercheur que je suis, ce sont des questions essentielles.

Pensez-vous que les programmes de traduction automatique puissent supplanter le travail de l’être humain? Comment voyez-vous l’avenir de ce métier?
C’est une des grandes questions! Grâce aux algorithmes, la traduction automatique s’améliore à une vitesse incroyable, et ces logiciels ne sont plus du tout à un niveau caricatural comme ils l’étaient il y a encore une dizaine d’année. Je connais des traductrices et traducteurs qui utilisent ces moyens et retravaillent le texte par la suite. Certes, ce n’est pas parfait, mais est-ce que la version de l’être humain est parfaite?

Donc oui, le métier risque de changer. Une traductrice ou traducteur est confronté·e à des choix très difficiles et enregistre un nombre colossal d’éléments, tels que l’ironie, les choix lexicaux ou même les fautes de l’écrivain, mais je n’oserais pas dire que la machine ne serait jamais capable d’y arriver.

Mais au niveau des émotions? Comment une machine pourrait-elle les traduire?
La question des émotions est un point fondamental. C’est la raison pour laquelle nous avons choisi le sujet des émotions comme l’un des axes clés de ce festival. Souvent, les gens ont l’impression que la traductrice ou le traducteur est quelqu’un de très froid·e, réfléchi·e et distant·e, alors que pas du tout. Au contraire, elle ou il doit décrypter les émotions en mobilisant les siennes; et je pense que la machine ne peut pas encore exprimer cela parfaitement.

Les métiers de la traduction et de l’interprétation ont donc encore de beaux jours devant eux?
Oui, j’en suis certain!

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  • Page du professeur Thomas Hunkeler
  • complet du festival
  • Image de une: de gauche à droite: Fatima Moumouni (modératrice), Pedro Lenz (auteur), Guy Krneta (auteur), Raphael Urweider (traducteur), Daniel Rothenbühler (traducteur); © ch-Media, Sonja Furter
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